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  • 26/05/2025
Les clefs d'une vie avec Christian Morin

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2025-05-26##

Catégorie

Personnes
Transcription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Vous avez vécu mille vies que vous avez choisi de résumer en 350 pages.
00:11La partition du parcours d'un musicien à travers les écrits d'un homme de parole
00:16qui a su faire rimer destin avec dessin.
00:19Bonjour Christian Morin.
00:20Bonjour mon cher Jacques Pessis.
00:22Alors on se retrouve parce que vous publiez J'ai tant de choses à vous raconter,
00:26un livre qui est sorti chez Ixo Éditions, un livre de souvenirs.
00:31Ces souvenirs qui sont nombreux et beaucoup sont inédits,
00:34ça va être la base de nos clés d'une vie, des quatre dates habituelles de cette émission.
00:39Avec plaisir.
00:40Et la première que j'ai trouvée, elle ne vous concerne pas directement,
00:43et je pense qu'elle va vous surprendre, le 15 septembre 1938,
00:47est sorti un livre qui s'appelle Dans les solitudes du Mississippi,
00:51aux éditions Ardent, illustration de Jean Morin.
00:54Et ce livre est encore disponible aujourd'hui sur internet pour 50 euros.
00:58Exactement, j'ai vu ça.
01:00Mais c'est un sujet sur lequel mon père était resté assez discret.
01:06Mon père était imprimeur, il est arrivé de La Rochelle et s'est installé à Bordeaux.
01:10Et il dessinait pour la publicité, etc.
01:14Il était dessinateur autodidacte, mais un très bon dessinateur.
01:18Et j'ai découvert des dessins de lui après ma naissance, bien sûr, bien plus tard,
01:23à commencer par un album de sa captivité,
01:26où qu'il a fait éditer, d'ailleurs après la guerre, chez ce même éditeur,
01:30et où il raconte, c'est un reportage extraordinaire,
01:33il raconte sa captivité en 50 dessins.
01:36Et donc mon père a tiré des ficelles avec tout ça,
01:40puisque j'avais un petit don pour le dessin,
01:42et c'est comme ça que tout a commencé.
01:44Mais quand j'ai retrouvé ces livres, moi j'ai les illustrations originales chez moi,
01:48mais quand je les ai retrouvées dans un livre signé Jean Morin,
01:52le bonheur !
01:54Mais il se trouve en plus, Christian Morin,
01:56qu'il a réalisé, pour des cartonnages de reliure aux éditeurs,
01:59des dessins préparatoires pour les contes plaisants et moraux,
02:02et les défenseurs du Casino du Canada français,
02:05qui sont à la Bibliothèque Nationale depuis 2017.
02:08Exactement, exactement, mais c'est épatant.
02:11Alors mon papa est là-haut, j'espère qu'il écoutera cette émission.
02:14De vous, mon cher Jacques.
02:16Mais c'est important, la carrière d'un enfant peut se dessiner
02:21d'abord en ayant un peu de curiosité de quelques milieux que l'on soit issus,
02:26mais mon père quand même a tiré des ficelles, on aura l'occasion d'en reparler.
02:30Bien sûr, en plus il vous a donné un don qui est l'optimisme,
02:34car il a fait la guerre, il a eu beaucoup de soucis, il ne s'en est jamais plein.
02:37Non, et alors ce qui est étonnant, c'est que le dessin peut mener assez loin.
02:43Mon père a été fait prisonnier dans les premières lignes en 1939,
02:48dans le nord de la France, il a été blessé après une nuit d'attaque des Allemands.
02:53Il était dans une ferme retranchée, il était caporal dans les carrières marocains,
02:57et il a été blessé, on a failli l'amputer d'un bras.
03:00C'est un officier allemand, jeune officier, qui lui a sauvé son bras,
03:04qui lui a même dit d'ailleurs, il était gonflé pour un officier allemand,
03:08il lui a dit, on a à la tête du pays un fou, s'il n'y a pas un attentat contre lui,
03:12c'est la ruine de l'Europe. Il ne s'était pas beaucoup trompé.
03:15Et là, mon père, dessinateur autodidacte, qu'a-t-il fait ?
03:19Il a falsifié ses papiers militaires pour se faire passer pour un sous-officier,
03:24car tout sous-officier pouvait refuser de travailler pour les Allemands.
03:28Et là, il a hérité, comme il le disait, avec humour,
03:31je suis parti au club méditerranéen pendant trois ans et demi, en Pologne,
03:35avec des Israélites, comme on disait à l'époque, et des soldats russes.
03:38– Il se trouve que pendant ce temps-là, votre mère a gardé l'imprimerie,
03:41et l'imprimerie pour vous, c'est un souvenir d'enfance, Christian Morin,
03:44c'est l'odeur de l'encre. – Oh là là, c'est formidable.
03:47Tous ceux qui sont imprimeurs et qui nous écoutent,
03:50même s'il y a une amélioration technique en technologie dans l'imprimerie aujourd'hui,
03:54cette odeur d'encre dans une imprimerie, quand vous rentrez,
03:58les caractères, le plomb, etc., c'est quelque chose qui était aussi touchant pour moi
04:03que lorsque j'allais chercher le pain chez le boulanger,
04:06parce que l'odeur du pétrin, c'était autre chose.
04:08Et puis c'était l'imprimerie de mon père.
04:10– En même temps, dans les journaux, dans les années 70,
04:13il y avait encore les rotatives au sous-sol et l'odeur de l'encre
04:16lorsqu'on préparait le journal.
04:18– Et les linotypes, on tapait à la machine et hop, le plomb coulait immédiatement.
04:22– Alors, une jeunesse quand même modeste à Bordeaux
04:24que vous racontez dans ce livre, car il n'y avait pas de salle de bain à la maison
04:27et c'était un quartier assez pauvre.
04:29– C'était un quartier assez pauvre d'après-guerre,
04:31mais avec une espèce de bonne humeur, puisqu'il fallait aller de l'avant.
04:35Tous les gens qui avaient connu la guerre, moi je venais de naître à la fin de la guerre,
04:39un mois ou deux avant le suicide de Hitler.
04:42Je n'y suis pour rien d'ailleurs, mais tant mieux.
04:44Et donc, il fallait vivre au travers de tout cela, on n'avait pas de salle de bain.
04:49J'avais évoqué cette histoire d'ailleurs un jour avec Eddie Mitchell
04:52qui avait connu ces mêmes problèmes enfant.
04:54Il y avait les douches municipales, il y avait les douches à l'école
04:58quand on allait faire du sport, mais on faisait sa toilette dans la cuisine
05:02avec toute la famille, petit appartement dans une échoppe bordelaise,
05:06un quartier chaud puisque c'était le quartier des bordels, disons-le.
05:10– Le quartier s'appelait Meriadec, je crois, et dans les vieilles familles,
05:13on dit, c'est Meriadec ici, c'est le bazar ici, c'est le bordel ici.
05:17– Exactement, c'est le bordel ici, voilà.
05:19Et il y avait des bordels, des hôtels avec eau courante, bien sûr.
05:24Ces dames qui, le jeudi, jour de repos des enfants, nous disaient,
05:28parce que j'avais une vie de quartier avec les copains,
05:30nous disaient, allez jouer ailleurs parce que vous nous empêchez de travailler.
05:33– Elle vous donnait une pièce d'ailleurs.
05:35– Oui, j'ai même connu un jour quel était ce travail réellement.
05:40– En même temps, c'est quand même rare les prostituées
05:43qui vous donnent une pièce pour aller faire du manège.
05:45– Oui, ça c'était quand j'étais enfant, j'évoque ça,
05:49quand je partais avec mes parents à la foire Place des Quinconces,
05:53les prostituées me disaient, et où il va Kiki ?
05:57Alors je disais, Kiki va au manège, elle me donnait une petite pièce.
06:00Mais quelquefois, nous étions avec les copains,
06:04on rapportait la présence, pas très loin, des inspecteurs de la police des mœurs.
06:08Et il y avait un inspecteur qui était surnommé le Grand Blond,
06:11avec un imperméable, une gueule pas très sympathique,
06:15et un jour, on est arrivé vers les prostituées,
06:18on leur a dit, attention, il y a le Grand Blond qui arrive.
06:20Tout le monde est rentré dans les hôtels, dans les bars, planqués,
06:23et la police est passée, ils n'ont rien vu.
06:27Et un jour, on était un peu à court de quelques monnaies
06:32pour acheter des roudoudous, ou quelques carambars,
06:36et on est allé dire aux prostituées, attention, il y a le Grand Blond qui arrive.
