- 04/06/2025
Mercredi 4 juin 2025, retrouvez Philippe Bolopion (Managing Director, Responsable de la stratégie LBRTY, TOBAM) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Et nous enchaînons à présent avec Marché à thème. Marché à thème, le dernier quart d'heure thématique de Smart Bourse.
00:16Je vous propose de retrouver tout de suite l'interview de Philippe Bolopion, Managing Director, responsable de la stratégie Liberty chez Tobam.
00:23Il répondait aux questions de Grégoire Favet il y a quelques jours sur la thématique « Peut-on investir dans la démocratie ? Et si oui, comment ? »
00:33Absolument. D'abord, je pense qu'il y a finalement peu de gens qui réalisent que la démocratie est en recul dans le monde.
00:39Et avec la démocratie, c'est aussi les droits de l'homme qui sont en recul.
00:43C'est une tendance qui est quand même assez lourde. 20 ans de déclin année après année, c'est quelque chose de sévère.
00:48Les organismes qui suivent la démocratie dans le monde, que ce soit The Economist Intelligence Unit ou Freedom House ou le VDEM Institute en Suède par exemple,
00:59tous les ans, ils essayent de trouver des nouveaux titres pour leur apport.
01:02La démocratie en danger, la démocratie en recul, la démocratie sur la défensive.
01:06Mais finalement, le monde devient de moins en moins démocratique, de moins en moins libre.
01:10Et c'est évidemment un sujet de préoccupation pour les citoyens.
01:15Mais c'est également un sujet de préoccupation pour les investisseurs.
01:19Parce qu'il y a énormément de raisons de penser que l'autocratie, c'est pas bon pour le business, c'est pas bon pour l'économie et c'est pas bon pour les investisseurs.
01:27Oui, mais même plus que quelques raisons.
01:29Philippe, tout ça est très documenté.
01:31Il y a des travaux de recherche, des travaux académiques.
01:34Et encore récemment, on en discutait en préparant l'interview, Philippe, mais Daron Assemoglou, le grand économiste du MIT, prix Nobel, travaille sur ces sujets.
01:45On n'est pas dans le sentiment ou la perception de quelque chose.
01:49Non, tout à fait.
01:49Ce que je dirais, c'est que d'un point de vue universitaire, académique, le phénomène est quasiment, je dirais, incontestable au niveau macroéconomique.
01:58Donc, Daron Assemoglou et ses co-auteurs peuvent montrer qu'au cours des dernières décennies, systématiquement, quand un pays passe de l'autocratie à la démocratie, les choses s'améliorent,
02:09eh bien, le PNB par habitant augmente systématiquement.
02:12Et quand un pays connaît la trajectoire inverse, de démocratie à autocratie, la situation se détériore, eh bien, le PNB par habitant se détériore également.
02:23Donc, c'est, je dirais, bien établi au niveau macroéconomique.
02:26Donc, la nouveauté du travail de Tobam, de la recherche de Tobam, c'est la capacité de montrer que ce qui est vrai au niveau macroéconomique est aussi vrai au niveau microéconomique, au niveau des entreprises.
02:38Et que, donc, l'autocratie, ce n'est pas bon pour l'économie, mais ce n'est aussi pas bon pour les entreprises qui y sont soumises.
02:44Oui. Yves Chauvetier a cette image magnifique de la courbe en J-inversée.
02:48C'est-à-dire que l'autocratie, au tout début, bah, oui, ça peut apporter un peu quelque chose de soi-disant bénéfique qui peut se mesurer, en tout cas, en matière de résultats économiques,
02:57mais très vite et à long terme.
02:59Ce sont beaucoup de dommages et de douleurs qui sont infligées.
03:02Et je reste dans la sphère purement économique.
03:05Purement économique.
03:05Effectivement, Yves aime bien dire que la décennie la plus profitable au XXe siècle, l'endroit le plus profitable, c'était l'Allemagne nazie entre 1933 et 1943.
03:17Un exemple plus récent, c'est la Russie de Poutine, qui, si pour un investisseur habile, était profitable, jusqu'à la guerre en Ukraine, où les investisseurs perdent tout.
03:27Et pas seulement les investisseurs dans des boîtes russes, mais aussi les investisseurs dans des boîtes occidentales, françaises, américaines, canadiennes,
03:37qui, elles-mêmes, étaient très investies en Russie et ont énormément perdu au moment de l'invasion de l'Ukraine.
