Avec Azadeh Kian, sociologue franco-iranienne
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NewsTranscription
00:00Sud Radio, la vérité en face, Jean-François Akili.
00:06Allez, la vérité en face avec vous. Bonjour Azadekian.
00:11Bonjour.
00:11Bonjour, vous êtes professeure de sociologie à l'université de Paris.
00:15Vous êtes franco-iranienne, c'est bien ça ?
00:18C'est cela, oui.
00:18Et spécialiste de l'Iran. Azadekian, je vais vous poser la question dans un court instant.
00:23Sommes-nous en guerre au Proche-Orient officiellement ?
00:26Est-ce que c'est un conflit qui va être, selon vous, appelé à durer ?
00:30Quelles seront les réactions également en Iran ?
00:34Mais si vous le permettez, Azadekian, tout d'abord le point sur la situation.
00:38Bonjour Maxime Troulon.
00:39Bonjour Jean-François.
00:39Bonjour avec vous. Les dernières informations dont vous disposez.
00:42Alors, à l'heure où on parle, on peut dire qu'il y a eu cette nuit donc,
00:45et tôt ce matin, cinq vagues de frappes israéliennes en Iran.
00:49200 avions militaires israéliens mobilisés.
00:52C'est Israël qui annonce avoir frappé des cibles militaires et nucléaires.
00:57Avoir tué notamment deux hauts responsables militaires et six experts nucléaires.
01:02Israël qui explique avoir mené ces frappes parce que le développement du nucléaire iranien
01:08était à un point de non-retour.
01:11Les Etats-Unis étaient au courant de cette attaque.
01:13Ils ont tenté, notamment par l'intermédiaire de Donald Trump, de dissuader Netanyahou.
01:17Ce n'a pas été le cas.
01:18Et ils promettent de continuer les négociations avec l'Iran sur cette question du nucléaire.
01:23L'Iran, elle, a répondu militairement en envoyant une centaine de drones vers Israël.
01:28D'ailleurs, les premiers sont abattus progressivement par l'État hébreu.
01:33Ce n'est pas une guerre, mais une opération de décapitation
01:36pour arrêter le programme nucléaire iranien.
01:38a réagi de son côté l'ambassadeur israélien en France, Joshua Zarka.
01:43Merci à vous, Maxime.
01:44Et vous intervenez dès que vous avez du nouveau concernant ces frappes israéliennes sur l'Iran.
01:51La vérité en face, 0826 300 300.
01:54J'attends vos réactions en direct dans cette émission.
01:57Azadekian, vous avez entendu peut-être ce matin sur l'antenne de Sud Radio,
02:02notre expert Frédéric Ancel, affirmer que cette fois, c'est la guerre entre Israël et l'Iran.
02:08Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
02:10Écoutez, cela dépendra déjà de l'attitude de Président Trump, d'une part,
02:18et des pays de la région, d'autre part.
02:19Je pense que les Iraniens n'ont plus les moyens qu'ils avaient, par exemple, l'année dernière.
02:27Leurs missiles, par exemple, ont été largement détruits par les attaques israéliennes,
02:34déjà l'année passée.
02:36On a bien vu qu'aujourd'hui, il leur reste quand même un certain nombre d'arsenals militaires,
02:42mais pas suffisant pour se maintenir contre une guerre.
02:50Moi, je pense à ce stade que les pays de la région, il faut le dire,
02:55à commencer par l'Arabie saoudite, ont tous condamné ces attaques israéliennes
03:00contre l'intégrité territoriale de l'Iran.
03:04Et ont demandé aussi, comme ça a été dit, la retenue aux Iraniens.
03:09Tout dépendra, je pense, aussi de l'attitude de Donald Trump
03:13et aussi l'intervention des pays de la région
03:17pour empêcher l'Iran d'effectivement continuer à vouloir se venger.
03:25Et néanmoins, Netanyahou a promis d'autres attaques contre l'Iran.
03:30Je voudrais aussi ajouter, j'étais en contact avec Téhéran,
03:35il n'y a pas que des sites militaires et nucléaires.
03:39Les bâtiments qui ont été bombardés, dans lesquels beaucoup d'Iraniens civils innocents
03:44vivaient aussi, qui ont été tués, il faut le dire.
03:50Et donc ces attaques sont tout simplement...
03:51C'est une vraie guerre à Zadekian, ce ne sont pas des frappes chirurgicales.
03:57Absolument pas, aucune frappe chirurgicale.
03:59De toute façon, c'est toujours les personnes innocentes aussi
04:03qui sont ciblées ou qui sont tuées par ces attaques.
04:07À un moment où l'Iran et les États-Unis
04:10continuaient quand même leurs négociations sur le nucléaire iranien.
04:15Et je pense que ces attaques israéliens, c'était justement pour empêcher
04:19la poursuite de ces négociations
04:22qui cherchaient en tout cas une solution diplomatique et pas militaire.
04:28Zadekian, vous dites à l'instant que l'Arabie saoudite appelle à la retenue,
04:33condamne ses frappes, mais au fond, est-ce qu'elles ne font pas le jeu de l'Arabie saoudite ?