06:39Ce n'était pas du tout le cas, elles nous ont donné la pièce,
06:42elles n'ont jamais su qu'ils n'étaient pas dans le quartier,
06:44mais nous, on s'est acheté des carambars et des roudoudous.
06:47Il y avait une ambiance festive et musicale,
06:49et il y a une chanson d'ailleurs qui peut évoquer cette époque,
06:52avec un interprète qui avait alors la cote.
06:55Chantons pour le sport, d'un coeur joyeux, chantons les sortes de la jeunesse.
07:01La marche des sports d'André Dassary, c'est extraordinaire,
07:04parce qu'André Dassary, vous l'avez connu dans votre enfance,
07:08parce qu'il y avait quelqu'un qui chantait Dassary dans le quartier.
07:11Oui, c'était un peintre, monsieur Espion d'Ars.
07:15Il était masque, bien sûr, et il avait travaillé au conservatoire avec André Dassary.
07:20André Dassary qui a eu des problèmes parce qu'il chantait Maréchal Nous voilà.
07:23Il avait commencé chez Réventura avant.
07:25Oui, exactement, il faut le rappeler quand même.
07:27Et donc, ça faisait partie, cette sonorité que l'on vient d'entendre,
07:31c'était le son du poste de radio que nous avions à la maison.
07:35Alors c'était le gros poste sur un meuble,
07:38avec cet oeil qui tournait de temps en temps avec...
07:44Les bruitages du bouton que l'on tournait, ça me fascinait.
07:47Et la radio, c'est ce qui apportait toutes les nouvelles du monde à la maison.
07:51Et si j'ai choisi cette chanson à la marge des sports,
07:53c'est que le sport a eu de l'importance pour vous, Christian Morin,
07:56à commencer par le Tour de France.
07:58Ah ben ça, le Tour de France.
07:59Alors, on écoutait Paris Inter avec Georges Bricquet.
08:02Georges Bricquet qui faisait des commentaires extraordinaires.
08:05Il y avait toujours l'image dans la parole.
08:07Et puis, le Tour de France faisait rêver parce que c'était d'abord la période des vacances,
08:12pour les enfants que nous étions, avec des vacances très longues,
08:15juillet, août, septembre, et on nous envoyait chez les grands-parents.
08:18Dans ces cas-là, moi j'allais en Charente.
08:20Et donc, ce Tour de France me faisait rêver.
08:23Il y avait les journaux comme Miroir Sprint, Miroir des Sports, etc.
08:28Et on voyait toutes les photos de ces coureurs du Tour de France,
08:31Louis-Henbobé, Jacques Anctil, et petite parenthèse en allant plus loin,
08:36un jour, en arrivant à Europe 1, où j'étais depuis peu,
08:39il y a Fernand Choisel, journaliste sportif, qui me dit « je vais te présenter quelqu'un ».
08:44C'était le commentateur officiel pour Europe, Jacques Anctil.
08:47Et je vois Jacques Anctil, ça faisait 2 ou 3 ans que je faisais de la radio,
08:50Jacques Anctil me dit « je vous écoute de temps en temps sur Europe ».
08:54J'ai dit « mais c'est pas vous de me dire ça, moi j'ai tellement envie de vous prendre dans mes bras,
08:58et toute mon enfance est là, et cet homme merveilleux était en face de moi ».
09:02Et il y a aussi, vous avez une passion pour la course automobile,
09:05à cause ou grâce à un coureur anglais qui s'appelait Stirling Moss,
09:09un vice-champion du monde qui n'a jamais gagné le championnat du monde,
09:12et qui a eu beaucoup de victoires quand même.
09:14Oui, parce que mon père était copain avec quelqu'un qui s'occupait un petit peu,
09:17il y avait des courses très importantes à Bordeaux,
09:20les Bordelais qui nous écoutent connaissent bien ce lieu,
09:23sur les quais de Bordeaux, devant ce qu'il y avait les terrasses à l'époque,
09:26devant la place des Quinconces, qui est la plus grande place d'Europe,
09:30on peut s'en orgueillir de cela, ça fait 12 hectares,
09:33et il y avait des courses automobiles avec, pour un gamin c'était formidable,
09:38à ce moment-là je voulais être pilote de course,
09:41ça sentait l'huile de ricin qui était trafiquée dans les moteurs,
09:45et il y avait la Talbot Lago, il y avait Jean Bérat qui avait un casque à damier,
09:49et ce jour où j'étais avec mon père, j'avais 8 ou 9 ans,
09:53c'est Stirling Moss qui a gagné la course à Bordeaux.
09:56Et il y avait 50 000 personnes qui venaient assister à la course,
10:00et quand je suis arrivé près de la voiture avec mon père,
10:03Stirling Moss venait de recevoir le bouquet de fleurs immense pour le récompenser,
10:09et il a vu ce gamin, on a dû faire une photo, je ne sais pas pour quel journal,
10:13le Sud-Ouest ou la Nouvelle République, et il a donné ce bouquet,
10:17que je me suis empressé bien sûr d'apporter à ma mère, le soir même.
10:21Et le souvenir que j'ai, quand ils retiraient les casques,
10:24quand ils enlevaient les lunettes, il y avait les jets d'huile sur le visage,
10:28qui laissaient les traces brunes un petit peu, c'était fascinant.
10:31Donc là je voulais être pilote de course.
10:34Ça vous tentait vraiment ?
10:35Oui, oui, oui, j'ai voulu être coureur du Tour de France, évidemment.
10:38Et puis après il y a eu locomotive à vapeur qui me trottait dans la tête,
10:42donc je voulais être conducteur de locomotive à vapeur.
10:46Puis j'ai voulu être pompier aussi.
10:47Oui, mais vous avez fait beaucoup d'autres choses,
10:49et justement il y a une date aussi importante dans votre vie, c'est le 13 mai 1968.
10:55A tout de suite sur Sud Radio avec Christian Morin.
10:58Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:01Sud Radio, les clés d'une vie, Christian Morin, mon invité pour ce livre de mémoire.
11:06J'ai tant de choses à vous raconter chez XO Éditions,
11:09et c'est vrai que vous avez des choses à raconter et qu'on évoque dans l'émission.
11:12Et dans ce livre, vous évoquez le 13 mai 1968,
11:16qui est un examen raté que vous deviez passer ce jour-là.
11:19Malheureusement, il s'est passé quelque chose.
11:21C'était ma deuxième partie de diplôme d'art graphique,
11:24puisque je venais donc de sortir des Beaux-Arts.
11:27Au bout de 4 ans, on travaillait en loge pour préparer un diplôme
11:30qui pouvait être, selon le choix, peinture, gravure, sculpture, etc.
11:34qui pouvait nous destiner d'ailleurs à l'enseignement du dessin, au professeurat.
11:38Et j'avais choisi les arts graphiques, ce qui réjouissait mon père.
11:42On revenait à la base à l'imprimerie, en quelque sorte.
11:46Donc j'avais passé ma première partie de diplôme avec une thèse,
11:50un livre que j'avais eu à faire sur un thème choisi.
11:54Et la deuxième partie, on passait en loge à l'école des Beaux-Arts de Paris,
11:58venant de la province.
11:59Et ce jour-là, enfermés en loge, on nous donne les sujets.
12:03Il fallait faire une campagne.
12:05On avait 3 ou 4 jours de boulot en loge.
12:08Il fallait faire une campagne pour une machine à écrire,
12:10inventer le nom de la machine, la forme esthétique,
12:13les affiches, la campagne de presse, etc.
12:17Sauf que manifestation 13 mai 68, particulière.
12:21Pourquoi ? Jacques, vous allez comprendre en tant que journaliste.
12:24C'était l'évocation du 13 mai 58, référencie à De Gaulle, l'Algérie, etc.
12:30Donc manifestation dans tout Paris.
12:33Et les élèves qui étaient enfermés au Beaux-Arts, on était des traîtres.
12:38On était des collabos pour les gauchos et tous les trotskistes qui manifestaient
12:45et ceux qui étaient contre le gouvernement.
12:47– C'était le grand jour de la manifestation contre De Gaulle.
12:50Il y a eu 200 000 personnes dans la rue.
12:52– Exactement.
12:53Donc on a été protégés, évacués par les CRA.
12:56C'est-à-dire qu'on était en loge,
12:58on commençait à voir les yeux qui picotaient un peu,
13:00il y avait des gaz lacrymogènes qui montaient partout.
13:03Et finalement, sur 13 mai 68, le soir, l'examen a été annulé
13:08et reporté en septembre, où à ce moment-là,
13:11ils ont eu la bonne idée de ventiler, j'aime pas beaucoup le terme,
13:14mais ont ventilé, c'est-à-dire les élèves des Beaux-Arts de Bordeaux
13:17allaient passer leur concours au Beaux-Arts d'Angers,
13:20ceux d'Angers allaient du côté de l'Est de la France, etc.