03:42Si on rentre dans le détail de la stratégie, comment vous avez défini l'univers d'investissement ?
03:47Quels sont les critères, d'ailleurs, qui ont pu être exclusifs, j'imagine, pour certaines entreprises ?
03:53Qu'est-ce que vous regardez ? Jusqu'à quel degré d'ouverture à la démocratie ?
03:59Je parle de l'environnement dans lequel opèrent ces entreprises.
04:01Jusqu'à quel degré d'ouverture à la démocratie est-ce que vous êtes prêts à aller ?
04:06Et qu'est-ce que vous regardez concrètement du point de vue micro ?
04:09Est-ce que c'est le nombre d'implantations d'une entreprise dans un pays qui est bordeur en termes de démocratie ?
04:18Est-ce que c'est la part du chiffre d'affaires ? Est-ce que c'est la part des investissements ?
04:21Qu'est-ce qui forme, justement, l'univers d'investissement de la stratégie Liberty ?
04:25Je dirais que c'est un peu le mariage de la science politique et de la finance quantitative.
04:30Et c'est un peu la beauté, pour moi, de cette stratégie.
04:33Mais d'abord, il faut qu'on définisse notre univers d'investissement.
04:37Donc, quand on dit autocratie-démocratie,
04:39la démocratie, ça se mesure de manière, je dirais, presque scientifique.
04:43Objective.
04:44Objective, par des experts qui publient des rapports tous les ans,
04:47en regardant des tas et des tas de critères.
04:48La démocratie, c'est bien plus que des élections.
04:51Vladimir Poutine a été réélu avec 80% de voix.
04:54Il y a des élections dans les pays autocratiques tout le temps.
04:56Donc, il faut mesurer des tas de facteurs.
04:58Et je dirais, notre approche, c'est d'exclure vraiment les autocraties
05:02qui sont presque indécrotables, d'une certaine manière.
05:06Oui, pandémique, quoi.
05:07Exactement.
05:08Donc, on n'exclut pas des démocraties imparfaites,
05:13mais on va vraiment exclure les pays dont on ne peut pas prétendre
05:16que ce ne sont pas des autocraties.
05:18Pourquoi ?
05:19Parce que c'est là que le danger est.
05:20C'est quand on est soumis aux décisions d'un gouvernement
05:23qui n'a de compte à rendre à personne,
05:25ni à son opinion publique, son électorat, sa presse, sa société civile,
05:29qui peut prendre des décisions qui bénéficient uniquement
05:32l'entourage du dirigeant ou ses vues géopolitiques.
05:36Et ça, évidemment, ça a un coût pour les investisseurs.
05:38Donc, étape 1, on va éliminer du portfolio toutes les entreprises
05:42qui sont listées dans des pays autocratiques.
05:45Et ce n'est pas un jugement sur la valeur de l'entreprise,
05:48c'est un jugement sur le fait que si on est Alibaba,
05:50on a peut-être un super business,
05:52mais le patron d'Alibaba peut dire quelque chose de vaguement critique
05:55des autorités chinoises et disparaître pendant plusieurs mois de la circulation.
05:59Et ça, ça va impacter le cours de l'entreprise.
06:02Donc, première étape, on élimine du portefeuille les entreprises
06:05qui sont listées dans des pays autocratiques.
06:08Deuxième étape, et peut-être la plus importante et la plus originale,
06:12c'est qu'on va regarder chaque action, chaque entreprise qui reste dans le portefeuille
06:17et on va mesurer de manière quantitative son exposition au marché chinois,
06:23au marché russe, au marché turc, son exposition à tous les pays autocratiques
06:27en regardant tout simplement la corrélation entre le cours de cette action
06:31et le cours de ces marchés-là.
06:33Et de cette manière-là, on va pouvoir identifier de façon très précise
06:37quelles sont les entreprises qui sont les plus exposées aux pays autocratiques.
06:41Donc, si on prend une boîte comme Volkswagen, une boîte allemande, bien sûr,
06:46eh bien, on se rend compte que Volkswagen est très, très dépendant de la Chine.
06:50Beaucoup de son business est en Chine.
06:52Jusqu'à récemment, Volkswagen avait une usine, d'ailleurs, dans la région du Xinjiang,
06:57la région des Ouïghours où il y a des crimes de masse commis par les autorités chinoises.
