- 21/06/2025
Samedi 21 juin 2025, retrouvez Aline Aubertin (Présidente, Association Femmes ingénieures) dans SMART WOMEN, une émission présentée par Marie-Claire Capobianco.
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00:00Bonjour Aline Aubertin. Bonjour. Bienvenue sur le plateau de Smart Woman, Aline.
00:09Donc vous êtes venue pour faire la promotion active de la place des filles dans les filières scientifiques.
00:16Alors vous êtes vous-même ingénieure, vous dirigez une école d'ingénieurs du numérique, l'ISEP,
00:23et vous êtes également présidente d'honneur, je le disais en introduction, de l'association Femmes Ingénieures.
00:28Bon, donc c'est un sujet que vous connaissez parfaitement, donc on va pouvoir en parler,
00:33et on est d'accord pour dire que la filière globalement, à la fois scientifique, mais ingénieure en particulier,
00:39au sens large, manque cruellement de filles. Bon, donc on va développer tout ça.
00:44Mais dites-nous d'abord l'association Femmes Ingénieures, de quoi s'agit-il, que fait-elle ?
00:49Alors c'est une association qui existe pratiquement depuis que les femmes peuvent être ingénieures,
00:54depuis que les écoles sont ouvertes aux filles. Donc nous avons la conviction que la mixité hommes-femmes
01:00est vraiment une richesse et un atout de compétitivité pour les entreprises,
01:05ce qui nous amène à travailler dans quatre volets. Le premier volet, c'est la promotion des métiers d'ingénieurs
01:11auprès des filles dans le monde de l'éducation et auprès des encadrants également d'ailleurs.
01:15Le deuxième volet, c'est la promotion des ingénieurs dans le monde du travail et dans la société en général,
01:22pour les aider à briser le plafond de verre, mais aussi parce que c'est parce que les ingénieurs seront visites
01:27dans la société que des petites filles ou des moins petites auront envie d'aller dans ce domaine-là.
01:32Un troisième volet qui est faire en sorte que les ingénieurs accèdent au mandat d'administratrice
01:38dans les conseils d'administration, puisque la problématique, elle doit être traitée à tous les niveaux de l'entreprise.
01:41Et quatrième volet, on est un think tank, donc aux côtés des pouvoirs publics,
01:46pour les alimenter et discuter avec eux de ces sujets.
01:49Voilà les quatre volets de ces zones comme ingénieurs.
01:52Quatre volets importants.
01:53Ce volet, j'avais d'ailleurs été interpellé, entre guillemets, par ce volet du conseil d'administration
01:59que je trouve très intéressant et original, parce que finalement, on en parle assez peu.
02:03Et qu'est-ce qui vous a amené ? Je suppose que c'est vous, ou c'est l'association qui en a eu...
02:07Oui, c'est de l'époque où j'étais président de l'Union, et d'ailleurs, on a commencé à travailler le sujet.
02:10C'est la loi qui vous en appartient.
02:12Oui, bien sûr.
02:14Et comment vous développez l'argument pour convaincre, justement, des entreprises de faire ce choix,
02:21au-delà de la loi qui, maintenant, l'impose, bien évidemment ?
02:24Mais qu'est-ce que vous avez développé comme argument pour que, justement, il y ait davantage de femmes ingénieures ?
02:29Parce que la loi, elle prévoit des femmes, mais pas des femmes ingénieures.
02:31Pourquoi les femmes ingénieures apporteront ou apportent davantage dans les conseils d'administration ?
02:37En fait, on a fait toute une analyse de, on va dire, des compétences et des aptitudes un peu particulières,
02:43et on va dire précieuses, que peuvent apporter les ingénieurs au conseil d'administration.
02:48Ce serait d'ailleurs valable pour les hommes également, soyons justes.
02:51Et moi, personnellement, j'ai passé un certain temps à interviewer soit des présidents de conseils d'administration,
02:58soit des administratrices, pour essayer de comprendre ce qu'il y avait un peu de spécifiques.
03:02Et ces spécificités, finalement, elles sont dans trois directions.
03:05La première, c'est que les ingénieurs ont des compétences qui sont utiles à l'empréprise elles-mêmes.
03:10Elles ont généralement des compétences métiers, et elles en ont généralement plusieurs,
03:14puisque les ingénieurs, une des spécificités, c'est que les ingénieurs changent plusieurs fois de métier dans leur carrière.
03:18Des compétences sectorielles, là aussi, généralement, il y en a eu plusieurs.