13:25pour ne pas reformer des groupuscules de manifestants peut-être,
13:29ceux dont je n'étais pas forcément.
13:31Et ce soir-là, j'ai pris ma clarinette et je suis allé faire de la musique
13:36avec Claude Luther au Slocum à Paris,
13:38comme ça, c'est un bon souvenir depuis ce 13 mai 68.
13:41– Voilà, il se trouve aussi que l'école,
13:43bon, c'était pas la première fois que vous manquiez un examen,
13:46parce que je crois que vous avez redoublé un certain nombre de fois.
13:49– En plaisantant, je dis toujours que j'ai eu la grippe,
13:52ça fait sourire les gens, ce qui est faux.
13:54J'ai redoublé ma sixième, ce qui fait que je n'ai fait dans ma vie
13:57que deux ans d'anglais, puisque l'éducation était déjà très bien faite.
14:01Quand j'ai quitté ces deux ans d'anglais loupés,
14:05je suis passé en cinquième et là,
14:07on m'a donné comme langue à apprendre l'espagnol.
14:11– Et en même temps, miracle, vous avez eu une bonne note en quatrième.
14:15– Oui, j'ai eu une très bonne note en maths un jour,
14:18parce que j'étais très mauvais en mathématiques,
14:20je ne comprenais pas les mathématiques, je ne sais pas,
14:22il y avait quelque chose qui n'allait pas,
14:24c'était complètement…
14:26Quand le prof disait, Morin au tableau,
14:29écoutez-moi bien, A, facteur de B au carré plus C au carré,
14:34fermez la parenthèse, plus ouvrez la parenthèse, etc.
14:36égale, nous t'écoutons.
14:39Et donc j'avais un copain, je me rapprochais du premier bureau
14:42qui était très fort en maths, Bouillon,
14:44et je lui disais, je m'armenais quelque chose pour qu'il me souffle un peu,
14:49le temps que le prof revienne dans une autre allée
14:51et qu'il soit de face, et rien, rien ne pouvait sortir,
14:57je ne comprenais pas, et ça se terminait toujours,
15:00Morin, zéro, à ta place, tu feras toujours rire tes camarades,
15:04je pense que c'est ce que j'ai choisi comme carré,
15:07c'est peut-être grâce à lui.
15:08Il y avait la géométrie qui marchait pas mal,
15:09il y avait un peu de dessin à faire, donc ça allait.
15:12Mais un jour, en algèbre, il y a quelque chose,
15:15une lumière qui est arrivée, j'ai eu 18,
15:17j'ai été convoqué par le prof qui m'a dit,
15:19tu as copié sur quelqu'un, je me suis engagé,
15:21ma parole lui a été donnée, je lui ai dit non, pas du tout,
15:24j'avais compris quelque chose, mais c'était un petit peu tard,
15:27parce qu'après j'allais quitter l'école au moment du brevet.
15:30En même temps, vos meilleurs souvenirs de cette jeunesse,
15:33ce sont les vacances chez vos grands-parents,
15:35à Saint-Jean d'Angélie, près de La Rochelle.
15:38Près de La Rochelle, alors Saint-Jean d'Angélie d'abord,
15:40puis ensuite, puisque mes grands-parents suivaient dans les présbytères
15:44mon oncle qui était prêtre,
15:46donc on allait du côté des touches de Périgny,
15:49pas très loin de Matas, pas très loin de Cognac,
15:51et c'était le bonheur.
15:53Les vacances en Charente, c'était quelque chose d'épatant.
15:56D'abord, il y avait la découverte des tracteurs,
15:59avec le plan Marshall, les tracteurs américains,
16:02les moissonneuses-batteuses modernes qui arrivaient,
16:05qui étaient utilisées par 10 ou 15 agriculteurs,
16:08il s'échangeait ça selon les coopératives,
16:11et il y avait la chaleur de l'été,
16:13on ne parlait pas de canicule à l'époque, il faisait déjà très chaud,
16:15et puis la sacristaine qui accompagnait mon oncle
16:20emmenait les enfants du catéchisme et le neveu du curé,
16:24nous allions glaner, c'est-à-dire, après la coupe du blé,
16:28on allait ramasser des grains de blé pour les poules,
16:31mais alors là, quand vous étiez en espadrille, Jacques,
16:34c'était très dangereux, ça cisaillait les chevilles,
16:37c'était épouvantable, il faisait chaud, on avait des gourdes de flotte, etc.
16:40On rêvait d'aviation, c'est là que j'ai voulu être pilote de chasse,
16:44parce qu'on voyait les Mystères 4 qui passaient de la base de cognac
16:47qui passaient au-dessus de nous, et c'était fascinant.
16:50Et bien sûr, au mois de juillet, qu'est-ce qu'on faisait avec mon grand-père ?
16:54On écoutait, bien sûr, le Tour de France.
16:57Alors que j'écoutais avec mon père à Bordeaux Paris Inter,
17:00mon grand-père écoutait Radio Luxembourg, RTL avant l'heure.
17:05– Exactement, il se trouve aussi, Christian Morin,
17:07que ce goût du dessin, ça a commencé par une crise d'appendicite.
17:11– Oui, le développement du dessin, parce que j'ai été opéré à chaud,
17:16comme l'on dit, je risquais la péritonite,
17:18j'ai été transporté dans un camion de légumes,
17:20parce que j'étais en vacances du côté de Lacanau,
17:22chez des amis de mes parents qui tenaient ce qu'on appelait
17:25des petites épiceries qui s'appelaient la Quitaine.
17:27Et en urgence, j'avais vraiment mal au ventre,
17:30donc on m'a transporté dans ce camion de légumes,
17:32j'ai été opéré d'appendicite, et j'étais passionné par Tintin et Milou,
17:36forcément, et on commençait à découvrir un personnage extraordinaire,
17:41d'abord le dessinateur, l'été, c'était Franquin,
17:43et on commençait à découvrir un personnage complètement à l'ouest,
17:48Gaston Lagaffe, dans ce bureau, opposé à Fantasio.
17:52Donc j'ai commencé à faire une bande dessinée, à la Clinique, à Côte-et-Rhin,
17:57et puis mon père voyait que le trait n'était pas trop mauvais,
18:01on copiait un peu, mais ça m'inspirait quand même beaucoup d'imagination,
18:06je créais des personnages, etc.
18:09Et c'est là qu'il y a eu, je peux le dire maintenant,
18:13mon père m'a fait passer un test psychotechnique à 13 ans,
18:17et ce test, on le passait à la Sécurité Sociale,
18:21a révélé quand même des résultats assez conséquents,
18:24il y avait à peu près 79%, 80% de réponses favorables aux arts,
18:28la littérature, la musique,
18:30alors la littérature, on voyait 15 bouquins qu'on n'avait pas lus,
18:33mais selon les titres, on pouvait être attiré par celui-ci ou celui-là,
18:36on vous donnait un jeu de construction,
18:38et selon l'endroit où vous placiez l'église, la mairie d'un petit village à reconstituer,
18:42on était jugé psychologiquement, on étudiait les réflexes, etc.
18:46Et compte tenu de tout cela, de ces tests, mon père a tiré les ficelles,
18:50et puis c'est là qu'il m'a fait passer un concours pour rentrer au Beaux-Arts,
18:54peut-être que ce serait bien que tu apprennes un instrument de musique,
18:57on ne sait jamais, ça peut toujours servir.
18:59Exactement, et justement la musique et les Beaux-Arts, il y a un point commun,
19:02car vous avez été élève au Beaux-Arts de Bordeaux,
19:05quelques années après celui-ci.
19:08On oublie tout,
19:11sur le soleil de Mexico,
19:15on devient fou.
19:18Car Mariano a été aussi élève,
19:20et avec une date de naissance falsifiée,
19:23parce que sa mère, qui ne voulait pas qu'il fasse la guerre d'Espagne,
19:26lui avait donné deux ans de moins pour qu'il échappe aux services militaires.
19:29C'est extraordinaire d'évoquer Mariano,
19:31parce que pour moi j'ai un rattachement à Mariano en particulier,
19:34il y a parmi mes très bons amis de longue date,
19:37il y a mon ami José Cifrantes, qui vit aujourd'hui,
19:40qui est natif de Bordeaux comme moi, et qui a vécu longtemps à Paris,
19:43qui est à Saint-Jean-de-Luz, au Pays Basque,
19:46et José, d'origine espagnole,
19:49par l'intermédiaire d'un de ses oncles,
19:52il a des photos où Mariano le promenait dans la rue à Bordeaux,
19:56quelquefois, ou au Pays Basque, c'est extraordinaire.