07:01Et donc, si Volkswagen est très exposée à la Chine,
07:04eh bien, nous, on pense que sur le long terme, ça va coûter en termes de performance.
07:08Et donc, on va essayer de diminuer notre exposition à ces entreprises
07:12qui sont elles-mêmes très exposées aux pays autocratiques.
07:15Oui.
07:15Ça donne un fonds.
07:17Alors, s'il y a une approche quantitative, c'est un fonds qui a beaucoup de positions,
07:21beaucoup de lignes aujourd'hui, Philippe ?
07:23Oui, c'est un fonds qui a moins de lignes que les indices de référence,
07:27mais qui reste très diversifié.
07:29En fait, on peut construire un portefeuille qui est exposé de manière minimale à l'autocratie,
07:35tout en restant, finalement, assez proche du marché,
07:37sans prendre de gros biais en termes de secteur, par exemple,
07:42ou des biais par rapport aux facteurs de risque qui sont connus des chercheurs.
07:47Nous, on pense que la nouveauté pour Tobam, c'est vraiment d'avoir découvert un facteur de risque
07:51qu'on appelle le facteur de risque autoritaire, qui se cache dans les portefeuilles,
07:55qui n'est pas observé, qui n'est pas étudié,
07:58qui pourtant a un impact profond sur la performance des entreprises.
08:01Et c'était vrai dans les 20 dernières années,
08:03on le voit à travers notre recherche quantitative,
08:05c'était vrai dans les 20 dernières années,
08:07qui étaient des années plutôt pacifiques, je dirais de globalisation heureuse.
08:13Oui, de la paix, oui.
08:13Mais beaucoup d'experts géopolitiques pensent qu'on est rentrés dans une nouvelle ère géopolitique,
08:18avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie,
08:20et c'est une ère qui va être marquée par une opposition frontale entre les Etats-Unis et la Chine,
08:25dans une moindre mesure la Russie,
08:27et cette opposition va créer des conflits,
08:29des guerres qui vont vraiment faire des ravages dans les marchés financiers.
08:33Et nous, notre intuition, c'est que peu de gens sont préparés à ça,
08:38et notre approche Liberty, c'est une façon presque systématique de gérer ce risque.
08:42Oui, il y a une forme de déni encore dans la communauté de l'investissement mondial,
08:47même si c'est des sujets dont on parle tous les jours,
08:49j'en suis le témoin ici,
08:51mais dans la construction de portefeuille,
08:53il y a quelque chose qui n'est pas encore complètement intégré.
08:56C'est une stratégie qui existe depuis deux ans,
08:58qui a été backtestée également.
09:00Philippe, qu'est-ce qu'on peut dire du comportement de la stratégie ?
09:02Dans ces moments de volatilité géopolitique, par exemple.
09:05Tout à fait.
09:06Je dirais, depuis que la stratégie est live depuis deux ans,
09:09les résultats sont excellents,
09:10même meilleurs que les résultats qui ont été backtestés.
09:14Et ça veut dire quoi ?
09:15Ça veut dire que, sans doute, nous avons raison,
09:17que sans doute, être soumis à des pays autocratiques sur le long terme,
09:21eh bien, ça coûte.
09:22Et c'est intuitivement assez facile à comprendre,
09:25mais c'est autre chose de le mettre en œuvre dans une approche de portefeuille.
09:30L'investisseur a besoin d'un peu plus qu'une intuition, parfois.
09:33C'est ça, Philippe ?
09:33Exactement, exactement.
09:34Mais je pense qu'on parle beaucoup à Tobam,
09:36à de grands investisseurs,
09:38des grands fonds de pension nord-américains, par exemple.
09:40Moi, je suis basé à New York.
09:42Et dans ces grands fonds de pension,
09:44la préoccupation principale, en ce moment,
09:46c'est le risque géopolitique.
09:48Beaucoup de ces fonds de pension
09:49embauchent des équipes d'experts géopolitiques,
09:53d'experts du risque.
09:54Il y a un livre que j'aime beaucoup,
09:55du responsable du risque géopolitique
09:57de la Caisse des dépôts du Québec,
09:59la CDPQ à Montréal.
10:02Il s'appelle Guillaume Calonico.