03:22Et puis des compétences techniques qui sont transférables d'un secteur à l'autre.
03:26Une vraie capacité d'analyse technique et systémique qui permet d'appréhender des enjeux industriels,
03:31technologiques, numériques, et qui sont vraiment aujourd'hui au cœur de la stratégie des entreprises.
03:36Donc voilà pour les apports à l'entreprise elle-même.
03:39Puis des aptitudes et une expérience qui sont intéressantes pour le fonctionnement opérationnel du conseil d'administration lui-même.
03:46D'abord une lecture fine des risques, des investissements, de l'innovation, des transformations qui sont nécessaires.
03:52Une capacité à enrichir les débats stratégiques avec une vision qui est toujours concrète, prospective,
03:59et souvent orientée solution.
04:00Et là vous retrouvez finalement la capacité de questionnement, la démarche scientifique,
04:05et également cette capacité à avancer par test erreur et à tester des choses.
04:09Et puis le dernier volet, c'est que généralement ce qu'elle apporte est intéressant en termes de RSE est intéressant pour l'actionnaire.
04:16D'abord c'est une diversité de regards, une prise en compte des enjeux sociétaux, au moment où c'est crucial pour les entreprises,
04:24une vision systémique rigoureuse qui est ancrée dans les enjeux technologiques.
04:29Bref, elles ont l'habitude de se poser les bonnes questions sur les usages, les risques éthiques,
04:33et vous parliez tout à l'heure d'intelligence artificielle, au cœur des travaux des ingénieurs.
04:39Ce que vous dites à la fois paraît très évident, et malheureusement pour autant ce n'est pas une réalité.
04:45Alors justement, pourquoi finalement, comment on caractérise le fait que les filles aient de moins,
04:51enfin il y en a moins qu'avant, déjà il n'y en avait pas assez, mais il y en a moins qu'avant,
04:54donc pourquoi a-t-on cette difficulté à orienter, à tirer les filles vers les métiers d'ingénieurs ?
05:01Alors oui, il y en a légèrement moins qu'avant, on était arrivés péniblement les dix dernières années en croissant tout doucement à 30%,
05:08et là c'est en chute, c'est en chute depuis la mise en œuvre de la réforme Blanquer, la réforme du bac,
05:14qui demande aux filles, et aux garçons aussi d'ailleurs, de choisir leur spécialité très tôt,
05:18à un moment donné où les stéréotypes sont très ancrés dans les têtes, où les filles s'identifient vraiment au genre fille,
05:26et quand on est une vraie fille, en fin de seconde ou en troisième, on ne fait pas des sciences, on ne fait pas des maths,
05:31ça c'est pour les garçons, donc vraiment ça ne nous aide pas.
05:35Il y a 50% des filles aujourd'hui qui ne font plus de maths en terminale, il y a 30% de garçons,
05:40et il y en avait 15% avant la réforme du bac, donc c'est un point important.
05:46Et ça a été aussi immédiat, parce que cette réforme, ça a été immédiat.
05:50Dès que les filles ont eu le choix, ça veut dire quand même que l'orientation a été également mal faite,
05:56puisque les parents, le milieu professionnel, éducation, etc. ne les orientent plus,
06:02d'un coup d'un seul on a arrêté de les pousser à aller...
06:05Exactement, en fait la filière S était la filière d'excellence,
06:09donc les filles, y compris quand elles n'avaient pas forcément une appétence évidente vers les sciences,
06:14aller dans cette filière-là, et on avait deux ans de plus, jusqu'au baccalauréat,
06:18là où elles sont finalement plus ouvertes, elles ont avancé dans leurs réflexions,
06:21pour les convaincre, et ces deux années étaient cruciales, là on les a complètement perdues,
06:25et pire, les élèves qui ne font pas de sciences, souvent arrêtent complètement les maths,
06:31je pense par exemple à la filière sciences éco,
06:33et Alizé, vous en parliez tout à l'heure, nous on prend des élèves qui ont fait maths et sciences éco,
06:38et on utilise le parallèle de l'analyse systémique des sciences éco pour les ramener au numérique,
06:43et bien il n'y en a plus, des élèves qui font maths et sciences éco, il n'y en a plus,
06:46la majeure partie des élèves qui vont dans cette direction de sciences éco,
06:49en bon moment des maths, au passage, ça crée aussi des drames d'orientation
06:53avec des combinaisons de matières qui rendent l'embarque, qui sont extrêmement difficiles.
06:58Oui bien sûr, mais alors, bon, alors ça c'est...
