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L'art dans la rue avec l'artiste plasticien Daniel Buren
France Inter
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13/06/2025
Ali Baddou reçoit Daniel Buren, artiste plasticien à l’occasion de l’exposition "Fare, Disfare, Rifare" jusqu’au 27 juillet à Pistoia en Italie.
Retrouvez « Le 15 minutes de plus » présenté par Ali Baddou sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/15-de-plus
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00:00
L'art est une chose beaucoup plus profonde pour le goût du...
00:04
France Inter, Alibadou, 15 minutes de plus.
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15 minutes de plus ce matin et j'ai le grand artiste plaintisticien de notre époque,
00:13
l'un des plus reconnus sur la scène internationale.
00:16
Il a investi les sites, les lieux les plus divers à travers le monde
00:21
des colonnes du Palais Royal à Paris, à la Rotonde de Mexico.
00:25
Et il expose en ce moment, en Italie, un pays dans lequel il ne cesse de revenir.
00:30
Farer, disfarer, rifarer, faire, défaire, refaire.
00:35
C'est le titre d'une grande exposition visible en ce moment et jusqu'au 27 juillet à Pistoia.
00:41
Bonjour Daniel Buren.
00:43
Bonjour.
00:43
Et bienvenue, ça donne un livre magnifique cette exposition.
00:47
Des photos, des dessins, des croquis, des textes où l'on apprend à mieux vous connaître
00:52
et à mieux connaître votre oeuvre.
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Mais comme tous les vendredis, Daniel Buren, on va commencer avec une expérience de pensée.
00:59
Imaginez qu'on arrive sur une place, on vous demande à vous, Daniel Buren, de créer une oeuvre.
01:04
Qu'est-ce qui se passe dans votre tête à ce moment-là ?
01:07
Eh bien, ça c'est assez compliqué et c'est assez différent d'une place à une autre.
01:11
La seule chose qui ressemble à peut-être mon attitude en découvrant un lieu et ensuite un autre,
01:24
c'est d'y arriver le plus vide possible.
01:28
C'est-à-dire sans vide.
01:29
C'est-à-dire pas avec une idée préconçue.
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Si je ne connaissais pas le lieu du tout, je n'ai vraiment aucune idée.
01:36
Et donc, je me cogne à quelque chose que je découvre en même temps.
01:41
Et cette découverte, pas à la seconde, mais ça peut venir assez vite,
01:48
va me faire découvrir quelques pistes, quelques points de vue intéressants, etc.
01:57
Il y a aussi toujours, dans une chose pareille, des gens qui accompagnent,
02:01
déjà ceux qui invitent, il y a des discussions.
02:04
Et tout ça va construire, au tout début, quelque chose qui peut-être va rester
02:10
jusqu'à la réalisation d'un travail X.
02:14
Alors justement, on va en parler.
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Votre art, il est connu partout dans le monde et c'est un art que l'on appelle
02:20
in situ depuis la fin des années 60.
02:22
Il est toujours en lien avec un lieu spécifique, justement.
02:26
In situ, définition Daniel Buren.
02:29
Qu'est-ce que ces deux mots-là veulent dire pour vous ?
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Pour moi, ils veulent dire, bien sûr, dans le site.
02:37
Et ça englobe beaucoup de choses.
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Parce que qui dit le site est axé sur ce principe,
02:45
c'est évidemment aussi le temps.
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C'est les gens qui font partie de ce site.
02:51
Alors comme ce site peut être aussi bien une petite galerie ou une grande galerie,
02:56
un musée ou une place publique.
02:59
Oui, ou quasiment une ville.
03:01
Ça peut être aussi un peu plus important,
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mais c'est évidemment à chaque fois
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la découverte de certaines frontières et de certaines possibilités
03:13
qui ne ressemblent pas au lieu d'avant
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ou peut-être au prochain qu'on peut me proposer.
03:21
Donc, in situ, ça comprend beaucoup de choses.
03:27
Le lieu, le temps, les gens, l'histoire.
03:31
Si je peux prendre quelque chose sur l'histoire du lieu en question.
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Et je crois très important,
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les gens qui vous entourent au moment où le travail se fait.
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Ensuite, c'est une autre histoire,
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puisque c'est un public, si c'est dans la rue.
03:50
Et ce public, bien sûr, on ne le connaît pas à l'avance.
03:54
Il y a dans votre art ce que vous appelez un signe.
03:58
Un signe qui est au cœur de vos activités artistiques.
04:01
Le rayé, noir et blanc, mais c'est beaucoup plus complexe que ça.
04:05
Et donc, vous dites que c'est un outil visuel.
04:07
On va le décrire.
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Il est connu à travers le monde,
04:10
mais il répond malgré tout à des critères.
04:13
Le motif de l'alternance de bandes verticales, blanches et colorées,
04:17
toujours de la même largeur exacte, de 8,7 cm.
