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«L’écriture va disparaitre, et alors ?» : Blaise Mao est l'invité de Culture médias
Europe 1
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27/01/2025
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News
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00:00
On reprend 9h30, 11h avec Thomas Hill et avec votre invité ce matin, Thomas.
00:03
Oui, je reçois ce matin Blaise Mahaut, directeur de la rédaction de Futur,
00:07
qui, comme son nom l'indique, s'intéresse à ce qui devrait nous arriver dans les années à venir.
00:11
Et alors, j'ai été assez interpellé par votre nouveau numéro qui vient de paraître,
00:15
intitulé « L'écriture va disparaître, et alors ? ».
00:19
Qu'est-ce qui vous permet déjà d'affirmer que vraiment l'écriture va disparaître dans les années à venir ?
00:24
En fait, on est en train de vivre un paradoxe, c'est-à-dire qu'on n'a jamais autant écrit,
00:27
et pourtant, on est en fait au bord, à la fin d'un âge qui est celui de l'écriture.
00:33
On est au pic, là !
00:34
Oui, on est au pic, on est à l'acmé, on est vraiment au point culminant de cette écriture,
00:40
et ça va redescendre, et on est au tout début, à l'aube d'une nouvelle ère,
00:43
qui verra sûrement l'écriture disparaître, et c'est pas nous qui l'affirmons,
00:46
c'est une philologue qui s'appelle Sylvia Ferrara,
00:48
qui spécialise des conditions d'émergence de l'écriture dans différentes civilisations,
00:52
et qui est convaincue qu'on est à l'aube de cette disparition de l'écriture.
00:56
Alors, il y a plusieurs indices qui nous laissent penser ça,
01:00
il y a évidemment l'énorme succès de la voix et des formats autour de la voix,
01:02
le podcast, le vôtre évidemment, Thomas, mais pas seulement,
01:06
le podcast, le livre audio qui cartonne, notamment chez les jeunes,
01:09
sur des plateformes comme Spotify...
01:11
Ah, les jeunes lisent moins, et ils préfèrent écouter ?
01:14
Ils écoutent beaucoup de livres audio.
01:15
Ah oui, ça pousse en plus.
01:16
Le livre audio a eu un pic au début, s'est stabilisé, il a un peu chuté,
01:18
puis là, ça repart, notamment chez les jeunes.
01:21
Et puis, on voit d'autres indices, peut-être plus symboliques, mais marrants aussi,
01:24
comme l'effondrement des ventes de stylo-plumes,
01:27
les ventes ont été divisées par deux en moins de dix ans en France.
01:30
Et notre vocale aussi, qui se développe énormément.
01:33
Ça cartonne, 7 milliards...
01:34
On n'envoie plus des messages, on envoie des sons.
01:37
Et là aussi, c'est très générationnel.
01:39
Donc, ça qui est intéressant, c'est que les évolutions sont très liées aux nouveaux usages,
01:42
et puis dans le même temps, il y a l'IA, l'intelligence artificielle,
01:45
qui permet de faire des gros progrès en termes de traduction instantanée.
01:48
Donc, on sait que dans un futur assez proche,
01:51
à l'horizon de quelques années, on va pouvoir très probablement
01:54
traduire instantanément quand on est à l'étranger.
01:56
Et donc, tout ça nous laissait penser qu'on allait vers la fin de l'écriture.
02:01
Vous donnez quelques chiffres pour aller dans le sens de votre thèse
02:03
de la disparition de l'écriture.
02:05
En 2008, un Français envoyait encore 45 lettres par an.
02:08
C'est tombé à seulement 5 en 2020.
02:11
Donc, ça s'est passé vraiment en quelques années.
02:13
78% des Français qui disent écrire moins à la main aujourd'hui qu'il y a dix ans,
02:17
ce qui est assez logique avec tous les outils numériques que l'on a maintenant.
02:20
Mais quand on lit votre dossier,
02:22
ce n'est pas seulement l'écriture qui semble vouée à disparaître,
02:25
mais carrément l'écrit tout court,
02:28
l'écrit qui sera remplacé petit à petit par l'oral.
02:30
C'est bien ça.
02:30
Oui, ce n'est pas que le stylo et la main, c'est aussi le clavier.
