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Jeudi 26 juin 2025, retrouvez Charleyne Biondi (chercheure associée, Institut Montaigne), Christelle Kerloc'h (experte accessibilité numérique, Acquia), Jacques Moulin (CEO, Digiworld Institute) et Tristan Nitot (directeur associé en charge des communs et de l’anthropocène, OCTO) dans SMART TECH, une émission présentée par Delphine Sabattier.

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Transcription
00:00Bonjour à tous, bienvenue dans Smartech. Aujourd'hui c'est le débrief, on va commenter l'actualité, on a 28 minutes.
00:14Ensemble, je vous présente les intervenants et les sujets juste après.
00:21Dans le grand débrief de Smartech aujourd'hui, j'ai le grand plaisir de recevoir Charlène Biondy.
00:26Bonjour Charlène, vous êtes expertia à l'Institut Montaigne, chercheur associé au Cevipof, analyste chez Moody's et auteur de l'essai Décodé.
00:35Une contre-histoire du numérique parue aux éditions Bouquin en 2022.
00:39A côté de vous, Tristan Nitto, fondateur, ancien président de l'association Mozilla Europe, actuel directeur associé en charge des communs et de l'anthropocène au sein du cabinet de conseil Octo-Technologie.
00:52Absolument.
00:53Et en face de vous, Jacques Moulin. Alors n'y voyez pas en face, ce n'est pas pour la contradiction, on est tous ensemble.
01:00Jacques, bonjour.
01:01Bonjour.
01:02Directeur général du Digital DigiWorld Institute, cercle de réflexion historique et majeur sur le numérique dont les assises se tiennent d'ailleurs cette semaine.
01:13Alors on va confronter nos points de vue aujourd'hui sur la question de la vérification de l'âge.
01:18Est-ce que la France se met comme ça dans une impasse politique sur ce sujet ? On va parler aussi de ce tapis rouge que nous déroulons pour les data centers.
01:26Et puis de TikTok et d'un TikTok qui résiste, y compris face à l'administration Trump qui vient donc de faire un nouveau recul.
01:32Mais on commence avec un nouveau texte européen qui entre en vigueur le 28 juin et qui doit rendre les sites, désormais les sites et les services numériques, accessibles.
01:44Accessibles aux situations de handicap.
01:47Pour lancer cette discussion, on est connecté avec Christelle Carlock.
01:50Bonjour Christelle.
01:51Bonjour.
01:52Vous êtes experte accessibilité numérique chez Aquaouia.
01:55Vous nous confirmez que la deadline c'est le 28 juin.
01:59Mais est-ce que tout le monde est bien prêt selon vous ?
02:03Alors non.
02:05Honnêtement, on n'est pas encore prêt.
02:07Et il est important encore de savoir que les personnes en situation de handicap font encore beaucoup de mal à avoir un accès simple aux choses essentielles de la vie.
02:17Comme faire ses courses en ligne ou acheter des billets de transport pour s'éduquer.
02:21Donc non, on n'est pas encore prêt.
02:22Alors cette directive accessibilité, elle s'adresse à quelles entreprises précisément ?
02:29Jusqu'ici, c'était une obligation pour les services publics.
02:32Maintenant, ça touche le privé, mais pas toutes les entreprises.
02:36Alors si, bon, les entreprises, ça touche toutes les entreprises qui ont plus de 10 employés ou réalisant plus de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires.
02:46D'accord.
02:47D'accord, donc beaucoup. Et quand on parle de produits et de services numériques, c'est pareil, c'est tous les services numériques qui sont concernés ?
02:57Absolument tous, que ce soit les logiciels, les sites web, les applications mobiles.
03:02Ok. Et alors qu'est-ce que ça veut dire quand on doit rendre ces services à la fois mobiles et fixes accessibles, très concrètement ?
03:08Qu'est-ce qu'on doit faire ?
03:09Complètement, il y a des normes à respecter.
03:12Donc les propriétaires de sites Internet doivent se conformer à ces normes,
03:18qui sont basées sur un référentiel international, notamment avec les États-Unis qui sont bien en avance par rapport à nous là-dessus.
03:27Et donc ce sont des règles qu'il faut respecter, par exemple, ce sont des règles techniques, mais c'est aussi des règles qui permettent d'avoir une expérience fluide et simple à chacun des utilisateurs,
03:39que ce soit des personnes en situation de handicap ou tout autre utilisateur de manière générale.
03:46Parce qu'améliorer l'accessibilité, tout le monde en profite.