04:22
C'est dérivé d'un tissu industriel que vous avez découvert par hasard
04:26
sur un marché parisien en 1965.
04:30
Il y a une phrase géniale de Truffaut qui dit
04:33
« Le monde se divise horizontalement par affinité
04:36
et non verticalement par frontière ».
04:39
Est-ce qu'elle vous parle, cette phrase-là ?
04:41
Oui, elle me parle.
04:43
Moi, si je pense que la position ou l'utilisation de ce rythme
04:50
blanc-couleur, blanc-couleur, que j'utilise effectivement
04:54
depuis maintenant assez longtemps,
04:56
c'est parce que, pour moi, l'être humain qui va regarder,
05:00
il est debout.
05:01
Donc, il est vertical, par définition.
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Et si on prend, c'est des choses qui sont très, un petit peu subtiles
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et pas forcément fondamentales,
05:15
mais si on prend ces deux lignes verticales sur un mur
05:19
et qu'on imagine ces deux lignes verticales qui ne le seraient plus
05:23
et qui seraient posées horizontalement,
05:26
on obtient une sorte de figuration que les deux lignes verticales excluent.
05:33
et ça m'intéressait pour cette chose-là,
05:36
c'est-à-dire qu'on est tout proche de quelque chose de quasiment insignifiant.
05:43
Insignifiant ?
05:44
J'ai employé beaucoup de mots pour ça au début.
05:46
On parlait de neutre, neutralité, de non-expressivité, etc.
05:54
Mais donc, un peu insignifiant.
05:56
Ça ne veut pas dire que ça reste absolument insignifiant
05:59
pendant toute la durée du travail en question.
06:04
Parce que pour beaucoup, il y a l'idée, et depuis longtemps,
06:07
que l'œuvre d'art, c'est quelque chose qui est clos sur soi-même.
06:10
Une sculpture sur son piédestal, un film quand on le regarde à travers un écran,
06:16
une peinture dans son cadre.
06:18
Pour vous, l'art doit au contraire habiter l'espace.
06:22
Daniel Buren, qu'est-ce que ça veut dire ?
06:25
Ça veut dire pas mal de choses,
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mais ça veut dire que l'une des ambitions du travail au tout début,
06:32
et que j'espère garder aussi longtemps que possible,
06:35
c'est d'élargir le regard et la vision de ceux qui vont être confrontés à ce travail.
06:45
Et cet élargissement, dès le début, m'a éloigné,
06:50
ou même à l'époque, violemment critiqué,
06:53
ce que représentait, par exemple, le tableau.
06:57
Et donc, à partir de là, mais enfin, je n'y suis plus,
07:00
mais à partir de là, j'ai essayé de trouver les éléments possibles
07:04
pour que cet élargissement se crée.
07:09
Comme par exemple, sur une pièce publique,
07:11
c'est plus facile à voir pour tout le monde.
07:17
Je fais en sorte que ce qui est fait
07:19
offre des dizaines, voire beaucoup plus, de points de vue différents.
07:24
Pour moi, tous ces points de vue sont possibles,
07:26
et même des points de vue que je ne découvre, comme tout le monde,
07:29
que le travail est en fini.
07:31
Si quelqu'un me dit que la plus belle façon de voir ce travail,
07:36
c'est de se mettre à tel endroit,
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je ne vais jamais le contredire.
07:39
Mais c'est donner à celui qui regarde, à ceux qui regardent.
07:44
A priori, c'est ouvert.
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Parce que vous n'aimez pas l'idée de public ?
07:47
Public ?
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Surtout, je ne sais pas qui c'est le public.
07:52
Oui, c'est ça.
07:52
C'est ça le problème.
07:53
C'est le problème.
07:54
Et votre conception de l'art Daniel Buren,
07:56
elle ne se rapporte pas simplement à l'espace, à l'environnement,
07:59
à l'architecture dans laquelle quelque chose va s'exprimer,
08:02
mais elle tient compte, votre démarche de la société,
08:05
au moment même où vous créez la politique, la culture, l'économie,
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ce qui peut y avoir même comme ambiance dans un espace donné.
08:14
C'est de tout ça que naît l'œuvre.
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Oui, dans ma façon de travailler,
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et ce qui m'intéresse,
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alors c'est vraiment un peu énorme comme programme, ce que vous dites,
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mais c'est tous ces éléments-là,
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qui d'ailleurs jouent d'une façon plus ou moins forte.
08:34
Il y a des travaux certainement,
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et peut-être évidemment portés sur la critique.
08:41
Il y en a d'autres où la critique est tout à fait mineure,
08:44
c'est d'autres choses qui sont en jeu ou qui peuvent m'intéresser.
08:49
Et comme j'ai la possibilité, en étant invité,
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de travailler quand même de façon assez constante et multiple,
08:59
toutes ces possibilités,
09:02
comment dire, je vais le dire à l'envers,
09:04
vous avez beaucoup d'artistes, la majorité d'ailleurs,
09:07
qui sont complètement en manque d'être invités.
