- 30/06/2023
Vendredi 30 juin 2023, SMART BOURSE reçoit Valérie Gastaldy (Stratégiste, DaybyDay) , Pierre-Olivier Beffy (Gérant et chef économiste, Boussard et Gavaudan) et Thomas Friedberger (Directeur général adjoint, Tikehau Capital)
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00:00 *Musique*
00:10 Et c'est parti pour Planète Marché, une quarantaine de minutes ensemble pour décrypter l'actualité, parfois politique, souvent économique et surtout financière dans Smart Bourse.
00:18 Ce soir, nous avons le plaisir d'être accompagnés par Thomas Friteberger. Bonsoir Thomas Friteberger.
00:22 Bonjour Nicolas.
00:23 Vous êtes le directeur général adjoint de Tickeo Capital. A vos côtés, nous avons le plaisir d'accueillir également Valérie Gastaldi. Bonsoir Valérie Gastaldi.
00:28 Bonsoir Nicolas.
00:29 Vous êtes stratégiste chez Day by Day et nous accueillons également avec plaisir Pierre-Olivier Béfy. Bonsoir Pierre-Olivier Béfy.
00:34 Bonjour Nicolas.
00:35 Vous êtes gérant et économiste chez Boussard et Gavodin, fondateur également de l'association L'Echo à Venir.
00:40 On va commencer avec vous Pierre-Olivier Béfy. On donnait il y a un instant les chiffres de l'inflation dans Corso Neuro et aux Etats-Unis qui viennent clôturer quelque part une semaine chargée en indicateurs économiques.
00:50 Des indicateurs économiques globalement bons. Si on met de côté le sujet Allemagne avec un ifo un petit peu décevant et un sujet inflation allemande sur lequel on pourra revenir.
00:59 Quelle lecture vous avez d'abord de ces indicateurs et d'une incidence potentielle sur le questionnement des marchés, celui des stratégies monétaires des banques centrales ?
01:08 Sur l'inflation d'abord, les chiffres sont plutôt, je dirais légèrement mieux mais plutôt en ligne avec ce que les gens attendaient.
01:16 Je pense que le point qui est très important maintenant pour ce qui va se passer c'est plutôt la question de savoir une fois qu'on a tous les effets de base qui étaient très favorables à la baisse de l'inflation,
01:25 on sait que ça va se compliquer un peu pour la suite. Donc le marché il est assez anxieux là-dessus, on l'a vu après ce qui s'est passé au Royaume-Uni.
01:33 Donc le marché obligataire je pense qu'il se comporte de la manière suivante. Il se dit aujourd'hui où est-ce que je vais m'arrêter ?
01:41 Et je pense qu'il est assez rassuré par les derniers chiffres. Ils ne vont pas aller très loin finalement, on a encore quelques hausses mais ça ne va pas aller très loin.
01:47 Donc ça valide un scénario qui n'est pas celui dit par les banques centrales mais qui est celui auquel croit le marché ?
01:51 Oui et le deuxième point, alors ça dépend parce que pour la BCE ils sont assez en ligne, peut-être la Fed ils attendent une de moins,
01:57 mais enfin la Fed, celle qu'on attend de moins c'est celle de novembre donc on a le temps peut-être de voir ce qui va se passer d'ici là.
02:02 Et puis le deuxième point c'est aussi que je pense que le marché maintenant sa question c'est plus, c'est là, il y a quand même un peu de resserrement,
02:08 c'est de savoir combien de temps les banques centrales vont rester à ce niveau-là.
02:11 Et je pense que c'est un peu ce qu'on a vu à Sintra, d'ailleurs après il y avait pas mal de banquiers centraux qui disaient la même chose,
02:16 qui disaient grosso modo on a déjà fait tellement, bon on ne va pas continuer à monter comme ça jusqu'au ciel,
02:20 maintenant il faut laisser le temps pour voir ce que donne la politique monétaire.
02:23 Oui parce qu'on n'a pas non plus entendu à Sintra qu'ils envisageaient des baisses tout de suite pour le coup,
02:27 l'idée c'est plutôt de marteler l'idée qu'on restera dans un environnement de taux élevé.
02:31 Ce qui est très compliqué et je pense que c'est très constant dans tous les commentaires de banquiers centraux,
02:36 c'est qu'on sent que la politique monétaire ne s'est pas vraiment encore transmise à l'économie.
02:41 Alors c'est un peu bizarre parce qu'on a quand même des très fortes hausses de taux,
02:43 donc on commence à avoir quand même une pression assez forte sur certains acteurs les plus fragiles,
02:48 on l'a vu avec SVB, avec les banques, mais de manière globale c'est un poison un peu lent.
02:54 Et puis la deuxième chose, il ne faut pas oublier que dans l'après-Covid,
02:57 il y a eu beaucoup d'entreprises de ménage et d'État qui ont loqué des taux très très bas.
03:02 Alors quand on est à des taux plus variables, je prends l'exemple du Royaume-Uni qui a par exemple pour l'État un tiers de sa dette indexée sur l'inflation,
03:08 donc c'est une taux variable sur un tiers, ça va très très vite, donc il y a une pression supplémentaire.
03:12 Mais si on regarde l'exemple français par exemple, c'est encore à diffusion lente,
03:15 alors qu'on sait que d'ici trois ans il va sans doute falloir trouver 70 milliards d'économies pour combler la hausse des charges d'intérêt.
03:22 Donc le poison est lent, il est là, il va grossir, mais pour l'instant il n'est pas...
03:26 donc les banques centrales se disent "bon, pour l'instant tous ces acteurs on ne sait pas encore ce qui se passe",
03:30 donc elles veulent voir un peu ce qui se passe.
03:32 Mais justement là-dessus, alors effectivement on peut envisager une diffusion lente,
03:36 ou on peut aussi se poser la question de "est-ce que le logiciel d'avant marche toujours ?"
03:39 Effectivement avec une démographie qui évolue, avec un niveau d'épargne qui est toujours très conséquent,
03:43 avec des stocks d'entreprises qui sont toujours très présents aujourd'hui dans certains secteurs,
03:47 est-ce qu'on regarde les bons indicateurs effectivement,
03:50 ou il faut s'attendre aussi à une nouvelle normalité où le marché du travail ne baisse pas
03:53 et où l'épargne continue à soutenir la consommation pendant encore quelques mois ?
03:57 Oui, c'est une bonne question. Alors moi je trouve que c'est une question très compliquée,
04:00 je pense, personnellement je pense qu'on est quand même dans un changement de régime structurel,
04:04 avec une inflation qui sera structurellement plus élevée, voilà.
04:07 Mais après il y a quand même un point, ce cycle est très particulier,
04:12 parce que d'habitude si vous voulez quand on a une mauvaise nouvelle,
04:14 après derrière on a une baisse des taux, les gouvernements font des submises budgétaires,
04:18 voilà ce qui s'est passé, c'est qu'en fait les gouvernements sont encore en mode d'expansion budgétaire massif.