03:49Donc ça vise les personnes. En fait, l'idée, c'est de rendre accessibles tous ces services aux personnes qui sont atteintes de déficiences visuelles, auditives ou moteurs.
04:01Je me disais, Tristan, que ça pouvait peut-être vous faire réagir quand vous étiez à la tête de Mozilla et Firefox. Ces sujets-là, ils étaient déjà présents ?
04:08Absolument. Moi, ça fait pas loin de 25 ans que je travaille sur le sujet. Il se trouve aussi que je suis au W3C, qui est l'organisme qui fait les standards du web.
04:17Je siège au TAG, qui est le groupe, en gros, c'est la direction technique du W3C. Et ça reste une préoccupation 20 ans plus tard.
04:24Parce qu'il faut voir que, en fait, pour les personnes en situation de handicap, le numérique, c'est une opportunité formidable de pouvoir s'occuper de gérer son compte bancaire,
04:34de faire des courses, etc., en ayant moins besoin de se déplacer. Mais s'ils se retrouvent face à des sites web ou des applications qu'ils ne peuvent pas utiliser à cause de leur handicap,
04:43c'est doublement frustrant pour des gens qui en ont doublement besoin. Donc, c'est vraiment fondamental de s'en occuper.
04:50Jusqu'à présent, c'était juste l'administration qui était contrainte et qui, avec ces contraintes, faisait un peu à son rythme, on va dire.
04:58Et maintenant, ce sont les entreprises qui sont, à leur tour, contraintes.
05:03Oui, parce qu'il n'y a pas que les services publics dans la vie, il y a aussi les services commerciaux.
05:08Et donc, c'est plutôt un progrès. D'autant que tout le monde est touché.
05:12Moi, en vieillissant, j'entends moins bien, je vois moins bien.
05:14Donc, pouvoir changer les préférences et zoomer, etc., et pour que ça soit plus facile sans que j'ai besoin de courir après mes lunettes,
05:24c'est aussi une bonne chose. Finalement, pas seulement...
05:28Parce qu'en fait, on finit tous plus ou moins en situation de handicap.
05:33Christelle, qu'est-ce que vous pourriez donner comme conseil aux entreprises qui doivent se mettre là en conformité,
05:38vite, vite, vite, avec ce nouveau référentiel général d'amélioration de l'accessibilité ?
05:43Donc, en premier lieu, faire un audit de l'existence, voir ce qui se passe, comment ils ont fait.
05:48Ensuite, le déclarer, le mettre visible sur leur site Internet.
05:54Et ensuite, adopter un plan annuel et pluriannuel pour pouvoir progressivement améliorer
06:02et répondre aux exigences d'accessibilité.
06:06Merci beaucoup pour votre témoignage, Christelle Kerlok.
06:09Et donc, on rappelle l'urgence de se mettre au pas sur cette question de l'accessibilité numérique.
06:14Nous, on enchaîne avec nos autres sujets.
06:17La France se met-elle dans une impasse politique en voulant absolument imposer la vérification de l'âge des utilisateurs des services numériques ?
06:26Bon, on va rappeler quand même que depuis le 11 janvier, les sites diffusant des contenus à caractère pornographique basés en France et hors de l'Union européenne
06:35doivent se conformer à un référentiel qui a été longuement mûri et préparé par le régulateur Larcom pour protéger les mineurs.
06:43Alors, la question était plus complexe à régler pour les sites au sein de l'Union européenne parce que l'UE n'est pas alignée avec la France.
06:51Donc, ça engage une procédure plus complexe.
06:53Et là, la France vient de se faire retoquer par le tribunal administratif.
06:57Et donc, un groupe comme Ailo, qui est, on va dire aujourd'hui, le groupe principal dans l'industrie pornographique en ligne,
07:05c'est 7 millions de visites quotidiennes, ne serait-ce qu'en France, pour Pornhub,
07:10avait suspendu son accès aux Français et puis finalement a réactivé ses services à la suite de la décision du tribunal.
07:19Comment est-ce que vous regardez cette question de la France au milieu de l'Europe, Charlène ?
07:26Je la regarde d'abord, la question de la réglementation des plateformes d'un point de vue un petit peu plus historique
07:32sur la façon dont on a abordé la question du cyberespace.
07:38Et c'est déjà la question de savoir si le cyberespace devait être un espace dans lequel le politique a son mot à dire.
07:45Parce que culturellement, l'Internet, c'est quand même né comme un objet d'émancipation
07:50qui devait absolument échapper à toute forme de souveraineté de l'État.
07:54C'est une vision qui est restée très ancrée chez les fondateurs de la tech et même, je dirais,
07:58même chez certains politiques jusqu'à très récemment, jusqu'à à peu près l'explosion des fake news
08:03et l'instrumentalisation politique des réseaux sociaux.