19:59Et Mariano, bien sûr, après il y a un autre recoupement,
20:02avec Annie Cordier, avec qui j'ai beaucoup travaillé,
20:05qui avait deux amis dans ce métier, c'était Mariano et Bourville.
20:08– Exactement, et puis il y a un autre chanteur que vous avez bien connu aussi,
20:11c'est Claude François, car vous avez travaillé pour lui dans Podium.
20:14– Ah ça demande, alors Claude François voulait,
20:17ce que vous avez fait aussi longtemps,
20:20il voulait des échos du showbiz,
20:23vous connaissez ce métier mieux que moi, pour l'écriture, mon cher Jacques,
20:26et donc il voulait absolument que je raconte un peu,
20:29on ne parlait pas des people à l'époque, le terme n'existait pas,
20:32mais que je raconte un peu qui fréquentait qui, qui voyait qui,
20:35qui embrassait qui, etc., dans les clubs.
20:38Les clubs, les seuls clubs où je vais,
20:41ce sont les clubs de jazz où je joue,
20:43et je lui dis, mais je fais du dessin, on peut peut-être trouver…
20:46Et c'est lui qui a eu cette idée, on va faire la chanson Rebus,
20:49alors il fallait que j'illustre quatre chansons,
20:52et surtout, il fallait que ce soit très facile, me disait Claude,
20:55parce que ça permettait de faire gagner aux faves de Podium,
20:59des t-shirts à l'effigie de Claude François,
21:02des posters, etc., etc., etc.
21:04Et ça a duré cinq ou six ans,
21:06et c'est là que j'ai rencontré une des rédactrices en chef,
21:09c'était Geneviève Leroy, la femme du journaliste Charles Villeneuve,
21:12et puis un certain Michel Laffont, que vous connaissez bien aussi.
21:15– Voilà, qui était au départ le fondateur de Podium avec Claude François,
21:20parce que Michel Drucker les avait présentés.
21:22– Exactement, voilà.
21:23– Alors, autre moment fort dans votre vie,
21:26qu'on va évoquer à travers une date beaucoup plus lointaine,
21:29le 18 septembre 1954.
21:31À tout de suite sur Sud Radio, avec Christian Morin.
21:33– Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
21:36– Sud Radio, les clés d'une vie,
21:38mon invité Christian Morin pour ce livre de mémoire.
21:41J'ai tant de choses à vous raconter chez XO Éditions.
21:44Vous avez une mémoire incroyable, vous vous souvenez de tout.
21:48– Pour être honnête, j'ai fait un plan,
21:50et la mémorisation s'est dévoilée et développée plutôt à partir de l'enfance,
21:55parce que j'avais des souvenirs, c'est très curieux,
21:58on se souvient très bien de l'enfance, pas de moments précis, mais de périodes.
22:02– Exactement.
22:03– De périodes avec les tenues, il suffit de regarder des photos,
22:05puis on se dit, tiens, mais là au fait, etc.
22:07Et après j'ai développé tout ça, mais c'est vrai que j'ai gardé une mémoire.
22:12Et ce qui est extraordinaire, c'est qu'au fur et à mesure
22:15où vous écrivez en faisant des plans pour un livre,
22:19vous avez noté quelque chose la veille,
22:21et le lendemain vous découvrez que ce quelque chose va déclencher un autre souvenir.
22:25Vous connaissez ça puisque vous êtes un spécialiste en écriture.
22:28– Alors il se trouve que j'ai trouvé la date du 18 septembre 1954,
22:32qui est le jour où cet homme va révolutionner les établissements scolaires.
22:38– C'est un mauvais souvenir en ce sens que ça aurait pu être le moment d'une…
22:43– Pierre Mendes France, qui en juin 1954 devient président du conseil
22:47et annonce qu'un verre de lait sera servi chaque matin aux élèves.
22:50Et il lance un slogan pour être studieux, solide, fort et vigoureux, buvez du lait.
22:55– Voilà, vous n'avez pas bu votre verre de lait ce matin.
22:57– Exactement, oui. Je bois du petit lait avec vous.
23:00– Mais vous êtes trop aimable. Voilà, ça c'est Jacques Pessis.
23:03– Et donc je sais que vous avez participé à cette campagne du lait.
23:07– Mais oui, involontairement, figurez-vous que j'ai vu ça aux actualités, j'étais gamin.
23:11Alors j'étais content avec mes parents.
23:13Au cinéma, on avait été filmé par les actualités Gaumont ou Pathé,
23:17tatata tatata tatata tatata, il y avait des actualités,
23:21c'était le journal de 20h mais au cinéma.
23:24Et on avait été filmé à l'école avec tous les gamins, avec notre verre de lait,
23:28on levait le verre de lait etc. etc.
23:30Ils étaient venus filmer et c'est ce film filmé à Bordeaux,
23:33à l'école Anatol France qui était passé sur quelques écrans sur le territoire.
23:37– Et cette campagne du lait avait eu lieu parce qu'on s'était aperçu
23:40qu'il y avait une surproduction du lait en France.
23:42– Exactement.
23:43– Et qu'il fallait bien faire quelque chose.
23:45Alors ce qui est drôle c'est que le baptême officiel s'est déroulé au boeuf sur le toit.
23:49– Oui.
23:50– Qui est un lieu parisien où on faisait de la musique et du jazz.
23:53– Du jazz, le mot aller faire le boeuf d'ailleurs vient de cette époque-là.
23:56– Exactement car les musiciens se retrouvaient pour faire du jazz.
23:59– Oui oui, où tout le monde se retrouvait avec sa tille et quelques autres.
24:02Qu'est-ce qu'on fait ce soir ? On va au boeuf sur le toit, on fait le boeuf ce soir.
24:07Mais ce n'était pas dans le sens musical, on se réunissait dans cet endroit-là
24:10qui est du côté de Franklin Roosevelt.
24:12– Exactement, aux Champs-Élysées.
24:14Alors vous avez choisi la clarinette parce que c'était un instrument facile
24:17et puis en plus vous avez pris des cours de solfège et des cours de clarinette très vite.
24:21– Oui, parce qu'un instrument facile je dirais pas, c'est pas tout à fait le mot
24:26mais il y avait quelque chose qui me séduisait car tous les copains
24:30grattaient des guitares parce qu'il y avait la déferlante du rock'n'roll
24:34qui arrivait des Etats-Unis avec Gene Vincent, Elvis Presley bien sûr
24:39et tous les copains grattaient des guitares.
24:42Alors ça c'était énervant parce que ceux qui arrivaient à faire quelques accords,
24:45les trois accords classiques, pouvaient draguer dans les surprises parties.
24:49Les jeunes filles étaient séduites.
24:51Et puis il y avait des garçons aussi qui tapotaient sur un clavier
24:55le début de « What I Say » de Red Charles.
24:57Donc ça aussi ça séduisait.
24:59Et quand ce copain, à côté de moi à l'école, quand je lui ai dit
25:03« Mon père veut me faire prendre des cours de musique. »
25:08Mon copain me dit « Mon père est professeur de saxophone et de clarinette. »
25:12Ça a éveillé chez moi une curiosité.
25:14J'ai dit « Tiens, c'est intéressant, donne-moi ton téléphone. »
25:17On n'avait pas le téléphone à la maison.
25:19Mon père l'a appelé de l'imprimerie.
25:21J'ai pris rendez-vous, on a acheté une clarinette 15 000 francs à l'époque
25:25et puis j'ai commencé à prendre des cours.
25:28Sauf que je suis tombé sur un homme formidable, Henri Florent,
25:31musicien de jazz.
25:32Il avait fait beaucoup de variétés à Bordeaux et il me disait
25:36« Christian, si vous travaillez bien votre cours la semaine prochaine,
25:40il y aura une petite surprise. »
25:42Et la surprise, à chaque fois, il me faisait écouter à 13 ans, 13 ans et demi,
25:45des disques de jazz.
25:47C'était extraordinaire.
25:49Et c'est là qu'entre autres, j'entendais un clarinettiste
25:52qui s'appelait Barney Bigart,
25:54clarinettiste de Duke Ellington puis ensuite de Louis Armstrong
25:58et plus tard, je me suis retrouvé à ses côtés en train de jouer.
26:02Si la vie n'est pas belle, mon cher Jacques.
26:04Et il y a un autre musicien aussi qui a beaucoup compté pour vous.
