- il y a 5 jours
Avec Yoann Gillet, journaliste politique et Franz-Olivier Giesbert, éditorialiste et auteur
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00:00Et comme à chaque fois, on retrouve notre tandem préféré du samedi.
00:06Bonjour François-Olivier Gisbert.
00:08Bonjour Laurence, bonjour Yoann.
00:11Bonjour Yoann Gillet.
00:13Bonjour Laurence, bonjour François.
00:15Alors, la question du jour qu'on a posté à nos auditeurs sur nos réseaux.
00:19Le président Macron a-t-il choisi le bon moment pour annoncer la reconnaissance de l'État de la Palestine en septembre prochain à l'ONU ?
00:25Ça provoque moult, moult, moult réactions, aussi bien chez nous que à l'international.
00:30Pour nos auditeurs, c'est un gros non à 88%.
00:33Alors, bon timing, pourquoi maintenant ? Il était temps.
00:37François-Olivier Gisbert, comment vous analysez cette annonce-là ?
00:41Ce n'est pas nouvelle.
00:42D'abord, que les choses soient claires, évidemment, il faut un État juif et un État palestinien.
00:48Mais ça, c'est absolument l'évidence.
00:50Mais évidemment, cette décision pose question là-dessus.
00:54Je rejoins les 88% d'auditeurs de Sud Radio.
00:58C'est-à-dire que dans cette décision, enfin cette annonce, parce que c'est toujours des annonces, c'est toujours de la com' avec Macron, il y a beaucoup de fébrilité et d'improvisation.
01:06Il y a trois mois, il posait quatre conditions.
01:09Il y avait la libération des otages, l'éviction du Hamas, de la bande de Gaza, la reconnaissance d'Israël par les États-Unis de la région.
01:16Et puis aussi, évidemment, des changements à la tête de l'autorité palestinienne.
01:20Bon, c'était intelligent.
01:22Que s'est-il passé entre-temps ?
01:24Je pense tout simplement, il faut dire, il faut qu'on parle de lui.
01:27Il fait du bruit.
01:29Il en est là.
01:30Il a besoin d'exister.
01:31Je crois que c'est un peu la panique avant la fin de mandat.
01:35Et c'est un peu triste, parce qu'on voit qu'il est très seul.
01:40Bon, ça ressemble tout simplement à l'agitation.
01:43Pour vous, c'est l'agitation.
01:44Et Johan Gillet, c'est l'agitation où là, on est quand même aussi face à une urgence humanitaire à Gaza.
01:50Je rappelle quand même que selon le programme...
01:52Il n'y a pas de lien avec...
01:54Excusez-moi, évidemment, l'association humanitaire à Gaza, elle est là, mais ce n'est pas la reconnaissance.
01:59Ce n'est pas la reconnaissance qui pourrait changer les choses.
02:02Agitation ou pas pour vous, Johan Gillet ?
02:05Je pense que France a raison.
02:07C'est surtout du désespoir.
02:10C'est la volonté d'essayer d'exister dans un contexte diplomatique où la France n'est plus toujours en position de force.
02:20Tout ça est très compliqué.
02:22Évidemment que ce n'est pas la reconnaissance d'un État qui va mettre fin à la famine comme ça.
02:27Un État, ce n'est pas une association de la loi de 1901.
02:30On ne crée pas un État comme ça.
02:32Un État, il faut une continuité territoriale.
02:34Il faut une indépendance économique.
02:36Il faut évidemment...
02:37Ça sous-entend d'avoir ensuite une armée régulière, d'avoir un système bancaire qui fonctionne.
02:41Il y a beaucoup de conditions évidemment à remplir.
02:44Un État, ça sous-entend aussi qu'on ne le fasse pas sur les braises de l'horreur.
02:49Vous savez, les mêmes qui aujourd'hui nous disent qu'il ne faut pas aller déstabiliser les États,
02:54comme on l'a fait en Afghanistan ou en Irak par exemple,
02:56parce que croire qu'on va réussir à replacer un nouveau gouvernement sur les braises de la guerre,
03:02ça ne se passe jamais bien.
03:05Alors là, il s'agit non seulement de le faire sur les braises de l'horreur,
03:08mais en plus, il ne s'agit pas simplement de changer un gouvernement,
03:10mais de mettre en place un État.
