00:00On commence tout de suite ce Lex Inside et on va parler de l'agence française anticorruption avec sa directrice Isabelle Gégouzot.
00:17Isabelle Gégouzot, bonjour.
00:18Bonjour.
00:19Nous allons faire le point sur les missions, l'organisation et les défis de l'agence française anticorruption.
00:26Tout d'abord, je rappelle que depuis juillet 2023, vous êtes à la tête de l'AFA.
00:32Pour commencer, pouvez-vous nous présenter les missions principales de l'agence ?
00:37Alors, cette agence a été créée par la loi du 9 décembre 2016, qui est la loi Sapin 2, et elle a pour mission d'aider,
00:45et ce terme aider est important, tant le secteur économique, les entreprises que les acteurs publics dans la prévention des atteintes à la probité.
00:57Par atteinte à la probité, on entend bien entendu la corruption, puisque c'est notre titre,
01:03mais de manière plus large, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêts, le détournement de fonds publics, la concussion et le favoritisme.
01:11Donc, ce sont ces infractions qui constituent le sujet sur lequel nous travaillons.
01:16Globalement, on parle souvent de corruption ou d'atteinte à la probité au sens large.
01:21Alors, notre mission est une mission exclusivement préventive, et ça c'est important.
01:26Nous ne sommes pas un service d'enquête.
01:28Néanmoins, puisque notre mission est d'aider, néanmoins, nous avons des pouvoirs de contrôle, sur place et sur pièce,
01:38tant pour les acteurs économiques que pour les acteurs publics.
01:41Pour les acteurs économiques, nous pouvons contrôler les très grandes entreprises,
01:44c'est-à-dire celles qui ont plus de 500 salariés et un chiffre d'affaires annuel de plus de 100 millions d'euros.
01:50Et nous pouvons aller vérifier, non pas s'il y a de la corruption,
01:55mais si les dispositifs de prévention et de détection exigés par la loi Sapin 2 ont bien été mis en place.
02:05Et nous avons également des pouvoirs de sanction, puisque nous avons une commission des sanctions
02:09qui peut sanctionner les entreprises qui n'auraient pas fait correctement leur travail.
02:14Alors, notre mission est véritablement une mission qui vise à prévenir la corruption,
02:21mais évidemment, si à l'occasion de contrôles, notamment d'un acteur public ou d'un acteur économique,
02:27nous découvrons des faits de corruption, nous les signalons au procureur de la République.
02:32Donc, parmi nos missions aussi, et ça je pense que c'est important, c'est pas toujours très connu,
02:38nous sommes autorités externes de signalement, c'est-à-dire que nous pouvons recevoir
02:44et nous recevons des signalements sur des faits de corruption,
02:47sur la qualité des dispositifs qui sont mis en place ici ou là,
02:51et nous en recevons beaucoup, je dirais de plus en plus,
02:54puisque, pour vous donner quelques chiffres, en 2023, nous en avons à peu près reçu 400 dans l'année,
03:01le double en 2024, et là, depuis le début de l'année, nous avons largement dépassé les 1 000.
03:07Donc, nous recevons de plus en plus de signalements,
03:09dans ces signalements, il y a des choses que nous pouvons exploiter, d'autres pas,
03:12mais il est possible de nous dénoncer des faits,
03:17et nous pouvons aussi protéger l'anonymat de ceux qui nous les déclarent,
03:24mais évidemment, nous contrôlons et nous les traitons toujours,
03:29et nous y sommes attentifs.
03:31Alors, vous venez de parler des missions,
03:33on va s'intéresser maintenant à l'organisation de l'AFA,
03:36quelles sont les grandes nouveautés en matière d'organisation ?
03:40Alors, depuis le 1er décembre dernier,
03:44l'AFA s'est réorganisée autour de ces deux grands champs d'activité,
03:50les acteurs économiques d'un côté et les acteurs publics de l'autre.
03:53Pourquoi ? Parce qu'au bout de 8 ans,
03:55nous avons contrôlé un certain nombre d'entreprises et d'entités publiques,
03:59et de ce fait, nous avons un peu une expérience à travers nos contrôles,
04:03et je souhaitais que notre activité de conseil,
04:06puisque nous avons à la fois une activité de conseil,
04:08une activité de contrôle,
04:10je souhaitais que notre activité de conseil profite plus
04:13de ce que nous voyons dans nos contrôles,
04:16qu'il s'agisse de bonnes pratiques,
04:18mises en place par des acteurs économiques ou par des acteurs publics,
04:22on en a repéré un certain nombre,
04:25ou qu'il s'agisse, au contraire, de difficultés rencontrées.
04:28Les acteurs économiques et les acteurs publics n'agissent pas dans le même cadre juridique,
04:34notamment les acteurs publics doivent respecter d'autres types de règles,
04:38les codes des marchés publics, la fonction publique,
04:41alors que les acteurs économiques, en particulier les grands,
04:44sont soumis à des obligations beaucoup plus strictes,
04:47au titre de la loi Sapin 2.
