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Mercredi 28 mai 2025, retrouvez Philippe Bolopion (Managing Director, Responsable de la stratégie LBRTY, TOBAM) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.

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00:00Musique
00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir c'est celui de la démocratie et quoi l'environnement démocratique est un levier de performance économique pour les entreprises.
00:22Nous en parlons avec Philippe Bollopion qui est managing director et responsable de la stratégie Liberty chez Tobam.
00:28Philippe, bonsoir. Bienvenue, merci beaucoup d'être là.
00:32Vous avez rejoint les équipes de Tobam il y a deux ans, c'est ça si il ne se dit pas de bêtises, au lancement de cette stratégie.
00:37Yves Chouefati, le patron de Tobam, je le salue, était venu nous raconter effectivement la thèse de cette stratégie Liberty.
00:45Elle est assez simple et ce n'est pas à vous que je vais la prendre bien sûr.
00:47Philippe, vous avez passé 13 ans au sein de l'ONG Human Rights Watch.
00:51Vous savez comme personne que la démocratie est en déclin dans le monde depuis peut-être deux décennies maintenant.
00:59Le degré de démocratie dans le monde est en baisse, y compris dans les grands pays et c'est donc un sujet pour des investisseurs.
01:07Absolument. D'abord, je pense qu'il y a finalement peu de gens qui réalisent que la démocratie est en recul dans le monde et avec la démocratie, c'est aussi les droits de l'homme qui sont en recul.
01:17C'est une tendance qui est quand même assez lourde.
01:1820 ans de déclin année après année, c'est quelque chose de sévère.
01:22Les organismes qui suivent la démocratie dans le monde, que ce soit The Economist Intelligence Unit ou Freedom House ou le VDEM Institute en Suède par exemple,
01:33tous les ans, ils essayent de trouver des nouveaux titres pour leur apport.
01:35La démocratie en danger, la démocratie en recul, la démocratie sur la défensive.
01:40Mais finalement, le monde devient de moins en moins démocratique, de moins en moins libre.
01:44Et c'est évidemment un sujet de préoccupation pour les citoyens, mais c'est également un sujet de préoccupation pour les investisseurs
01:52parce qu'il y a énormément de raisons de penser que l'autocratie, ce n'est pas bon pour le business, ce n'est pas bon pour l'économie et ce n'est pas bon pour les investisseurs.
02:01Oui, mais même plus que quelques raisons, Philippe, tout ça est très documenté.
02:05Il y a des travaux de recherche, des travaux académiques et encore récemment, on en discutait en préparant l'interview,
02:12Philippe, mais Daron Assemoglou, le grand économiste du MIT, prix Nobel, travaille sur ces sujets.
02:18On n'est pas dans le sentiment ou la perception de quelque chose.
02:22Non, tout à fait. Ce que je dirais, c'est que d'un point de vue universitaire, académique,
02:27le phénomène est quasiment, je dirais, incontestable au niveau macroéconomique.
02:32Donc, Daron Assemoglou et ses co-auteurs peuvent montrer qu'au cours des dernières décennies,
02:38systématiquement, quand un pays passe de l'autocratie à la démocratie,
02:41les choses s'améliorent, eh bien, le PNB par habitant augmente systématiquement.
02:46Et quand un pays connaît la trajectoire inverse, de démocratie à autocratie,
02:51la situation se détériore, eh bien, le PNB par habitant se détériore également.
02:57Donc, c'est, je dirais, bien établi au niveau macroéconomique.
03:01La nouveauté du travail de Tobam, de la recherche de Tobam,
03:04c'est la capacité de montrer que ce qui est vrai au niveau macroéconomique
03:08est aussi vrai au niveau microéconomique, au niveau des entreprises,
03:12et que donc, l'autocratie, c'est pas bon pour l'économie,
03:16mais c'est aussi pas bon pour les entreprises qui y sont soumises.
03:18Oui.
03:19Yves Chauvetier a cette image magnifique de la courbe en J-inversé.
03:22C'est-à-dire que l'autocratie, au tout début,
03:24bah, oui, ça peut apporter un peu quelque chose de soi-disant bénéfique,
03:28qui peut se mesurer, en tout cas, en matière de résultats économiques,
03:31mais très vite et à long terme, ce sont beaucoup de dommages et de douleurs
03:34qui sont infligées, et je reste dans la sphère purement économique.
03:38Purement économique, effectivement.