04:38Au fond, est-ce qu'Israël n'est pas en train de faire, entre guillemets,
04:41le sale boulot dans la région ?
04:43Absolument pas. Il ne faut pas oublier que les relations entre le régime islamique d'Iran,
04:49qui est certes un régime qui, par le passé, a attaqué aussi l'Arabie saoudite
04:54à travers le Yémen, etc., a changé.
04:57Ils ont essayé de rétablir des relations diplomatiques, même avec l'Égypte.
05:03Le ministre iranien des Affaires étrangères était en Égypte très récemment.
05:07Les relations avec l'Arabie saoudite se sont beaucoup améliorées.
05:10On parle même d'un consortium, par exemple, pour l'enregistrement nucléaire dans la région.
05:17Il ne faut pas oublier qu'Omane, le Qatar, etc., étaient des intermédiaires à maintes reprises
05:22entre l'Iran et les États-Unis.
05:24Donc non, les relations ont changé.
05:26L'Arabie saoudite n'a absolument aucun intérêt à voir la déstabilisation de la région.
05:30Aucun intérêt. Parce qu'effectivement, les Iraniens gardent quand même leur capacité de nuisance, s'ils le font.
05:41– Soit l'enrichissement de l'uranium. Parce que c'est ça le cœur du problème.
05:44C'est passer du nucléaire civil qui est autorisé au nucléaire militaire qui est interdit.
05:50Il y a des accords internationaux à ce sujet.
05:52L'Iran s'approchait des 90%.
05:54Qu'est-ce que vous en savez, Azadek Yon-Lass ?
05:56Qu'est-ce que vous pouvez nous dire là-dessus ?
05:58– Écoutez, effectivement, l'Iran signataire de traité de non-prolifation nucléaire à ce titre
06:04doit avoir le droit à l'enrichissement de l'uranium à des fins civiles, c'est-à-dire jusqu'à 3,7%.
06:10– Ce qui n'était pas le cas.
06:11– Ce qui n'était pas le cas.
06:12– Absolument pas. Ils ont augmenté l'enrichissement de l'uranium jusqu'à 67%.
06:17Et ils ont maintenant une réserve de plusieurs centaines de kilos,
06:22voire milliers de kilogrammes d'uranium enrichis.
06:26Et c'était ça aussi l'objet des négociations avec les États-Unis.
06:29Les Iraniens avaient accepté d'envoyer vers un pays tiers l'oranium enrichi.
06:37En contrepartie, ils demandaient la levée des sanctions américaines
06:41qui ont des effets extraterritoriaux, il ne faut pas oublier, contre l'Iran.
06:46Donc en fait, les négociations étaient en cours.
06:48Il y a eu des hauts et des bas, certes, mais les négociations étaient en cours.
06:51Et c'est là que Netanyahou, qui n'a absolument aucun intérêt à voir le rapprochement
06:56entre les États-Unis et l'Iran, a décidé d'attaquer l'Iran.
06:59Donc voilà.
07:01Mais les Iraniens, je tiens quand même aussi à préciser,
07:04n'ont absolument aucun besoin d'enrichir l'oranium à l'intérieur du pays.
07:08Il y a une centrale nucléaire de Bouchir qui est en main des Russes,
07:12a été construite par des Russes.
07:15Et ce sont des Russes qui, en fait, fournissent l'oranium nécessaire à cette centrale.
07:20Pour les autres centrales, ça ne sert à rien d'enrichir l'oranium.
07:24Et là, l'insistance des Iraniens pour enrichir l'oranium à l'intérieur du pays,
07:28qui est aussi objet de...
07:30– Pour vous, c'est une faute, ça ?
07:32– C'est une faute, c'est une faute, parce que ça met en péril les intérêts nationaux de l'Iran.
07:37Ça fragilise le pays.
07:39Et encore une fois, ce sont les Iraniens qui ont subi des conséquences.
07:43Donc à quoi sert d'enrichir l'oranium au prix de faire détruire l'Iran
07:49par les attaques israéliennes et peut-être de main américaine ?
07:52– Azadekian, je vais vous poser quelques questions sur la société iranienne,
07:56la réaction qu'il peut y avoir à l'intérieur.
07:58D'abord, permettez-moi juste une parenthèse, Maxime Troulot, une dernière information.
08:02– Première réaction de la France à ces bombardements
08:06par l'intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barreau,
08:08qui appelle toutes les parties à la retenue
08:11et à éviter toute escalade susceptible de compromettre la stabilité régionale.
08:15Jean-Noël Barreau qui explique qu'il est essentiel
08:17que toutes les voies diplomatiques soient mobilisées pour désamorcer les tensions.
08:22Rappelons également que la France avait déjà exprimé à plusieurs reprises
08:25ses vives préoccupations concernant le programme nucléaire iranien.
08:29Voilà donc pour la première réaction française suite à ces bombardements israéliens en Iran cette nuit.
08:34– Oui, merci Maxime, réaction de prudence diplomatique classique.
08:38Azadekian, vous savez que certains parient sur un possible effondrement du régime à Téhéran.