02:34
C'est aussi l'écriture numérique.
02:35
C'est ça qui est intéressant.
02:36
En fait, ce qui va se passer,
02:37
ce n'est pas une disparition brutale du jour au lendemain de l'écriture.
02:41
C'est une sorte de fusion, d'hybridation entre les usages vocaux et les usages écrits.
02:46
Par exemple, pour prendre un exemple très simple,
02:50
la plateforme WhatsApp permet déjà de traduire ses notes vocales en texto.
02:54
L'option est proposée.
02:55
Donc, si on n'aime pas les notes vocales ou que c'est pas sa génération,
02:58
qu'on trouve ça interminable comme moi, les messages d'une minute trente,
03:02
on pensait que c'était fini, les messages téléphoniques,
03:04
et ça revient par la porte derrière, on peut les lire en texto.
03:07
Ces usages-là, la possibilité de choisir entre l'écrit et l'oral,
03:10
ça va énormément s'accélérer.
03:13
Et en fait, on est à un âge où il y a plusieurs formes d'oralité.
03:17
Il y a l'oralité directe, le dialogue.
03:18
Il y a l'oralité qu'on appelle secondaire.
03:20
C'est exactement ce que vous êtes en train de faire.
03:22
C'est-à-dire, c'est un exercice oral, mais on a une feuille écrite.
03:24
C'est une oralité qui a été pensée, préparée.
03:26
Et là, on rentre peut-être dans un âge qui serait une oralité tertiaire,
03:29
une nouvelle oralité qui reste à inventer.
03:31
Et on voit qu'avec des plateformes comme TikTok,
03:34
où on génère du contenu sans texte, sans mots,
03:37
et pas lié au contenu qui est sur Internet ou sur les autres réseaux sociaux.
03:42
On est sur quelque chose de nouveau, d'émergeant,
03:44
et donc c'est encore difficile de saisir les contours.
03:46
Et c'est vrai que la vidéo, maintenant, est absolument partout.
03:49
Il y a un journaliste américain qui s'appelle Jeff Jarvis
03:51
qui parle carrément de la parenthèse Gutenberg.
03:54
Gutenberg, l'inventeur de l'imprimerie.
03:56
Donc, ça veut dire qu'on va aussi peut-être arrêter de lire dans les années à venir ?
04:00
Alors, ce qu'il dit, en fait, c'est qu'effectivement,
04:03
on est à la fin de six siècles qui auront vu l'imprimer et l'écrire
04:08
dominer notre civilisation.
04:11
Et ce qu'il dit, c'est qu'en fait, écrire,
04:13
on sous-estime à quel point écrire,
04:15
c'est difficile et voire insupportable pour beaucoup de gens.
04:18
En fait, écrire, c'est compliqué, c'est lent, ça prend du temps.
04:21
Il faut réfléchir avant de traduire ça en mots.
04:24
Pour aimer écrire, il faut vraiment dompter les mots.
04:28
Et la vraie question, c'est...
04:30
Et les gens détestent écrire.
04:31
Beaucoup de gens détestent écrire.
04:32
Et à l'inverse, on lit beaucoup plus.
04:34
Mais est-ce qu'on lit vraiment ?
04:35
Est-ce qu'on lit avec une vraie attention ?
04:37
En fait, on balaye beaucoup de mots,
04:38
mais on lit de manière beaucoup moins intense en lecture profonde qu'avant.
04:42
C'est ça qui est intéressant,
04:42
c'est que la lecture va sûrement devenir presque un exercice à part entière,
04:46
plus qu'un plaisir, parce qu'on sait qu'elle a des vertus,
04:49
notamment pour développer l'empathie, pour développer la concentration.
04:51
Donc, il y a un vrai sujet sur la lecture profonde, la lecture vraiment intense.
04:54
Et dans votre magazine Futur Blaise Mahaut,
04:56
vous vous intéressez aussi à notre système éducatif,
04:59
qui est entièrement basé sur l'écrit depuis toujours
05:01
et qui, lui aussi, pourrait prendre un virage vers davantage d'oral.
05:05
Dans les années à venir, on va davantage favoriser l'aisance à l'oral.