03:12Donc évidemment que cette position n'est pas nouvelle.
03:16Depuis le général de Gaulle, la position de la France est très bien connue.
03:21Pourquoi est-ce qu'on veut une solution à deux États ?
03:22Parce qu'une solution à un État n'est pas possible.
03:25Elle n'est pas possible parce que Israël, Netanyahou l'a rappelé,
03:30est un État juif et qu'il ne voudrait pas que pour des raisons démographiques,
03:36les populations arabes se retrouvent plus nombreuses par exemple
03:39que la population de confession juive.
03:42Donc de toute façon, il y a pour des raisons religieuses, historiques,
03:45une impossibilité à une solution à un État.
03:48Donc ça, on évacue.
03:49Maintenant, qu'est-ce qui reste ?
03:50Soit vous avez une région qui sera en proie à la guerre en permanence,
03:55soit vous avez deux États.
03:57Par contre, évidemment, quand on pose la question de la création d'un État,
04:01on fait quand même un petit peu attention à qui va le diriger.
04:03Aujourd'hui, vous avez Mahmoud Abbas qui a 89 ans,
04:05qui n'est plus du tout en situation de diriger ce pays.
04:09Et puis vous avez un Hamas très proactif,
04:10qui d'ailleurs a salué la décision d'Emmanuel Macron, ça fait mal,
04:14et qui évidemment a juré la disparition de l'État d'Israël.
04:19C'est dans sa constitution, dans sa charte.
04:20Donc à un moment donné, oui, il faut rappeler le principe et l'objectif.
04:24Et le timing n'est pas le bon.
04:26Pourquoi ce n'est pas le bon timing ?
04:28Excusez-moi, Laurence.
04:29C'est qu'on va le faire effectivement en Nations Unies,
04:32de manière un peu unilatérale.
04:34Premier du G7 aussi à le faire, par ailleurs.
04:37Et on le fait, mais en remettant en place les conditions qui sont celles depuis toujours,
04:41c'est-à-dire le fait qu'il n'y ait plus le Hamas en place,
04:42le fait que ceci, le fait que cela.
04:43Donc c'est un effet d'annonce.
04:45Voilà, c'est sérieux la création d'un État, évidemment.
04:48Un effet d'annonce.
04:49Oui, vous le disiez, le Hamas a salué cette décision,
04:52a parlé de pas positif,
04:54mais en même temps, ça confirme la solution à deux États.
04:55Ce n'est pas du tout ce que souhaite le Hamas, finalement, le président Macron.
05:00D'ailleurs, a promis aussi le désarmement du Hamas
05:02et des élections en 2026 en excluant les islamistes.
05:05Il est assez clair là-dessus, François-Olivier Gisbert ?
05:07Enfin, il est clair, mais je ne vois pas très bien ce que ça change.
05:12C'est-à-dire, en fait, tout ça, on remonte toujours à l'histoire de 1947-1948,
05:16au moment de la création de l'État d'Israël.
05:19Je crois que c'est une chose, d'ailleurs, qu'on ne sait pas,
05:21mais le mot « Palestine », vous savez,
05:23autrefois, le mot « palestinien », ça voulait dire « juif ».
05:26C'était l'empereur adrien, au début du millénaire,
05:29l'empereur romain, qui, très fâché contre les juifs,
05:33qui avait fait plusieurs révoltes,
05:35avait décidé de les appeler « filistes »,
05:36c'est du nom du peuple et de l'ancien peuple et ennemi traditionnel des juifs
05:40qui habitaient sur la côte.
05:42Et donc, les filistes, c'est devenu peu à peu les palestiniens,
05:46mais les juifs acceptaient ce mot,
05:49puisqu'il y avait le grand journal, il s'appelait le « Palestine Post »,
05:53aujourd'hui c'est le « Jerusalem Post »,
05:54enfin, en 1948.
05:59donc, les juifs ont, quand on leur a donné l'État, un État juif,
06:05ils étaient là depuis 4000 ans, c'était normal, c'était même la moindre des choses,
06:09et bien ils ont préféré le nom d'Israël,
06:11et donc le nom « Palestine » était libre,
06:13et c'est les Arabes qui l'ont adopté,
06:15et à partir de là, on a fait une fable,
06:17comme si les Arabes étaient là depuis 4000 ans aussi.
06:20C'est pas vrai.