04:49Donc c'est des choses un petit peu différentes,
04:51donc nous nous sommes réorganisés pour en tenir compte,
04:54au sein des acteurs économiques notamment,
04:56j'ai créé, j'ai maintenu la différence entre conseil et contrôle,
05:01mais j'ai aussi créé un groupe particulier pour suivre les CIGIP,
05:06c'est-à-dire les conventions judiciaires d'intérêt public,
05:09dans lesquelles ce sont des transactions que le parquet peut...
05:14Parfois la justice négociée.
05:16C'est ça, la négociation avec les entreprises,
05:19et les entreprises peuvent être soumises à un programme de mise en conformité
05:23sous le contrôle de l'AFA.
05:24J'ai souhaité que l'AFA s'implique plus dans ces programmes de mise en conformité,
05:31qu'on les réinternalise pour partie,
05:33et donc j'ai créé aussi une partie pour les CIGIP.
05:36Et puis dans cette réorganisation, nous avons créé aussi quelques fonctions horizontales,
05:41j'ai parlé des alertes tout à l'heure,
05:43mais aussi un observatoire.
05:45La corruption, c'est compliqué de travailler sur la corruption,
05:48parce que la corruption est par définition cachée.
05:51Donc on travaille sur un sujet qui n'est pas palpable,
05:56et qui est difficile à appréhender.
05:58Donc cet observatoire a pour objectif d'essayer d'objectiver le phénomène.
06:04On entend beaucoup parler des enquêtes de perception,
06:07celle de Transparency est très connue.
06:09La France a régressé.
06:12Personnellement, je trouve que c'est un peu injuste, mais bon.
06:16Et donc, au-delà de cette perception qui est forcément subjective,
06:22nous voulons objectiver le phénomène,
06:23et nous récupérons toutes les décisions de justice sur ce sujet.
06:27Nous les analysons, nous en mettons une partie à disposition.
06:30D'ailleurs, nous avons publié une partie des décisions.
06:33Et l'objet est véritablement de mieux appréhender ce phénomène corruptif
06:39pour aider les acteurs publics comme les entreprises à mieux se protéger.
06:44Alors l'action de l'AFA repose sur des textes.
06:46Concrètement, pouvez-vous nous expliquer comment l'AFA s'appuie sur des textes
06:50tout en faisant preuve de pragmatisme ?
06:53Alors, la loi Sapin 2 nous donne une mission très large.
06:59Et donc, nous essayons de maximiser son impact.
07:03Donc, nous travaillons bien entendu avec les acteurs économiques
07:08dans une fonction de conseil, déjà,
07:10que nous faisons toujours de manière très partenariale.
07:13Nous travaillons de manière très étroite avec le secteur économique,
07:17avec le MEDEF, avec l'AFEP, avec des secteurs précis.
07:23Je vais rencontrer le secteur aéronautique, le secteur bancaire,
07:26le secteur pharmaceutique, pour les aider à se protéger.
07:29Et nous publions des guides régulièrement.
07:31Parmi les guides que nous connaissons bien, il y a le guide sur les cadeaux et les invitations.
07:38Tout ça est en ligne et absolument gratuit sur notre site.
07:41Donc, les entreprises peuvent s'y référer.
07:44Nous avons aussi fait des podcasts pour aider les entreprises à mettre en place
07:48des dispositifs de prévention des atteintes à la probité.
07:52Et puis, ça, c'est notre fonction de conseil.
07:54Et puis, dans notre fonction de contrôle, nous essayons aussi de maximiser l'impact de nos contrôles
08:00avec une approche qui est de plus en plus une approche sectorielle.
08:04C'est-à-dire que nous essayons de contrôler en vis-à-vis des acteurs publics et des acteurs privés.
08:10Parce que c'est souvent à l'intersection entre les deux que se niche la corruption.
08:14On l'a fait, par exemple, sur les Jeux olympiques.
08:16On a une autre vague de contrôle sur le secteur portuaire.
08:23On va lancer, je l'ai annoncé, une vague de contrôle sur le secteur de la santé
08:27en vis-à-vis acteurs économiques et acteurs publics pour vérifier,
08:33pour aider, en fait, pour comprendre le fonctionnement d'un secteur,
08:40voir où sont ces risques et aider les acteurs à mieux se protéger.
08:43L'idée, c'est de la prévention, d'abord, pour aider les différents acteurs.
08:49Alors, la prévention pour aider les différents acteurs.
08:51Après, nous avons aussi une commission des sanctions
08:56lorsque les acteurs n'ont pas respecté leurs obligations.
09:02Elle s'est peu réunie d'ici là.
09:04Mon intention est quand même de la réveiller
09:06si certains acteurs économiques ne font pas leur travail.
09:09On va conclure là-dessus.
09:10Merci Isabelle Gégouzo.
09:11Je vous rappelle que vous êtes directrice de l'Agence française anticorruption.
09:15Merci beaucoup.
09:16Tout de suite, l'émission continue.
09:18On va parler du rapport du Club des juristes sur les enquêtes internes.