Au programme de ce nouveau numéro de "En direct du Sénat", cette semaine, le rapport choc de la commission d’enquête sur les eaux en bouteille. Le gouvernement depuis 2021 est accusé d’avoir mis en place une «¿stratégie délibérée¿» de dissimulation de la vérité. Également à la une cette semaine, les avocats de Gisèle Pelicot reçus ce matin par la Délégation aux droits des femmes. Les sénateurs et sénatrices qui travaillent sur la lutte contre la soumission chimique. Troisème thème cette semaine¿: le projet de loi de Refondation de Mayotte adopté en séance, nous verrons ce qu’il contient. Et enfin, la commission d’enquête sur les aides aux entreprises et l’audition événement de Bernard Arnault. Année de Production :
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00:00:12Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle édition
00:00:15du Sénat, votre programme qui revient tous les jeudis
00:00:18sur les temps forts de l'actualité de la Chambre haute du Parlement.
00:00:21Voici les titres.
00:00:23A la une, il y a ce rapport-choc
00:00:24de la commission d'enquête sur les eaux en bouteille.
00:00:27Le gouvernement, qui, depuis 2021, est accusé d'avoir mis en place
00:00:31une stratégie délibérée de dissimulation de la vérité.
00:00:34Deuxième titre, cette semaine,
00:00:36est le projet de loi de refondation de Mayotte,
00:00:38examiné en séance.
00:00:39Avant un vote solennel, ce sera mardi prochain.
00:00:42On verra ce que contient le texte.
00:00:44A la une, cette semaine, les avocats de Gisèle Pellicot,
00:00:47reçus ce matin par la délégation aux droits des femmes du Sénat,
00:00:50les sénateurs qui travaillent sur la lutte
00:00:53contre la soumission chimique.
00:00:55Enfin, la commission d'enquête sur les aides aux entreprises,
00:00:58qui recevait hier, pour une audition événement,
00:01:00le PDG du LVMH, c'était Bernard Arnault.
00:01:08Mais d'abord, ce rapport-choc de la commission d'enquête
00:01:11sur les eaux en bouteille.
00:01:13Les conclusions ont été présentées à la presse lundi.
00:01:15Les sénateurs décrivent un scandale sanitaire
00:01:18dont l'Elysée a été avisée au moins depuis 2022.
00:01:20Ces extraits de la conférence de presse de lundi
00:01:23par Mathilde Nuttarelli et Emile Boissel d'Ombreval.
00:01:27Le début de l'affaire, il est connu, je crois.
00:01:29C'est le scandale du traitement des eaux,
00:01:31qui commence fin 2019, au sein du groupe Alma Source,
00:01:34qui commercialise notamment Vichy,
00:01:37Saint-Yor, Cristaline, Tonon, Châteldon.
00:01:39Et il y a là un lanceur d'alerte
00:01:42qui décide d'informer sur l'existence
00:01:44de traitements non autorisés et une enquête
00:01:47qui démarre du côté de la Direction générale
00:01:49et de la répression des fausses, la DGCRF.
00:01:51Et puis, Nestlé s'entend, si je puis dire,
00:01:54les choses se focaliser sur son cas,
00:01:58vient le 31 août, devant l'Etat,
00:02:00devant précisément le cabinet de la ministre déléguée
00:02:03à l'industrie, Mme Pannier-Runacher.
00:02:06En présence de cette même DGCRF,
00:02:08Mme Muriel Lienau, présidente de Nestlé,
00:02:10reconnaît l'utilisation dans ces usines des Vosges et du Gard
00:02:13de filtres à charbon actifs et des traitements ultraviolets
00:02:16qui sont normalement réservés à l'eau du robinet
00:02:19et des désinfections.
00:02:20Désinfection, c'est le coeur de l'affaire
00:02:23qui est interdite pour le cas des eaux minérales naturelles.
00:02:25Eaux minérales naturelles, vous le savez,
00:02:26qui sont vendues 100 à 400 fois le prix de l'eau du robinet.
00:02:30Et donc, ces désinfections sont révélées à ce moment-là.
00:02:35Lors de cet entretien, Nestlé Waters fait valoir,
00:02:38pour le dire avec transparence aussi, sans preuve,
00:02:40que ces traitements n'ont pas affecté la sécurité alimentaire
00:02:43ni la composition de l'eau.
00:02:45Et la discussion démarre avec l'Etat.
00:02:49Malgré la fraude aux consommateurs que représente cette désinfection,
00:02:53les autorités choisissent de ne pas donner
00:02:55de suite judiciaire à ces révélations.
00:02:58Et il est décidé, d'une saisie de l'Inspection générale
00:03:01des affaires sociales, l'IGAS,
00:03:03en lieu et place de cette information
00:03:06des autorités judiciaires.
00:03:08De même, et je reviendrai dessus,
00:03:09il est décidé de ne pas révéler au grand public cette fraude.
00:03:13Il est décidé de ne pas révéler aux autorités européennes
00:03:15cette fraude. Il est décidé de ne pas révéler
00:03:18aux autorités locales en charge d'un contrôle direct
00:03:21cette fraude.
00:03:22Je parle des autorités régionales de santé.
00:03:24Pour l'ARS Occitanie, pour vous donner un exemple
00:03:26qui illustre ça, l'ARS Occitanie apprend les faits
00:03:2914 mois plus tard, non pas de l'Etat,
00:03:31mais de la part de Nestlé, qui prend l'industrielle,
00:03:34qui prend l'autorité par la main pour lui présenter
00:03:36ce qu'avait été sa fraude à ce moment-là.
00:03:39Et puis, choix aussi de l'IGAS sur lequel nous reviendrons,
00:03:42mais qui, pour moi, est surprenant,
00:03:44le choix de l'IGAS de ne pas retenir tous les sites
00:03:46de la marque Nestlé et notamment pas le site du Gard
00:03:50dans la mission d'inspection qu'il conduit,
00:03:52alors même que ce qui a déclenché l'inspection,
00:03:54c'est précisément les révélations sur la question de Nestlé.
00:03:58Je vais essayer de vous lister sans être trop long
00:04:00les dysfonctionnements qui, dans les services dans l'Etat
00:04:04et puis dans la fonctionnement de l'Etat,
00:04:06gouvernemental aussi, nous semblent les plus manifestes.
00:04:10Premier point, je l'ai déjà évoqué,
00:04:12l'absence de signalement des délits présumés
00:04:14aux procureurs de la République confrontés à l'article 40.
00:04:17Finalement, dans ceux qui sont intervenus,
00:04:19il y a une personne, je la cite,
00:04:20parce que l'Etat a dysfonctionné, mais pas tout l'Etat,
00:04:23la directrice générale de l'ARS-Granthès,
00:04:25qui, elle, lorsqu'elle a été informée des faits,
00:04:26a fait le choix, en octobre 2022, d'aller devant la justice.
00:04:32Soit qui n'avait été ni fait par le ministère de la Santé,
00:04:34malgré une hésitation de Jérôme Salomon,
00:04:37qu'il faut souligner, ni par le ministère de l'Industrie.
