- 25/06/2025
Vendredi 4 juillet 2025, retrouvez Mathilde Augé (Directrice exécutive, World Monuments Fund) dans ART & MARCHÉ, une émission présentée par Sibylle Aoudjhane.
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00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Arrêt Marché, votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13Et aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Mathilde Auger qui est directrice exécutive du World Monuments Fund France,
00:19une ONG américaine qui oeuvre pour la préservation du patrimoine et qui fête en 2025 ses 60 ans d'existence.
00:27L'occasion pour nous de revenir sur l'évolution de cette organisation et de découvrir leurs plus beaux projets.
00:32C'est tout de suite dans Arrêt Marché, édition week-end.
00:39Que ce soit en Inde, au Burkina Faso ou encore en France, les actions du World Monuments Fund s'opèrent partout dans le monde et ce depuis 60 ans.
00:49Et je suis ravie de recevoir Mathilde Auger qui est directrice exécutive du WMF France.
00:55On dit WMF ?
00:56On dit WMF, c'est plus facile.
00:58Ça me simplifiera la vie. Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
01:01Bonjour Simile, merci beaucoup pour l'invitation.
01:03Alors si je retiens bien, c'est donc en 1965 que toute cette organisation a été créée.
01:10Est-ce que vous pouvez nous raconter quel était le constat de départ qui a permis tout ce développement ?
01:16Bien sûr. Alors c'est effectivement il y a 60 ans, donc on est en plein Europe après le plan Marshall et le colonel Gray, un colonel américain à la retraite, était un grand passionné de patrimoine.
01:29Il voyageait partout dans le monde et il a constaté dans différents endroits qu'il y avait vraiment besoin de sauvegarder de nombreux sites en péril.
01:35Il en a reparlé à ses retours de voyage, il passait beaucoup de temps en Italie à l'époque et à partir de là, il a réussi à susciter l'enthousiasme de nombreux américains, même de beaucoup de new-yorkais à l'époque, pour sauvegarder certains sites dans le monde.
01:52Il a commencé à faire quelques grands projets dans des lieux vraiment emblématiques, à la Libella en Éthiopie, à l'île de Pâques, au Chili et à Venise au moment des inondations.
02:04A partir de là, à partir de ces grands projets, l'ONG s'est structurée, professionnalisée et on arrive aujourd'hui, 60 ans plus tard, où maintenant on a fait plus de 700 projets dans plus de 112 pays.
02:16Et justement, je voulais revenir sur tous ces chiffres clés de l'association, combien de projets, dans combien de pays, est-ce que vous savez tout ça, comment est-ce que vous êtes aussi dans cette organisation ?
02:27Alors, dans le monde, combien est-ce qu'on est ? On a à peu près 400 personnes qui travaillent trois mois de l'année au WMF.
02:34C'est une grosse structure, mais c'est assez partagé, c'est-à-dire que ça inclut environ 80 personnes qui sont vraiment les employés administratifs.
02:42Et après, tous les artisans, restaurateurs, experts qui travaillent pour nous.
02:48Donc sur ces 400, il y en a par exemple une très grosse partie qui travaille au Cambodge pour nous, à Angkor Watte, sur nos projets à Angkor Watte.
02:57Combien de projets actifs actuellement ? Plus d'une cinquantaine dans 35 pays.
03:03D'accord. Et alors, quand on parle de patrimoine, en fait, qu'est-ce que ça veut dire exactement une organisation qui s'occupe de la restauration du patrimoine restauré ?
03:14Qu'est-ce que vous faites concrètement dans chaque site ? J'imagine que ça diffère en fonction de la typologie du site.
03:19Tout à fait. On s'adapte vraiment aux besoins de chacun des sites.
03:23Mais ce qui est très important pour nous, c'est qu'on travaille sur le patrimoine immobilier, sur les monuments, sur du patrimoine tangible.
03:34Et là, à partir de là, on travaille sur des sites très, très différents les uns des autres, que ce soit des espaces agricoles historiques, traditionnels,
03:42des grottes rupestres ou du patrimoine beaucoup plus moderne et contemporain.