04:24 On l'a vu aux Etats-Unis avec le deal qui a été fait, finalement il n'y aura quasiment pas de resserrement budgétaire.
04:31 En Europe on a des fonds de partout qui arrivent, enfin bref on crée de la dette encore de partout.
04:35 Donc le stimulus budgétaire est extrêmement puissant et donc il maintient toute une partie de l'économie en place,
04:40 notamment les services, etc.
04:42 A contrario, le secteur manufacturier, à part au Japon où ils ont dévalué de manière fantastique,
04:47 sinon enfin toutes les économies sont en récession manufacturière.
04:50 D'où aussi des déceptions plus grandes dans les grands pays manufacturiers comme l'Allemagne, la Suède, etc.
04:55 Mais grosso modo ce découplage il est là.
04:57 Je pense qu'il y a une partie qui est due quand même au fait qu'il y a eu beaucoup de biens qui ont été consommés pendant le Covid.
05:02 Donc voilà, on devrait quand même à un moment avoir un peu de soutien en disant "Ok, on a beaucoup coupé dans les biens, ça va un peu revenir".
05:10 Mais structurellement on peut aussi se poser des questions si, voilà, il y a d'un côté la politique monétaire
05:14 qui devient de plus en plus pénalisante sur le financement,
05:16 donc qui va graduellement affecter de plus en plus de secteurs et de manière de plus en plus fort.
05:21 Et je pense que le moment qui sera encore plus dangereux pour l'économie mondiale,
05:24 c'est quand vraiment on aura aussi du resserrement budgétaire qui va arriver inévitablement.
05:28 Voilà, c'est peut-être pas le sujet tout de suite, c'est pour ça que le marché peut-être est relax,
05:32 ou trop relax pour certains, mais je pense que c'est un vrai sujet à un moment.
05:37 Valérie Gastel, je rebondis sur ce que nous a dit Pierre-Olivier Béfy.
05:41 Le marché est trop relax en ce moment par rapport au sujet resserrement monétaire ou gestion budgétaire ?
05:47 Moi je réfléchis pas en ces dernières années, je ne juge pas.
05:51 Je constate.
05:52 Le marché, non, je ne juge pas le marché.
05:57 Vous êtes arrivé tout de suite à la partie difficile.
06:03 Comment rebondir et continuer sur ce qu'a dit Pierre-Olivier ?
06:07 Parce que je partage cette vision que l'inflation est sans doute...
06:13 On ne va pas rejoindre les objectifs que nous annoncent les banques centrales.
06:18 Bien sûr.
06:19 La fleur au fusil, dans deux ans on ne sera pas à 2%.
06:22 Alors, il y a des côtés négatifs qui ont été soulignés.
06:28 Alors je vais proposer des aspects positifs.
06:31 Pour équilibrer, bien sûr.
06:33 En fait, je pense que pour une entreprise, actuellement, face à des problèmes d'emploi quand même,
06:44 parce que trouver les employés dont on a besoin avec les qualifications qu'on a besoin aux endroits où on les cherche,
06:50 il y a une série de contraintes auxquelles il faut répondre,
06:54 on sait que ce n'est pas facile.
06:56 Et c'est pour ça que ce chômage ne baisse pas, a priori, alors que l'activité ralentit.
07:05 Donc pour une entreprise, d'abord les employés qu'elle a, elle ne veut pas les laisser partir,
07:10 parce que le coût de formation, de remplacement, etc. est élevé.
07:13 Donc elle se dit qu'il vaut mieux payer quelqu'un pendant un an, plutôt que de faire tourner tout trop vite.
07:20 Et en plus, c'est une incitation assez forte à investir et à faire des gains de productivité,
07:26 parce que si jamais l'inflation est là pour durer, et l'inflation des salaires est là pour durer,
07:31 jusqu'à présent on a vécu dans un monde dans lequel il n'y avait pas d'inflation, il n'y avait pas d'inflation des salaires.
07:36 Donc les baisses de gains de productivité, ce n'était pas si difficile à gérer pour une entreprise,
07:41 parce que pour satisfaire ses actionnaires, elle empruntait à taux bas, elle rachetait ses actions,
07:46 elle retournait de l'argent aux actionnaires, et puis elle ne touchait pas aux salaires.
07:50 Et tout ça, finalement, ça marchait d'un point de vue boursier, ce qui est le mandat qu'ont les chefs d'entreprise.
07:55 C'est un peu le cours de bourse.
07:58 Là, ça va être un petit peu plus difficile, parce qu'emprunter à 5% pour faire du rachat d'actions, etc.,
08:04 ça a moins de sens que ça n'en avait auparavant.
08:07 Donc en fait, on se retrouve à prendre des décisions industrielles,
08:11 par "industriel" je veux dire des décisions dans son métier, pour recréer de la valeur dans son métier,
08:15 et pas de la valeur financière, comme on l'a fait au cours des 10 ou 15 années précédentes.
08:20 Donc on revient à un sujet de productivité.
08:22 On revient à un sujet de productivité.
08:24 Et, pour voir le côté positif, je suis tout à fait d'accord qu'on peut aussi le modérer, etc.,
08:29 mais je viens apporter un autre son de cloche.
08:32 Et finalement, c'est ce qui peut nous arriver de bon, parce qu'on sait très bien que
08:36 si on veut réellement relancer l'économie pour plusieurs années,
08:41 et pas juste vivre des plans de la largesse des gouvernements,
08:47 il faut que ces entreprises investissent, et qu'on trouve des nouveaux modèles de développement,
08:53 auxquels il va falloir rajouter des nouveaux modèles sociaux de distribution,
08:56 parce que si ça passe par de l'intelligence artificielle, et peut-être moins de main-d'oeuvre
09:01 pour faire même beaucoup de tâches de service, ou du tertiaire, comme on connaissait,
09:07 il faut quand même que ces gens continuent de consommer.
09:09 Mais, enfin, ça ne veut pas dire qu'on ne va pas trouver de solution.
09:12 Donc voilà, ce que je veux dire, c'est que ce type de situation fait qu'une entreprise,
09:18 pour s'en sortir, est obligée de faire des gains de productivité.
09:20 Et faire des gains de productivité, ça veut dire investir, et ça peut enclencher.
09:23 Si la confiance est là, et donc c'est pour ça que moi je m'intéresse au comportementalisme,
09:28 et pas tellement au fondamental, parce que finalement, on revient toujours à ce problème,
09:33 c'est est-ce que les entreprises ont suffisamment confiance pour franchir le pas,
09:37 et bien on va investir, et donc on part dans une dynamique positive,
09:41 et tous les problèmes auxquels on fait face, on va réussir peu à peu à les surmonter,
09:45 parce que pendant 10 ans on va être porté par ce cycle de l'investissement,
09:48 ou alors il n'y a pas de confiance, et là, les problèmes de dette, les problèmes bancaires,
09:52 tout ça, ça nous écrase, et on part pour une deuxième décennie perdue, je dirais.