26:11Le 6 octobre 1962 est une date que vous n'avez pas oubliée
26:14car vous avez fait la connaissance de Claude Luther.
26:16Exactement.
26:17Alors Claude Luther, ça aussi c'était mon idole
26:20parce que quand vous jouez de la clarinette, à l'époque,
26:22il y avait deux grands clarinettistes, Claude Luther et Maxime Sorry.
26:24Je suis venu ami avec les deux.
26:26On a joué ensemble un nombre de fois.
26:28Mais au début, il fallait bien quand même approcher son idole.
26:32Et j'ai toujours aimé dans la vie,
26:34à tous les niveaux de tout ce que j'ai pu faire,
26:36avoir des exemples.
26:38Parce que je pense que c'est la ligne de conduite à avoir.
26:41C'est mon point de vue.
26:42Et donc, Claude Luther, un soir, je le vois arriver,
26:45il donnait un concert pour un bal d'étudiants.
26:48Je le vois arriver dans la rue avec le grand imperméable.
26:51Il avait une allure un petit peu comme ses comédiens,
26:53l'agent Marais, Henri Vidal, des années 50.
26:56Beau garçon, beau mec, vraiment.
26:58Je le vois arriver, je n'ai pas osé l'approcher.
27:00Et puis, j'avais amené ma clarinette
27:02et on a fait des photos dans la loge.
27:04Je n'ai pas joué avec lui sur scène.
27:06Et on a parlé ce soir-là.
27:08Mais Claude aimait le raconter à tout le monde
27:10quand on se retrouvait ensemble.
27:12Ce premier soir, il m'a engueulé.
27:13Il m'a dit, qui écoutez-vous comme clarinettiste ?
27:16J'ai eu le malheur de lui parler des clarinettistes anglais.
27:18Il m'a dit, mais non, c'est pas cela.
27:19Il faut écouter ci, il faut écouter ça.
27:21Mais il jouait aux côtés de Signe Desbéchés.
27:23Petit à petit, j'ai commencé à jouer avec lui
27:26pour mes 20 ans, notamment.
27:28Et puis, on est devenus très amis et très proches.
27:30Mais c'était vraiment un exemple formidable.
27:33Vous avez fait une émission de télévision avec lui,
27:35l'une de vos premières, avec Jean-Christophe Averti, Christian Morin.
27:38Oui, tout à fait.
27:39C'était Jean-Christophe Averti,
27:41grand réalisateur, grand créateur de la télévision.
27:45C'était pour un tournage d'un film
27:47qui s'appelait « Two Beaks »
27:49en référence au clarinette, au trompettiste de jazz
27:52qui est mort à l'âge de 27 ans.
27:54Un trompettiste blanc qui était l'équivalent de Louis Armstrong,
27:56toutes proportions gardées,
27:58et qui s'appelait Beaks Baderbeck,
28:00et qui avait monté un orchestre
28:02qui s'appelait l'Origina Dixieland Jazz Band.
28:04Et c'était un musicien dont Jean-Christophe Averti était passionné.
28:08Et donc, on a tourné un film,
28:10on a répété pendant un mois.
28:11Je jouais le rôle d'un clarinettiste ami de Beaks
28:14qui s'appelait Pee Wee Russell.
28:16Et j'avais à mes côtés une comédienne
28:18dont j'ai appris la mort bêtement,
28:20il y a 3, 4, 5 ans à peu près,
28:22au moment des Césars.
28:24C'était France Dougnac,
28:26qui avait joué dans « Coup de tête »
28:28avec le film de Jean-Jacques Hanot.
28:30Et ce sont des souvenirs formidables.
28:32Il y avait Claude Bolling, il y avait Claude Luther.
28:34Il y avait Moustache.
28:35Moustache aussi, oui.
28:36Moustache qu'on connaît parce qu'elle était Zorro
28:38dans le film d'Alain Delon.
28:39Alors ça c'est une autre histoire.
28:41À la suite de ce film,
28:44avec Alain Delon,
28:46j'ai joué le sergent Garcia.
28:48Il a eu envie d'enregistrer un 45 tours.
28:50Je ne l'ai jamais retrouvé.
28:52Peut-être que vous le retrouverez ici,
28:53dans votre magnétothèque ou discothèque.
28:55Et c'était Zorro,
28:57un monde d'idole, etc.
28:59Donc on a enregistré
29:01avec un orchestre de jazz pour l'accompagner.
29:03Et il fallait des bruitages
29:05pour son disque.
29:07Et alors à un moment,
29:09le technicien nous dit,
29:10j'ai pas de bruitage,
29:11il faudrait des galops de chevaux.
29:12Alors je lui dis, attendez,
29:13j'ai un truc formidable.
29:14J'ai pris mes deux pavillons de clarinette.
29:16Et ça fait exactement le bruit
29:18des sabots de chevaux sur les pavés.
29:20Et ensuite, le technicien nous dit,
29:22ce serait bien sur ce passage de la chanson
29:24qu'on entend un bruit d'épée.
29:26Zorro en train de se battre
29:28avec un ennemi quelconque.
29:29Bref.
29:30Et là, on ne trouvait pas.
29:32Il n'y avait pas de bruitage.
29:33Et à un moment, Moussa dit,
29:35mais ces vieilles tringles à rideaux,
29:37qu'est-ce que tu vas en faire ?
29:38On a déglingué les tringles à rideaux.
29:40On a pris deux tringles à rideaux
29:42pour faire le bruit des épées.
29:43C'est pour ça que je voudrais retrouver ce 45 tours.
29:46Je lance un appel sur Sud Radio.
29:48Et il y a un autre 45 tours
29:49auquel vous allez collaborer.
29:51L'un des premiers succès du groupe,
29:53il était une fois.
29:54L'amour comme ça,
29:56tout d'abord, on n'y croit pas.
29:59L'amour comme ça,
30:01on voudrait le cacher.
30:03Joël, Serge Collen et les autres,
30:05des jours comme ça,
30:06et la clarinette, c'est vous, Christian Morin ?
30:08Oui, parce que tous les copains l'ont croisé.
30:10Je me disais, j'avais fait un disque aussi
30:12avec d'autres musiciens,
30:14avec Michel Sardou, ça m'est arrivé,
30:16à la demande de Jacques Revoux et de Michel.
30:18Mais le groupe, il était une fois.
30:20On les aimait beaucoup à Europe
30:22et j'ai tellement été triste au moment de la disque.
30:24C'est Carlos qui m'a appris la disparition de Joël
30:28que je croise quelquefois, je vais vous dire,
30:30d'une drôle de manière.
30:31Parce qu'au cimetière Montparnasse,
30:33les parents de ma femme sont enterrés là-bas.
30:36Et la première fois où je suis allé sur leur tombe,
30:39Bénédicte me dit, regarde derrière,
30:41c'est la tombe de quelqu'un que tu as connu à Europe 1,
30:45c'est la tombe de Joël au cimetière Montparnasse.
30:47Oui, et il y a des légendes qui courent sur le fait
30:49qu'elle était morte de la drogue, ce qui est absolument faux.
30:51Elle avait un problème cardiaque, qu'elle n'avait pas décédé.
30:53C'est la vérité.
30:55Oui, mais enfin déjà, les fausses nouvelles,
30:57les fake news, c'est comme ça que l'on dit aujourd'hui.
30:59Exactement.
31:01Et puis alors, il y a aussi votre propre discographie
31:04et il s'est passé un petit miracle un jour avec ce morceau.
31:12Aquarella.
31:14Aquarella, ça a été une grande surprise et un grand bonheur pour vous.
31:16Oui, parce que c'est, alors là, je vais vous dire,
31:18j'ouvre déjà la parenthèse anti-musique de ce style,
31:23l'easy listening.
31:25Moi je savais que ça venait des Etats-Unis,
31:27vous mettez une clarinette avec des cordes ou n'importe quel instrument,
31:30ça plaisait beaucoup, il y avait un courant qui arrivait des Etats-Unis
31:33et Alain Morisot, avec qui je travaillais pour la télévision suisse
31:36pendant 4-5 ans, musicien également,
31:38et qui m'avait fait rencontrer Céline Dion d'ailleurs,
31:40au tout début, et Alain me dit, écoute,
31:42je vais célébrer les 20 ans d'un de mes succès
31:45qui s'appelait Concerto pour un été,
31:47mais j'aimerais bien mettre d'autres titres sur un album,
31:50qu'est-ce que t'en penses, est-ce que ça te tenterait
31:52de faire un album dans ce style-là ?
31:55Je lui écoute, pourquoi pas.
31:57Et les musiciens de jazz, certains, pas tous,
32:00me disaient, oh là là, ne vends pas ton âme au diable,
32:04c'était mal vu d'aller faire une autre musique.