00:04:39De l'autre côté, côté DGCRF, pour vous donner un ordre d'idée,
00:04:43la saisine de la justice n'intervient que lorsque
00:04:45notre commission est lancée, puisque, à la DGCRF,
00:04:48elle intervient le 19 février 2025 et que, pour l'ARS-Occitanie,
00:04:54c'était il y a quelques jours à peine, le 18 avril 2025,
00:04:57pour des faits qui datent, je le rappelle, de 2021.
00:05:00Ensuite, la minimisation du risque sanitaire à l'échelon national.
00:05:04Ce qu'a dit le président est juste.
00:05:06Nous n'avons pas eu de cas avérés de contamination.
00:05:09Nous n'avons pas eu de cas avérés de contamination grave,
00:05:12comme cela s'est passé dans d'autres pays européens,
00:05:14notamment en Espagne, où il y avait eu des cas assez graves
00:05:17avec des enfants qui avaient été hospitalisés.
00:05:20Ce que nous pouvons dire, en revanche,
00:05:22c'est que la gestion du risque sanitaire a été dégradée.
00:05:27Lorsque l'Etat a accepté le plan de transformation de Nestlé,
00:05:31il est passé de traitements qui, certes, étaient illégaux,
00:05:34mais qui, d'un point de vue sanitaire, étaient robustes,
00:05:36puisque ce sont les traitements de l'eau du robinet,
00:05:38à des traitements qui étaient moins robustes,
00:05:41qui, d'ailleurs, n'étaient pas présentés comme des traitements,
00:05:44au point que l'Inspection générale des affaires sociales
00:05:46a parlé de fausse sécurité dans son rapport de 2022.
00:05:50Et donc, on se retrouve dans une situation
00:05:52où la manière de gérer le risque sanitaire,
00:05:53le risque est géré, mais il est géré a posteriori.
00:05:57Il est géré par des coups de sonde dans les bouteilles
00:05:58et des produits finis,
00:06:00et la destruction de la production
00:06:02lorsque le produit fini est non conforme.
00:06:05Alors, à notre connaissance, rien n'a été échappé dans la nature,
00:06:08et c'est important de le dire,
00:06:09mais il est important aussi de souligner
00:06:11que les services de l'Etat interrogés,
00:06:12et c'est une nouvelle révélation aussi de Radio France de ce matin
00:06:15qui a eu accès à un certain nombre de mails,
00:06:17et que nous avons interrogés en audition,
00:06:19disent qu'il a été très difficile d'avoir les preuves
00:06:21des destructions, que tout ça n'a pas été extrêmement facile.
00:06:24Donc, il y a cet enjeu sanitaire qui, néanmoins, existe
00:06:28et a existé tout au long de nos travaux.
00:06:31Et puis, quelque chose que ma collègue Antoinette Gull
00:06:33le souligne souvent, et je le souligne après elle,
00:06:35le fait qu'autant, encore une fois, dans le Grand Est,
00:06:38s'entend la question sanitaire montée,
00:06:40la directrice générale immédiatement
00:06:42met en place un contrôle sanitaire renforcé.
00:06:44C'est-à-dire qu'elle ne se fonde pas simplement
00:06:47sur l'autocontrôle de l'industriel,
00:06:48elle met en place une analyse virologique plus poussée.
00:06:52En Occitanie, il faut attendre 12 mois,
00:06:5512 mois après le retrait des traitements interdits
00:06:58pour que ce contrôle sanitaire renforcé soit mis en place,
00:07:01et pourtant, il est nécessaire, puisque nous avons un sujet
00:07:03sur la qualité des eaux brutes.
00:07:063e point que nous signalons,
00:07:09ce que nous appelons les échecs de l'interministériel
00:07:12et le travail en silo.
00:07:13Le ministère de la Consommation,
00:07:15alors que tous les jours, en audition,
00:07:18nos interlocuteurs de l'Etat nous disaient
00:07:20que c'est d'abord un sujet de consommation,
00:07:21c'est d'abord un sujet d'étiquette,
00:07:23le ministère de la Consommation est absolument absent
00:07:25de la discussion.
00:07:26Il est absent de la délibération
00:07:27du comité interministériel
00:07:31qui décide de la solution fautive de l'Etat sur le 0,2.
00:07:36Et aussi, l'échec de l'interministériel,
00:07:38c'est cette difficulté à écouter, en tout cas à entendre,
00:07:42les voix dissonantes, celles du directeur général
00:07:43de la Santé, Jérôme Salomon,
00:07:45qui, du début à la fin de cette affaire,
00:07:47n'a jamais cessé de dire que la solution retenue
00:07:49par les pouvoirs publics d'accompagner
00:07:51le plan de transformation de Nestlé Waters
00:07:53était une solution qu'il a placée en marge de la réglementation.
00:07:56Et il n'a pas non plus été capable d'entendre
00:07:58les recommandations de l'autorité de sécurité sanitaire,
00:08:02l'ANSES, qui, lorsqu'elle a été saisie pour avis,
00:08:04a, elle aussi, rappelé ce qui était le cadre du droit
00:08:07qui était le leur. Et parce que nous voulons aller au bout
00:08:09de cette précision et de cette clarté,
00:08:11le président l'a dit, nous avons écrit conjointement
00:08:13à la ministre pour qu'elle saisisse immédiatement l'ANSES.
00:08:17Ca suffit. Ca suffit.
00:08:18Il faut maintenant que nous puissions aller au bout
00:08:21sur la question de la microfiltration.
00:08:24Ensuite, 3e point, en effet, le fait qu'il n'ait pas été...
00:08:294e point, pardon, le fait qu'il n'ait pas été fait cesser
00:08:31l'infraction, c'est-à-dire qu'il y a eu la poursuite de la vente,
00:08:35une fois que l'Etat était au courant,
00:08:37d'eau minérale naturelle aux différents consommateurs français.
00:08:42Ensuite, l'inversion de la relation entre l'Etat
00:08:44et les industriels en matière d'édiction de la norme
00:08:48et cette approche transactionnelle qu'a eue l'Etat.
00:08:51Je crois que la meilleure preuve de cela,
00:08:53c'est peut-être ce que nous avons révélé ce matin
00:08:56dans le rapport, à savoir que l'industriel,
00:09:00en Occitanie, s'est fait co-auteur du rapport
00:09:04de l'Autorité régionale de santé,
00:09:06dans le sens où l'Autorité régionale de santé
00:09:07a accueilli les demandes de modification de l'industriel.
00:09:10Quelles étaient-elles ? La demande de suppression
00:09:12des mentions des bactéries dans le rapport
00:09:15et la demande de suppression également des mentions
00:09:18des autres polluants.
00:09:19Donc, vous verrez dans le rapport, on a fait un avant-après
00:09:22pour que vous puissiez vous rendre compte de vous-même
00:09:24de ce qui a été demandé.
00:09:25Et puis, aussi, l'adjonction telle quelle,
00:09:28de paragraphes entiers à la demande de l'industriel,
00:09:31paragraphes qui, vous l'imaginez bien,
00:09:33sont des paragraphes lodateurs pour l'industriel.
