00:00Guettez votre boîte aux lettres. C'est en ce moment que vous allez peut-être recevoir un courrier vous annonçant que vous avez été tiré au sort pour devenir juré d'assise.
00:08C'est ce qui vous est arrivé. Bonjour Kaina Sekai.
00:11Bonjour.
00:11Soyez la bienvenue. Vous êtes rédactrice en chef à Vanity Fair et on va essayer de comprendre grâce à vous en quoi justement ça consiste d'être juré d'assise.
00:19Et on commence évidemment par cette fameuse lettre que peut-être certains de nos téléspectateurs vont recevoir.
00:24Il y a quoi dedans ? Qu'est-ce qui est écrit dans cette lettre quand on vous annonce que vous avez été tiré au sort ?
00:29Ça vient en deux parties. Il y a déjà un premier courrier qui arrive à peu près un an avant pour dire qu'on a été pré-sélectionnés.
00:34Donc c'est ce qui arrive en ce moment. Si les gens reçoivent, c'est-à-dire que vous serez juré peut-être en 2026.
00:40Peut-être juré en 2026. Ça peut être un courrier isolé et il ne se passe rien. Dans mon cas, j'ai reçu un courrier un petit peu plus d'un an après, en septembre, c'est une convocation pour nous dire rendez-vous le 12 novembre.
00:52Et alors dans ce cas-là, on peut dire non, non, je ne peux pas, je travaille. Comment ça se passe ?
00:57On ne peut pas dire non. C'est une convocation en sachant qu'on encourt, je crois, un an de prison et une amende de 3 790 euros, quelque chose en genre.
01:05C'est un devoir citoyen en fait. On est obligé de le faire quand on reçoit cette convocation.
01:11Comment ça se passe pour s'organiser dans la vie avec son employeur par exemple ? Parce que quand on vous dit qu'il faut être là, il faut y aller.
01:17On n'a pas le choix. Après, ça dépend des entreprises. Dans mon cas, dans l'entreprise, dans laquelle je travaillais avant, j'ai dû poser des congés sans solde.
01:23C'est le cas, je pense, dans certaines entreprises, pas forcément toutes, en sachant qu'il y a une indemnisation pas toujours à hauteur du salaire.
01:32Il n'y a pas d'organisation nationale ? Il n'y a rien qui est demandé aux employeurs ? C'est à chacun de s'organiser ?
01:37Absolument.
01:39Alors, je ne sais pas, vous pouvez parler du procès auquel vous avez participé ? Est-ce qu'on a le droit de garder ?
01:44Enfin, il faut garder le silence, on peut en parler ? Voilà, exactement. Merci.
01:47Je vous en prie.
01:48Alors, la seule chose dont on ne peut pas parler, c'est tout ce qui se passe derrière la porte close.
01:52C'est-à-dire quand on est entre juré, sur client, et même les discussions avant.
01:56Ah, il y a même les discussions, d'accord.
01:58Je ne vais pas prendre le risque de ne pas en parler de ces situations.
02:00Bien sûr, maintenant.
02:01Mais après, tout ce qui se passe durant le procès, tant que les audiences sont publiques, on peut en parler.
02:06Puisque le procès est public, et ce qui s'est passé à l'audience, on peut en parler.
02:10Pas forcément ce qu'on en a ressenti, il s'est influé sur le verdict.
02:15Mais le secret, c'est sur les délibérations.
02:18Mais qu'est-ce que vous avez ressenti au moment où vous recevez la convocation,
02:22et au moment aussi où il faut se rendre la première fois au tribunal ?
02:26Vous vous dites quoi ? Il se passe quoi dans votre tête à ce moment-là ?
02:28Parce que c'est une cour d'assises, quand même.
02:29C'est une cour d'assises.
02:30C'est extrêmement impressionnant.
02:31Donc, avec la convocation vient un résumé d'une présentation de l'affaire très succincte,
02:36avec les charges qui ont été retenues contre les mises en cause.
02:40Et du coup, on prend un petit coup de pression, évidemment.
02:42Et dans votre cas, c'était quoi comme affaire ? Parce que vous pouvez nous le dire.
02:45Il y a eu deux affaires.
02:47Moi, c'était une session de deux semaines.
02:48En moyenne, c'est deux à trois semaines.
02:50Après, ça peut durer beaucoup plus longtemps.