09:58 Après 2008, on a eu une décennie perdue.
10:00 Ce sujet confiance, il est central, mais ça n'a pas l'air d'être la préoccupation des banques centrales aujourd'hui.
10:04 - Ils ne sont pas là pour parler de ça, ils n'ont pas de prêt.
10:07 - Non, mais c'est quand même regardé de près par les marchés.
10:09 - Mais les banques centrales, elles ne parlent pas des marchés, elles parlent du système bancaire.
10:13 - Effectivement, mais ça joue quand même sur la confiance qu'on peut avoir vis-à-vis de la croissance d'une économie,
10:19 comme les Etats-Unis ou la zone euro, pour une entreprise.
10:23 - Je crois que c'est plus difficile à décoder la confiance que ce que disent les banques centrales.
10:28 Les banques centrales, bien sûr, elles sont là pour établir une confiance dans la monnaie,
10:33 pour la stabilité du secteur financier, oui, mais la confiance dans le futur,
10:39 ce n'est pas la banque centrale qui la décide, parce que sinon elle ne disparaîtrait jamais.
10:43 - Bien sûr, bien sûr, bien sûr.
10:44 Non, mais je veux dire, l'incidence sur la croissance d'un pays ou d'une zone
10:48 en lien effectivement avec des décisions monétaires peut jouer sur la confiance d'une entreprise
10:52 à décider d'investir sur les prochaines années.
10:55 - Peut-être que ça se joue en sens inverse.
10:59 - La confiance, elle émane de tous les éléments du système,
11:04 donc de vous, de moi, de l'entreprise, des gens qui sont des gouverneurs des banques centrales,
11:10 de plein de choses.
11:11 Elle est complètement diffusée dans la société.
11:15 Et en fait, pour moi, il y a justement des périodes qui sont plus propices à cette confiance que d'autres.
11:24 A priori, on est plutôt dans une période où...
11:27 - La confiance repart.
11:28 - Elle doit revenir. On n'y est pas encore.
11:32 - Mais on l'attend.
11:33 - Oui, quand on a aussi ces situations de conflits extrêmement forts dans les sociétés,
11:42 comme on l'a actuellement, on est un peu au fond du trou.
11:47 Donc il y a un moment où on reconstruit quelque chose,
11:51 où on reconstruit un modèle et où on a à nouveau un avenir.
11:55 - Elle est toujours venue.
11:59 - Bien sûr.
12:00 - J'observe le passé, ce qui s'est passé dans l'histoire.
12:03 Et l'homme a cette particularité qu'il s'en sort.
12:09 Il rebondit. Il y a des groupes, il y a des leaders, il y a une histoire,
12:15 il y a des cycles qui se répètent avec des moments où il y a des conflits
12:19 parce que la confiance se dissipe et puis d'autres où les choses s'améliorent, etc.
12:23 Donc avec plusieurs strates dans le temps, mais d'un point de vue de l'industrie,
12:31 on a cette opportunité qu'il y ait cette pression sur les entreprises
12:35 à se décider à investir plus qu'elles ne l'ont fait au cours de la décennie précédente,
12:39 justement parce qu'il y a des hausses de taux et de l'inflation.
12:42 - Et donc un nouveau paradigme, en fait, si je comprends bien,
12:45 il serait illusoire pour une entreprise de s'attendre à retrouver les conditions d'avant,
12:50 d'avant Covid et il faut se réinventer effectivement dans un monde d'inflation élevée
12:55 et de taux qui resteraient élevés face à une inflation élevée.
12:58 - Oui, on est d'accord.
13:00 - C'est une certitude.
13:02 - Pour moi, c'est une certitude. Après, on peut en débattre.
13:06 - Thomas Friedberger, avant peut-être de passer aux entreprises et à la saison des résultats,
13:09 sur le contexte macro, que ce soit de part et d'autre de l'Atlantique,
13:12 qui sont alors certains dits sur deux cycles différents,
13:15 d'autres militent plutôt sur le fait que les États-Unis sont en avance de phase
13:19 vis-à-vis de la zone euro. Quelle lecture vous en avez avec les chiffres
13:22 qu'on a eu cette semaine, mais de manière plus globale également ?
13:25 - Sur le cycle d'investissement, je pense que tout a été dit là pour le coup.
13:29 Alors, je vais le redire avec d'autres mots, mais on rentre dans une phase de temps long.
13:32 C'est-à-dire que pendant 35 ans ou 40 ans, même la baisse des taux continue
13:37 et la mondialisation ont fait que la création de valeur économique s'est faite
13:41 principalement par génération de déficience.
13:44 On a sur-optimisé tout un tas de choses.
13:47 L'endroit où les entreprises produisent, d'où les salaires bas d'ailleurs,
13:50 l'endroit où elles payent leurs impôts, les coussins de capitaux propres
13:53 avec lesquels elles opèrent, avec ces fameux rachats d'actions
13:55 financés par de la dette. Et là, les tensions entre les USA et la Chine,
13:59 puis la crise de la Covid, puis la guerre en Ukraine font qu'on passe
14:02 dans un cycle de remontée de taux d'intérêt, de démondialisation,
14:05 de relocalisation des écosystèmes qui obligent les entreprises
14:08 à générer de la valeur financière, non pas par création d'efficience,
14:11 mais par création de résilience. Et ça, ça va les forcer à investir.
14:14 Clairement, elles doivent investir pour créer cette résilience-là
14:17 dans la transition énergétique en adressant l'efficience énergétique
14:20 de leurs bâtiments, de leurs process industriels, de leur flotte,
14:23 parce que si elles ne le font pas, elles ne seront pas compétitives,
14:26 parce que leurs coûts par ailleurs ont augmenté.
14:28 Elles doivent investir dans la cyber, les États doivent investir
14:31 dans la défense, etc. Donc création de résilience.
14:33 Donc on repasse dans un temps long. C'est pour ça que je ne suis pas sûr
14:36 que la confiance soit... La confiance, c'est un indicateur de temps court
14:39 qui dépend beaucoup de la conjoncture, qui a son importance bien sûr,
14:42 mais on passe dans un cycle où les entreprises n'ont pas le choix,
14:44 elles vont devoir investir massivement. Mais ça, ça veut dire quoi ?
14:46 Ça veut dire déjà beaucoup moins d'optimisation, donc moins de levier,
14:51 moins d'ingénierie financière, et donc une croissance plus faible partout.
