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Anne Fulda reçoit Caroline Beyer pour son livre «La Chute de la maison Sciences Po» dans #HDLivres

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00:00Bienvenue à l'heure des livres Caroline Beyer. Alors vous êtes vous êtes grand reporter au Figaro, au service Société et vous venez de publier un livre dont on va sûrement parler qui s'appelle la chute de la maison Sciences Po, en sous titre la crise des élites françaises, un livre qui est publié aux éditions du Cerf, c'est un livre enquête qui est plein de témoignages et qui analyse l'évolution de Sciences Po.
00:22Ces dernières années, on a effectivement vu cette école qui était parée de la réputation d'être une sorte de fabrique à élite, de temple du débat républicain en bastion avancée d'une extrême gauche agitée et militante.
00:40Alors votre livre s'ouvre par, en tout cas dans l'introduction, par le retour sur une journée particulière, celle du 12 mars 2024, qui a stupéfié nombre de personnes, qu'ils soient anciens ou pas de Sciences Po.
00:54Dites-nous pourquoi ce qui s'est passé ce jour-là et en quoi cette journée est symbolique de l'évolution de cette école ?
01:00Eh bien c'est la journée du 12 mars, c'est vrai que c'est une déflagration, c'est un choc dans l'opinion, chez les politiques, c'est un électrochoc pour l'école et ça révèle aussi une crise qui est latente.
01:12Parce qu'on voit, parce qu'il faut dire ce qui s'est passé ce jour-là.
01:14Donc ce jour-là, on a dans l'amphi Boutmi, donc l'amphi théâtre historique qui porte le nom du fondateur Émile Boutmi, quelques dizaines d'étudiants qui investissent cet amphithéâtre, qui leur bâtissent Gaza.
01:28Ce sont des membres du comité Palestine, donc c'est un comité anonyme, officieux.
01:32Il y a des drapeaux palestiniens qui flottent dans l'amphi, il y a des keffiers, des étudiants masqués, il y a des conférences dont l'une, le thème c'est la judaïté et anti-sionisme.
01:46Et à la suite de cette journée, il y a l'Union des étudiants juifs de France qui rapporte que cette phrase aurait été prononcée, ne la laissez pas entrer, c'est une sioniste, à l'adresse d'une étudiante juive.
01:59Et alors à partir de là, tout s'emballe. On a d'ailleurs en plus tous les ingrédients réunis pour que la situation explose.
02:07Oui, parce qu'on est dans un contexte de montée importante de l'antisémitisme en France.
02:12Il se trouve qu'à la tête de l'État, il y a Emmanuel Macron qui est passé par Sciences Po et également comme jeune Premier ministre, Gabriel Attal, qui est également passé à Sciences Po et qui viendra le lendemain et qui dira cette drôle de phrase
02:24« Le poisson pourrit toujours par la tête ». Manière de faire référence au fait que de tout temps, Sciences Po était une fabrique à élites.
02:32C'était une école de formation au pouvoir, quel qu'il soit d'une certaine façon.
02:36Alors, est-ce que ça demeure ? Est-ce que c'est toujours le cas ?
02:40Est-ce que c'est l'école des élites ? C'est vrai que c'est le nom qu'on lui a toujours donné.
02:46Aujourd'hui, on dit parfois le temple du wokisme.
02:50Oui, donc ça a changé.
02:50Par provocation, ça a changé. C'est malgré tout une école qui reste sélective. C'est la seule qui est spécialisée dans les sciences humaines et sociales.
03:01Il n'y a plus de concours de sélection.
03:03Mais en revanche, effectivement, c'est la procédure de sélection qui a changé depuis Richard Descoings.
03:07On est dans l'ouverture sociale, la discrimination positive. Au fil des années, on a un peu supprimé tout ce qui a été jugé discriminant socialement.
03:15Donc, on a supprimé le grand oral, la culture G. Et puis, en 2021, le concours d'entrée, on l'a remplacé par des études de dossier qui laissaient une grande part à la personnalité, à l'engagement, au militantisme des étudiants.