03:40Yves aime bien dire que la décennie la plus profitable au XXe siècle,
03:44l'endroit le plus profitable, c'était l'Allemagne, l'Asie,
03:48entre 1933 et 1943.
03:51Un exemple plus récent, c'est la Russie de Poutine,
03:54qui, si pour un investisseur habile, était profitable,
03:59jusqu'à la guerre en Ukraine, où les investisseurs perdent tout,
04:02et pas seulement les investisseurs dans des boîtes russes,
04:04mais aussi les investisseurs dans des boîtes occidentales,
04:08françaises, américaines, canadiennes,
04:11qui elles-mêmes étaient très investies en Russie
04:14et ont énormément perdu au moment de l'invasion de l'Ukraine.
04:16Si on rentre dans le détail de la stratégie,
04:18comment vous avez défini l'univers d'investissement ?
04:21Quels sont les critères, d'ailleurs,
04:23qui ont pu être exclusifs, j'imagine, pour certaines entreprises ?
04:27Qu'est-ce que vous regardez ?
04:28Jusqu'à quel degré d'ouverture à la démocratie ?
04:33Je parle de l'environnement dans lequel opèrent ces entreprises.
04:35Jusqu'à quel degré d'ouverture à la démocratie
04:37est-ce que vous êtes prêts à aller ?
04:40Et qu'est-ce que vous regardez concrètement du point de vue micro ?
04:43Est-ce que c'est le nombre d'implantations d'une entreprise
04:45dans un pays qui est bordeur en termes de démocratie ?
04:52Est-ce que c'est la part du chiffre d'affaires ?
04:53Est-ce que c'est la part des investissements ?
04:55Qu'est-ce qui forme justement l'univers d'investissement de la stratégie Liberty ?
04:59Je dirais que c'est un peu le mariage de la science politique
05:01et de la finance quantitative.
05:03Et c'est un peu la beauté, pour moi, de cette stratégie.
05:07Mais d'abord, il faut qu'on définisse notre univers d'investissement.
05:11Donc, quand on dit autocratie-démocratie,
05:13la démocratie, ça se mesure de manière, je dirais, presque scientifique.
05:17Objective.
05:18Objective, par des experts qui publient des rapports tous les ans
05:20en regardant des tas et des tas de critères.
05:22La démocratie, c'est bien plus que des élections.
05:25Vladimir Poutine a été réélu avec 80% de voix.
05:28Il y a des élections dans les pays autocratiques tout le temps.
05:30Donc, il faut mesurer des tas de facteurs.
05:32Et je dirais, notre approche, c'est d'exclure vraiment les autocraties
05:36qui sont presque indécrotables d'une certaine manière.
05:40On n'exclut pas des démocraties imparfaites.
05:48Mais on va vraiment exclure les pays dont on ne peut pas prétendre
05:50que ce ne sont pas des autocraties.
05:52Pourquoi ? Parce que c'est là que le danger est.
05:54C'est quand on est soumis aux décisions d'un gouvernement
05:57qui n'a de compte à rendre à personne,
05:59ni à son opinion publique, son électorat, sa presse, sa société civile,
06:03qui peut prendre des décisions qui bénéficient uniquement
06:05l'entourage du dirigeant ou ses vues géopolitiques.
06:10Et ça, évidemment, ça a un coût pour les investisseurs.
06:12Donc, étape 1, on va éliminer du portfolio toutes les entreprises
06:16qui sont listées dans des pays autocratiques.
06:19Et ce n'est pas un jugement sur la valeur de l'entreprise,
06:22c'est un jugement sur le fait que si on est Alibaba,
06:24on a peut-être un super business,
06:26mais le patron d'Alibaba peut dire quelque chose de vaguement critique
06:29des autorités chinoises et disparaître pendant plusieurs mois de la circulation.
06:33Et ça, ça va impacter le cours de l'entreprise.
06:35Donc, première étape, on élimine du portefeuille les entreprises
06:39qui sont listées dans des pays autocratiques.
06:42Deuxième étape, et peut-être la plus importante et la plus originale,
06:46c'est qu'on va regarder chaque action, chaque entreprise qui reste dans le portefeuille
06:51et on va mesurer de manière quantitative son exposition au marché chinois,
06:57au marché russe, au marché turc, son exposition à tous les pays autocratiques
07:01en regardant tout simplement la corrélation entre le cours de cette action
07:05et le cours de ces marchés-là.
07:07Et de cette manière-là, on va pouvoir identifier de façon très précise
07:10quelles sont les entreprises qui sont les plus exposées aux pays autocratiques.