32:07Ce qui n'était absolument pas grave, bref.
32:09Et on fait un album, alors ce qui était très marrant,
32:12parce que j'appelais Alain et je lui disais,
32:14qu'est-ce que tu penses de la reprise de ce thème d'Amstrong,
32:16peut-être dans le style easy listening, avec des cordes,
32:18oh très bien, je partais en Suisse le week-end,
32:21j'enregistrais un ou deux titres, je revenais à Paris
32:23pour être à la radio et à la télévision,
32:26je repartais en Suisse, on fait un album,
32:28Sony était tout à fait partie prenante de cet album,
32:32et on sort un album, et les représentants de chez Sony
32:35tordaient un peu le nez en disant,
32:37un présentateur de télé, d'un jeu,
32:39il y avait le côté péjoratif,
32:41qui en plus joue de la clarinette,
32:43ce n'est pas un instrument forcément à la mode,
32:45qu'est-ce que ça va donner ?
32:47Et il se trouve qu'il y a eu,
32:49je ne sais pas ce qui s'est passé,
32:51la télévision a dû jouer la roue de la fortune
32:53à ce moment-là, vis-à-vis du public,
32:55mais quand même, on vendait à peu près
32:575 ou 6 000 CD par jour, et cassettes, à l'époque.
33:01Il y a eu un décollage extraordinaire,
33:03à tel point qu'on a vendu 400 000 albums,
33:07c'était énorme,
33:09et lors d'une interview,
33:11méfions-nous des journalistes,
33:13je dis à une journaliste de Télépoches,
33:15elle m'interviewe, elle me dit, c'est formidable cet album,
33:17j'ai dit, vous voyez, j'ai même vendu
33:19beaucoup plus d'albums que Vanessa Paradis,
33:21et en plaisantant, je lui dis,
33:23je suis la Vanessa Paradis de la clarinette.
33:25Bien sûr, c'est devenu le titre dans Télépoches.
33:28Donc, méfions-nous.
33:30Mais voilà, c'est un bon souvenir avec Alain Morisot.
33:32Et si j'ai bien compté, il n'y a qu'une seule fausse note
33:34dans votre carrière, et elle est volontaire,
33:36pour Francis Blanche.
33:38Alors ça, Francis Blanche, je sais que si on touche
33:40à Francis Blanche aussi, on l'évoque,
33:42c'est cher à votre cœur, mon cher Jacques,
33:44vous avez fait, j'en profite pour le rappeler,
33:46un très très beau spectacle, avec Patrick Préjean notamment,
33:48en faisant référence à Pierre Dac,
33:50et à Francis Blanche,
33:52et je sais que c'est quelqu'un dans votre cœur très important,
33:54mais moi aussi, moi je l'écoutais,
33:56c'était la seule radio privée que j'écoutais
33:58en dehors de Paris Inter,
34:00le dimanche matin. Et quand je suis rentré
34:02à Europe 1,
34:04je fais connaissance de Francis Blanche,
34:06et il demande à Moustache de réenregistrer
34:08son indicatif, pour Europe,
34:10qui faisait tant, tant, tant, tant, tant, tant, tant,
34:12tant, tant, tant, tant, tant, tant, tant, tant,
34:14et il y avait une fausse note,
34:16à la clarinette, et quand on a enregistré,
34:18Francis était avec nous,
34:20et Francis me dit, surtout Christian,
34:22ne me loupez pas ma faute note,
34:24ça, ça m'a fait rire,
34:26mais j'étais tellement fier,
34:28honoré de rencontrer Francine Blanche.
34:30Ce sont quelques-uns des souvenirs de ce livre qu'on va continuer à évoquer à travers la date de sa sortie, le 17 avril 2025.
34:37A tout de suite sur Sud Radio avec Christian Morin.
34:40Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
34:43Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Christian Morin.
34:46Donc on évoque vos souvenirs à travers ce livre.
34:49J'ai tant de choses à vous raconter, sorti le 17 avril 2025 chez Ixo.
34:54Alors pourquoi avoir fait ce livre aujourd'hui, Christian Morin ?
34:57Il fallait que j'attende de passer un cap important, voyez-vous.
35:01Pendant longtemps, il y a eu la crise des gilets jaunes à propos d'une interdiction de dépasser le 80.
35:08Je viens de dépasser le 80 et je compte rouler à 90, au moins jusqu'à 90.
35:14Et je voulais attendre cette année qui est une année charnière, 4 fois 20 ans pour être plus élégant.
35:19Et je me suis dit que ce serait le moment.
35:23Je suis allé chez Ixo Éditions où je suis accueilli avec des gens très bienveillants autour de moi,
35:29avec Marie et Stéphanie, les attachés de presse qui me chouchoutent mais vraiment,
35:34et surtout en référence à Bernard Fixot qui a fondé cette maison d'édition.
35:38Car je me disais, pour boucler la boucle, comme j'ai commencé à travailler à Europe 1,
35:42j'ai connu Bernard Fixot au début de sa carrière,
35:46il travaillait pour les éditions n°1 souhaitées par Lagardère.
35:49Je me suis dit, je vais revenir boucler la boucle en revenant chez Fixot.
35:54Et avec Edith Leblond et son frère Renaud aujourd'hui, je suis très heureux.
35:58Et on a travaillé pendant 6-7 mois à regrouper tout cela.
36:02Il faut chercher des échos.
36:04Et m'a accompagné pour ce livre un garçon qui s'appelle Jean-François Pité,
36:08qui est un documentaliste formidable,
36:10qui est celui qui a travaillé pendant 14 ans avec Cabu,
36:14et qui, pour se faire des portes ouvertes à l'INA,
36:18a retrouvé des documents que moi-même j'avais complètement oubliés,
36:21des enregistrements d'un concert en 1970 à la maison de la radio, à l'ORTF,
36:25que j'avais donnés, bref.
36:27Et d'autres documents de télévision ou d'images.
36:30Et il m'a beaucoup aidé par rapport à toutes ces recherches pour les documents.
36:34Justement, il y a la mémoire, comme vous y faisiez allusion tout à l'heure, Jacques,
36:38mais la mémoire, il faut la coller à quelque chose de concret.
36:41Et il m'a beaucoup aidé dans ce sens-là.
36:43Oui, j'en profite pour dire que c'est lui qui a trié les 48 000 ou 50 000 dessins de Cabu
36:49pour en faire tous les livres que nous connaissons aujourd'hui.
36:51Il se trouve aussi que vos débuts, c'est au Grand Théâtre de Bordeaux, avec cette chanson.
37:04Jean-Jules Merck, Asnavour, considéré comme le plus grand chanteur français,
37:07qui était danois.
37:08L'ancêtre de Dave, en quelque sorte.
37:10Qui a créé Pigalle, aussi une chanson célèbre.
37:13Et cette chanson, qui était une chanson d'après-guerre, à l'époque où les chansons américaines étaient à la mode en France,
37:18vous l'avez créée au Grand Théâtre de Bordeaux.
37:20Pas créée, je l'ai interprétée.
37:22C'était pour un arbre de Noël, des donneurs de sang, je crois, ou des anciens prisonniers.
37:26Et j'étais sur la scène du Grand Théâtre de Bordeaux, théâtre du XVIIIe siècle, de l'architecte Louis.
37:32Très, très beau théâtre, d'ailleurs, classé.
37:34Et le souvenir que j'ai, j'ai chanté cette chanson parce qu'il y avait la mode américaine, comme vous le disiez.
37:40Mon temps chantait dans les plaines du Far West quand vient la nuit, pipoum, pipoum, etc.
37:44Et moi, j'avais cette chanson dans la tête.
37:46J'ai chanté cette chanson avec d'autres enfants, mais j'étais tout seul.
37:50Et j'ai découvert quelque chose de génial, la rampe d'éclairage.
37:55À l'époque, il y avait des gros projecteurs tout le long de la scène qui vous empêchaient de voir le public.
38:00On ne voyait pas, il y avait un trou noir.
38:02Ça, ça m'a fasciné.
38:04Je me suis dit, mais c'est génial.
38:06Et puis après, j'ai découvert que petit à petit, on voyait de plus en plus le public.
38:10Et là, j'ai découvert le track.
38:12Ça m'est arrivé jusqu'à l'Olympia en 1976.
38:14Oui, parce que ce jour-là, vous présentez Dave et il y a une représentation exceptionnelle qui est une nouveauté.
38:19Une nouveauté parce que le soir de la première, Dave faisait son première Olympia avec en vedette américaine, doublemente américaine, Gene Manson.