08:07C'est vraiment à partir de ce moment-là qu'il y a eu une vraie volonté politique un petit peu partout
08:10de se dire en fait le cyberespace est un espace public et dans un espace public,
08:15il faut que les lois traditionnelles s'y appliquent aussi.
08:18La grande difficulté d'appliquer des lois qu'on connaît Internet, on le voit notamment dans le cas du porno
08:23et de la vérification d'identité, c'est que très souvent quand on veut en protéger quelques-uns,
08:27on est obligé de réduire les libertés de tous.
08:29Donc c'est pas du tout pareil, on s'en rend bien compte, de se faire rapidement jauger par le vendeur du kiosque
08:35qui va juger l'avancée de votre calvitie pour se dire c'est bon lui il n'est pas mineur
08:40et de devoir donner, enregistrer son passeport sur une plateforme et d'avoir son identité vérifiée
08:46à chaque fois qu'on se connecte même si elle est pseudonymisée et même si on essaye d'encadrer ça par des normes techniques.
08:52Oui parce que Marcom justement a travaillé à imposer au moins une vérification par double anonymat
08:59c'est-à-dire que le site sur lequel je me connecte ne sait pas qui je suis, c'est juste si je suis majeure ou pas majeure
09:04et le site qui valide ma majorité ne sait pas sur quel site je vais me connecter en gros.
09:08Oui c'est exactement ça la double vérification d'anonymat sauf que de point de vue de l'utilisateur
09:14même quand on sait qu'il y a toutes ces vérifications, si un compte bancaire est capable de se faire hacker
09:19et que là on touche en plus à quelque chose d'extrêmement intime, tout le monde n'a pas envie de... c'est limite pire.
09:28Oui c'est un changement d'habitude qui est très important.
09:32Tout à fait.
09:32Et donc il y a toute une industrie qui met en danger son business aussi avec ses décisions.
09:39C'est ça. Et d'ailleurs cette question de l'anonymat et de la vérification d'identité,
09:46déjà il y a quelques années quand Facebook, donc maintenant Meta, avait demandé à ce qu'on s'enregistre sur la plateforme,
09:51ça avait été très mal vécu par les utilisateurs.
09:53C'était déjà une intrusion assez importante dans la pratique traditionnelle de l'Internet.
09:59Et donc c'est à ce dilemme que doit faire face l'État aujourd'hui.
10:02Et je dirais que cette difficulté elle est augmentée par le fait que cette question de la pornographie,
10:07en plus c'est une question de santé publique.
10:10Et que maintenant je crois que les derniers chiffres, il me semblait que c'était...
10:15Je crois qu'il y a 60% des jeunes adolescents qui sont connectés à Internet.
10:20Même à partir de 10 ans, je crois que ça devient une consommation...
10:23Enfin, pas une consommation, mais une exposition massive.
10:26Donc il y a un enjeu de vraie politique publique et de santé publique à s'en emparer.
10:32Vous voulez réagir ?
10:33Oui, un enjeu de politique publique en effet, mais aussi un enjeu qui pose la question de l'Europe.
10:39Et justement du fait que la France a peut-être un peu trop,
10:43quel que soit d'ailleurs le bien fondé de la décision, on ne la remet pas en cause,
10:47mais un peu trop joué cavalier seul.
10:49Et là, ça prouve une fois de plus la difficulté que nous avons à avoir une position commune
10:55et à réguler, tenter de réguler, tenter de gouverner un espace qui, de facto, échappe aussi aux frontières.
11:02Alors, il y a plusieurs points, moi, qui m'ont un peu étonné.
11:05Je trouve que l'ARCOM est allé un peu en cavalier seul, en essayant d'imposer une décision.
11:12Le droit et la réglementation, c'est aussi très précis, très factuel.
11:18On peut peut-être regretter le fait qu'il n'y ait pas eu suffisamment d'analyse d'impact sur la façon dont on allait,
11:25au-delà de la décision politique, dont on allait pouvoir mettre en œuvre véritablement et durablement,
11:30et durablement cette décision.
11:32Alors, c'est vrai que c'est un sujet qui est vraiment un sujet de santé publique.
11:36On le sait, vis-à-vis des jeunes, il y a un accès à la pornographie qui pose question sur, justement,
11:42la représentation de la femme, aussi sur la violence que cela suppose.
11:46Mais peut-être aurait-il fallu, une fois de plus, qu'au niveau européen,
11:50il y ait plus d'uniformité, plus de discussion.