07:15Donc, si on prend une boîte comme Volkswagen,
07:18une boîte allemande, bien sûr,
07:20eh bien, on se rend compte que Volkswagen est très, très dépendant de la Chine.
07:24Beaucoup de son business est en Chine.
07:26Jusqu'à récemment, Volkswagen avait une usine, d'ailleurs,
07:28dans la région du Xinjiang, la région des Ouïghours
07:32où il y a des crimes de masse commis par les autorités chinoises.
07:36Et donc, si Volkswagen est très exposée à la Chine,
07:38eh bien, nous, on pense que sur le long terme,
07:40ça va coûter en termes de performance.
07:42Et donc, on va essayer de diminuer notre exposition à ces entreprises
07:46qui sont elles-mêmes très exposées aux pays autocratiques.
07:49Ça donne un fonds.
07:51Alors, s'il y a une approche quantitative,
07:53c'est un fonds qui a beaucoup de positions,
07:54beaucoup de lignes aujourd'hui, Philippe ?
07:56Oui, c'est un fonds qui a moins de lignes que les indices de référence,
08:01mais qui reste très diversifié.
08:03En fait, on peut construire un portefeuille
08:04qui est exposé de manière minimale à l'autocratie,
08:08tout en restant, finalement, assez proche du marché,
08:11sans prendre de gros biais en termes de secteur, par exemple,
08:16ou des biais par rapport aux facteurs de risque
08:18qui sont connus des chercheurs.
08:20Nous, on pense que la nouveauté pour Tobam,
08:22c'est vraiment d'avoir découvert un facteur de risque
08:25qu'on appelle le facteur de risque autoritaire
08:27qui se cache dans les portefeuilles,
08:29qui n'est pas observé, qui n'est pas étudié,
08:31qui pourtant a un impact profond sur la performance des entreprises.
08:35Et c'était vrai dans les 20 dernières années,
08:37on le voit à travers notre recherche quantitative,
08:39c'était vrai dans les 20 dernières années
08:41qui étaient des années plutôt pacifiques,
08:44je dirais de globalisation heureuse.
08:46Heureuse, mais beaucoup d'experts géopolitiques
08:49pensent qu'on est rentrés dans une nouvelle ère géopolitique
08:52avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie
08:54et c'est une ère qui va être marquée
08:55par une opposition frontale entre les États-Unis et la Chine,
08:59dans une moindre mesure la Russie
09:01et cette opposition va créer des conflits,
09:03des guerres qui vont vraiment faire des ravages
09:06dans les marchés financiers
09:07et nous, notre intuition, c'est que peu de gens
09:10sont préparés à ça
09:11et notre approche Liberty, c'est une façon presque systématique
09:15de gérer ce risque.
09:16Il y a une forme de déni encore
09:18dans la communauté de l'investissement mondial,
09:21même si c'est des sujets dont on parle tous les jours,
09:23j'en suis le témoin ici,
09:25mais dans la construction de portefeuille,
09:27il y a quelque chose qui n'est pas encore complètement intégré.
09:30C'est une stratégie qui existe depuis deux ans,
09:32qui a été backtestée également.
09:34Philippe, qu'est-ce qu'on peut dire
09:35du comportement de la stratégie ?
09:36Dans ces moments de volatilité géopolitique par exemple.
09:39Tout à fait.
09:40Je dirais depuis que la stratégie est live
09:42depuis deux ans, les résultats sont excellents.
09:44même meilleurs que les résultats qui ont été backtestés.
09:48Et ça veut dire quoi ?
09:49Ça veut dire que sans doute, nous avons raison,
09:51que sans doute, être soumis à des pays autocratiques
09:54sur le long terme, ça coûte.
09:56Et c'est intuitivement assez facile à comprendre,
09:59mais c'est autre chose de le mettre en œuvre
10:02dans une approche de portefeuille.
10:04L'investisseur a besoin d'un peu plus qu'une intuition parfois.
10:06C'est ça Philippe ?
10:07Exactement, mais je pense qu'on parle beaucoup à Tobam,
10:10à de grands investisseurs, des grands fonds de pension nord-américains.
10:13Par exemple, moi je suis basé à New York.
10:16Et dans ces grands fonds de pension,
10:17la préoccupation principale en ce moment,
10:20c'est le risque géopolitique.
10:22Beaucoup de ces fonds de pension embauchent des équipes
10:25d'experts géopolitiques, d'experts du risque.