00:09:37Sur l'ANSES, nous saluons le fait qu'elle a été un rempart
00:09:41dans la mesure où elle a rappelé la règle
00:09:44en matière de microfiltration, mais en même temps,
00:09:46nous considérons aussi qu'elle aurait pu se saisir
00:09:48davantage du sujet pour qu'elle ne laisse pas le passage
00:09:53au cabinet dans leur manière de faire.
00:09:55Mais je tiens à saluer tout de même le travail
00:09:57qui a été conduit par l'ANSES.
00:10:00Des autorités locales peu, 7e point,
00:10:02des autorités locales peu, voire pas associées
00:10:04aux décisions de l'Etat, prises à l'échelon central,
00:10:06c'est ce que je vous disais sur le fait que l'ARS Occitanie
00:10:10est informée non par l'Etat central,
00:10:11mais par l'industriel de la situation sur place
00:10:14et des fraudes qui existent sur place.
00:10:18Ensuite, la dissimulation par l'Etat des informations
00:10:21et décisions concernant Nestlé Water,
00:10:25à la fois vis-à-vis des autorités locales,
00:10:27les autorités européennes, je l'ai dit en introduction.
00:10:29Des délais excessifs, enfin un ensablement
00:10:32de l'action publique qui favorise l'enracinement des infractions,
00:10:366 mois et 14 mois entre le déclenchement
00:10:37de la mission IGAS et l'information des ARS,
00:10:403 ans entre la connaissance des infractions
00:10:42par l'autorité judiciaire et leur début de traitement,
00:10:45et respectivement, 8 mois et 3 ans
00:10:47entre l'information des ARS Grand Est et Occitanie
00:10:50par l'IGAS sur la lettre de mission
00:10:53et le déclenchement des articles 40.
00:10:56Ensuite, ce qui nous a beaucoup marqué,
00:10:59c'est l'absence de suivi du dossier par l'Etat.
00:11:03Il n'y a eu aucune instruction claire aux préfectures
00:11:06pour vérifier de manière exhaustive
00:11:07si, dans les autres départements,
00:11:10il y avait de la même manière des traitements illégaux
00:11:13qui étaient mis en place sur d'autres sites de production.
00:11:17Les modalités de contrôle n'ont pas évolué.
00:11:19Vous avez des services de l'Etat qui, pendant des dizaines d'années,
00:11:21sont trompés, détrompés par des systèmes
00:11:24que nous avons pu observer avec le président,
00:11:26avec Antoinette Gull, c'est-à-dire des armoires
00:11:27qui coulissent et derrière lesquels sont les traitements illégaux.
00:11:31C'est dans le Gard, exactement, président.
00:11:33J'ai dit une bêtise ?
00:11:35Vous précidez pour préciser. Dans le Gard, exactement.
00:11:38Nos visites dans le Gard, dans le département du président.
00:11:41Et donc, nous avons constaté...
00:11:42Je ne rajoute pas, c'est ça ? D'accord.
00:11:45Donc, nous avons constaté cela.
00:11:49Et donc, nous nous sommes retrouvés dans une situation
00:11:52où, pour autant, il n'y a pas eu d'instruction
00:11:53sur des modifications de manière dont on contrôlait
00:11:56les eaux minérales partout sur le territoire,
00:11:59non plus de grands plans pour marquer le coup, quelque part,
00:12:02et vérifier les choses de manière claire.
00:12:05Ce qui nous a aussi marqué beaucoup,
00:12:07à l'exception notable de l'industrie,
00:12:08c'est ce qu'on pourrait appeler une république des cabinets.
00:12:11C'est-à-dire que, sur des sujets aussi importants que ceux-là,
00:12:14les ministres ne sont pas là.
00:12:16Ils ne sont pas là, ils ne sont pas dans la décision.
00:12:18Les directeurs de cabinet, très régulièrement,
00:12:20nous disent que ça, je l'ai décidé seul,
00:12:22ça, je l'ai décidé moi-même.
00:12:23Une exception notable, l'industrie,
00:12:25qui assume un portage de la demande de l'industriel.
00:12:27J'ai envie de dire, l'industrie, c'est presque...
00:12:29C'est peut-être plus elle, je ne sais pas si c'est son rôle,
00:12:32mais en tout cas, on comprend mieux qu'elle porte
00:12:33la demande de l'industriel.
00:12:34Mais pour les autres ministères, l'interministériel, par exemple,
00:12:38là où la décision se prend,
00:12:39Mme Borne n'est pas informée, à notre connaissance,
00:12:41en tout cas, ce que nous a confirmé le directeur de cabinet
00:12:44de l'époque, Mme Borne n'est pas informée de la situation.
00:12:47L'arbitrage se prend sans politique, entre conseillers.
00:12:51Pour ce qui est du ministère de la Santé,
00:12:54là aussi, ce dysfonctionnement entre le cabinet
00:12:56et cette dissonance cognitive entre le cabinet,
00:12:59qui, finalement, soutient la demande de l'industriel,
00:13:02qui, d'ailleurs, est dans la boucle du caviardage
00:13:04du rapport que j'évoquais tout à l'heure,
00:13:06mais qui n'entend pas sa principale direction,
00:13:09son principal directeur, Jérôme Salomon,
00:13:10directeur général de la Santé.
00:13:13Et puis, peut-être le 12e point, cet arbitrage fautif
00:13:16au sommet de l'Etat, où l'Etat...
00:13:19Alors, ça a été compliqué, pendant les auditions,
00:13:21d'aller au bout de cela, mais l'Etat accepte
00:13:24la micro-filtration à 0,2 micron, en disant quoi ?
00:13:27En disant, dans ce bleu interministériel,
00:13:29dans ce bleu de Matignon, en disant,
00:13:32nous tolérons sous le seuil qui était le seuil jusqu'ici
00:13:35de l'ANSES, contre l'avis de l'ANSES qu'ils viennent de demander,
00:13:37je mets ça entre parenthèses, 0,8 micron,
00:13:40je vais essayer d'être précis, sous le seuil,
00:13:42et demande d'accompagner le plan de Nestlé,
00:13:44et ce plan de transformation, il prévoit 0,2.
00:13:46Alors, ils nous disent que la somme de sous le seuil
00:13:48et accompagner le plan ne veut pas dire qu'ils tussent pour 0,2,
00:13:51mais tout de même, l'explicitation de ce que ça signifie,
00:13:54lorsque vous dites accompagner un plan de transformation
00:13:55qui prévoit des seuils de micro-filtration,
00:13:58et donc, à partir de là, toute la machine administrative
00:14:00dysfonctionne, puisqu'aujourd'hui, vous vous retrouvez
00:14:01dans la situation où des préfets, dans le Gard, dans les Vosges,
00:14:05sont venus contre-arbitrer un bleu interministériel,
00:14:08une instruction de Matignon.
00:14:10Pourquoi ? Parce que, l'affaire étant maintenant publique,
00:14:12il y a le principe de légalité qui s'applique à eux.
00:14:14Or, dans aucun pays de l'Union européenne,
00:14:16il est considéré que ce type de micro-filtration
00:14:19sont conformes à la réglementation.