14:57 Sauf peut-être dans les endroits où justement les vendeurs de pelle
15:00 de la résilience dans la transition énergétique, dans la cyber, etc.,
15:03 où là, il y a peut-être des méga tendances de croissance,
15:06 mais la croissance doit ralentir. Et c'est plutôt une bonne nouvelle d'ailleurs,
15:09 parce que ce cycle-là de 40 ans, il a quand même mis le climat dans le mur,
15:12 les inégalités aussi, et puis quand même des mauvaises allocations de capital.
15:16 Donc on retrouve le SLG là. Donc ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle.
15:20 Là où c'est compliqué, c'est qu'on assiste dans ce cadre-là,
15:25 et parce qu'il y a un aspect structurel à l'inflation, je suis assez d'accord avec ça,
15:29 pour des raisons démographiques, pour des raisons de mix énergétique,
15:32 et pour des raisons de démondialisation qui est inflationniste,
15:35 les banques centrales et les gouvernements, pour la première fois depuis ce cycle
15:41 de baisse des taux qui date du milieu des années 80,
15:44 sont dans un désalignement d'intérêt total,
15:47 où les banques centrales doivent combattre l'inflation, et le disent,
15:51 le marché ne veut pas trop l'entendre, mais cette inflation est beaucoup plus structurelle
15:57 que ce qu'on veut bien penser, et puis les Etats, eux,
16:01 sont dans une trajectoire budgétaire qui ne va pas s'arrêter,
16:05 parce que aux Etats-Unis, le premier budget c'était la défense,
16:12 mais maintenant les dépenses de santé commencent à prendre le pas,
16:16 alors que les budgets de défense ne vont pas baisser, pour plein de raisons.
16:19 En Europe c'est l'inverse, c'était le welfare state qui coûtait cher aux Etats,
16:22 maintenant c'est aussi la défense, et donc en fait, tous les Etats,
16:27 en tout cas dans les pays développés, sont dans des trajectoires budgétaires qui se dégradent.
16:30 Et le fait que cet épisode du plafond de la dette soit intervenu à un moment
16:35 où il y a le plein emploi aux Etats-Unis, on était tous très contents que le plafond de la dette
16:39 ne soit plus un problème, mais c'est quand même assez inquiétant,
16:41 parce que d'ici à la fin de l'année, le gouvernement va quand même mettre,
16:45 le Trésor va quand même mettre plus d'un trillard de T-bills à 5% de rendement,
16:49 ce qui va assécher la liquidité, et ce qui m'inquiète le plus,
16:54 ce n'est pas tellement le débat entre inflation et récession,
16:56 qui est-ce qu'il est, et tout le monde a son avis là-dessus.
17:00 Ce n'est pas le plus gros sujet d'inquiétude aujourd'hui.
17:01 Le plus gros sujet c'est la liquidité, oui.
17:03 On est dans une crise de liquidité qui nous arrive dessus,
17:05 et qui va être assez compliquée à gérer.
17:07 Du fait des politiques budgétaires des Etats ?
17:09 Du fait que les gouvernements sont obligés d'émettre beaucoup de dettes,
17:14 qu'il n'y aura plus assez de croissance probablement pour absorber cette dette,
17:19 et donc on va avoir des primes de risque plus élevées, une volatilité plus élevée,
17:24 une incertitude plus élevée, un financement de l'économie réelle
17:27 qui sera un peu plus compliqué, parce que si ce n'est pas les banques centrales,
17:30 et si ce n'est pas la Chine qui achète la dette des Etats,
17:33 il faudra bien que quelqu'un l'achète, et à quel prix, et comment,
17:37 et quand ils achètent ça, ils ne financent pas l'économie forcément réelle.
17:41 Nous on prend ça comme une opportunité, apporter de la liquidité à des gens qui en ont besoin,
17:47 mais il ne faut pas se leurrer, ça se fera avec des primes de risque plus élevées,
17:53 plus de volatilité, et il va falloir avoir une sélectivité beaucoup plus forte qu'avant.
17:58 Si je comprends bien ce que vous dites, je caricature peut-être un peu,
18:01 mais les entreprises sont face à la nécessité de se réinventer,
18:05 et pour cela il va falloir investir beaucoup, donc potentiellement emprunter un petit peu plus cher,
18:09 et trouver justement ces capitaux, dans un contexte où la liquidité va être beaucoup plus complexe.
18:17 C'est là que la vertu paiera, c'est-à-dire que les meilleures entreprises,
18:23 celles qui ont une bonne allocation de capital, des bons retours sur capitaux investis,
18:28 des bonnes équipes de management qui ont une vraie vision,
18:30 pas celles qui changent d'avis toutes les trois semaines,
18:33 celles-là pourront continuer à financer dans le temps long leur croissance,
18:38 mais celles qui ont été plus imprudentes, plus agressives,
18:42 avec des murs de la dette qui se présentent,
18:45 et des murs de la dette qui se présenteront en 2024,
18:47 ils vont être assez compliqués à franchir.
18:50 Donc, grande sélectivité, et donc prime aux asset managers qui sauront être sélectifs et discriminants.
18:59 Le temps de l'allocation de capital laisse sa place au temps de la sélection de valeur, très clairement pour nous.
19:04 Pierre-Olivier Béfige, allez enchaîner sur la saison des résultats,
19:07 on parle des entreprises, on peut en parler, parler de la saison des résultats,
19:10 mais ouvrir un petit peu en réaction à ce qui vient d'être dit.
19:12 On a quand même effectivement cette échéance dans quelques jours à présent,
19:16 où on va découvrir les résultats du second trimestre,
19:19 notamment des entreprises du S&P 500.
19:22 Qu'est-ce qu'on y regarde dans le contexte qu'on vient d'évoquer actuellement ?
19:26 Sur les résultats, je pense que le discours des entreprises est un peu en train de changer.
19:32 Jusqu'à présent, c'était qui est-ce qui arrive à passer les plus grosses hausses de prix,
19:35 on va dire ça comme ça.
19:36 Maintenant, c'est qui est-ce qui fait du cost-cutting ?
19:38 On est revenu un peu dans cette thématique-là.
19:40 C'est les entreprises qui font des gains de productivité, etc.
19:44 C'est un peu le son de cloche qu'on commence à entendre.
19:48 C'est pour ça que le marché, pour l'instant, il se dit,
19:50 bon, je vais avoir moins d'inflation, je vais avoir moins de capacité à augmenter mes prix,
19:54 mais dans le même temps, on va pouvoir couper les coûts, etc.
19:57 Donc les marges seront préservées ?
19:59 Je pense qu'encore une fois, je pense que les marges, c'est un sujet...
20:04 Je pense que l'impact du stimulus budgétaire et le fait que la demande globale tient très bien en nominale
20:10 est quand même quelque chose d'assez puissant pour les marges.