11:53Je pense, Jacques, qu'en fait, la France a parié sur sa force de conviction.
11:58Elle s'est dit qu'elle allait réussir.
11:59D'ailleurs, Emmanuel Macron a dit, en gros, moi, je vais partir voir la Commission européenne.
12:03On part devant et nous foudre.
12:04C'est une position un peu pondarcole.
12:07On a l'impression, effectivement, qu'il est possible d'avancer seul.
12:11Or, ce n'est pas possible quand on joue dans une communauté.
12:15On le sait, l'Europe est sans doute trop petite pour être divisée et trop vaste pour être unie.
12:20Mais néanmoins, il y a peut-être à repenser une sorte de force politique.
12:26C'est en tout cas un des sujets que nous nous posons dans le cadre de nos assises à la Bôle,
12:31les 26 et 27, où la place de l'Europe, que ce soit en matière de réglementation,
12:35que ce soit en matière, justement, de gestion du numérique,
12:39doit être beaucoup plus uniformisée, peut-être à partir d'un petit groupe d'États
12:43qui pourront imposer et faire en sorte que nous ne soyons pas seuls sur le pont d'Arcole
12:48et qu'on se retrouve avec une sanction de nos propres tribunaux, de nos propres tribunaux quand même.
12:53C'est ça qui fait mal, oui.
12:54Et alors, ce que disent aussi les groupes industriels,
12:59ils disent que finalement, ce n'est pas leur job de faire la vérification de l'âge,
13:02que ça devrait plutôt incomber à ceux qui détiennent les stores, en fait, Google, Apple.
13:07Qu'est-ce que vous en pensez, Tristan ?
13:08C'est classique d'essayer de refiler la patate chaude à d'autres acteurs dans l'industrie.
13:12Mais est-ce que ça se tient ?
13:13Parce que, je n'en sais rien, moi.
13:18Qui sont les gatekeepers, en fait ?
13:20Est-ce qu'on a vraiment envie de donner encore plus de pouvoir aux grandes plateformes
13:26que sont Android, iOS, etc. ?
13:30Je ne suis pas sûr, d'autant qu'elles sont américaines pour l'essentiel.
13:34Alors, évidemment, pourquoi pas une vérification de l'État ?
13:38Mais alors là, ça commence, vu le sujet, ça risque fort, peut-être se passer,
13:43parce qu'on se dit, ah bon, alors l'État doit vérifier si je vais voir de la photographie.
13:49Si j'ai le droit, finalement.
13:51C'est compliqué.
13:53En fait, tout le système est super compliqué,
13:55parce qu'en fait, déjà, l'Internet n'a pas de frontières.
13:59Donc, on pourrait très bien imaginer que, si on n'est pas content avec la législation européenne,
14:03donc on va faire un site qui n'est ni aux États-Unis, ni en Europe,
14:08mais qui est visible en français, etc.,
14:12qui accepte les euros pour les paiements,
14:14et qui va ainsi plus ou moins échapper à tout,
14:19puisque c'est très difficile de bloquer des sites web.
14:23On peut le faire au niveau des DNS,
14:25mais il y a des façons de continuer,
14:27on peut le faire avec des VPN aussi.
14:29Donc, techniquement, il n'y a pas de frontières,
14:30on peut essayer d'en imposer, mais ce n'est pas simple, quoi.
14:34Et la question va se poser aussi sur la vérification de l'âge pour les réseaux sociaux,
14:38puisque la France, là encore, veut imposer, en fait,
14:40une majorité numérique à 15 ans,
14:43c'est-à-dire qu'on n'aurait pas le droit de s'inscrire avant.
14:46Ces discours, aujourd'hui, en Europe,
14:49ils ont du mal à passer, j'ai l'impression,
14:51ces discours de la France,
14:53qui sont très, finalement, protecteurs,
14:55très, j'ai envie de dire sécuritaires, en tout cas, très protecteurs.
14:58Je pense que sur la question du réseau social et des mineurs,
15:04il y a peut-être un consensus un petit peu plus large.
15:06La France aura un peu moins de mal à trouver des partenaires là-dessus,
15:11justement parce qu'il y a une prise de conscience globale
15:14qui va bien au-delà des frontières européennes,
15:17de l'impact des réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes.
15:22Et aux États-Unis, quelle est la politique qui est adoptée sur ces sujets ?
15:26Parce que, typiquement, sur la pornographie,
15:28on sait que les Américains sont quand même une société très prude,
15:32en tout cas en affichage,
15:34sur la protection des jeunes et des réseaux sociaux.