10:03Et son livre, ça s'appelle
10:04« Le réveil géopolitique de la finance ».
10:06Et sa thèse, c'est qu'on entre dans un monde de guerre
10:09et que le monde de la finance n'est pas prêt pour ça.
10:11Comment s'en servent, justement, les clients ?
10:13Ceux qui achètent la stratégie,
10:16est-ce que pour eux, c'est un moyen de couverture
10:17dans un portefeuille global,
10:19forcément exposé encore aujourd'hui,
10:21j'imagine, à ses risques autocratiques ?
10:24Ou est-ce que vous le vendez comme un levier,
10:26j'allais dire, presque de performance absolue, Philippe ?
10:29J'irais qu'il y a plusieurs cas de figure.
10:31Il y a effectivement des gens qui pensent
10:33que nous avons mis le doigt sur un facteur de risque
10:36que personne ne voit,
10:37et que plus tôt on en bénéficie,
10:39plus on peut faire de profit
10:41en exploitant ce facteur de risque.
10:44Il y a effectivement des gens
10:45pour qui c'est une allocation satellite,
10:49d'une certaine manière,
10:50qui va performer beaucoup mieux.
10:52Si, mettons, dans la science-fiction géopolitique,
10:55si demain, la Chine envahissait Taïwan, par exemple,
10:59il est très probable que les marchés
11:00prendraient un coup très sévère.
11:02Notre stratégie, sans doute,
11:03se comporterait beaucoup mieux.
11:04Donc, c'est une façon de se protéger
11:05contre ce type de risque.
11:07Et puis, il y a aussi des investisseurs
11:10qui, tout simplement,
11:11pour des raisons, je dirais, plus éthiques,
11:13ne veulent pas être investis
11:15dans des pays autocratiques.
11:16Ça ne leur plaît pas de savoir
11:17que leur argent va dans des boîtes chinoises,
11:20des boîtes russes,
11:20qui sont exploitées par les autorités de ces pays,
11:22pour ensuite saper la démocratie,
11:25non seulement en Chine et en Russie,
11:27mais aussi essayer d'influencer des élections
11:29au Canada, en Europe, aux Etats-Unis.
11:31Et c'est un peu le drame de ces 20 dernières années.
11:34C'est que nous avons investi massivement
11:36dans des entreprises russes et chinoises
11:38en espérant faire des profits.
11:40La plupart des gens n'ont pas fait de profits.
11:42Mais par contre,
11:42les régimes russes et chinois
11:44ont profité de cette mangue.
11:46Ils se sont accaparés ces profits.
11:47Ils s'en servent pour essayer
11:48de saper la démocratie globalement
11:50pour vraiment influencer le cours de la démocratie
11:53jusque dans des pays comme la France,
11:55les Etats-Unis, le Canada, l'Australie.
11:57Et on en voit des preuves quasiment tous les jours.
11:59Un mot rapide pour finir, Philippe,
12:00parce que l'actualité de la stratégie,
12:02c'est qu'elle est désormais déclinée
12:03sous forme d'ETF.
12:05Pourquoi ?
12:05Parce que c'est l'accès à une clientèle différente ?
12:09C'est le sens de l'histoire ?
12:11C'est un ETF américain,
12:13listé sur la bourse de New York,
12:17lancé avec un partenaire,
12:18une firme texane qui s'appelle Westwood.
12:21Et l'intuition de Westwood,
12:22c'est qu'il y avait vraiment un marché retail,
12:24un marché au-delà des grands fonds de pension,
12:29des grands investisseurs auxquels on parle,
12:30qui est sensible à ces thématiques,
12:32des gens qui ne veulent tout simplement pas
12:33que leur retraite ou leurs économies
12:35soient investies en Chine, en Russie,
12:37en Turquie, en Arabie Saoudite.
12:38Voilà, c'était donc l'interview
12:43de Philippe Bollopion,
12:43managing director responsable
12:45de la stratégie Liberty chez Tobam.
12:47Merci à toutes et à tous
12:49d'avoir suivi Smart Bourse
12:51et je vous donne rendez-vous demain
12:53pour un nouveau numéro de Smart Bourse
12:55sur Bsmart4Change.
12:57à demain.
Recommandations
11:19
12:52
12:35
40:09
11:36
12:08
13:38
57:38
40:03
13:05
14:15
12:16