20:12 Tant que pour l'instant, on n'a pas de craquage sur la demande nominale,
20:15 les marges vont continuer à bien se maintenir.
20:17 Donc je n'ai pas de gros sujets sur la saison de résultats.
20:20 Non, mais je pense que Thomas, c'est très intéressant ce qu'il dit sur la liquidité,
20:24 ça me fait beaucoup réfléchir.
20:25 Moi, je l'aborde sur un autre point qui est de me dire que pour que le système soit soutenable,
20:31 c'est-à-dire que pour qu'à la fin, on puisse financer tout ce qu'on veut financer,
20:34 l'énergie publique, la défense, la conversion des modèles avec les nouvelles technologies, etc.,
20:45 donc avoir de nouveaux modèles productifs, etc., tout ça va coûter énormément d'argent.
20:49 Et le problème, c'est qu'on ne peut pas garder des taux aussi élevés pour les financer,
20:55 ça va coûter trop cher, tout le monde va aller dans le mur.
20:58 Donc je pense qu'à la fin, je dirais la fin des fins de tout ça,
21:02 c'est d'avoir un peu de contrôle de courbe des taux, d'avoir en quelque sorte aussi de la liquidité
21:07 qui revient via les banques centrales en disant voilà, on ne peut plus mettre les taux à zéro,
21:10 mais on vous les mettra quand même à un certain niveau, mais par contre, pour la liquidité, vous en aurez.
21:15 Et après, la grande interrogation pour moi, c'est quel chemin on va pour aller vers cet équilibre.
21:21 Et il y a des bons et des mauvais scénarios.
21:24 Les mauvais scénarios, c'est qu'on peut se dire, voilà, il y a peut-être trop d'entreprises
21:27 qui sont un peu zombies dans le système qu'il va falloir nettoyer.
21:30 - Mais ça, on le disait déjà il y a deux ans.
21:32 - Oui, mais là, je pense qu'elles vont arriver au moment où ça va quand même commencer à être un peu...
21:36 - Il y a eu un sursis quoi, exactement.
21:37 - Quand on est à taux zéro, on peut rester zombie tant qu'on veut, mais à la fin là, on n'est plus à des taux...
21:41 Et même en taux réel, si on regarde ce qui se passe devant, là, les taux réels vont quand même être très élevés.
21:45 Ça va commencer à être plus compliqué.
21:47 Donc voilà, je pense qu'on est arrivé à un moment critique là-dessus.
21:50 Et après, donc il y a des bons et des mauvais scénarios, on peut sortir par le haut.
21:53 Peut-être que l'intelligence artificielle va tous nous sauver.
21:55 Et puis qu'au final, on va pouvoir créer tellement de croissance
21:58 que par dessous, on va pouvoir restructurer de manière soft, etc.
22:01 Voilà, moi, je pense que c'est des questions ouvertes.
22:04 À titre personnel, je reste quand même assez inquiet pour 2024.
22:08 Mais moi, je suis un peu comme Thomas, je partage aussi la vie.
22:10 Après, il y a des histoires timées.
22:12 C'est-à-dire que dans toutes ces grandes transitions, il y a toujours des moments où...
22:17 Par exemple, qui est-ce qui avait prévu que l'ESVB allait se passer cette année ?
22:20 Personne, voilà.
22:21 - Oui, bien sûr.
22:22 - Comment ça arrive ?
22:23 Bon, avoir des banquiers, ce n'était pas l'idée de génie.
22:26 Après, une fois que c'est passé, on se dit, finalement, on a trouvé une petite solution,
22:30 on a fait un petit bricolage et finalement, on remonte.
22:32 Avoir des banquiers depuis l'ESVB, c'était fantastique.
22:35 Donc, voilà, il faut aussi naviguer un peu tous ces éléments.
22:38 Et puis l'économie reste résiliente.
22:40 Je pense qu'on a déjà eu une crise financière.
22:41 On a déjà eu une crise bancaire.
22:42 Je pense que les gros problèmes ne viendront pas de là.
22:44 Mais c'est vrai que maintenant, on est plutôt sur un problème
22:46 qu'on n'a jamais eu, la crise de l'économie réelle.
22:48 Parce que depuis 2008-2009, on a toujours subventionné l'économie réelle.
22:52 On a toujours évité le crash, en quelque sorte.
22:54 On a eu des récessions.
22:55 Mais je veux dire, on a toujours remis de l'argent,
22:57 on a toujours remis de la liquidité, on a remis du stimulus.
22:59 Et je pense qu'on arrive à un moment où les États, dans leur capacité,
23:02 vont être plus restreints à remettre du stimulus.
23:04 À moins que les banques centrales les aident.
23:06 Mais on n'est pas dans ce régime-là, aujourd'hui,
23:07 parce que les banques centrales nous disent qu'elles veulent moins d'inflation.
23:09 Et donc, ça va être un peu plus compliqué.
23:13 Mais je ne dis pas, encore une fois, sur les deux prochaines semaines qui se passent.
23:16 Oui, bien sûr. Là, on est effectivement au moyen terme.
23:20 C'est pour donner un peu plus de perspective au moyen terme.
23:22 Valérie Gasteldi, sur tout ce qui a été dit,
23:24 ou peut-être qu'on peut apporter une touche marché également sur ce contexte.
23:28 Oui, moi j'entends le discours des banques centrales
23:32 peut-être de façon un petit peu moins pessimiste.
23:37 C'est normal, elles sont prises, les banques centrales.
23:41 Non, mais elles ne peuvent pas dire qu'elles abandonnent la lutte contre l'inflation,
23:47 vu que l'inflation n'est pas encore sur leur cible.
23:49 Donc, elles sont obligées de maintenir au moins un discours restrictif.
23:53 Par ailleurs, elles trouvent qu'elles ont déjà fait une bonne partie du chemin.
23:57 Et elles savent que si elles vont trop vite sur la fin,
24:00 elles risquent d'avoir un effet ciseau très défavorable
24:03 et de précipiter une récession violente,
24:05 ce qui n'est pas leur but et ce qu'elles ne veulent pas faire,
24:08 qu'il ne faut pas qu'elles fassent.
24:10 Donc, elles jonglent entre un besoin de potentiellement monter encore un petit peu les taux,
24:16 mais pas tant que ça, enfin pas tout de suite, il faut qu'elles attendent, 6 mois peut-être.
24:21 Et puis un discours qui doit rester restrictif,
24:24 parce qu'elles attendent que les acteurs économiques s'ajustent
24:28 à un monde dans lequel ils planifient avec de l'inflation,
24:31 donc eux-mêmes font attention et vont avoir un impact favorable sur cette lutte anti-inflation.