06:21C'est pas vrai, les juifs sont là depuis longtemps,
06:23et je pense que, une fois que j'ai dit ça,
06:26je pense que, évidemment, j'ai toujours cru,
06:27je crois que les Arabes ont le droit à un État,
06:33leur État, à eux, qu'on appelle aujourd'hui l'État palestinien,
06:37mais ça c'est absolument une évidence.
06:38Mais si vous voulez, tout ce que vous racontez autour de Macron,
06:42vous dites « oui, oui »,
06:44en fait, vous semblez accepter, comment dire,
06:48cette espèce d'annonce bâclée, improvisée,
06:52au cœur de l'été,
06:54sans consultation préalable avec qui que ce soit,
06:56on a l'impression qu'il essaye de prendre la priorité,
06:59de griller la politesse,
07:01je veux dire, c'est absurde,
07:02c'est pas comme ça qu'on fait de la diplomatie,
07:04mais ça, c'est du Macron depuis le début,
07:06parce que c'est un sujet très important,
07:08ça mérite pas, enfin je veux dire,
07:09évidemment, il faut un État,
07:11il faut un double État, il faut deux États,
07:13mais je veux dire, on peut pas faire la diplomatie comme ça,
07:16je sais pas ce que ça devient,
07:17mais quand on regarde de près la diplomatie,
07:19quand on regardera de près plus tard la diplomatie de Macron,
07:22c'est quand même un immense bazar,
07:25entre...
07:25– Je crois qu'il y a une télé d'accord aussi.
07:27– ...en Algérie,
07:28et puis ensuite, on fait un petit cadeau Hamas,
07:31après le méga-programme du 7 octobre,
07:34tout ça est absurde,
07:36et je veux dire, ça mérite mieux,
07:37parce qu'effectivement,
07:38ce sont des sujets importants,
07:40et il faut les traiter...
07:41j'ai de la peine à utiliser ce mot-là,
07:48mais il faudrait être un peu adulte dans cette affaire, voilà.
07:51– On n'est pas assez adulte dans cette affaire,
07:53le président Macron.
07:54– En même temps, vu le...
07:55– C'est quelque chose d'enfant,
07:55il est enfantin, voilà.
07:58– Je vais être sur la photo,
07:59je vais être le premier,
08:00je vais être sur la photo,
08:00c'est pas le sujet.
08:01– En même temps, ça a fait réagir le monde entier,
08:04enfin, évidemment...
08:06– Vous avez vu,
08:07le mépris aussi, en général,
08:08des réactions, enfin, c'est pas...
08:10– Oui, entre-être un petit,
08:11le président Macron n'a pas de poids,
08:13l'Israël est...
08:13Oui, mais ça prouve aussi peut-être que la France a...
08:15– Excusez-moi, c'est pas De Gaulle,
08:16De Gaulle, De Gaulle,
08:17c'était un coup de tonnerre,
08:18et les gens faisaient attention, là.
08:21La France est devenue,
08:22comment dire,
08:23il y a quelque chose de comique,
08:24c'est dégradant pour nous,
08:25nous autres Français,
08:26enfin, d'être représentés par quelqu'un comme ça.
08:27– Ah oui, dégradant.
08:29– Yann Gehlet ?
08:30Oui, c'est-à-dire que je rejoins la thèse de France, c'est-à-dire qu'il y a là-dedans une affaire qui est plus que diplomatique,
08:38enfin qui est plutôt moins que diplomatique, elle est politicienne.
08:41La preuve, regardez, dès qu'Emmanuel Macron a fait cette annonce, panique à bord chez les Mélenchonistes,
08:47Jean-Luc Mélenchon qui a réagi en disant « Non, non, le fait d'attendre septembre, c'est une victoire morale pour nous,
08:53parce que pour eux, la Palestine, ça leur appartient à la cause palestinienne.
08:55On attend qu'ils s'occupent d'ailleurs, par exemple, de ce qui se passe au Cambodge, en Thaïlande,
09:00et puis aussi en République démocratique du Congo et au Rwanda.
09:03Mais là, ce n'est pas intéressant, ce n'est pas ce qui l'intéresse Mélenchon, électoralement, ce n'est pas ce qu'il va lui rapporter.