15:37On voit bien qu'en Silicon Valley, il y a eu, depuis quelques années,
15:39une prise de conscience aussi sur les risques de ces nouveaux usages.
15:44Est-ce que ça bouge du côté des États-Unis, sur la régulation des plateformes,
15:48même si je sais qu'on est sous l'air de l'administration de Trump,
15:50donc ça bouge un peu dans tous les sens, justement ?
15:53Alors, surtout pour tout ce qui est, je dirais, question de mœurs et de santé,
15:59il est très, très, très peu probable qu'une réglementation au niveau fédéral voit le jour.
16:03Ce n'est pas du tout l'esprit du Congrès américain,
16:06qu'il soit républicain ou qu'il soit démocrate,
16:08de se mettre à proposer des réglementations
16:13qui seraient jugées vraiment complètement contraires aux habitus américains.
16:19En revanche, il est très possible que des États comme la Californie,
16:22qui ont déjà, d'ailleurs, été assez en avance
16:24et de façon assez ferme sur la réglementation de l'IA,
16:28puissent développer des réglementations similaires
16:30pour les plateformes et pour les mineurs.
16:33Même si, du coup, c'est un frein au business, là aussi.
16:36Oui, tout à fait.
16:37Alors, je voulais qu'on parle aussi du sujet des data centers,
16:40puisqu'on est en train de dérouler véritablement le tapis rouge au data center
16:44et en particulier au méga projet,
16:45puisque l'intelligence artificielle a besoin énormément de puissance de cascule.
16:50Donc, nous, on a besoin de montrer qu'on va être puissant dans ce domaine.
16:54Il y a notamment une loi de simplification
16:56qui va permettre aux préfets, en fait, de prendre le pas
17:00sur le décideur local pour accélérer l'installation de ces grands data centers.
17:05Qu'est-ce qu'on en pense autour de la table de ce sujet ?
17:09Je sais, Tristan, que vous êtes très sensible aux impacts écologiques du numérique.
17:15Oui, et je suis aussi sensible à la problématique d'autonomie stratégique,
17:20ce qu'on appelle aussi souveraineté.
17:21Oui, du coup, ça ne rentre pas en quoi ?
17:23Absolument.
17:24Donc, je suis très embêté pour vous donner une réponse
17:26qui soit autre chose que nuancée.
17:30Oui, la souveraineté, oui, l'autonomie stratégique, c'est important.
17:34Mais se lancer dans une course à l'échalote
17:38où je vais construire plus de data centers
17:41pour accueillir plus d'IA,
17:43eh bien, en fait, ça peut sembler être une bonne démarche pro-business, etc.
17:52Mais en fait, il faut alimenter tout ça en énergie.
17:55Oui, et en eau.
17:57Et en eau, absolument.
18:00Et puis, ça veut dire qu'on va artificialiser encore des sols
18:03parce que pour construire des data centers
18:05et avec des parkings autour.
18:06Et puis, donc, moi, j'ai travaillé chez Scaleway,
18:10un hébergeur français.
18:12J'ai pu voir, j'étais responsable du développement durable là-bas.
18:16Et on voit très précisément l'impact
18:18et les consommations d'énergie, d'eau, etc.,
18:20qui sont phénoménales.
18:23Alors qu'on est dans un moment
18:24où il faut électrifier au maximum l'industrie pour la décarboner,
18:30où il va falloir électrifier les transports pour les décarboner.
18:33Donc, en fait, on a beaucoup plus de besoins d'électricité
18:37qu'auparavant.
18:40Et ça, c'est fondamental.
18:41Pour moi, c'est la priorité numéro un,
18:44c'est de sauver les conditions
18:45pour que les Français, mais l'humanité en général,
18:49puissent vivre raisonnablement sans faire la guerre.
18:54Et ça, c'est plus important que de dire
18:56on va essayer de rattraper notre retard sur l'IA.
18:58Je comprends le besoin de vouloir rattraper le retard sur l'IA
19:02et avoir plus d'adaptes.
19:03On a un écosystème qui est prêt, qui est au taquet,
19:06qui attend justement des impulsions positives
19:08du côté du gouvernement
19:09pour réussir à créer enfin des champions.
19:12Oui, en effet, le sujet est complexe
19:15parce qu'on peut se féliciter d'une part
19:17sur le fait que l'État permet d'aller plus vite
19:20et de faire en sorte que certains dispositifs administratifs
19:24qui sont lents, etc., etc.,
19:25puissent là trouver une solution.
19:28Donc, comme quoi, c'est possible,
19:29lorsqu'on a des vrais défis,
19:31de pouvoir alléger toutes les procédures
19:34et peut-être qu'on sait faire.