10:28Il y a un livre que j'aime beaucoup,
10:29du responsable du risque géopolitique de la Caisse des dépôts du Québec,
10:33la CDPQ à Montréal.
10:35Il s'appelle Guillaume Calonico.
10:37Et son livre, ça s'appelle
10:38« Le réveil géopolitique de la finance ».
10:40Et sa thèse, c'est qu'on entre dans un monde de guerre
10:42et que le monde de la finance n'est pas prêt pour ça.
10:45Comment s'en servent justement les clients ?
10:47Ceux qui achètent la stratégie,
10:49est-ce que pour eux c'est un moyen de couverture
10:51dans un portefeuille global,
10:53forcément exposé encore aujourd'hui, j'imagine,
10:55à ses risques autocratiques ?
10:57Ou est-ce que vous le vendez comme un levier,
10:59j'allais dire, presque de performance absolue, Philippe ?
11:03J'irais qu'il y a plusieurs cas de figure.
11:05Il y a effectivement des gens qui pensent
11:07que nous avons mis le doigt sur un facteur de risque
11:10que personne ne voit
11:10et que plus tôt on en bénéficie,
11:13plus on peut faire de profit
11:15en exploitant ce facteur de risque.
11:18Il y a effectivement des gens
11:19pour qui c'est une allocation satellite,
11:23d'une certaine manière,
11:24qui va performer beaucoup mieux.
11:26Si, mettons, dans la science-fiction géopolitique,
11:29si demain la Chine envahissait Taïwan, par exemple,
11:32il est très probable que les marchés
11:34prendraient un coup très sévère.
11:35Notre stratégie, sans doute,
11:37se comporterait beaucoup mieux.
11:38Donc, c'est une façon de se protéger
11:39contre ce type de risque.
11:41Et puis, il y a aussi des investisseurs
11:44qui, tout simplement,
11:45pour des raisons, je dirais, plus éthiques,
11:47ne veulent pas être investis
11:48dans des pays autocratiques.
11:50Ça ne leur plaît pas de savoir
11:51que leur argent va dans des boîtes chinoises,
11:53des boîtes russes,
11:54qui sont exploitées par les autorités de ces pays
11:56pour ensuite saper la démocratie,
11:59non seulement en Chine et en Russie,
12:01mais aussi essayer d'influencer des élections
12:03au Canada, en Europe, aux Etats-Unis.
12:05Et c'est un peu le drame de ces 20 dernières années.
12:08C'est que nous avons investi massivement
12:10dans des entreprises russes et chinoises
12:12en espérant faire des profits.
12:14La plupart des gens n'ont pas fait de profits.
12:16Mais par contre, les régimes russes et chinois
12:17ont profité de cette mangue.
12:19Ils se sont accaparés ces profits.
12:20Ils se sont accaparés ces profits.
12:21Ils s'en servent pour essayer
12:22de saper la démocratie globalement,
12:24pour vraiment influencer le cours de la démocratie
12:27jusque dans des pays comme la France,
12:29les Etats-Unis, le Canada, l'Australie.
12:31Et on en voit des preuves quasiment tous les jours.
12:33Un mot rapide pour finir, Philippe,
12:34parce que l'actualité de la stratégie,
12:36c'est qu'elle est désormais déclinée
12:37sous forme d'ETF.
12:38Pourquoi ?
12:39Parce que c'est l'accès à une clientèle différente ?
12:43C'est le sens de l'histoire ?
12:45C'est un ETF américain,
12:47listé sur la bourse de New York,
12:50lancé avec un partenaire,
12:52une firme Texan,
12:53qui s'appelle Westwood.
12:54Et l'intuition de Westwood,
12:56c'est qu'il y avait vraiment un marché retail,
12:58un marché au-delà des grands fonds de pension,
13:02des grands investisseurs auxquels on parle,
13:04qui est sensible à ces thématiques,
13:06des gens qui ne veulent tout simplement pas
13:07que leur retraite ou leurs économies
13:09soient investies en Chine, en Russie,
13:10en Turquie, en Arabie Saoudite.
13:12Merci beaucoup, Philippe.
13:13Merci d'être venu nous voir
13:15pour reparler de cette stratégie Liberty
13:17qui a été lancée il y a deux ans maintenant
13:19chez Tobam.
13:20Vous en êtes le responsable,
13:21managing director chez Tobam.
13:22Philippe Bolopion,
13:23qui était avec nous l'invité
13:24de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse.
13:25Sous-titrage Société Radio-Canada
13:28...
13:29...

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