00:14:20Et donc, ils sont bien obligés, si vous voulez,
00:14:22d'aller au bout de cette logique et de dire les choses,
00:14:24ce qu'ils ont fait, avec parfois les conséquences
00:14:27et les débats locaux qui résultent de cela.
00:14:31Nous savons que l'Elysée savait.
00:14:33Nous savons qu'à partir de 2022, ils sont au courant de l'affaire.
00:14:37Ils sont au courant que des traitements illégaux
00:14:39sont en place dans les usines du groupe Nestlé.
00:14:41Ça, c'est très clair.
00:14:42Ce que nous savons aussi, c'est que, finalement,
00:14:44c'est à l'Elysée que les dialogues ont été le plus nourris
00:14:47entre les différents chefs de file et autorités.
00:14:50Je veux dire par là qu'aucun ministre,
00:14:53à notre connaissance, n'a rencontré directement
00:14:57les dirigeants du groupe Nestlé.
00:14:59En revanche, nous savons qu'Alexis Köhler,
00:15:02secrétaire général de l'Elysée, a rencontré à plusieurs reprises
00:15:05et a eu des entretiens téléphoniques à plusieurs reprises
00:15:07avec les représentants du groupe Nestlé.
00:15:10Et que donc...
00:15:11C'est même le lobbyiste qui aura dit...
00:15:13C'est même le lobbyiste de Nestlé.
00:15:15On inventerait, on inventerait.
00:15:18Et donc, si vous voulez, à tout le moment,
00:15:20l'Elysée était informée de ce qui se passait chez Nestlé
00:15:23de manière claire et c'est finalement eux
00:15:25qui ont eu, à notre connaissance, le plus de contacts directs
00:15:28de Etats à direction.
00:15:31Alors, ce qui a été dit par le lobby,
00:15:34c'est que, vous savez, c'était une période très compliquée.
00:15:36Les ministres changeaient.
00:15:38Donc, on passait directement par l'Elysée.
00:15:40Ce n'était pas non plus la valse tous les 15 jours.
00:15:42Donc, du coup, je trouve que l'argument est assez faible.
00:15:45Mais voilà, l'affaire a été suivie de près à l'Elysée.
00:15:48Ca, c'est incontestable.
00:15:49Et d'ailleurs, ce n'était pas pour le plaisir
00:15:50qu'on voulait entendre M. Keller.
00:15:52C'est parce qu'on considérait qu'il avait des choses à nous dire.
00:15:54Et d'ailleurs, sur sa non venue, j'aimerais quand même dire
00:15:56un mot de cela parce que c'est quand même signifiant.
00:15:59Lorsque l'Elysée nous transmet les documents,
00:16:01les 74 pages de documents,
00:16:02ils nous précisent bien qu'ils nous transmettent les documents
00:16:04parce que ces documents n'ont pas servi
00:16:06à une précise décision du président de la République.
00:16:09Et que donc, par conséquent, ils peuvent nous la transmettre.
00:16:11Mais donc, de la même manière,
00:16:13celui qui viendrait commenter ces documents,
00:16:15qui n'ont pas servi à une prise de décision
00:16:16du président de la République,
00:16:17en quoi pourrait-il être couvert
00:16:18par l'irresponsabilité politique du président de la République ?
00:16:23En rien.
00:16:24Donc, il y a eu ce sujet-là.
00:16:25Et puis, notre surprise, Victor Blonde,
00:16:28conseiller partagé de l'Elysée et de Matignon,
00:16:32lui, a accepté de venir déposer devant nous.
00:16:34Il est conseiller élyséen.
00:16:36Pourquoi, lui, n'est-il pas touché
00:16:37par les questions d'irresponsabilité ?
00:16:39Et M. Keller le serait.
00:16:40Donc, tout ça nous a amenés, et le président l'a dit,
00:16:42et je reviens dessus parce que...
00:16:44Tout ça nous a amenés aussi, au fur et à mesure
00:16:47de cette commission d'enquête, où notre existence
00:16:49a été contestée par l'industriel.
00:16:51En effet, tous les mois, un courrier sympathique,
00:16:53nous disant que nous sommes illégitimes.
00:16:54Toutes les semaines, dans un premier temps,
00:16:56ils ont un peu espacé de mémoire.
00:16:57Mais c'est vrai que c'était très régulier et très désagréable,
00:16:59avec des avocats qui changeaient, d'ailleurs.
00:17:01Mais avec toujours ces courriers-là.
00:17:03La non-venue d'Alexis Keller, le refus de déposer
00:17:06alors qu'il n'y a pas de droit au secret
00:17:07devant la commission d'enquête des dirigeants.
00:17:09Tout ça nous a fait nous dire qu'il faut que le Sénat,
00:17:12en accord avec la commission des lois du Sénat,
00:17:14en accord avec l'initiative parlementaire,
00:17:15et nous voulons participer à ce travail,
00:17:17que le Sénat se pose la question de cet outil.
00:17:19Cet outil est devenu un outil central
00:17:21dans la vie démocratique de la nation.
00:17:23Voilà, pour aller temps fort de cette conférence de presse
00:17:25qui se tenait lundi au Sénat.
00:17:27Pour en parler, j'accueille ici Antoinette Gull, bonjour.
00:17:29Bonjour.
00:17:30Sénatrice écologiste de Paris et donc une membre importante
00:17:33de la commission d'enquête sur les eaux en bouteille.
00:17:34Alors, après six mois d'audition,
00:17:36la commission d'enquête sur les eaux en bouteille
00:17:37qui a rendu son rapport et les conclusions
00:17:39qui parlent d'un scandale sanitaire
00:17:41avec une filtration de l'eau périllée.
00:17:43Alors, contrairement au président à l'air de la commission,
00:17:45vous avez parlé de scandale d'État en conférence de presse
00:17:48et d'ailleurs, encore hier, en question au gouvernement.
00:17:51Pourquoi avoir utilisé ces mots qui sont très forts ?
00:17:54C'est un scandale d'État parce qu'à différents échelons politiques,
00:17:58que ce soit à l'échelon ministériel,
00:18:00que ce soit à l'échelon interministériel,
00:18:02c'est-à-dire l'échelon du Premier ministre,
00:18:04de la Première ministre d'ailleurs,
00:18:06ou que ce soit à l'échelon éliséen,
00:18:08nous avons des personnes qui ont été informées de cette fraude
00:18:12et qui n'ont pas agi.
00:18:14Donc, quand vous avez trois échelons,
00:18:15ministériel, Premier ministre et l'Élysée,
00:18:18qui sont informés sans agir,
00:18:20on peut qualifier cela d'un scandale d'État sans se tromper.
00:18:24C'est un scandale dans lequel l'État a été,
00:18:27à tous les échelons, impliqué.
00:18:28Vous êtes la seule à avoir adressé à la procureure de la République
00:18:31une plainte pour parjure
00:18:33contre la directrice générale de Nestlé Waters.
00:18:35Pourquoi ?
00:18:36J'ai déposé cette plainte pour parjure
00:18:39parce que, lors de son audition, devant la commission d'enquête...