19:35Et ça, c'est une bonne chose
19:36parce qu'on critique souvent l'administration française
19:38et la façon de piloter les projets.
19:40Après, oui, le sujet est là.
19:43C'est qu'on a un enjeu qui est green,
19:45qui est vraiment important,
19:47qui est un enjeu de survie
19:48et de survie de nos territoires.
19:50Là encore, il va falloir être particulièrement vigilant
19:53sur le type de data center
19:55qui vont venir et bien mesurer l'impact.
19:58Et c'est là où, malheureusement, le bas blesse,
20:00c'est que par rapport à cette volonté de rapidité d'exécution,
20:03les études d'impact ne vont pas être évidemment aussi poussées
20:06que ce que l'on pourrait souhaiter
20:07et que la sélection même du projet de data center
20:10et la façon dont il va être alimenté en eau,
20:13en électricité, etc., etc.,
20:15risque d'être peut-être battu en brèche au profit.
20:20Ah, regardez, on a de la chance,
20:22on a tel et tel data center qui vient s'installer.
20:25Et donc, c'est un sujet très, très complexe
20:28qui suppose en tout cas, dans sa modalité d'application,
20:31d'avoir du contrôle
20:32et surtout de veiller à ce qu'on réfléchisse bien,
20:35non seulement aux modalités,
20:36mais aussi aux conséquences à moyen et long terme.
20:39Et c'est un peu antinomique.
20:40On veut aller plus vite, mais on veut s'affranchir
20:42de tout le temps perdu, entre guillemets,
20:46à étudier quelles sont les conséquences de nos actes.
20:48Alors qu'en fait, aujourd'hui, les conséquences de nos actes,
20:50on les mesure quand même vraiment pas bien.
20:52Non, mais c'est vrai.
20:53En fait, moi, je vois, on est en train...
20:57En fait, c'est comme si l'humanité était assise sur une branche
20:59et elle est en train de l'acier avec...
21:02En faisant toujours plus d'émissions de gaz à effet de serre,
21:05de pollution, de franchir les limites planétaires.
21:07Et là, on se dit, eh bien, nous allons donc accélérer.
21:10Oui, mais en fait, non.
21:12Peut-être que, justement, il faudrait ralentir.
21:14Il faudrait être plus prudent sur ce qu'on veut.
21:14Mais est-ce qu'on peut ralentir quand on veut le monde,
21:16lui, à le pied au plancher ?
21:19Parce que c'est ça, aux États-Unis et en Chine.
21:21C'est une question de priorité.
21:23Et la priorité, à mon avis, c'est plus important
21:26de garder une planète habitable,
21:28parce qu'il n'en a pas de deuxième.
21:29Et Mars ne qualifie pas comme planète habitable, croyez-moi.
21:34Donc, en fait, il vaut mieux apprendre à vivre bien
21:37sur une planète habitable que de se dire
21:40qu'on va continuer comme avant à faire une course
21:43dans l'extractivisme, dans la pollution,
21:46dans l'artificialisation des sols.
21:49Et en plus, on n'est pas sûr que ça sert tant que ça,
21:51la souveraineté, puisque moi, j'ai noté la tribune
21:54de Damien Desanti, qui est à la tête du data center
21:58Fossé-Adissi, dans Madinès, qui dit
22:00qu'aujourd'hui, on a plutôt l'impression, en fait,
22:02que les conditions ont favorisé les installations
22:04des géants du numérique qu'on connaît déjà,
22:06plutôt que nous, écosystèmes nationales.
22:10Oui, tout à fait.
22:10Et c'est ce que j'allais répondre, c'est qu'en fait,
22:13le débat, ce n'est pas seulement souveraineté
22:14contre environnement, le débat, c'est aussi
22:17de quelle souveraineté on parle.
22:19En fait, ce n'est pas seulement un problème français,
22:21c'est aussi un problème européen.
22:22Au moment des grandes annonces pendant le sommet de l'IA à Paris
22:25en février dernier, alors déjà, la bonne nouvelle,
22:28quand même, il faut le dire, c'est qu'avant février,
22:30je pense que personne ne s'attendait à ce que l'Union européenne
22:32et la France réussissent à débloquer plus de 300 milliards d'euros
22:35pour l'IA.
22:35C'est vrai.
22:36On n'y croyait pas.
22:37Donc, l'IA, alors, on ne les a pas débloqués,
22:39c'est des investisseurs privés.
22:40On a été capables de les annoncer.
22:41Mais on a été capables de...
22:43Personne ne s'attendait à ces annonces.