24:38 Mais après, je pense qu'elles vont rester dans un univers de taux réels négatifs
24:45 pendant encore assez longtemps, en moyenne, peut-être pas à tout moment,
24:50 parce qu'il n'y a pas d'autre solution pour résorber les dettes d'État
24:54 que d'avoir des taux réels négatifs.
24:56 Parce que moi, c'est ce qu'on a toujours fait.
24:59 Une fois encore, moi j'invente absolument rien.
25:01 L'histoire du monde et l'histoire des dettes, c'est ça, c'est l'inflation,
25:04 la résolution de la dette par l'inflation.
25:06 Je sais qu'on a une Banque centrale européenne qui va être plus difficile à convaincre
25:10 d'accepter ce modèle-là que d'autres banques centrales,
25:13 que l'américaine notamment, mais je pense qu'il n'y a pas d'autre solution
25:17 et que c'est celle qui va être suivie, parce que c'est toujours ce qui s'est passé.
25:21 C'est sur le long terme, ça prend des années,
25:24 et c'est vrai que par rapport à d'autres cycles économiques équivalents
25:28 dans ma vision de très long terme, en général,
25:31 quand on arrive au début d'un cycle inflationniste,
25:33 les États sont relativement peu endettés,
25:35 alors que là, on commence un cycle inflationniste avec des États qui sont très endettés.
25:38 Je ne sais pas très bien comment ça va pouvoir jouer,
25:41 mais c'est un facteur qui est limitateur de la croissance.
25:45 Dans ma vision à moi, je rejoins votre vision où vous disiez
25:48 qu'on ne va pas avoir une croissance énorme dans les années qui viennent.
25:51 Oui, sans doute que la croissance économique réelle va être limitée
25:54 par ces stocks de dettes préexistants qui font qu'il y a un moment
25:57 où l'État ne va pas pouvoir continuer à investir dans la transition énergétique,
26:02 dans le soutien social, dans tout ça.
26:05 Comment ça va se gérer ? Quand est-ce que ça va se produire ?
26:07 C'est difficile.
26:08 Et à partir du moment où on se projette dans un monde
26:10 où les taux d'intérêt sont plus élevés,
26:12 le taux d'intérêt, c'est quelque chose, c'est une volatilité de l'économie aussi,
26:17 et ça se reflète par une volatilité des marchés.
26:20 Il faut se dire que les dix ans qu'on a à vivre sur les marchés financiers
26:25 doivent ressembler à ce que l'on a vécu au cours des années 70 à 80.
26:29 C'est-à-dire qu'on peut avoir, a posteriori, quand on regarde aujourd'hui ce qui s'est passé,
26:34 on a l'impression que c'était un plat.
26:35 En fait, pas du tout, parce qu'on passait du plus bas au plus haut,
26:38 on doublait, et donc en sens opposé, on divisait par deux.
26:41 Donc quand on le vit, c'est ouf !
26:44 Et après, on en sort et c'est plus grand-chose.
26:47 Mais a priori, ce qui se présente pour les États-Unis,
26:49 c'est plutôt quelque chose de cet ordre-là.
26:51 Peut-être que le sommet le plus haut de cette longue phase séculaire
26:55 n'est pas encore en place.
26:57 Peut-être que le S&P 500 va réussir marginalement
27:00 à aller chercher un nouveau sommet qu'on ne lui connaissait pas.
27:04 Après, selon la façon dont...
27:08 Il y a un moment où l'Europe va surperformer les États-Unis,
27:11 parce qu'il y a un moment justement où c'est les secteurs value
27:15 qui vont clairement prendre le dessus.
27:17 Je pensais que ça allait être plus tôt,
27:19 et là, ce qui s'est passé au cours des derniers mois m'a donné tort.
27:22 Est-ce que...
27:24 Mais bon, je ne sais pas si j'ai complètement tort pour l'année 2023,
27:29 et si c'est la croissance qu'il faut jouer pour la deuxième partie de l'année,
27:33 ou si la deuxième partie de l'année va revenir sur la value.
27:37 Au-delà des indices, ces...
27:41 Enfin justement, ces indices, mais surtout ces marchés très concentrés,
27:46 comment est-ce qu'on l'analyse aujourd'hui ?
27:48 Enfin, ils sont semi-concentrés, ils sont peut-être plus concentrés...
27:53 En fait, ce qui est fulgurant, c'est qu'une fois encore,
27:57 on a ces fangs, certaines de ces fangs en tout cas,
28:01 qui ont repris le devant de la scène,
28:03 et on a les projecteurs braqués sur eux,
28:05 et ils font toujours une grosse pondération sur les indices américains, etc.
28:08 Quand je regarde le marché européen,
28:10 je sais que les indices de small cap ne sont vraiment pas sexy,
28:14 mais quand je regarde la participation sectorielle,
28:18 les secteurs, il y a une vraie rotation,
28:20 parce que, tiens, le retail, la distribution...
28:24 Je sais pas, moi j'étais à l'école il y a très longtemps,
28:27 et quand même, on m'apprenait que la distribution,
28:29 ça vivait de la trésorerie,
28:32 et que quand les taux montaient, la distribution, ça devait monter.
28:35 Oui, je suis vachement étonnée que les gens n'aient pas acheté la distribution il y a un an.
28:39 J'ai eu tort pendant un certain temps sur ce secteur,
28:42 là ça a explosé, c'est des toutes petites valeurs,
28:44 les valeurs de la distribution, pourtant.
28:46 Les biotech, ça va pas du tout,
28:48 mais l'immobilier, c'est des petites valeurs, ça va pas du tout.
28:53 Le tourisme, c'est toutes petites valeurs en bourse,
28:56 c'est toutes petites capilles, ça va très bien, ça se reprend,
28:59 enfin, ça avait pris beaucoup de retard,
29:01 mais cette année, ça va très bien.
29:03 Donc, en fait, il y a une rotation sectorielle,
29:06 il y a des choses qui, je pense, sont plus que des rattrapages,
29:09 c'est potentiellement les points bas qu'on a connus sur les actions,
29:13 pour certaines, les points bas, c'était en 2020,
29:17 pour d'autres, ça a été en 2022,
29:19 mais c'est peut-être des points bas relativement durables.
29:23 Mais ça veut dire quoi, dernière question, peut-être avant de passer à Thomas Trisbergé,
29:25 mais c'est qu'il y a deux marchés, il y a la lévitation des méga-capes
29:28 et ensuite, effectivement, des rotations sectorielles.
29:30 Les méga-capes, c'est le système dont on parle beaucoup,
29:31 mais moi, je trouve qu'en dehors de ces méga-capes,
29:33 donc quand on regarde le marché européen,
29:35 finalement, il y a une rotation sectorielle qui n'est pas ridicule
29:39 et que je trouve plus importante que celle qu'on a eue avant 2021,
29:47 fin 2021, début 2022, voilà.