05:09
Oui, ça a déjà commencé depuis 2019.
05:10
Il y a des cours d'éloquence en France qui sont donnés dans plusieurs centaines d'écoles.
05:15
La réforme du bac a instauré un grand oral.
05:17
Il y a aussi plus de contrôle continu,
05:18
mais il y a un grand oral qui était avant le grand rendez-vous,
05:21
plutôt dans l'enseignement supérieur.
05:24
Et effectivement, on voit se développer
05:25
des cours autour de l'écoute active de voix, de personnages.
05:31
On voit se développer des jeux de rôles en histoire,
05:33
notamment dans plusieurs lycées aux Etats-Unis.
05:35
Ils refont la conférence de Yalta en 45 où on peut jouer Roosevelt,
05:39
on peut jouer Churchill, on peut jouer les différents Staline,
05:41
les différents protagonistes.
05:43
Et c'est en fait cette mise en scène, le fait de prendre la voix
05:47
et d'apprendre à dompter sa voix,
05:51
augmente énormément les capacités d'empathie
05:53
et les compétences psychosociales de base qu'on a perdu depuis 20-30 ans.
05:57
C'est vrai que ce sont des aptitudes à avoir pour l'avenir
06:00
qui sont absolument essentielles, Anissa.
06:02
Ça fonctionne sur tous les exemples que vous venez de donner,
06:04
mais par exemple, qu'est-ce que vous faites des métiers de l'administration
06:08
qui nous écrient encore, et des métiers comme par exemple un avocat
06:11
qui a un dossier très écrit avec toutes les preuves,
06:13
il y a encore beaucoup d'écrits dans tous ces métiers-là.
06:17
Il y a encore beaucoup d'écrits et notamment de l'écrit administratif,
06:20
le bureaucratique, et c'est ça la vraie difficulté.
06:23
Normalement, on est quand même en train de vivre un début de révolution
06:26
avec l'intelligence artificielle qui devrait faciliter, je dirais,
06:28
une forme de cette hybridation dont je parlais entre écrit et oral.
06:31
Donc même ces métiers-là seraient touchés par cette révolution ?
06:34
Je pense que les métiers de juriste ou de comptable
06:37
sont parmi les plus concernés par la révolution de l'intelligence artificielle.
06:40
Ils vont vraiment être assistés.
06:42
Et les journalistes comme vous aussi ?
06:43
Directement, directement.
06:45
C'est d'ailleurs un certain paradoxe, Blaise Mahaut,
06:47
que ce soit un magazine papier qui nous annonce que demain,
06:50
l'écrit va disparaître.
06:51
En plus, vous parlez à un fétichiste du papier.
06:53
Quand vous me mettez dans une papeterie, je suis le plus heureux des hommes,
06:55
je repars avec 12 crayons et 40 stylos.
06:57
Donc non, il y a un vrai paradoxe, c'est ça qu'on trouvait amusant,
07:01
et c'est pour ça qu'on a mis le « et alors ? ».
07:02
C'est-à-dire qu'en fait, l'idée de ce dossier,
07:04
c'est de ne pas tomber dans la panique morale,
07:05
de ne pas dire « c'était mieux avant, c'est la cata, on ne sait plus écrire ».
07:09
C'est d'essayer de comprendre.
07:09
C'est aussi excitant.
07:10
En fait, c'est inquiétant, mais c'est excitant.
07:12
Et puis moi, je suis génération 84,
07:14
j'ai connu le monde sans Internet, le monde avec le modem.
07:18
En fait, on est habitué aux transitions technologiques accélérées.
07:21
Ça, c'est intéressant de réfléchir à ces questions-là.
07:24
Le magazine futur est à retrouver en librairie.
07:26
Restez avec nous, Blaise Mahaut,
07:28
pour suivre l'actu des médias dans un instant.
07:29
Le journal des médias de Julien Pichenay arrive dans un instant sur Europe 1
07:32
et ce matin, on va parler de la Star Academy.
07:34
Ben oui, la finale, c'était ce week-end,
07:37
dans une ambiance assez tendue, surtout sur les réseaux sociaux.
07:42
On vous explique tout ça dans un instant sur Europe 1, tout de suite.
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