02:52Comme on a vu à la maison, ça a duré près de trois mois avec un jury populaire, je crois.
02:56Mais moi, j'ai une première affaire qui était un viol et une seconde qui était un meurtre.
03:01D'accord.
03:01Ah oui, donc c'est très perturbant.
03:03Qu'est-ce qui est le plus marquant dans votre cas ?
03:06Entre les deux affaires ?
03:07Non, d'être juré dans une cour d'assises.
03:09C'est-à-dire qu'on n'est peut-être pas préparé psychologiquement à le devenir.
03:12Je pense qu'on n'est jamais préparé pour beaucoup d'entre nous.
03:15Et j'espère que c'est la seule fois où on aura affaire à la justice, en fait.
03:19C'est extrêmement impressionnant.
03:20Surtout, en plus, moi, j'étais à Paris, dans le tribunal de la cité,
03:23donc dans la salle Voltaire, qui est une salle emblématique du palais de justice,
03:28c'est extrêmement impressionnant.
03:29Et psychologiquement, je pense que c'est très impactant.
03:32Et quand vous disiez que ça peut durer deux, trois semaines ou plus, parfois,
03:35en fin de journée, est-ce que vous avez le droit de rentrer chez vous ?
03:38Est-ce que vous devez rester, j'en sais rien, moi, dans un hôtel avec les autres jurés ?
03:42Non, ça, je pense que c'est la version américaine.
03:44C'est ça, c'est aussi l'idée.
03:44J'ai regardé cette série, pardonnez-moi.
03:47C'est une question qu'on se pose, évidemment.
03:49En France, on rentre chez soi le soir.
03:50Le midi, on déjeune, évidemment, dans le quartier,
03:53parce qu'on n'a pas une pause déjeuner extensive.
03:55Non, on rentre chez soi le soir.
03:58Est-ce que vous avez eu la possibilité de visiter une prison avant ?
04:01Parce qu'en général, moi, j'ai été jurée aussi.
04:03Avant, c'est ça ?
04:04Oui, j'ai été jurée dans une affaire il y a plus de 25 ans.
04:08Et en fait, on pouvait visiter la prison en amont
04:11pour voir ce qui se passait après notre décision, ce qui est important.
04:14Est-ce que vous avez pu le faire ?
04:15Non, alors j'avoue, moi, c'est pas une possibilité qui nous a été présentée.
04:18Est-ce qu'on pense à sa sécurité après le procès ?
04:23Ou pas du tout ?
04:24Ou c'est pas une question qui vous…
04:26Honnêtement, non.
04:27Non.
04:27Parce que je crois que j'ai aussi confiance dans le système.
04:31Mais non, non.
04:32Et puis de toute façon, les affaires les plus sensibles, entre guillemets,
04:34sont gérées par des cours spéciales composées de magistrats professionnels.
04:37Et vous arriviez à relâcher la pression, quand même,
04:40parce que je pense que ça doit être de la pression,
04:42de se dire qu'on est juré, on a le destin de quelqu'un entre les mains, en fait.
04:44C'est ça aussi qui se passe, à relâcher la pression chaque jour,
04:47après les moments au tribunal et à la fin.
04:50Peut-être même quelques semaines après le verdict.
04:52En sachant que c'est des journées extrêmement intenses,
04:53qui commencent tôt le matin, peuvent terminer assez tard en fin de journée.
04:57Et c'est toute la journée des témoignages,
04:59quand c'est la victime, la famille de la victime.
05:02Est-ce que vous avez la conviction d'avoir fait quelque chose de bien, d'important ?
05:07Et surtout, est-ce que vous êtes claire avec votre décision ?
05:09Parce que c'est difficile de gérer la vie d'une personne.
05:13C'est une pression énorme.
05:16Mais oui, je pense que quand on est bien encadré,
05:19et j'ai eu de la chance, ça a été mon cas,
05:21avec la présidente de la Cour d'assises, les juges et ses soeurs,
05:24on a été extrêmement bien entourés, ils ont été très pédagogues avec nous.
05:26Si on avait la moindre question, ils nous ont répondu.
05:28Et du coup, je me suis sentie en sécurité et assez à l'aise pour prendre la décision in fine.
05:34Merci en tout cas, Kainas et Kain, de votre témoignage.
05:37Donc c'est en ce moment que les lettres arrivent chez les Français.