38:27Et on faisait une expérience de télévision par câble dans cinq villes de France, dont bien sûr le Massif central, Clermont-Ferrand, puisque Giscard était président de la République.
38:42Donc du côté de Chamalières, on allait voir cette première de l'Olympia dans différentes salles de cinéma.
38:47C'était sous la houlette de Jean Drucker, qui était président de France Télévisions.
38:51Et le réalisateur, René Guinville, qui était un ami avec qui j'avais déjà tourné dans un film avec Serot et me dit ne t'inquiète pas.
38:59Au début, je présentais.
39:01Alors vous imaginez le rideau de l'Olympia qui vibre, qui va s'ouvrir.
39:05Ne t'inquiète pas, toute la salle va être éclairée.
39:09Il y avait encore des premières.
39:12C'était au premier rang.
39:13Je vois Catherine Deneuve, Adamo, Michel Delpeche.
39:16C'était très troublant.
39:19Et j'ouvrais avec le grand orchestre de l'Olympia, sous la houlette de Guy Matteoni, avec la clarinette, etc.
39:26Et là, j'ai découvert les joies quand même de l'Olympia.
39:29Bruno Cocatrix venait derrière pour nous dire merde.
39:32Avec son cigare, on pouvait fumer encore sur scène.
39:35Et puis ça a été neuf jours formidables.
39:38Et on oublie que Bruno Cocatrix est le premier à avoir innové en tournant les spectacles de l'Olympia.
39:43Aujourd'hui, on tourne tous les concerts.
39:45À l'époque, à part lui, personne ne le faisait.
39:47Exactement.
39:48C'est pour ça qu'il y avait cette référence, justement, avec la télévision par câble.
39:52Mais cette Olympia était assez fascinante.
39:54Parce que tous ceux qui étaient passés avant vous, je pensais à Sidney Bechet, forcément.
39:59En me retrouvant avec ma clarinette.
40:01Et puis vous racontez dans ce livre, au début au théâtre aussi, à la Bourse du Travail, dans une pièce de Garcia Lorca.
40:07Ça, c'est assez inattendu, Christian Morin.
40:09Alors ça, on avait un lecteur d'espagnol.
40:11Puisque l'espagnol marchait très bien.
40:13J'avais une bonne prononciation, paraît-il.
40:16J'ai un accent andalou quand je parle espagnol.
40:19M'a-t-on dit.
40:21Et j'ai un peu perdu, bien sûr, la grammaire, hélas, au fil des années.
40:25Ce qui est idiot de ma part.
40:27Mais on avait un lecteur d'espagnol qui venait nous faire travailler la langue.
40:30Et c'était très intelligent.
40:32Et il avait monté une troupe de théâtre avec quelques élèves, dont j'étais, à 14 ans.
40:36J'avais dessiné l'affiche.
40:39de Garcia Lorca, la Zapaterra Prodigiosa.
40:42Et c'était une histoire scandaleuse, pour l'époque.
40:45C'était un cordonnier, un savetier, de 50 ans,
40:49qui épousait une jeune femme de 20 ans.
40:51Le scandale, depuis, ça a bien changé.
40:54Et donc, j'étais un des courtisans de cette jeune savetière.
40:59Et je rentrais sur scène, devant 35 personnes,
41:03un dimanche après-midi, à la Bourse du Travail,
41:05la salle de spectacle de la Bourse du Travail.
41:07Et j'avais traversé tout Bordeaux, parce qu'on n'avait pas de quoi se démaquiller.
41:11Et mon père m'avait engueulé en me disant
41:13« Mais t'as traversé tout Bordeaux avec le maquillage ? »
41:15Je m'étais fait des petites roues flaquettes, avec du noir de charbon.
41:18Enfin, c'était très drôle.
41:19Et c'est les premiers souvenirs de la scène, et de jouer devant.
41:22Mais le public était un peu réduit.
41:24Oui, mais en même temps, ça vous a permis de vous rôder.
41:26Et ensuite, vous vous êtes professionnalisé
41:28en prenant des cours avec Jean-Laurent Cochet.
41:30Avant Jean-Laurent Cochet, alors ça...
41:32Jean-Laurent Cochet, j'allais assister à ses cours deux fois par semaine.
41:35Et Jean-Laurent Cochet, je lui avais dit
41:38« J'aimerais bien travailler le théâtre. »
41:40Il m'a dit « Mais venez quand vous voulez, après on s'est tutoyé. »
41:43Et puis, je ressortais des cours avec Jean-Laurent.
41:45C'était formidable.
41:46On volait sur un petit nuage d'intelligence, de clarté,
41:49de compréhension de l'art du théâtre.
41:51C'est lui qui a quand même formé des gens
41:53qui le louent encore, comme Depardieu ou Luchini.
41:56Et ça s'est terminé par les Fausses Confidences de Marivaux,
41:59avec Jean-Laurent Cochet.
42:00Oui, et en plus, vous avez changé de genre ensuite.
42:02Je crois qu'à Lyon, vous avez joué le Vison Voyageur,
42:05qui est un classique de Poiret et Serrault,
42:08mais aussi de Jean-Jacques, qu'on a totalement oublié.
42:10Et Michel Roux.
42:11Et Michel Roux, qui jouait cette pièce pendant des années.
42:14Formidable, formidable.
42:15Ça aussi, ce théâtre anglais qui vous oblige à un rythme très respecté,
42:19comme de la musique d'ailleurs.
42:21C'est musical.
42:22Donc, il faut jouer.
42:23On travaillait dans ce très beau théâtre, La Tête d'or, à Lyon,
42:26où j'ai retravaillé après avec Annie Cordy.
42:28Dans Lily et Lily.
42:29Oui, dans Lily et Lily.
42:30Ça aussi, les exemples.
42:32Avoir Annie comme partenaire,
42:33ça avait commencé avec Patrick Préjean dans Voyez la musique,
42:36en 1983, au théâtre de La Porte Saint-Martin.
42:39Et je voyais Annie.
42:40Annie en resserrait les boulons tous les 8 ou 10 jours,
42:43parce qu'il y a toujours du relâchement dans une comédie musicale
42:46ou une pièce de théâtre.
42:47Donc, elle serrait les boulons.
42:48Et j'avais un exemple avec Annie Cordy de professionnalisme.
42:52Qu'est-ce que vous voulez ?
42:53C'est pas pour rien qu'elle a eu la carrière qu'elle a eue,
42:55comme son amie Lyne Renaud du Nord,
42:57sur des femmes extraordinaires, exceptionnelles.
42:59Mais une autre femme exceptionnelle,
43:01dont vous avez été le gendre, c'est Michèle Morgan.
43:04Michèle Morgan aussi.
43:05Et j'étais le mari de Tony Marshall, comédienne,
43:09partie beaucoup trop tôt à La Porte,
43:11excellente comédienne.
43:12Elle me trompait abondamment.
43:14Daniel Thompson avait eu l'idée de me donner le rôle du mari de Tony Marshall.
43:18Ça s'appelait Tiroir secret, je crois.
43:20Tiroir secret.
43:21Une série où j'étais dans 4 ou 5 épisodes.
43:23Alors au départ, quand on me l'avait proposé,
43:25on m'a dit, vous êtes animateur de radio.
43:26J'ai dit, mais oui, enfin, il n'y a pas un rôle...
43:28Non, non, ne vous inquiétez pas.
43:29Et le producteur vient me voir,
43:31vous êtes encore à Europe, je viens vous voir.
43:33Et il me dit, non, non, on vous voit une fois en studio,
43:36et le reste du temps, regardez, lisez.
43:38C'était un rôle formidable.
43:39Et je me suis retrouvé en face de ma belle-mère,
43:42Michèle Morgan,
43:43qui nous engueulait, ma femme et moi,
43:45sa fille et son gendre,
43:47parce qu'à chaque fois qu'il y avait un problème dans notre couple,
43:50à chaque fois, disons-le, que j'étais cocu,
43:52abondamment, notre petite-fille allait se réfugier chez sa grand-mère.
43:56Et la grand-mère, Michèle Morgan, était très inquiète de tout ça.
43:59Il y avait de très, très jolies scènes avec Michèle.
44:02Je peux vous raconter une petite anecdote.
44:04Un jour, nous tournions dans le 9e arrondissement,
44:06dans un appartement où il y avait un problème de lumière dans un couloir.
44:09Et en allant aux toilettes, Michèle Morgan glisse malencontreusement,
44:13elle se heurte contre un mur,
44:15et se bleuit légèrement, se rougit la pommette.
44:18Donc, pendant deux ou trois prises,
44:20il a fallu faire des plans de profil,
44:22et on camouflait tout ça avec du maquillage.