07:01Il y a sans doute aussi le fait qu'elles ne font pas le lien entre ces études et les capacités de métier,
07:07et vous me disiez, quand on a discuté ensemble auparavant,
07:10que finalement les ingénieurs c'était plusieurs métiers.
07:13Absolument.
07:14Alors comment, bon, finalement, face à tout ça, votre rêve absolu là,
07:19pour changer la donne et pour à la fois les attirer et à la fois accélérer l'attraction ?
07:26Alors j'ai deux grands rêves absolus, j'avais d'énormes moyens.
07:30Le premier c'est que je rêverais soit d'une série télévisée, soit d'une grande campagne télévisée,
07:34un peu comme as-tu le faire l'artisanat ou comme c'est le faire l'armée,
07:37pour donner à voir la diversité des métiers.
07:40Souvent, comme on venait de le dire, les ingénieurs, on ne les voit pas dans la vie de tous les jours,
07:43donc les ingénieurs, les filles ne se projettent pas vers ces métiers, c'est mon premier rêve.
07:47Et le deuxième rêve, peut-être plus accessible, plus pragmatique,
07:51ça serait d'avoir des bourses spécifiques pour les filles,
07:55pour qu'au moins l'argent et la capacité financière ne soient pas un frein.
07:58C'est quand même des études qui durent 5 ans, donc pour ça, ça peut être un peu difficile.
08:02Donc plutôt que des quotas, qui à mon sens ne fonctionneraient pas parce qu'il n'y a pas de vivier,
08:07j'aimerais qu'on puisse proposer des bourses spécifiques pour les filles,
08:11qu'on verrait un signal fort sur l'enjeu de notre pays,
08:15qui a besoin de plus d'ingénieurs, d'ailleurs vous le disiez en introduction,
08:18qu'ils soient filles ou garçons, notre pays a besoin de plus d'ingénieurs,
08:21et c'est parmi les filles qu'il y a encore un vivier, si je puis dire, inexploité.
08:25– Les garçons, vous considérez que…
08:27– On convainc quelques-uns de plus, mais il y en a déjà beaucoup qui vont dans cette direction-là,
08:32donc ça ne suffira pas.
08:32– Bien sûr, mais c'est… donc c'est de l'argent, enfin voilà,
08:37la question c'est de savoir s'il n'y a pas d'autres moyens,
08:39parce que comme vous dites, c'est des rêves, bon c'est un coup de…
08:41sur les temps, ce n'est pas forcément très très très onéreux,
08:45mais néanmoins c'est de l'argent, mais en dehors des sujets financiers,
08:49après c'est de la communication, après c'est de leur expliquer, etc.
08:53– Je pense qu'on pourrait aussi former, ça, ça coûterait peut-être un peu moins,
08:57modifier la manière dont vous forment les enseignants,
09:01qui sont vecteurs de stéréotypes, et comme tout à chacun,
09:03il n'y a pas de raison qu'ils en soient exempts,
09:06et donc les sensibiliser aux stéréotypes dont ils sont porteurs,
09:09comme l'ensemble de notre société, pour qu'ils fassent attention à leur discours
09:12et qu'ils aient un discours spécifique aussi, serait également très utile.
09:16– Il y a pas mal d'actions qui sont menées par des associations,
09:19notamment, qui effectivement cherchent à pousser ce discours
09:22de la diversité des métiers, et donc de l'intérêt qu'elles peuvent y trouver.
09:26Donc bon, bon, donc enfin, encore du travail.
09:29Alors, de toute façon, ça tombe bien, parce qu'après vous,
09:31je vais recevoir Maya Hattie, qui elle est la directrice générale
09:34de la Fédération des banques françaises,
09:36et vous savez que les banques consomment beaucoup d'ingénieurs.
09:39– Alors moi, je le sais, mais qui le sait, on va dire, dans le grand public ?
09:42– Excellent exemple, qui sait que les banques manipulent beaucoup de données,
09:47donc beaucoup d'ingénieurs.
09:48– Oui, oui, oui, donc forcément, on va faire le lien et la transition comme ça.
09:52En tout cas, écoutez, j'espère qu'on va voir des résultats se produire,
09:56accélérer malgré tout, parce qu'on en parle quand même beaucoup,
09:59il y a une prise de conscience, donc j'espère que ça puisse produire
10:02des effets réels et concrets.
10:03– Merci beaucoup Aline, merci de ce témoignage.
10:06– Avec plaisir.
10:06– Merci.
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