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Ce jeudi 17 juillet, Jean-Louis Martin, économiste et chercheur associé sur l'Amérique latine à l'Ifri, était l'invité de Caroline Loyer dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Sandra Gandoin. Ils sont revenus sur l'annonce choc du président américain, qui soumet les tomates mexicaines exportées aux États-Unis à des droits de douane de 17%, pénalisant directement les consommateurs américains de même que les producteurs mexicains. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Avec Caroline Loyer qui me rejoint sur ce plateau, nous recevons Jean-Louis Martin,
00:04économiste et chercheur associé sur l'Amérique latine à l'IFRI, l'Institut français des relations internationales.
00:09Merci beaucoup d'être avec nous sur ce plateau ce matin.
00:11On parlait du Mexique, de la situation du Mexique, des différents droits de douane qui sont mis en place,
00:17des différentes annonces. Les dernières, ça concernait les tomates, notamment.
00:2117% de droits de douane sur les tomates importées du Mexique.
00:24Deux tomates sur trois consommées aux Etats-Unis sont récoltées au Mexique.
00:28Cette mesure va concrètement pénaliser qui ?
00:33Les premiers à être pénalisés, ça va être les consommateurs américains.
00:37On ne voit pas comment ça pourrait ne pas se traduire par une augmentation des prix des tomates dans les supermarchés américains.
00:46Ça, c'est un effet mécanique et il n'y a pas du tout pour les consommateurs d'alternatives.
00:53C'est-à-dire qu'il n'est pas envisageable de relancer la production dans l'immédiat.
00:59D'autant qu'en plus, l'ICE arrête les récolteurs de tomates en Californie.
01:06Donc, non, ça va provoquer une...
01:10Alors, l'effet sur l'indice des prix américains va être modeste, mais là, il va y avoir une hausse des prix.
01:17Ça handicape aussi, bien sûr, les producteurs de tomates mexicains.
01:21Je ne sais pas si tant que ça, parce que...
01:25Ça ne va pas faire baisser la demande, vous l'avez dit.
01:27C'est-à-dire qu'il n'y a pas de...
01:28Exactement.
01:29Et comme il n'y a pas beaucoup d'alternatives à leur production à eux,
01:33je pense qu'ils vont continuer à vendre leurs tomates aux États-Unis.
01:38Non, c'est assez typique des mesures, comment dire, surprenantes,
01:46quelquefois prises par le président Trump.
01:48Mais bon, les tomates, ce n'est pas le sujet central pour le Mexique.
01:53Le sujet central, c'est l'industrie automobile,
01:56alors qui, jusqu'ici, échappe quand même assez largement aux droits de douane,
02:05aux droits supplémentaires, parce qu'en fait, il y a deux catégories de biens
02:11exportés du Mexique vers les États-Unis.
02:13Il y a ceux qui sont exportés dans le cadre du traité commercial avec les États-Unis,
02:17ce qui représente à peu près 80% des exportations mexicaines vers les États-Unis,
02:22et il y a le reste.
02:23Alors, ce qui est dans le cadre de l'accord commercial,
02:27ça n'est pas directement affecté par les tarifs douaniers.
02:32Ce sont les 20% restants qui étaient taxés jusqu'ici à peu,
02:36en théorie, à 25%, et qui maintenant vont l'être à 30.
02:42La fameuse lettre.
02:43La fameuse lettre.
02:45Alors, lettre qui fait allusion aux efforts insuffisants du Mexique
02:50pour lutter contre le trafic de fentanyl.
02:53Bon, on peut toujours, effectivement, estimer qu'il faudrait faire plus,
02:59parce que l'impact aux États-Unis est sévère.
03:04Cela dit, le Mexique, je crois, n'a jamais fait autant que maintenant
03:07pour lutter contre ces trafics.
03:10Il a livré des dizaines de narcotrafiquants aux États-Unis,
03:14qui s'empressent d'ailleurs aux États-Unis de faire des accords
03:17avec la justice américaine pour en dénoncer un autre.
03:20Donc, on ne sait pas très bien comment ça va être traité du côté américain.
03:25Et puis, les Américains ne font pas non plus grand-chose pour lutter,
03:30même, on peut dire, rien du tout,
03:32pour lutter contre les exportations d'armes à destination du Mexique.
03:37Donc, les Mexicains peuvent s'estimer maltraités, effectivement.
03:41Mais jusqu'ici, et je crois que ça va continuer,
03:46la présidente Sheinbaum réagit de manière très, très modérée,
03:49parce qu'elle sait bien qu'en réagissant,
03:53elle risque de susciter la colère de Donald Trump.
03:58Donc, sa réaction est sans doute la meilleure possible.
04:02Oui, le calme, c'est ce qu'elle a choisi de faire face au président américain.
04:04La tête froide.
04:05La tête froide, en effet.
04:06Caroline ?
04:07Justement, j'avais une question sur l'approche de Claudia Sheinbaum.
04:10Depuis le début, on dit qu'elle a la bonne approche.
04:12Là, quand elle a reçu la lettre dans laquelle Trump menace
04:15d'augmenter les droits de douane de 30%,
04:16elle a dit « j'ai déjà un peu d'expérience avec ces choses ».
04:20Elle a ironisé sur le fait qu'il avance, qu'il recule, etc.
04:22Est-ce que vous pensez qu'elle mène toujours bien sa barque ?
04:25Aujourd'hui, elle est en bonne position pour négocier.
04:27Comment ça se passe ?