44:25Et j'avais une scène un peu tendue avec ma belle-mère,
44:28avec Michèle Morgan, sous la houlette.
44:30Il y avait trois réalisateurs.
44:32Il y avait Michel Boiron, Nadine Trintignant et Édouard Molinaro.
44:37Et donc, c'était avec Nadine, Nadine Trintignant,
44:41et on faisait une répétition mécanique de texte avec Michèle Morgan,
44:44charmante, délicieuse, drôle, elle aimait qu'on raconte des blagues,
44:48on prenait le petit-déjeuner ensemble, bref.
44:50Et à un moment, avec sa pommette légèrement rougie,
44:53je lui dis « Vous permettez, Michèle ? »
44:55Elle me dit « Vous avez une blague à me raconter ? »
44:57Je lui dis « Non, non, non. Permettez-moi. »
44:59Je prends ses mains, je mets deux mains sur mes épaules,
45:02je la prends par la taille, et je lui dis
45:04« T'as de beaux yeux, tu sais. »
45:06Elle éclate de rire, moi aussi.
45:08Nadine Trintignant m'engueule à juste titre.
45:11« Christian, qu'est-ce que... Non, écoute,
45:13vous avez une scène très sérieuse, là, c'est pas bien.
45:16Qu'est-ce que tu lui racontais ? »
45:18Michèle, délicate, dit « Non, non, non, Nadine,
45:21c'est pas Christian, c'est à cause de moi.
45:23Mais non, je dis pas du tout.
45:25Qu'est-ce que tu lui as dit ? »
45:27J'ai dit « Je vais vous raconter. »
45:29Et là, je raconte l'histoire.
45:31Tout le monde se fend la gueule sur le plateau,
45:33les techniciens, etc. Dans ces cas-là,
45:35qu'est-ce qu'on fait ? Pause technique,
45:37on va régler les lumières, le son, etc.
45:40On revivrit tout pour que tout le monde
45:42se détende un peu pour reprendre sérieusement la scène.
45:46Surtout qu'au départ, c'était pas « T'as de beaux yeux,
45:48tu sais, mais t'as de belles jambes, tu sais »
45:50dans le film et que, prévert,
45:52voyant les yeux de Michel Morgan,
45:54a changé la réplique en dernière minute
45:56dans « Que des brumes ».
45:57Je savais pas, je connaissais pas
45:58cette histoire merveilleuse.
45:59Alors, il se trouve aussi qu'il y a une histoire
46:01qui est dans ce livre et qui a marqué l'histoire
46:03de la télévision, c'est la 5.
46:05Et ça, vous avez été un des pionniers de cette chaîne
46:07disparue très vite.
46:08Oui, avec Roger Zabel,
46:11comme disait Silvio Berlusconi,
46:13« Vous êtes les blonds et les bruns,
46:15ça va porter la chance, n'est-ce pas ? »
46:17Et on m'a proposé une émission.
46:19Berlusconi m'avait vu dans une émission
46:21de télé en Suisse avec Delon.
46:23J'avais invité Delon pour une émission.
46:25Et Berlusconi aimait par-dessus tout
46:29l'esthétique en télévision.
46:32Il m'avait dit « J'ai vous et vous,
46:34la télévision suisse avec Alain Delon,
46:37vous avez vu les bels hommes qu'il est
46:39et puis vous, vous n'êtes pas trop mal.
46:41Mais qu'est-ce que c'est que ces conneries en France ?
46:43Vous avez des micros énormes qui vous bouffent
46:45la moitié de vos visages, on ne vous voit pas. »
46:47Et il n'avait pas tort, parce qu'aux Etats-Unis,
46:49les micros étaient plus maigres.
46:50Claude François les avait expérimentés
46:52avec Michel Drucker.
46:53Et donc on mettait des micros à chef.
46:55Ce qui fait qu'on ne savait pas quoi faire
46:57de nos mains.
46:58Et je suis donc engagé pour présenter
47:01la soirée de lancement de la 5.
47:04Et puis, l'émission avec Amanda Lear,
47:06avec qui j'ai passé 6 mois extraordinaires,
47:09femme d'humour, très drôle, parlant 5 langues,
47:11ayant fait les Beaux-Arts comme moi,
47:13donc on avait de quoi parler.
47:14Elle me racontait Dali.
47:15Et ça a été vraiment 6 mois formidables.
47:18Sauf que Delon m'a appelé la veille de mon départ
47:22pour Milan et m'a dit « Est-ce que tu as signé ? »
47:23Non, je signe demain.
47:25Je dis que je vais signer pour un an.
47:27Enfin, je vais voir avec Silvio.
47:29Il me dit « Écoute, ne signe que pour 6 mois. »
47:33Je lui dis « Pourquoi ? »
47:34Il me dit « Parce que quand ça va s'installer en France,
47:36il y a trop de problèmes politiques sous-jacents
47:38entre Crachy et Mitterrand.
47:40J'ai peur que ça se casse la gueule très vite. »
47:42Il ne s'était pas beaucoup trompé.
47:44Ce qui fait qu'avec Amanda Lear,
47:45on n'avait signé que pour 6 mois
47:47et on s'est arrêté au mois de juin.
47:48Je n'ai travaillé qu'à Milan.
47:49Et à Milan, avec ce fameux signe de la main,
47:52les 5, qui a très bien marché en France.
47:55Ah oui, tout à fait.
47:56Vous êtes sur la 5, etc.
47:58Moi, j'ai hérité quand même de quelques comédiens italiens
48:01avec Ugo Tognazzi, et puis surtout,
48:03Ornella Mutti, formidable, formidable,
48:05qui me disait, il y avait un sketch,
48:07elle me disait « Je t'aime, toi, je t'aime,
48:10tout est bel, je t'aime, j'aime tes yeux,
48:13j'aime t'écouter, j'aime tes voiles, etc. »
48:15On pensait que c'était une déclaration qu'elle me faisait.
48:18Il n'en était rien,
48:19parce qu'au moment où elle m'embrassait sur la joue,
48:21il y avait un montage,
48:22à l'époque, il n'y avait pas du tout le numérique,
48:24comme aujourd'hui,
48:25il y avait un montage et sur la joue,
48:27on voyait apparaître le sigle de la 5.
48:29Et lorsque nous répétions,
48:31on faisait des photos,
48:33les journalistes me disaient « Mais,
48:34tu n'arrêtes pas de parler avec elle,
48:35qu'est-ce que vous racontez ? »
48:36Alors, sous le regard de son mari de l'époque,
48:38qui était un footballeur italien très connu,
48:41je ne sais pas s'il était allé à l'AC Milan,
48:43très jaloux, mais très gentil avec moi,
48:45et donc, je parlais de recettes de cuisine
48:48avec Orlella Mutti,
48:49et Orlella Mutti était délicate, charmante,
48:53elle me disait « Vous savez, Christian,
48:55j'ai des problèmes,
48:56et quand je viens tourner en France,
48:57j'aime beaucoup votre cuisine,
48:59et j'ai des problèmes,
49:00et je viens toujours avec la bascule,
49:02parce que pour voir si je ne grossis pas,
49:05je ne peux pas grossir, je suis comédienne,
49:07et je lui dis « Est-ce que vous aimez le foie gras ? »
49:10Elle me dit « Oh, j'adore ! »
49:11Je lui dis « Je vais vous donner une recette
49:13d'un chanteur de chez nous,
49:14Pierre Perret,
49:15qui fait des pâtes fraîches au foie gras,
49:17avec une pelure de truffes,
49:19et le seul cadeau que j'ai offert
49:21à Orlella Mutti,
49:22ce ne sont pas des fleurs,
49:23mais c'est une boîte de foie gras,
49:24que je lui ai ramené huit jours plus tard. »
49:26La recette du succès, c'est celle de ce livre,
49:29j'ai tant de choses à vous raconter,
49:30et il y en a beaucoup dans ce livre chez Ixo,
49:32merci Christian Morin,
49:34et puis continuez ainsi,
49:35au-delà des quatre-vingt-dix dont vous parlez.
49:37On verra bien, écoutez,
49:38ça c'est seul Dieu qui peut décider.
49:40Jacques, merci,
49:42et au nom de notre amitié,
49:44si tu le permets,
49:45je vais, juste à la fin,
49:47c'était pas poli pour nos auditeurs,
49:49et vos auditeurs de Sud Radio,
49:50je vais te tutoyer en te disant,
49:52continue comme ça.
49:53Merci Christian Morin,
49:54les clés d'une vie, c'est terminé pour aujourd'hui,
49:56on se retrouve bientôt,
49:57restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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