08:44Est-ce que, pensez qu'il y a une arrière-pensée derrière là-dessus ?
08:47Est-ce que certains pourraient se dire, je pense à Israël, je pense à d'autres,
08:50au fond, fragiliser le régime des Mollas pourrait être bousculé par la rue ?
08:56– Écoutez, pour l'instant, on ne voit pas des signes précurseurs de tels affaiblissements,
09:03enfin de tels, je dirais, pouvoir de la rue.
09:08Les gens ont peur, moi je vous assure qu'ils ont peur,
09:13ils sont tétanisés et ils attendent d'autres attaques israéliennes,
09:18personne n'a le pouvoir de descendre dans la rue, tout le contraire,
09:22d'autant que c'est un régime, le régime iranien, n'oublions pas, est un régime répressif,
09:27c'est un régime dictatorial, ils ont déjà muselé par exemple l'ensemble des réseaux sociaux,
09:31ils ont menacé des personnes de représailles si jamais ils osaient de dire quoi que ce soit
09:40contre le régime, sur les réseaux sociaux, etc.
09:43Donc là, dans ces circonstances-là, non.
09:45Et puis, quels Iraniens souhaiteraient voir le pays détruire ?
09:50Les Iraniens aiment leur pays, il ne faut pas détester le régime, certes, mais ils aiment leur pays.
09:56Et donc, non, je ne pense pas, effectivement, que cette situation de chaos, de guerre,
10:02de destruction par Israël, va permettre aux Iraniens de changer leur régime.
10:07Non, ça n'a jamais existé, puis ce pays est encore, j'imagine, vous le savez vous,
10:11Azadekion, est encore tenu, j'imagine, par les forces de sécurité.
10:15Par les forces de sécurité, et Khamenei, le guide, vient tout de suite de nommer
10:19les remplaçants de commandants-chefs des gardiens de la Révolution
10:23et d'autres personnalités militaires qui ont été tuées par les attaques israéliennes.
10:29Donc, ce n'est pas ça qui va changer réellement, ou fragiliser jusqu'à un certain point, oui,
10:36mais pas vers la destruction de ce régime.
10:40Et en tout cas, le changement de régime, il revient aux Iraniens de changer le régime
10:45et ce n'est pas à travers la guerre et la destruction que la société iranienne
10:49parviendra à changer le régime pour aller vers où un Iran détruit sert intérêt de qui, exactement.
10:56Donc, ce sont des questions que les Iraniens, que moi, j'ai eues au téléphone depuis 4h du matin,
11:01sont en train de déprimer.
11:03– Il y a une vive inquiétude, j'imagine, à Zadekion.
11:06– Absolument.
11:06– Je vais vous poser une question, je sais que c'est une question qui n'est pas simple.
11:10Qu'est-ce qui peut se passer à présent ?
11:13Quelle est l'attente profonde du pays, de ce que vous en savez, bien sûr ?
11:17– L'attente profonde du pays, c'est bien évidemment, enfin, la majorité écrasante des Iraniens
11:21ne veulent pas ce régime, elles veulent dépasser ce régime, ça c'est évident.
11:25Il y a eu plusieurs mouvements sociaux, vous le savez, en particulier,
11:28le dernier, Femmes de liberté 2022, donc ça c'est clair et net.
11:32Sauf que les Iraniens n'ont pas encore les moyens de réellement assurer un passage,
11:38disons pacifique, vers un régime démocratique.
11:42Et ce n'est pas la guerre qui va leur fournir cette occasion-là.
11:47Mais ce qu'on sait, c'est que la situation économique du pays est désastreuse,
11:51et que les sanctions américaines, la mauvaise gestion du pays par une équipe incapable,
11:59effectivement ont rajouté à la crise économique.
12:03Et donc aujourd'hui, on en est là.
12:05C'est une société civile contestataire qui n'a jamais cessé de contester ce régime.
12:10Mais en même temps, encore une fois, les autres régimes n'ont jamais aussi allé dans le sens réellement
12:17de cette société civile. Je veux dire, Netanyahou prétend aider les Iraniens à changer le régime,
12:23mais ce n'est pas en bombardant l'Iran, partout en Iran,
12:27que les Iraniens vont parvenir à changer ce régime.
12:30C'est tout le contraire.
12:31Maintenant, tous ceux qui vont demander la liberté ou la démocratie,
12:35ou la sécularisation, etc., vont être à nouveau exécutés,
12:39sous prétexte d'être des espions d'Israël.
12:42Et c'est ça la réalité aujourd'hui en Iran.
12:44Merci à vous, Azadekian.
12:46Merci pour ce regard ce matin, cette première analyse de ce qui se passe en ce moment même en Iran,
12:54ce conflit entre Israël et l'Iran.
12:57Israël qui est allé frapper des sites militaires et nucléaires.
13:00Merci à vous, Azadekian.
13:020 826 300 300.
13:05C'est vous qui avez la parole sur Sud Radio.
13:07Nous poursuivons sur ce conflit, sur cette opération israélienne de Tzahal contre l'Iran,
13:15dans un court instant dans La Vérité en Face.
13:17Merci à vous, Azadekian.