04:28Je pense vraiment que, bon, je ne suis pas totalement enthousiaste
04:35sur tous les points de ce qu'elle fait,
04:36mais sur les négociations avec les États-Unis,
04:39je pense qu'elle a vraiment l'approche la plus raisonnable possible
04:42et sans doute la plus efficiente.
04:44C'est rechercher à tout prix la négociation
04:49en espérant que Trump changera d'avis.
04:53Jusqu'ici, ça a relativement bien marché,
04:57mais on ne sait pas.
05:00Je ne peux absolument pas faire un pronostic
05:02sur le fait qu'il va faire un pas en arrière ou pas.
05:06C'est tout à fait imprévisible.
05:07Vous avez commencé à l'évoquer, il y a cette guerre commerciale
05:10et il y a la crise migratoire aussi provoquée par Donald Trump.
05:14Le Mexique subit une forte baisse des transferts de fonds
05:17de la part des immigrés qui vivent aux États-Unis
05:19et ce sont des sommes qui aident énormément l'économie mexicaine,
05:22les familles notamment.
05:24C'est un poids très fort.
05:26Oui.
05:26Alors, c'est vrai que depuis le début de l'année,
05:29on a commencé à observer une petite baisse des transferts
05:34de ce que les Mexicains appellent les remessas,
05:36c'est-à-dire les transferts des immigrés.
05:39Alors, il y a diverses raisons.
05:41Il y a le fait que ces transferts sont maintenant en partie taxés.
05:44Bon, la taxe est faible, c'est 5% alors que certains législateurs républicains
05:51avaient parlé de 50% avant.
05:535% ce n'est pas beaucoup.
05:55D'autant qu'en plus, la créativité financière fait qu'il y a des tas de canaux nouveaux
06:01qui s'ouvrent et qui ne se font pas attraper dans cette taxation.
06:07Mais c'est vrai, il y a une petite baisse.
06:11On est sur des montants qui restent quand même très élevés,
06:13plus de 60 milliards de dollars par an.
06:16Il est possible qu'en fin d'année, on se retrouve plutôt vers 55.
06:20Dans le passé, le seul moment où il y a eu des baisses,
06:22en fait, c'est quand il y a eu une crise aux Etats-Unis.
06:25On a vu ça, par exemple, à la fin de la première décennie du siècle,
06:29vers 2009-2010.
06:30Là, ça va peut-être être une crise plus spécifique, plus provoquée.
06:36Et comme vous dites, ça a un effet sur les familles.
06:39D'autant que si au niveau macro, ça n'est pas décisif pour le Mexique,
06:46enfin 60 milliards, c'est quand même pas négligeable,
06:48mais ça représente 3% du PIB mexicain.
06:53Localement, ça peut être beaucoup plus important.
06:55C'est-à-dire que dans certains Etats mexicains, par exemple,
06:59je me rappelle avoir regardé ça il n'y a pas très longtemps,
07:01en Chiapas, ça représente l'Etat le plus au sud, à la frontière du Guatemala,
07:06c'est 15% du PIB de l'Etat.
07:10Donc là, ça se voit vraiment beaucoup et ça touche les familles les plus pauvres.
07:14Lors de la première guerre commerciale, lors du premier mandat de Donald Trump,
07:17le Mexique avait su tirer profit de la rivalité entre Pékin et Washington.
07:22De nombreuses entreprises chinoises avaient délocalisé,
07:25la Chine avait accéléré ses investissements dans l'industrie mexicaine.
07:29Est-ce que le Mexique pourrait continuer de tirer profit de cette situation sous Trump ?
07:34Non, ça ne marche plus.
07:36Parce que précisément, ce que Trump ne veut pas,
07:40enfin veut éviter, c'est l'installation d'entreprises chinoises au Mexique
07:45pour profiter à la fois des coûts relativement bas de production au Mexique
07:50et de la proximité du marché américain.
07:54D'ailleurs, on a vu des entreprises chinoises qui avaient des projets,
07:57en particulier BYD dans le secteur automobile,
08:00renoncer à leur investissement.
08:03Donc je pense que ça ne va pas se faire dans l'immédiat.
08:06Cela dit, l'industrie automobile est une industrie très lourde
08:10qui voit le long terme, l'alternative à un projet mexicain,
08:17ce n'est pas un projet américain.
08:19C'est aux États-Unis, puisque une entreprise,
08:23quelle qu'elle soit, qu'elle soit chinoise,
08:25que ce soit Ford ou Renault,
08:27ne prend pas ses décisions d'investissement,
08:30puisqu'il s'agit à chaque fois de plusieurs milliards de dollars,
08:33en fonction d'un mandat présidentiel.
08:35C'est-à-dire qu'effectivement, on a des projets suspendus
08:39et ça va durer autant que durera Trump.
08:44Mais là aussi, il est tout à fait possible
08:48qu'à un horizon de trois ou quatre ans,
08:51ces projets réémergent,
08:53parce qu'économiquement, ils font sens.
08:57Et puis, une autre chose aussi,
09:02qui est sans doute une illusion de la part des Américains,
09:05c'est imaginer que les projets vont être transférés aux États-Unis,
09:09parce qu'il y a des avantages à produire au Mexique.
09:13Il y a des circuits logistiques sur les fournitures de pièces
09:18qui ne sont pas du tout transférables comme ça du jour au lendemain.
09:21C'est une industrie complexe
09:23et qui est sans doute un peu gênée par Donald Trump en ce moment,
09:28mais qui ne va pas remettre en cause son fonctionnement.
09:31Merci beaucoup d'être venu ce matin nous voir Jean-Louis Martin,
09:34économiste et chercheur associé sur l'Amérique latine à Lifrind.

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