03:32Et là, ça a été la crise. C'est un peu un grand divorce avec la bourgeoisie parisienne, parmi laquelle Sciences Po avait l'habitude de recruter,
03:40puisque les grands lycées parisiens, qu'ils soient publics ou privés, les Henri IV, Louis Le Grand, Stanislas et Franklin, ce lycée jésuite du 6e arrondissement,
03:50ont vu que le nombre de leurs élèves pris diminué, qu'il n'y en avait presque plus.
03:54Oui, parce qu'il y a eu un choix délibéré de Richard Descoings.
03:58Alors, lui, il affichait une ambition assez importante qui était de faire de Sciences Po Harvard à la française.
04:04Il a aussi ouvert la voie, une voie dérogatoire pour des lycéens de banlieue.
04:12Il a internationalisé l'école, mais il y a quand même une aura sulfureuse autour de lui, et notamment sa mort.
04:20Dans un hôtel new-yorkais, entre 2012, brutalement, où la police new-yorkaise conclut à une crise cardiaque.
04:27Alors, est-ce que vraiment c'est à partir de là que l'école n'est plus la même ?
04:33D'ailleurs, on verra que les successeurs, à chaque fois, la plupart, enfin non, les deux qui ont suivi,
04:38ont été frappés par des histoires personnelles, plus ou moins personnelles, qui sont obligées à démissionner.
04:45Frédéric Mion, c'était parce qu'il était au courant de l'affaire Duhamel,
04:49de l'affaire d'Olivier Duhamel, qui était prof de constitutionnalité à Sciences Po.
04:52Ensuite, Mathias Vichra, qui était en place avant l'actuel président,
04:58parce qu'il a été accusé de violences conjugales dans une affaire un peu compliquée.
05:05Donc, ça veut dire quoi ?
05:06Ça veut dire qu'aujourd'hui, en fait, les affaires personnelles ont pris le dessus.
05:11Et est-ce que l'école est vraiment aux mains, entre guillemets, ou contrôlée par une extrême gauche très active
05:18et qui milite pour des idées woke ?
05:23Écoutez, sur cette gouvernance, certains n'hésitent pas à parler à l'école de malédiction.
05:29Je pense plutôt qu'il y a eu des difficultés à se réformer, à se moderniser, à passer dans une nouvelle ère.
05:36Et effectivement, il y a eu beaucoup d'affaires personnelles.
05:41Ça devrait être moins le cas pour le nouveau directeur, qui est Louis Vassy, qui est arrivé à l'automne,
05:47qui, lui, a bien compris qu'il ne fallait pas mélanger tout ça.
05:52Et qu'en plus, ça renvoyait une image.
05:54Il faut éviter de renvoyer cette image de consanguinité des élites, de protection du secret, d'Omerta,
05:58comme on l'a eu avec Olivier Duhamel.
06:01Mais toujours sait-il que c'est à la faveur de ces crises de gouvernance, de succession,
06:05et effectivement, l'école n'a tout simplement pas été suffisamment dirigée.
06:11Et on a les étudiants qui s'agitent, mais on a aussi toute la faculté permanente,
06:17les enseignants-chercheurs, où on décrit souvent des petites féodalités,
06:21où les sociologues sont très en pointe.
06:24Et il va falloir maintenant faire un peu de ménage.
06:27Sachant qu'en plus, l'école est très endettée,
06:30puisqu'il y a eu l'ouverture d'un grand campus tout près du siège historique.
06:35En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre.
06:38Ça s'appelle « La chute de la maison Sciences Po ».
06:40Ça va au-delà du cas même de l'école,
06:43puisque finalement, c'est une manière de voir comment,
06:46à travers l'enseignement, on peut influencer la jeunesse, finalement.
06:51Et c'est un livre très intéressant,
06:53qui montre vraiment l'évolution qu'il y a eu ces dernières années.
06:55Merci beaucoup, Caroline Mouillère.
06:56Merci à vous.
06:57C'est donc un livre qui est publié aux éditions du CERF.
06:59Merci.

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