00:18:42Sous serment, non ?
00:18:44Sous serment, madame Lienau nous dit,
00:18:47elle me dit d'ailleurs, en réponse à une de mes questions,
00:18:50la question était,
00:18:51est-ce que vos eaux contiennent des matières fécales,
00:18:54des pesticides et...
00:18:57Pardon, des matières fécales, des pesticides,
00:18:59d'épiphas, du microplastique,
00:19:01et est-ce pour cela que vous avez dû les filtrer ?
00:19:04Et elle me dit absolument pas, nos eaux sont pures à la source.
00:19:08Or, nous savons maintenant depuis quelques mois,
00:19:12depuis que cette enquête a été rendue publique,
00:19:15que les eaux de Nestlé Waters sont polluées
00:19:19puisqu'il y a eu des matières fécales
00:19:21et encore, il y a très peu de temps,
00:19:23il y a eu le retrait de 700 000 bouteilles,
00:19:27enfin, la non-commercialisation de 700 000 bouteilles
00:19:31de perillais de 75 cl.
00:19:32Je vais vous proposer un petit défi
00:19:34pour les gens qui n'ont pas suivi les six mois
00:19:36et qui n'ont pas vu toute la conférence de presse,
00:19:38comment résumer les conclusions de cette commission ?
00:19:41Si vous deviez résumer le scandale en quelques phrases
00:19:43pour tous ceux qui n'ont pas suivi.
00:19:45Alors, en quelques phrases.
00:19:46Tout d'abord, premièrement, Nestlé Waters triche
00:19:50et a triché depuis plus de 20 ans
00:19:53sur l'ensemble de la qualité de ses eaux,
00:19:55c'est-à-dire sur les marques Perrier, Vitel, Hépard et Contrex.
00:20:00Donc, elle triche, bien entendu,
00:20:02sans que cela se voit pendant quelques années,
00:20:04mais à partir...
00:20:05Oui, en filtrant son eau, qui est de l'eau minérale,
00:20:09qui est censée être pure,
00:20:10avec des filtres interdits pour de l'eau minérale,
00:20:13c'est-à-dire des ultraviolets, des filtres à charbon actif
00:20:17et puis de la micro-filtration.
00:20:19Ce sont les trois éléments.
00:20:20Ce qu'elle ne fait pas par rapport à une eau du robinet,
00:20:22c'est qu'elle ne met pas de chlore,
00:20:24il n'y a pas de traitement chimique.
00:20:26Nestlé ne met pas de chlore dans ses eaux.
00:20:28Par contre, les autres traitements sont effectués.
00:20:31Ça, ça a lieu depuis 20 ans.
00:20:33En 2021, Nestlé décide d'aller en parler à la ministre
00:20:38parce qu'il y avait une enquête en cours
00:20:39de la direction générale des fraudes
00:20:42qui commençait à se rapprocher de Nestlé Waters.
00:20:44Donc, Nestlé s'est dit,
00:20:45il vaut peut-être mieux aller en parler directement.
00:20:47Et à partir de 2021, les ministres,
00:20:50à la fois de la Santé, de l'Économie et de l'Industrie,
00:20:53étaient informés, et non rien.
00:20:55Et ont diligenté une enquête incroyable de l'IGAS
00:20:59avec des contrôles absolument partout.
00:21:01L'Inspection générale des affaires sociales.
00:21:02Excusez-moi, l'Inspection générale des affaires sociales,
00:21:05avec des contrôles absolument partout,
00:21:08sauf à Perrier.
00:21:10Et puis, les résultats de cette mission d'inspection
00:21:17n'ont pas été rendus publics,
00:21:19mais tout le monde sait aujourd'hui
00:21:21qu'il y a bien eu pollution
00:21:22et qu'il y a bien eu toute une série de choses
00:21:25pour cacher le fait que l'eau n'était pas de bonne qualité.
00:21:28Allons jusqu'au bout, le volet politique qui remonte jusqu'à l'Élysée.
00:21:31Comment comprendre ce qui s'est joué
00:21:33avec l'ex-secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler,
00:21:36qui a cherché à aider le groupe Nestlé Waters, c'est bien ça ?
00:21:38Qu'est-ce que vous reprochez exactement
00:21:40au cabinet du chef de l'État dans cette affaire ?
00:21:41Eh bien, écoutez, on a les correspondances,
00:21:45elles ont été rendues publiques.
00:21:46Tout ce qui concerne l'Élysée fait partie de l'annexe,
00:21:50de la première annexe du rapport de la Commission.
00:21:53Les échanges ont été publiés...
00:21:55Ça a agacé l'Élysée, d'ailleurs.
00:21:56Bien sûr, d'ailleurs, ça a agacé l'Élysée,
00:21:59mais ils ont été publiés
00:22:00parce qu'Alexis Kohler ne s'est pas présenté devant nous.
00:22:02Et donc, nous avons décidé collectivement,
00:22:05puisque c'est une décision qui a été prise à l'unanimité,
00:22:08de publier en annexe de ce rapport
00:22:11les informations liées à l'Élysée.
00:22:13Donc, on voit et on peut lire des échanges qui disent
00:22:16« Rendez-vous avec Madame Lienaud à telle heure, tel jour,
00:22:20une défiltration », qui sont hors réglementation.
00:22:24Il est même évoqué des questions sanitaires, etc.
00:22:27Donc, de manière certaine, on peut dire
00:22:29que le secrétaire général de l'Élysée savait.
00:22:33Dernière question, la ministre Véronique Clouvagy,
00:22:35qui a répondu hier, qui annonce
00:22:38de nouvelles consignes envoyées par les préfets
00:22:41aux agences régionales de santé,
00:22:43également le fait que la Commission européenne
00:22:44va être saisie pour éventuellement revoir
00:22:45la réglementation européenne.
00:22:47Qu'est-ce que vous avez pensé des réponses de la ministre ?
00:22:50Qui vous a remercié et félicité pour votre travail.
00:22:53Tout à fait.
00:22:54Je crois que la ministre qui hérite de ce dossier,
00:22:57la ministre Clouvagy...
00:22:58Elle n'est là que depuis décembre dernier.
00:22:59Elle n'est là que depuis décembre,
00:23:01donc elle hérite de ce dossier et ça n'est pas un bel héritage.
00:23:04Je pense qu'aucun ministre n'aurait envie aujourd'hui
00:23:07d'avoir à le traiter, mais en tout cas,
00:23:08elle prend le dossier en main et pour ça,
00:23:11je l'en félicite parce qu'il faut, à un moment donné,
00:23:14qu'y compris les ministres, fassent le jour
00:23:17et fassent cesser ces pratiques frauduleuses.
00:23:19Et merci.
00:23:20Merci, Antoinette Gull, pour toutes ces réactions
00:23:23à mes questions. Merci à vous.
00:23:24Merci.
00:23:30Allez, on en vient au deuxième thème dans cette émission
00:23:33et le projet de loi dit de refondation de Mayotte.
00:23:36Il a été examiné en séance cette semaine.