22:45Et donc, maintenant, ces annonces, on essaie de les mettre en œuvre.
22:48Donc, l'Union européenne est en train d'organiser des tables rondes
22:51avec des investisseurs potentiels.
22:53Et la question que tout le monde lui pose,
22:55y compris les investisseurs potentiels dans ces data centers,
22:58et c'est pareil en France, c'est,
22:59mais qu'est-ce que vous voulez en faire exactement ?
23:02Parce que vous nous faites des annonces sur la souveraineté,
23:04mais la localisation des données sur le territoire européen ou français,
23:09ça ne garantit absolument aucune forme d'autonomie stratégique.
23:12Parce que si c'est un data center,
23:14en gros, c'est une boîte dans laquelle on met des ferveurs
23:19et de la puissance computationnelle.
23:21Ces serveurs, ils doivent être opérés par quelqu'un.
23:25Aujourd'hui, en Europe, 75% des data centers
23:27sont opérés par les géants américains,
23:30principalement AWS, donc Amazon et Microsoft Azure.
23:36Il n'y a pas vraiment de concurrents européens,
23:38d'hyperscaler européens.
23:39Il y en a, il y a un petit écosystème sur le cloud,
23:41mais pour l'instant, ni l'UE, ni la France
23:45n'a articulé de stratégie claire pour dire
23:48on va vraiment soutenir un écosystème de cloud européen
23:50et on va faire en sorte que ces data centers
23:52soient opérés par des solutions
23:54qui sont véritablement souveraines
23:56ou alors en l'absence de solutions souveraines et sûres.
24:00Parce que ce que vous disent aussi
24:01tous les grands industriels, surtout dans les zones sensibles,
24:04c'est aujourd'hui en Europe,
24:06souverains et sûrs, c'est une contradiction.
24:08Si je veux de la sécurité, je vais chez AWS et Microsoft
24:10parce qu'il n'y a rien de mieux.
24:13Donc, il y a toute cette ambiguïté
24:17et toute cette ambivalence,
24:18toute cette difficulté à rattraper un retard
24:20sur une chaîne de valeur de l'IA
24:22parce que le retard européen,
24:23c'est un retard d'infrastructure.
24:25Et ce qu'on attendait vraiment de l'Union européenne
24:27et de la France après le sommet de l'IA,
24:29c'était de se dire, bon là,
24:30il y a une véritable volonté politique
24:31et c'est une bonne nouvelle.
24:33Mais maintenant qu'elle s'articule
24:34autour d'une stratégie industrielle
24:35avec une stimulation de la demande,
24:37avec des coopérations,
24:39avec les grandes industries franco-européennes
24:41et les acteurs du numérique.
24:44Et ça, on ne l'a pas.
24:45Et comme on ne l'a pas,
24:46c'est très difficile d'accepter le coût potentiel,
24:49notamment énergétique et environnemental,
24:51d'un projet dont on n'est même pas sûr
24:52qui nous sauve d'un point de vue
24:54de l'autonomie stratégique numérique.
24:55Alors, je voulais aussi vous faire réagir.
24:57On n'a plus beaucoup de temps sur TikTok
24:59avec ce nouveau recul des Etats-Unis.
25:01Donc, TikTok reste disponible.
25:03Hourra !
25:03C'est félicité l'entreprise
25:04pour plus de 170 millions d'utilisateurs américains
25:08et plus de 7 millions et demi d'entreprises.
25:11Qu'est-ce que ça veut dire ?
25:12Ça veut dire qu'on n'est plus capable aujourd'hui
25:13politiquement de faire face
25:15à la puissance des réseaux sociaux,
25:17y compris quand on s'appelle Donald Trump
25:19et qu'on est les Etats-Unis.
25:21Je ne sais pas si c'est simplement
25:25qu'il n'est pas capable
25:26ou qu'il n'a pas envie de...
25:27Parce que c'est un jeu de négociation
25:28avec la Chine.
25:30C'est un levier qu'il tire.
25:34Il avait déjà fait ça pendant son premier mandat.
25:37En fait, juridiquement,
25:37c'est extrêmement compliqué.
25:39Politiquement, ce n'est pas sûr
25:40que ce soit un très bon coup à jouer.
25:41Parce qu'il se mettrait à un réseau.
25:42Parce qu'il le dit, c'est de dire
25:43OK, TikTok peut rester aux Etats-Unis
25:45à condition qu'il y ait une opération de rachat.
25:48C'est ça.
25:48De la partie américaine, en fait.
25:51De la partie américaine, oui.
25:54Mais l'interdiction pure et dure
25:56en cas de non-rachat, c'est...