03:47On adapte notre action aux besoins. Donc, ça peut aller de la restauration, de la conservation physique, à de l'aménagement, à la réflexion sur l'accueil des visiteurs,
03:58comme par exemple ce qu'on a fait à Tahitiwakan, ou également des projets de valorisation de ce qu'on appelle en anglais de l'advocacy,
04:05pour vraiment défendre certains sites contre des dangers, contre des destructions potentielles.
04:11Et on inclut également dans toutes ces actions la protection de certains savoir-faire liés à des monuments.
04:17On a, par exemple, un très beau programme de formation de restauration à la feuille d'or au Japon, à Kanazawa,
04:25à la taille de pierre en Jordanie pour des réfugiés syriens, autour de Chine aussi, beaucoup.
04:32Donc, c'est vraiment très, très large.
04:33Oui, très large. Et comment est-ce que vous sélectionnez les projets ?
04:37Est-ce qu'on vous sollicite ? Ou est-ce que c'est vous qui proposez votre aide sur certains sites ?
04:43On choisit nos projets à partir d'appels à candidature, d'appels à nomination.
04:47Le plus gros de nos programmes, c'est ce qu'on appelle la Watch, la World Monuments Watch.
04:51Ah oui, c'est ça. Parce que je voyais qu'il y avait deux terminologies.
04:53J'allais lui demander quelle était la différence.
04:56Entre le World Monuments Watch et le World Monuments Fund.
04:59Alors, le World Monuments Fund, c'est vraiment l'organisation, l'institution et la World Monuments Watch, qu'on a mis au féminin en français.
05:08Mais bon, voilà. C'est vraiment un de nos programmes et c'est notre principal appel à candidature dans le monde pour justement sélectionner des nouveaux projets.
05:16D'accord.
05:16C'est un programme biannuel, international, et tous les deux ans, on lance cet appel à nomination dans le monde.
05:23N'importe qui peut candidater, à la fois des gestionnaires de sites, des propriétaires de sites, des collectivités, des États,
05:30mais aussi des individus amoureux du patrimoine qui peuvent tout simplement nous signaler qu'il y a cet endroit absolument sublime à côté de chez eux qui a besoin de beaucoup d'aide.
05:38C'est vraiment ouvert à tous. À partir de là, toutes ces candidatures sont examinées par des experts indépendants et internes.
05:47On a par exemple un comité scientifique en France qui est présidé par Stéphane Bern et qui regroupe des experts de différents domaines,
05:54qui a étudié toutes les candidatures qu'on a reçues en France.
05:57Ensuite, on étudie les candidatures viables en interne avec les équipes du WMF.
06:02Et enfin, on les donne tous à un jury d'experts indépendants international, et ce sont eux qui font une sélection drastique de 25 sites.
06:11C'est ça ?
06:12C'est drastique. 25 sites, vraiment, c'est là, sur notre dernier appel à candidatures, on avait plus de 220 candidatures.
06:19Et quand vous avez dit projet viable, j'imagine que c'est un des critères phares pour que vous puissiez intervenir.
06:26Sur quoi se passe cette viabilité ?
06:29Sur des arguments physiques, tout simplement, est-ce que c'est des endroits, par exemple, où on est en capacité d'aller ?
06:36Sur certains arguments aussi financiers, est-ce que c'est des projets qui demandent 450 millions, par exemple ?
06:44Ce n'est pas un projet sur lequel nous, là, tout seul, on veut aller.
06:49Sur des capacités techniques aussi, est-ce que c'est un endroit où, là, tout de suite, on a les moyens ?
06:56Donc, sur tous ces critères-là, pour voir vraiment ce qui est viable, sérieux, et à partir de là, on regarde aussi ce qui est d'un intérêt plus stratégique.
07:05C'est-à-dire que, comme la sélection est tellement drastique, on essaye vraiment de choisir des projets sur lesquels on pense qu'on a une valeur ajoutée plus forte.