00:23:38Les sénateurs qui ont terminé l'examen des articles,
00:23:40il reste maintenant le vote solennel sur l'ensemble du texte.
00:23:43Ce sera mardi prochain.
00:23:45Beaucoup de sujets au cœur de ce texte portés par Manuel Valls,
00:23:48accès à la santé, crise du logement,
00:23:50développement des infrastructures,
00:23:53mais le projet qui comporte aussi toute une série
00:23:55de mesures sécuritaires et migratoires.
00:23:58Écoutez les moments forts des débats de ces volets du texte.
00:24:01Ils ont été préparés pour public sénat
00:24:03par notre journaliste Mathilde Nuttarelli.
00:24:05Passons à l'article 7,
00:24:06trois amendements identiques de suppression.
00:24:09Je commence par Mme Narassiguin pour le 8 rectifié.
00:24:15Merci, Mme la présidente.
00:24:18Nous n'aurions pas imaginé, M. le ministre,
00:24:21qu'à l'occasion d'un texte visant la refondation de Mayotte,
00:24:23soit de nouveau posée la question de la rétention des mineurs.
00:24:27Cette question nous la pensions derrière nous,
00:24:29puisque le Parlement, par la loi du 26 janvier 2024
00:24:32pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration,
00:24:35avait enfin, et c'est une de ces rares mesures
00:24:37que nous avions approuvées dans ce texte de loi,
00:24:39voté la fin du placement des mineurs en rétention.
00:24:43Quels que soient les mots choisis et les efforts du gouvernement
00:24:45à ne pas employer celui de rétention,
00:24:47c'est pourtant bien une forme de rétention des mineurs
00:24:49que permettrait cet article 7 à Mayotte.
00:24:53Il faut dire que les choses telles qu'elles sont,
00:24:56cet article permettra que des étrangers mineurs
00:24:58soient placés dans un lieu de privation de liberté.
00:25:01Et de toute évidence, les engagements
00:25:03du précédent gouvernement sont reniés.
00:25:05Certes, la dernière loi immigration avait prévu
00:25:07une entrée en vigueur différée
00:25:09de la fin de la rétention des mineurs pour Mayotte,
00:25:12mais Gérald Darmanin avait assuré à la représentation nationale
00:25:15que cette entrée en vigueur différée à 2027
00:25:18ne visait pas, je le cite, à revenir sur la décision historique
00:25:21d'interdire l'enfermement des mineurs dans des crâts,
00:25:23y compris à Mayotte.
00:25:25De façon plus claire encore, il affirmait,
00:25:27ce que nous vous proposons, c'est de reporter la date
00:25:29d'entrée en vigueur de cette mesure à Mayotte,
00:25:31pas d'y renoncer.
00:25:33Le reniement est total puisqu'en plus,
00:25:34vous avez introduit un amendement
00:25:36pour prolonger cela jusqu'à juillet 2028.
00:25:40Le gouvernement cherche à rassurer et affirme
00:25:42que ces lieux ne sauraient être assimilés
00:25:43à des lieux de rétention car ils seront indépendants des crâts.
00:25:47Qu'ils soient indépendants des crâts est une chose,
00:25:49mais cela ne signifie pas que les conditions de rétention,
00:25:51elles seront différentes.
00:25:53D'ailleurs, l'étude d'impact précise très clairement
00:25:55que ces lieux constitueront un cadre plus restrictif de liberté
00:25:59que ne l'est l'assignation à résidence
00:26:01en raison notamment d'un dispositif de surveillance
00:26:04plus resserré.
00:26:05Disons les choses clairement, il s'agit d'un établissement
00:26:08de la rétention des mineurs
00:26:09et nous y sommes frontalement opposés.
00:26:12Merci, chère collègue.
00:26:13Mme Corbière d'Amazo, défendue.
00:26:17Rapidement, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit.
00:26:21En effet, nous voulons supprimer cet amendement
00:26:24qui permet l'enfermement des enfants en rétention.
00:26:27Ca a été dit.
00:26:28Moi, je rappelle que la France a, depuis 2012,
00:26:31fait l'objet de 8 condamnations
00:26:33par la Cour européenne des droits de l'homme
00:26:35pour avoir infligé des traitements inhumains et dégradants
00:26:38en rétention administrative.
00:26:39L'enfermement administratif des enfants en rétention
00:26:44est interdit en Hexagone depuis le 26 janvier 2025
00:26:48et le sera à Mayotte à partir du 1er janvier 2027.
00:26:52La création d'unités familiales,
00:26:53quand bien même les conditions pourraient être moins dégradées
00:26:56que dans un centre de rétention administrative,
00:26:58constitue toujours une privation de liberté.
00:27:01Et la détention d'un enfant au motif du statut migratoire
00:27:04de ses parents est une violation des droits de l'enfant.
00:27:07Qui décide, à sa naissance,
00:27:10du statut administratif de ses parents ?
00:27:13Je vous demande de voter contre cette disposition
00:27:15extrêmement préoccupante, indigne du pays
00:27:18qui prétend être celui des droits de l'homme.
00:27:20Merci.
00:27:21Merci, madame Vogel.
00:27:23Merci, madame la présidente.
00:27:24Beaucoup a été dit, mais je voudrais quand même rappeler
00:27:28le jeu qu'a joué le gouvernement français
00:27:31au moment des négociations sur le pacte asile-immigration
00:27:34au niveau européen,
00:27:35où la France avait tenté de trouver
00:27:39une majorité d'Etats membres pour pouvoir permettre,
00:27:42au niveau européen, l'enfermement des enfants.
00:27:45Cette tentative a échoué.
00:27:47Nous avons progressivement abouti sur, en 2024,
00:27:53une loi qui interdit la rétention des mineurs.
00:27:57Et c'est une bonne chose.
00:27:59C'est une bonne chose qui devrait nous rendre fiers,
00:28:01puisque ça a été dit par mes collègues avant moi,
00:28:04que la possibilité d'enfermer des mineurs
00:28:07contrevient à nos engagements internationaux.
00:28:09Et que voyons-nous ici,
00:28:11à travers un dispositif nommé unité familiale ?
00:28:16Rien de moins que la possibilité de mettre en rétention
00:28:20des mineurs avec leurs parents,
00:28:21soit exactement l'inverse de ce que nous avons voté l'année dernière
00:28:24et que nous avons voté, au fond,
00:28:26conformément aux obligations internationales de la France.
00:28:29Et donc, je rejoins ce qui a été dit avant moi.
00:28:32Je crois qu'il n'y a aucune justification,
00:28:37aucune raison valable qui pourrait expliquer
00:28:40que quelque chose qui est conforme aux droits humains
00:28:44dans l'Hexagone serait pas conforme à Mayotte
00:28:48et que les enfants qui sont sur le territoire de Mayotte
00:28:50ne bénéficient pas des mêmes droits fondamentaux
00:28:53que la France est censée promouvoir et protéger
00:28:56partout sur son territoire,
00:28:58mais aussi à travers le monde. Je vous remercie.
00:29:00Je vous remercie. L'avis de la Commission
00:29:02sur ces 3 amendements ?