25:58Ça fait 170-4 millions de personnes
25:59qui ne sont pas contents.
26:00Exactement.
26:01Et aujourd'hui, ça pèse.
26:04Non, parce qu'il y a d'autres réseaux sociaux.
26:05Enfin, voilà, quoi.
26:06Mais Biden l'avait mis en pause
26:08parce que, justement, juridiquement,
26:10ce n'était pas du tout acté
26:12que ce soit possible de faire ça.
26:13Il y a juridiquement,
26:15il y a le côté électoraliste, effectivement,
26:17qui n'est pas les moindres
26:19et qui pourrait faire, d'ailleurs, reculer Trump.
26:21Mais tout ça, finalement,
26:23ça revient à tous les débats que nous avons.
26:25Ça revient à un premier constat.
26:26C'est que le numérique,
26:28le digital, par essence,
26:30est extraterritorial.
26:32On le sait depuis les égnoûts de Beaumann
26:34sur le fait qu'effectivement,
26:35le numérique rendrait les Etats liquides.
26:37Et donc, d'une certaine façon,
26:39on les cantonnerait à une certaine forme d'impuissance.
26:41En tout cas, un Etat seul
26:42ne peut à lui tout seul
26:44vouloir tout légiférer.
26:46Ce n'est pas possible.
26:47Et c'est pour ça, je crois,
26:48que la question de l'Europe est essentielle.
26:50Vous l'avez dit encore tout à l'heure.
26:52C'est un point important
26:54que de pouvoir remettre en selle
26:56un niveau européen,
26:58peut-être pas avec l'Europe des 27,
27:00bien évidemment,
27:00peut-être pas,
27:01mais un niveau européen
27:02qui pense non seulement vision,
27:05on est très fort en France,
27:06notamment pour les visions,
27:07pour les slogans,
27:08mais modalité, modalité opérationnelle
27:10et surtout un accord
27:12et des négociations en amont.
27:13Et là, très objectivement,
27:14on le constate,
27:15l'Europe est un peu à la traîne.
27:17Alors là, certes,
27:18on parlait d'un sujet
27:19qui concerne les Etats-Unis,
27:20mais pas seulement.
27:21Mais qui pourrait être un sujet
27:22pour l'Europe.
27:23Pour l'Europe.
27:24Et qu'attendons-nous ?
27:26Qu'attendons-nous ?
27:26Et sans doute,
27:27est-ce qu'il est temps désormais
27:28de faire aussi des réformes de structure ?
27:30Alors, on ne va pas parler
27:31du droit constitutionnel français,
27:32mais il y a vraisemblablement,
27:34en tout cas,
27:34un couple franco-allemand
27:36à remettre en selle
27:37avec peut-être
27:38quelques autres pays.
27:40Allez, 40 secondes,
27:41Tristan, point de réaction
27:42là-dessus sur TikTok.
27:43Non, je n'ai rien d'intelligent
27:45à rajouter un petit peu de temps.
27:48J'ai une donnée intéressante.
27:53Mais j'ai regardé
27:54ce qui s'était passé
27:55dans les Etats
27:55qui ont réussi à bannir TikTok,
27:57notamment dans l'Inde,
27:58qui était un marché énorme.
27:59Parce qu'au moment
28:00où ils l'ont banné en 2020,
28:00il y avait 200 millions d'utilisateurs,
28:02donc c'est plus
28:02qu'aux Etats-Unis aujourd'hui.
28:03En 2025,
28:04les utilisateurs d'Instagram
28:05ont doublé en Inde.
28:07Donc voilà.
28:08On essaie beaucoup à jouer.
28:10Mais donc,
28:11qu'est-ce que ça veut dire
28:11pour l'Europe ?
28:12Même si l'Europe réussissait
28:13à se mettre,
28:13d'accord,
28:13c'est qu'on passerait
28:14simplement d'une dépendance
28:15à une autre.
28:17Merci beaucoup.
28:18Charlène Biondi
28:18était avec nous,
28:19expertis par l'Institut Montaigne,
28:21Tristan Nitto,
28:22directeur associé
28:23en charge des communs
28:24et de l'anthropocène
28:25chez Octo Technology
28:26et Jacques Moulin,
28:27directeur général
28:28du DigiWorld Institute.
28:29Merci à vous
28:30de nous avoir suivis.
28:31C'était le grand débrief
28:32de Smartech.
28:33On se retrouve très vite
28:34sur Bsmart for Change
28:35et puis vous pouvez nous suivre
28:36aussi en podcast.
28:37à très bientôt.

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