09:10
Ça, c'est la réalité vraiment quotidienne dans le monde entier.
09:17
Quand on se met à la place d'un artiste,
09:20
quel que soit son type de travail,
09:22
qui n'a pas d'invitation constante,
09:26
mais même une fois par an,
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ça peut être parfois tous les trois ans,
09:30
quelqu'un va lui signaler qu'on peut peut-être faire quelque chose, etc.
09:34
Le travail qu'il va pouvoir montrer,
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quelle que soit la forme de ce travail,
09:39
va être, à mon avis, un choix et d'une difficulté énorme.
09:45
Parce qu'il va falloir faire quelque chose,
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alors que cette habitude de faire des choses
09:50
pour quelqu'un d'autre que les propres yeux de l'artiste en question,
09:55
n'a aucune, comment dire, utilisation constante.
10:01
Et je pense que je bénéficie, travaillant beaucoup,
10:06
d'une espèce de routine qui me permette d'être relativement,
10:09
pour ne pas dire complètement, mais relativement libre à chaque fois.
10:13
Parce que si la foi en question est ratée,
10:16
il y a une possibilité quand même de se rattraper très vite.
10:19
Vous avez employé un mot important, c'est le mot, le verbe faire.
10:22
On va entendre la voix de Marcel Duchamp,
10:25
c'est une archive du 30 décembre 1960.
10:29
L'art est une chose beaucoup plus profonde que le goût d'une époque.
10:33
Et l'art d'une époque n'est pas le goût de cette époque.
10:37
C'est très difficile à expliquer,
10:38
parce que les gens ne pensent pas qu'on puisse faire autre chose que par goût.
10:42
On vit par son goût, on choisit son chapeau, on choisit son tableau.
10:48
Le mot art d'ailleurs, étymologiquement, veut dire faire, simplement faire.
10:53
Ce qui donc rend la chose bien différente de ce qu'on appelle le goût
10:57
et l'acquiescement de toute une époque envers certains tableaux, certaines choses, n'est-ce pas ?
11:04
Qu'est-ce que ça vous inspire ?
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Je pense que je peux avoir beaucoup d'opposition avec Marcel Duchamp,
11:12
sur son travail ou sur ce qu'il a défini,
11:15
mais là, je suis tout à fait en accord.
11:19
L'art qui a affaire avec le goût, je pense que c'est autre chose.
11:22
D'ailleurs, on emploie, moi-même d'ailleurs, le mot art.
11:26
J'essaye, dans la mesure du possible, de l'éviter,
11:29
car je ne sais même pas de quoi on parle.
11:31
Donc, je pense que c'est un mot dangereux
11:34
qui permet aussi de résumer quelque chose qui n'est absolument pas défini.
11:39
Alors, quand on parle de votre travail,
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très souvent, on revient le mot de variation,
11:44
comme on parle des variations de Goldberg,
11:47
des modifications, des changements, des transformations.
11:50
Et dans les arts visuels, vous dites,
11:51
il y a toujours eu des centaines de variations à travers le temps,
11:54
sur les mêmes thèmes, des crucifixions, des maternités,
11:56
des natures mortes, des fruits, des fleurs.
11:59
Plus près de nous, les nymphéas, par exemple,
12:01
chez Monet, ou alors Picasso, qui s'inspirent des ménines de Velázquez.
12:05
Ce que vous faites, c'est une infinie répétition de la variation ?
12:11
Si c'est une variation innovante,
12:16
ce n'est pas une répétition.
12:18
Ce n'est pas une répétition.
12:19
Donc, les deux choses sont dissociées.
12:21
Donc, il y a du neuf.
12:23
Est-ce qu'il y a du progrès en art, Daniel Buren ?
12:25
Sur le plan général, ça, c'est encore le genre de questions
12:29
sur lesquelles j'ai du mal à m'avancer.
12:32
En ce qui me concerne, et d'une façon plus simple,
12:38
s'il y a progrès, il faudrait redéfinir de quel type de progrès.
12:43
Évidemment, si c'est progrès par rapport au sens commun du mot progrès,
12:47
je pense qu'il n'y a pas de progrès.
12:49
Mais il y a des différences, il y a des sauts,
12:52
il y a des sauts de valeur, et finalement, il y a des ruptures.
12:55
Merci infiniment, Daniel Buren, d'avoir été l'invité
12:58
des 15 minutes de plus d'Inter ce matin.
13:00
Faré, disfaré, rifaré.
13:02
Le livre est absolument magnifique.
13:04
Cette rétrospective à Pistoia, en Italie,
13:08
et c'est une manière de mieux vous connaître
13:10
et de mieux vous comprendre.
13:11
Je vous souhaite une excellente journée, Daniel Buren.
13:13
Merci.
13:14
Merci.
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