00:29:04Oui, merci, madame la présidente.
00:29:06Monsieur le ministre, ce sera un avis défavorable
00:29:09à ces 3 amendements qui proposent la suppression pure et simple
00:29:13de l'article 7 qui crée à Mayotte
00:29:16un régime spécifique de placement en unité familiale
00:29:19pour les étrangers accompagnés d'un mineur.
00:29:25Alors, je voudrais qu'on replace le sujet dans son contexte.
00:29:27En 2023, 2 143 familles comprenant 2 909 mineurs accompagnants
00:29:33ont été placées en rétention à Mayotte.
00:29:36C'est 97% des mineurs en rétention
00:29:39sur tout le territoire national
00:29:42et ce, pour une durée inférieure à 24 heures.
00:29:45Alors, c'est vrai que la loi du 26 janvier 2024
00:29:48a prévu l'interdiction de la rétention des mineurs,
00:29:51même accompagnés, et que l'entrée en vigueur à Mayotte
00:29:54eut égard à ce contexte migratoire spécifique
00:29:56que nous relevons ce soir,
00:29:59a été reporté au 1er janvier 2027.
00:30:03Et le Conseil d'Etat a d'ailleurs dit, dans son avis,
00:30:05que la situation migratoire à Mayotte
00:30:08justifiait pleinement des mesures dérogatoires en la matière.
00:30:14Et donc, supprimer toute possibilité de rétention des mineurs
00:30:17reviendrait à conférer une immunité absolue
00:30:22contre l'éloignement des clandestins parents d'un enfant,
00:30:26puisqu'on sait que l'assignation à résidence
00:30:28ne présente pas les mêmes garanties
00:30:30pour l'effectivité de l'éloignement,
00:30:33d'autant plus que ces enfants et ces familles
00:30:36sont retenus dans des lieux
00:30:38qui sont spécialement dédiés et habilités localement.
00:30:43Et donc, compte tenu du caractère massif
00:30:45de l'immigration familiale,
00:30:46de l'ampleur des reconnaissances frauduleuses de paternité,
00:30:51supprimer cet article serait un frein majeur
00:30:53à l'éloignement des étrangers
00:30:55en situation irrégulière.
00:30:56C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés.
00:30:59Si, M. le ministre.
00:31:03Madame la présidente,
00:31:04mesdames les sénatrices,
00:31:08la suppression du placement des familles
00:31:10dans les centres de rétention
00:31:12est une mesure forte qui a été portée
00:31:14par le gouvernement précédent
00:31:17dans le cadre de la loi de janvier 2024
00:31:21pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration.
00:31:25Cette interdiction est effective depuis janvier 2024
00:31:28sur l'ensemble du territoire,
00:31:30à l'exception, je parle de la suppression
00:31:32du placement des familles,
00:31:34à l'exception du département de Mayotte,
00:31:36dans lequel le législateur a choisi
00:31:38de laisser un peu de temps à l'exécutif.
00:31:42Cela vient d'être dit par Mme la rapporteure.
00:31:45La situation tout à fait exceptionnelle de Mayotte,
00:31:47compte tenu de la pression migratoire
00:31:49qui s'exerce sur l'archipel
00:31:51et de la nature de cette immigration irrégulière,
00:31:53majoritairement familiale,
00:31:55a nécessité, en effet, le report de l'application
00:31:57de cette interdiction afin de maintenir
00:31:59des capacités opérationnelles d'éloignement des étrangers
00:32:02en situation régulière accompagnée de mineurs.
00:32:05Le gouvernement n'a donc pas renoncé à l'objectif
00:32:07à terme d'interdiction du placement en rétention
00:32:10des mineurs à Mayotte, et j'ai bien compris
00:32:12que c'est là où se situe le débat.
00:32:16D'abord, le nombre de mineurs accompagnant leurs parents
00:32:18est particulièrement élevé
00:32:20au centre de rétention administrative de Pamanzi.
00:32:23Il avoisine chaque année les 3 000 depuis 2019,
00:32:27avec 2 900 mineurs accompagnants en 2023
00:32:30contre 87 en 2023 pour l'ensemble de la France hexagonale.
00:32:35C'est bien la preuve que nous devons continuer
00:32:37de disposer à Mayotte d'infrastructures spécifiques
00:32:40permettant d'éloigner les familles.
00:32:42Mme Narasinga, vous dites que les unités
00:32:46seront dans un environnement similaire à ceux d'Ekra,
00:32:50avec une présence policière constante,
00:32:52je mets les guillemets,
00:32:53des appels réguliers aux parleurs, des grillages et des barbelés.
00:32:56Retrouvez vos citations.
00:33:00Mais je connais votre engagement sur ces dossiers
00:33:03et je le respecte pleinement.
00:33:04Mais il n'en sera rien.
00:33:07Les unités familiales seront justement,
00:33:09vous l'avez dit d'ailleurs,
00:33:11des bâtiments indépendants d'Ekra,
00:33:13c'est-à-dire sur une emprise distincte
00:33:15où l'intimité de chaque famille sera préservée.
00:33:18Cette garantie figure dans le texte même de l'article 7
00:33:21comme l'énonce l'étude d'un pacte qui a valeur juridique.
00:33:24Le régime de surveillance y sera plus léger.
00:33:26Il n'y aura aucun policier à l'intérieur des entreprises,
00:33:29pas de grillage, pas de barbelés, pas de haut-parleurs.
00:33:32De telles unités existent d'ailleurs
00:33:33dans des pays européens comme la Belgique.
00:33:36Ces unités familiales n'auront pas vocation
00:33:39à accueillir l'ensemble des familles
00:33:40potentiellement concernées,
00:33:42mais à offrir une alternative plus sécurisée
00:33:45que l'assignation à résidence
00:33:46compte tenu des problématiques de logement
00:33:49pour permettre à la loi de la République,
00:33:50en l'occurrence celle qui prévoit l'éloignement
00:33:53des personnes en situation irrégulière,
00:33:55de s'appliquer.
00:33:57Il est en outre faux, je crois,
00:33:59de prétendre que le dispositif de rétention
00:34:01des familles avec mineurs
00:34:03violerait nos engagements internationaux.
00:34:065 carrés du 12 juillet 2016 concernant la France
00:34:09ont rappelé, en effet,
00:34:11que la rétention de familles avec mineurs
00:34:13ne méconnaît pas par principe
00:34:15les articles 3, 5, 8 de la Convention européenne
00:34:18de sauvegarde des droits de l'homme
00:34:19et des libertés fondamentales.
00:34:21Il doit simplement s'agir d'une mesure de dernier ressort
00:34:24si aucune autre mesure n'apparaît suffisante
00:34:27pour la mise en oeuvre des décisions de retour.
00:34:29Et je vous invite à lire l'arrêt de la CEDH
00:34:32à BC France du 12 juillet 2016.
00:34:35Ce dispositif est en plus conforme
00:34:38à la directive dite retour de 2008
00:34:40dont l'article 17 dispose que les familles placées
00:34:43en rétention dans l'attente d'un éloignement
00:34:45disposent d'un lieu d'hébergement séparé
00:34:48qui leur garantit, j'y ai fait allusion,
00:34:51une intimité adéquate.