07:12C'est souvent des endroits où on peut essayer de réfléchir, par exemple, à une nouvelle solution, une nouvelle manière de faire les choses,
07:19qui ensuite peut être dupliquée ailleurs, parce qu'évidemment, on partage tout ce qu'on fait.
07:23Et le scénario idéal, c'est que vraiment, on arrive à imaginer une solution innovante, qui ensuite puisse être reprise et aider d'autres sites par le monde.
07:31Est-ce que quand on vous sollicite, est-ce qu'on dit, enfin, est-ce que les personnes savent quels sont les besoins qui sont nécessaires pour ce site-là,
07:41où, en fait, ils sont un petit peu dans le flou, et vous, vous êtes là aussi pour faire tout simplement un état des lieux, une feuille de route,
07:47et leur dire ce qui serait judicieux pour vous de faire ?
07:49C'est variable, mais de toute façon, dans tous les cas, on va commencer par un état des lieux et une conversation très approfondie avec notre partenaire local,
07:57pour effectivement voir, être sûr qu'on a bien identifié les besoins, et ensuite les étapes suivantes pour voir comment agir.
08:05Parce que parfois, on peut recevoir une candidature en disant, bon, le problème, c'est qu'il y a trop de visiteurs à cet endroit-là,
08:12où le problème ne tient pas tellement au fait qu'il y a vraiment trop de visiteurs, mais que, par exemple, les liens entre les visiteurs à un site touristique
08:20et les communautés environnantes, ces liens se sont trop distendus. Et c'est plutôt ça, le problème, aujourd'hui.
08:25C'était le cas, par exemple, sur un des projets qu'on a terminé à Teotihuacan, au Mexique, où on a travaillé vraiment très étroitement
08:32avec tous les villages environnants pour voir comment essayer de resserrer les liens.
08:37Et c'est passé par l'organisation de différents événements avec les populations locales, mais aussi par des études préalables
08:46et tout simplement par des redirections ensuite des circuits de visiteurs qui passent par plusieurs entrées et ce genre de choses.
08:52Donc, il peut y avoir parfois des solutions très simples, d'autres parfois beaucoup plus complexes. C'est très variable.
08:58Est-ce qu'il y a un péril que vous remarquez qui est le plus fréquent dans tous ces sites que vous aidez à se développer ?
09:06Aujourd'hui, on a utilisé notre dernier appel à la candidature de la Watch pour vraiment faire cette analyse,
09:11pour faire un état des lieux des différents dangers qu'identifiaient les gestionnaires de sites.
09:16On en a identifié plusieurs qui sont inégalement répartis, mais c'est quand même, grosso modo, il y en a plusieurs qu'on retrouve partout.
09:24Le premier, c'est le réchauffement climatique, le dérèglement climatique, qui effectivement impacte 56% des sites au niveau mondial,
09:33mais 81% des sites sur le continent africain.
09:36Il y a une autre problématique qui est la question du tourisme, sur-tourisme, sous-tourisme, des endroits qui sont à l'inverse pas assez visités.
09:45Le sur-tourisme aujourd'hui, c'est un endroit qui a un péril qui impacte majoritairement l'Amérique latine et la Caraïbe.
09:51Tandis qu'il y a aussi des sous-tourismes du coup et des lieux qui ne sont pas entretenus par manque de moyens.
09:56Alors, les manques de moyens est d'ailleurs un des périls, pour le coup, assez universels à différents domaines, mais c'est aussi sur la liste.
10:05La question de l'industrialisation, une industrialisation un peu trop forte qui met en danger des sites historiques, particulièrement le cas en Asie.
10:13La question de l'accessibilité et de l'histoire qu'on raconte, et ça, c'est un danger qu'on observe assez fréquemment.
10:22C'est des sites qui sont de toute façon fermés au public.
10:26Et en fait, au fur et à mesure qu'ils sont fermés au public, s'ils ont un peu perdu leur usage, à partir de ce moment-là, plus personne ne voit vraiment comment les protéger au mieux.