29:50 Parce que jusqu'à un peu après Covid,
29:54 c'était croissance, croissance, croissance, croissance, croissance, croissance, voilà.
29:57 Il fallait avoir du luxe, puis du luxe, puis des techs aux Etats-Unis,
30:03 c'était tout, alors que là, maintenant, c'est un petit peu plus compliqué.
30:05 Dans le luxe, ça dépend de ce que vous avez, c'est pas bon toujours le luxe.
30:09 Donc il y a beaucoup plus de dispersion au sein des secteurs,
30:14 il faut avoir les bons chevaux dans les secteurs,
30:17 mais il y a beaucoup plus d'opportunités, il y a beaucoup plus de changements,
30:22 il y a plein de valeurs qui ne faisaient rien pendant des années
30:23 et qui sont en train franchement de se réveiller,
30:25 que je trouve super intéressante pour les deux ans qui viennent.
30:28 Thomas Fritberger, quelle analyse vous avez effectivement de ce secteur ?
30:31 Alors on attend le moment small and mid,
30:33 on attend le moment où c'est le retour effectivement de la value,
30:37 comment est-ce que vous analysez ce marché ?
30:40 Nous, on a un style d'investissement qui est très,
30:42 qui est déjà vraiment dans le très long terme
30:45 et on privilégie des sociétés de qualité,
30:47 donc on ne regarde pas trop les modes et les rotations,
30:52 on préfère investir longtemps dans des entreprises qu'on trouve nous de qualité.
30:57 Et le temps donnera raison peu importe les cycles de marge ?
30:59 Oui, alors on n'est pas structurellement des investisseurs value,
31:05 même si tout le monde dit qu'on aime bien faire de la value,
31:08 parce que c'est vrai qu'on est comme les autres,
31:09 on aime bien acheter des trucs pas trop chers, donc ça c'est value.
31:12 Mais le value, deep value, je ne sais pas comment ça s'appelle,
31:15 la vraie value, donc acheter des boîtes systématiquement pas chères.
31:19 Il y a David Einhorn, le fondateur de Greenlight aux Etats-Unis,
31:23 qui est un des meilleurs gérants au monde,
31:24 avec un track record incroyable sur plus de 30 ans,
31:27 qui a dit, je ne sais pas s'il a raison ou tort,
31:31 mais c'est intéressant ce qu'il dit,
31:32 il dit en fait la structure du marché fait qu'aujourd'hui
31:34 l'investisseur value a beaucoup moins de chances de performer qu'avant,
31:38 parce qu'avant il suffisait de trouver avant les autres un bon dossier value,
31:42 et puis les autres fondamentaux regardaient ce que vous faisiez,
31:46 et puis vous disaient "il a raison, on achète",
31:48 mais aujourd'hui il n'y a plus les autres.
31:49 C'est-à-dire qu'aujourd'hui le marché est drive par la gestion passive,
31:52 le retail et les machines.
31:53 Et donc lui il dit aujourd'hui vous pouvez avoir raison en prenant une valeur value,
31:58 mais si vous êtes le seul, parce que tous les autres c'est des machines ou du retail
32:02 qui regardent ce qu'il se dit sur les réseaux sociaux,
32:04 donc qui peut être dépendant des effets de mode ou de la gestion passive,
32:08 en fait vous pouvez rester tanqué avec votre truc pas cher.
32:11 Vous avez raison, mais c'est tout.
32:12 Voilà, et donc ça c'est ce qu'il dit,
32:14 alors moi je trouve ça intéressant à mentionner,
32:15 je n'ai pas d'avis là-dessus,
32:17 mais en tout cas sur les sociétés de qualité,
32:19 pour le coup celles qui arrivent justement,
32:21 le père le disait, à passer les coûts aux consommateurs,
32:24 à passer l'inflation aux consommateurs,
32:25 parce qu'elles font des produits de qualité
32:27 qui sont incrémentalement un peu plus chers,
32:30 parce que c'est des petits objets qui sont vendus,
32:33 ou des petits biens de consommation qui sont vendus partout dans le monde,
32:38 pas trop cher,
32:40 mais c'est plus ça notre style de gestion.
32:43 Après sur la concentration, effectivement, moi je trouve qu'elle est assez forte,
32:47 parce qu'aux Etats-Unis, les Francs c'est de nouveau au-dessus de 20% du S&P 500,
32:51 je crois que c'est plus de 40% du Nasdaq,
32:54 et puis en Europe même, ça c'est assez nouveau,
32:56 parce que sur le stock 600, les fameux granola,
32:58 les 11 valeurs européennes, je crois que c'est 25% du stock 600 maintenant,
33:03 ça n'avait jamais été le cas avant,
33:05 donc ça, ça masque quand même une dispersion,
33:07 par ailleurs assez massive,
33:09 mais on a l'impression qu'elle est masquée par ça,
33:15 et donc effectivement aux Etats-Unis, il y a ce thème de l'intelligence artificielle
33:18 va pomper le sang de tout le reste,
33:21 et donc c'est sûr qu'NVIDIA qui doit traiter à 30 fois les ventes,
33:26 quelque chose comme ça,
33:27 qui a fait une augmentation de capitalisation boursière le 25 mai de 185 milliards de dollars,
33:32 ce qui est plus que 20 années de revenus cumulés.
33:36 Mais l'intelligence artificielle ne peut pas expliquer à elle seule la concentration des marchés de part et d'autre ?
33:41 Non, mais c'est des effets de...
33:43 l'année dernière, on ne parlait que de métaverse,
33:45 maintenant plus personne n'en parle,
33:46 maintenant c'est l'intelligence artificielle,
33:48 ce qui est assez étonnant d'ailleurs,
33:50 parce que justement quand il y a une liquidité abondante,
33:52 on peut comprendre la création de bulles comme ça,
33:55 quand il y a une liquidité qui est en train de s'assécher,
33:57 c'est beaucoup plus surprenant,
33:59 donc il faut vraiment que ce soit des tendances,
34:01 en tout cas des croyances très ancrées.
34:03 Alors c'est vrai que l'intelligence artificielle, avec Chad Jpiti, il se passe quelque chose,
34:07 maintenant est-ce que ça va révolutionner nos vies au point qu'il n'y aura plus que ça ?
34:12 Quand vous regardez le S&P, c'est ça que ça vous dit.
34:15 Et ça nourrit aussi les espoirs de productivité dont on parlait tout à l'heure.
34:19 Oui, et ça ne se fera pas du jour au lendemain non plus.
34:22 Après nous, on est beaucoup interrogés sur ces sujets-là,
34:27 évidemment que l'intelligence artificielle va beaucoup nous aider dans nos process,
34:32 notamment de reporting, de middle office, d'automatisation de tâches, etc.
34:38 Mais à priori, en tout cas, tant que je serai là,
34:42 une intelligence non humaine ne prendra pas de décision d'investissement.