09:08Et donc, tout de suite, il a dit « Mais le fait que Macron le dise pour septembre, il creuse encore plus le fossé, etc. »
09:13Ça ne l'arrange pas que Macron aille là-dessus, parce que c'est à eux.
09:16C'est un enjeu politique. Vous vous rendez compte de ce qu'on est en train de faire ?
09:18Il y a des gamins qui sont en train de mourir, et sous prétexte de défendre des causes magnifiques,
09:23on est en train d'accentuer le conflit par la binarisation du débat,
09:29alors que c'est extrêmement complexe. Parce que France a raison sur l'histoire de cette terre, de cette région du monde.
09:35On ne va quand même pas remonter à il y a 3000 ans, en disant « Oui, les Juifs étaient là il y a 3000 ans,
09:39donc c'est eux qui ont le plus de droits. »
09:40Oui, mais la population arabe est là depuis le 7e siècle, ou 4000 ans.
09:45Et oui, la population arabe est là majoritairement depuis le 7e siècle,
09:48et notamment après sous l'Empire Ottoman, donc c'est elle qui a plus le droit.
09:51L'Empire Ottoman, qui d'ailleurs, dans les années 1830, n'a pas manqué non plus d'oppresser les Juifs au moment de la guerre avec l'Égypte.
10:00Donc on n'en finit pas. Donc ce qu'il faut maintenant, c'est qu'est-ce qu'on veut ?
10:03Ce qu'on veut, c'est que les populations arrêtent de se faire la guerre.
10:05Vous savez, c'est très difficile cette affaire, parce que nous, nous parlons, pour ma part en tout cas, en tant que laïcs.
10:10Et comme en réalité, vous avez des gens qui ne se basent pas que sur des réalités politiques,
10:13mais sur des réalités mystiques, c'est la terre sacrée, c'est ceci, cela.
10:16Comment voulez-vous y arriver ? Quand on convoque Dieu à la table des négociations, il n'y a pas de solution.
10:21En tout cas, réaction, effectivement, vous le dites, aussi bien à gauche qu'à droite, le RN aussi qui condamne.
10:28Ça divise aussi forcément LR, ça ébranle le socle commun.
10:33Isoler le président Macron dans le socle commun, avec un Bruno Retailleau qui prend de plus en plus de place aussi,
10:39plus en tant que candidat que ministre d'ailleurs.
10:42François-Olivier Gisbert.
10:43– Ah bah oui, mais ça c'est, oui, l'existence de Bruno Retailleau, ça fait quoi quand même,
10:51excusez-moi, ça fait quand même six mois que la fusée est en haute,
10:54même si les premiers ministres de l'intérieur depuis plus longtemps que ça.
10:59– On se perd.
11:00– Oui, mais j'aurais dû dire président si j'avais fait un vrai.
11:03– C'est ça, l'abstice.
11:04– J'aurais dû dire président.
11:05Bon, enfin.
11:07Mais vous voyez, tout ça nous ramène à la politique politicienne.
11:10C'est-à-dire que c'est un grand sujet qui mérite vraiment l'attention de tous,
11:16pour essayer de comprendre, regarder l'histoire,
11:18et puis s'arranger pour créer quelque chose de définitif.
11:22Ça a failli se faire.
11:22Ça a failli se faire autant d'Arafat, de Rabin et Peres.
11:26Vous savez, le premier ministre israélien et l'ancien dirigeant palestinien terroriste,
11:33d'ailleurs, du langage de terroriste, ça a failli se faire à ce moment, ça a presque marché.
11:36Bon, donc ce n'est pas tout à fait impossible.
11:40Mais en même temps, ça peut se faire qu'au prix d'une très longue préparation.
11:43– En tout cas, merci beaucoup pour vos lumières, mon cher François-Olivier Gisbert.
11:48Merci beaucoup, Johan Agilé.
11:50– Merci à vous.
11:51– Et à samedi prochain, si vous le voulez bien.
11:54Merci, merci.
11:55– Vous voyez qu'on pense comme les auditeurs de Sud Radio.
11:59– Oui, tout à fait. 88%.
12:00– On parle vrai aussi.
12:01– Ah bah oui, surtout vous.
12:03Surtout vous, vous parlez vrai.
12:04– Non, non, on parlera tous.
12:05– Allez, grand merci.
12:08À samedi prochain.
12:08– Sous-titrage Société Radio-Canada
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