10:36D'accord.
10:37Donc ça, c'est un point sur lequel on travaille beaucoup.
10:40Et c'est le cas, par exemple, du site qu'on a en France, la Chapelle de la Sorbonne, qui est un site absolument somptueux au cœur de Paris.
10:47Mais comme il était fermé depuis 25 ans, aujourd'hui, l'enjeu, c'est vraiment de le réouvrir.
10:53Et oui, et d'attirer le public, d'en créer aussi tout un discours, etc.
10:57Et vous avez parlé un peu de financement.
10:59Comment ça se passe ? Est-ce que vous avez des appels aux dons pour chaque projet ?
11:04Comment est-ce que vous organisez tout ça ?
11:05On a la chance de s'appuyer vraiment sur une philanthropie privée qui vient de différents univers, des individuels, des fondations, des entreprises.
11:13On s'appuie sur certaines grandes entreprises à différents endroits dans le monde.
11:20On travaille beaucoup avec TTS en Inde.
11:23Accor, le groupe français, nous accompagne aujourd'hui sur la watch autour des questions du tourisme également.
11:31Et on fait effectivement des appels aux dons, des campagnes de levée de fonds sur chacun de nos projets.
11:37Une fois qu'on sélectionne un projet, on élabore un budget avec le partenaire local pour voir à peu près de combien est-ce qu'on a besoin.
11:45Et à partir de là, on commence notre levée de fonds.
11:48D'accord, mais donc vous avez quand même une certaine base financière d'année en année qui est assez constante et qui vous permet de vous projeter.
11:55Tout à fait.
11:55C'est variable et aujourd'hui, on est plutôt dans une phase en expansion sur ces dernières années et on a la chance de pouvoir s'appuyer sur assez de gens qui nous soutiennent depuis longtemps
12:07pour être capable d'évaluer quand même en se disant bon, ça, c'est un projet réaliste, ça, c'est un projet qui l'est moins.
12:12Et en parlant de projet réaliste, vous avez proposé un projet sur la lune.
12:16Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus en parlant de l'interview ?
12:20Alors, le projet sur la lune, effectivement, c'est un projet un petit peu différent.
12:24C'est notre projet qui, cette fois, le WMF s'aventure dans l'espace.
12:29Alors, pour le coup, c'est vraiment un projet surtout autour de l'advocatie, de la protection de la lune.
12:33C'est-à-dire que la lune a un patrimoine déjà extrêmement riche, en fait, autour notamment de la base de la tranquillité
12:40qui regroupe à plus de 80 aujourd'hui d'artefacts différents.
12:45C'est là qu'on a la première empreinte de pas sur la lune.
12:47On a aussi un rameau d'olivier en or qui avait été apporté ici par Neil Armstrong.
12:52Donc, on a beaucoup de choses.
12:54Simplement, la lune n'appartenant à personne aujourd'hui, c'est difficile de le protéger juridiquement.
12:59C'est déjà classé comme un site historique par l'État de Californie depuis une quinzaine d'années.
13:04D'accord.
13:05Mais en revanche, il n'y a pas beaucoup de protection juridique.
13:08Et nous, on veut élaborer autour de la lune un projet, un accord international pour protéger ce patrimoine.
13:17Alors même qu'aujourd'hui, on est dans une phase où il y a beaucoup d'explorations privées,
13:21beaucoup d'explorations aussi d'États qui n'ont pas ratifié les différentes conventions sur la lune.
13:26Donc, on ne prévoit pas là tout de suite de développer beaucoup de choses comme ça.
13:30Mais en revanche, une protection juridique.
13:34Un peu sur le modèle du traité de l'Antarctique.
13:36D'accord.
13:36Merci beaucoup Mathilde Auger.
13:38Je rappelle que vous êtes directrice exécutive du World Monuments Fund France.
13:42Merci d'avoir été avec nous.
13:43Et merci à vous tous et toutes de nous avoir suivis.
13:45C'était Arrêt Marché, édition week-end.
13:47Sous-titrage Société Radio-Canada
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