34:45 Et au contraire, je pense que le facteur humain, auquel on croit beaucoup chez nous,
34:49 va créer beaucoup de valeur dans les années qui viennent.
34:52 Parce que, je prends votre exemple, quand vous êtes le seul prêteur en dettes privées,
34:57 ce qui est le cas dans 80% des dossiers qu'on traite,
35:00 le fait d'avoir un dialogue direct avec l'émetteur et de pouvoir anticiper ses problèmes,
35:04 parce que vous êtes tout seul avec lui autour de la table,
35:06 le fait d'avoir 15 personnes qui vont regarder la doc et appliquer ce qui est écrit dans la documentation sans se parler,
35:12 ça crée une valeur énorme.
35:13 Même chose dans l'immobilier, quand vous connaissez votre locataire,
35:16 vous ne lui envoyez pas un huissier quand il ne paye plus son loyer,
35:19 vous lui parlez avant, il va dire "j'ai un problème, on en parle, on essaie de réaménager, etc."
35:23 Et dans le private equity, c'est évidemment absolument crucial d'avoir cette relation humaine.
35:28 Et avec la relocalisation des marchés, à mon avis la fin de la mondialisation,
35:32 on va retomber là-dedans.
35:33 L'intelligence artificielle, ok, pour automatiser plein de trucs,
35:36 mais la valeur financière, vous verrez qu'elle va se créer avec du facteur humain.
35:39 Pierre-Olivier Béfi, on finit avec l'intelligence artificielle ?
35:42 Oui, je trouve que sa conclusion était déjà fantastique.
35:45 Je partage cet avis-là.
35:49 Non, mais sur l'intelligence artificielle, je n'ai pas grand-chose à dire,
35:54 il y a beaucoup de choses qui sont dites.
35:56 A titre personnel, je pense aussi que c'est un process d'optimisation.
36:00 Je suis aussi d'accord que la place du humain va rester prépondérante,
36:03 heureusement que c'est encore le cas.
36:05 Je voulais juste peut-être revenir sur un autre point,
36:09 je trouve que le Japon est intéressant en ce moment.
36:13 Encore ?
36:14 Sur l'histoire des taux réels, négatifs, etc.
36:16 Parce que c'est le seul pays qui garde des taux super bas.
36:20 Ils ont un policy mix qui est fantastique.
36:22 Ils ne font pas trop d'aides publiques, ils en ont déjà beaucoup,
36:25 mais les déficits sont assez contraints,
36:27 alors que nous, on balance du pognon avec le quoi qu'il en coûte.
36:31 Le Covid a donné une espèce de bouffée d'air au gouvernement
36:34 pour qu'il fasse n'importe quoi.
36:35 Là, on est encore dedans, etc.
36:37 Puis on trouve toujours une raison, c'est la guerre,
36:39 il y a la révolution énergétique à financer.
36:42 On trouve toujours une raison pour dépenser de l'argent.
36:44 Et en même temps, ils ont une politique monétaire
36:49 qui est très cohérente avec l'idée de fournir de manière infinie
36:53 de la liquidité au système,
36:54 avec en plus une restructuration de la dette publique
36:56 qui va arriver très vite,
36:57 parce que quand on commence à voir les niveaux d'inflation qu'ils ont,
36:59 en taux réel, ça va commencer à baisser assez significativement.
37:02 Et je trouve que les autres pays développés sont un peu éloignés par rapport à ça.
37:06 Même avec un IK qui est un peu en dessous de 30% de performance
37:10 depuis le début de l'année,
37:11 ça reste quand même une terre d'opportunités intéressante
37:14 en matière d'investissement.
37:15 Oui, quand on fait les bonnes politiques macro,
37:18 à la fin, ça va marcher.
37:20 Et je pense qu'eux, ils font vraiment les bonnes.
37:22 Après, on peut toujours dire qu'il faudrait peut-être
37:24 quand même qu'ils remontent un peu leur cible de taux long, etc.
37:27 Oui, ça, c'est de l'ajustement.
37:28 Mais finalement, sur le fond, ils font quelque chose de très bien.
37:30 Alors que nous, on va essayer bientôt de combattre une inflation
37:34 où finalement, on pourrait vivre avec 3% d'inflation,
37:37 qu'on cherche peut-être à 2%, je veux dire, il faut arrêter le délire.
37:39 Donc, essayer les plus structurels, c'est pas grave,
37:42 qu'il y en ait un peu plus.
37:43 Et en plus, ça sera très bien, on est endettés de partout, etc.
37:45 Et puis, contrairement à nous,
37:47 le Japon, ça a commencé à des niveaux de valorisation extrêmement bas.
37:50 Nous, tout est cher. L'immobilier était cher.
37:52 Les jeunes n'arrivaient plus à se financer, etc.
37:54 Enfin, il y a des choses, il y a des restructurations
37:55 qui sont plutôt bonnes d'ailleurs pour le futur.
37:57 Les marchés actions, les PE, voilà.
37:59 Quand on a des taux à 5% sur le 10 ans américain,
38:02 enfin, 4% sur le taux américain à 10 ans,
38:05 bon, des PE de 20, ça commence à faire très, très cher.
38:09 Donc, voilà.
38:10 Un mot de conclusion, Pierre-Olivier Béfi,
38:14 sur cette association, l'EcoAvenir.
38:16 Oui, alors, je t'en dis un petit mot, comme ça,
38:18 ça me fait un peu de retape en 20 secondes.
38:19 C'est une association qui a été lancée par une quarantaine d'économistes,
38:23 il n'y a même pas deux semaines,
38:24 et qui a l'objectif de développer l'esprit critique,
38:27 je crois que, de développer le débat en économie.
38:30 Parfois, il y a beaucoup de fausses bonnes idées,
38:32 beaucoup d'idéologies aussi, parfois, qui se mettent aussi dans l'économie.
38:34 Donc là, il y a des podcasts qui sortent tous les jours,
38:36 en ce moment, sur le thème de l'inflation.
38:37 Je vous invite tous à cliquer.
38:39 Ça fera le lien avec ce qu'on s'est dit ce soir.
38:41 Exactement.
38:42 Et puis, merci en tout cas pour me permettre d'introduire un peu
38:45 cette association qui, je l'espère, aura un grand avenir aussi.
38:48 Merci beaucoup Pierre-Olivier Béfy,
38:50 gérant et économiste chez Boussard et Gavodin,
38:52 et fondateur de l'association L'Équo'Avenir.
38:54 Merci Valérie Gastel, distratégiste chez Day by Day.
38:56 Merci Thomas Friteberger, directeur général adjoint de TKO Capital.
39:00 Merci à vous de nous avoir suivis.
39:02 On se retrouve tout de suite dans Marché à Thème.
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