00:34:53Il est enfin compatible avec l'affirmation du principe
00:34:56de l'intérêt supérieur de l'enfant
00:34:58par la Convention de New York.
00:35:00Supprimer sèchement cet article
00:35:02reviendrait à compliquer à l'extrême
00:35:04de nombreux éloignements à Mayotte,
00:35:06alors que la pression migratoire, nous l'avons déjà dit,
00:35:09doit être mieux jugulée, autrement dit,
00:35:11à compliquer encore davantage la vie des Mahorais.
00:35:15Pour ces motifs, je suis défavorable à ces amendements.
00:35:18Je réponds d'un mot à la question qui m'était posée.
00:35:22J'en profite, puisque je n'ai pas pu le faire
00:35:24il y a un instant, c'est la reconnaissance frauduleuse.
00:35:27Je rappelle que c'est le fait de se servir
00:35:29d'une déclaration de filiation mensongère,
00:35:31souvent par des hommes de nationalité française,
00:35:34pour les enfants de mères étrangères
00:35:36en situation irrégulière.
00:35:38Et cela facilite la régularisation de séjour de la mère,
00:35:41voire l'accès ultérieur à la nationalité française.
00:35:46Je donne des chiffres. En 2023,
00:35:487% des reconnaissances de paternité
00:35:50ont été considérées comme frauduleuses.
00:35:53Le chiffre est de 583 sur 8 328.
00:35:57Donc ce n'est pas un phénomène anodin.
00:36:00En 2022, cela représentait 20% de la fraude détectée
00:36:03sur des documents français
00:36:05lors des demandes de titre de séjour,
00:36:07d'où les dispositions que nous avons prises tout à l'heure.
00:36:10Pardon de cette réponse tardive,
00:36:12mais je voulais donner des chiffres
00:36:13les plus précis possibles.
00:36:15C'est le sens, je crois, de nos débats
00:36:17dans la discussion générale
00:36:19ou dans les articles au sein de l'hémicycle.
00:36:22Merci, monsieur le ministre.
00:36:24Je vais mettre aux voix, donc, ces 3 amendements identiques,
00:36:28qui ont donc 2 avis défavorables
00:36:30de la Commission et du gouvernement.
00:36:32Qui est pour ?
00:36:35Qui est contre ?
00:36:37Qui s'abstient ? Ils ne sont pas adoptés.
00:36:40Voilà pour ces extraits de séance qui sont nés cette semaine au Sénat.
00:36:43Pour en parler, j'ai qu'aussi Agnès Canailler. Bonjour.
00:36:44Bonjour.
00:36:45Vous êtes le rapporteur LR de ce projet de loi
00:36:48de refondation de Mayotte, examiné cette semaine.
00:36:51Vous avez terminé, mardi soir,
00:36:53l'examen des articles et des amendements.
00:36:55Le vote solennel est prévu sur l'ensemble du texte mardi prochain.
00:36:58Alors, peut-on parler d'un texte
00:36:59à la hauteur de la détresse des Mahorettes,
00:37:014 mois après le passage du cyclone Shido ?
00:37:05Effectivement, ce texte porte une vraie ambition,
00:37:07ne serait-ce que dans son intitulé
00:37:08« Refondation de Mayotte ».
00:37:10Nous, notre souhait, et c'était le sens des travaux
00:37:13qui ont été menés au Sénat,
00:37:14c'est que ça se décline en mesures concrètes,
00:37:17parce qu'il y a une vraie attente des Mahorais sur ce sujet.
00:37:20Oui. Parlons du volet immigration,
00:37:22qui a vraiment provoqué le plus de débats
00:37:24dans l'hémicycle, on peut le dire.
00:37:26Il y a des mesures pour durcir les conditions d'accès au séjour,
00:37:29notamment pour un parent étranger d'un enfant français.
00:37:32La gauche était très remontée en séance sur ce volet du texte.
00:37:34On a entendu par exemple Evelyne Corbière-Naminzo,
00:37:37pour les communistes, qui a dit
00:37:39« Sans prendre aux familles, c'est tourner le dos
00:37:41aux valeurs humanistes qui font le socle de nos sociétés ».
00:37:44Qu'est-ce que vous lui répondez ?
00:37:45Que pas du tout.
00:37:46L'immigration familiale, c'est le cœur du sujet à Mayotte,
00:37:49et tant qu'on n'aura pas résolu ce problème-là,
00:37:51on n'arrivera pas à instaurer de vraies refondations pour Mayotte.
00:37:55Et au contraire, c'est protéger les familles,
00:37:57protéger les enfants contre une immigration clandestine, illégale,
00:38:02qui met ces enfants dans des conditions insupportables,
00:38:05vivant dans des bangas, sans les conditions d'accès à l'école.
00:38:10Donc nous devons endiguer le plus rapidement possible
00:38:12cette immigration qui est contraire à l'intérêt de l'enfant.
00:38:15Vous avez également durci la peine d'amende encourue
00:38:17en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité et de maternité,
00:38:20qui passe de 15 000 à 75 000 euros.
00:38:22Il y a également été votée la mise en place de locaux dédiés
00:38:26à la rétention des familles avec mineurs en attente d'expulsion.
00:38:29Là encore, la gauche est montée au créneau,
00:38:31elle dénonce un retour de la rétention des mineurs.
00:38:33Qu'est-ce que vous répondez ?
00:38:34Effectivement, ce n'est pas une rétention des mineurs,
00:38:36mais c'est bien un placement dans des unités adaptées,
00:38:38qui seront créées spécialement dans des maisons
00:38:42où il y aura plus de liberté de circulation,
00:38:45sous contrôle évidemment,
00:38:46pour pouvoir mettre en place des mesures d'éloignement,
00:38:48sachant que d'ores et déjà, quand ils sont placés en rétention,
00:38:52aujourd'hui, les familles restent moins de 24 heures en moyenne
00:38:55dans ces centres.
00:38:56Mais l'objectif, c'est de mettre en place des conditions plus humaines
00:39:00pour avoir un éloignement qui soit rapide et efficace
00:39:04pour endiguer cette immigration clandestine à Mayotte.
00:39:07Parlons du titre de séjour territorialisé, si vous le voulez bien,
00:39:09qui empêche le détenteur d'un titre de séjour à Mayotte
00:39:13d'aller en métropole.
00:39:14Les élus locaux maorais qui aimeraient la fin
00:39:17de cette territorialisation, le ministre des Outre-mer,
00:39:20la droite aussi, qui craignent que cela ne crée
00:39:22une pression migratoire supplémentaire sur Mayotte.
00:39:26Pourquoi est-ce que vous refusez de répondre
00:39:28à l'attente des élus maorais sur ce sujet ?
00:39:30Parce que nous avons peur que ça crée un véritable appel d'air.
00:39:33D'ailleurs, les élus, notamment de La Réunion,
00:39:36sont opposés à la détériorisation des titres de séjour.
00:39:43Nous pensons que le débat n'est pas mûr.
00:39:46Nous pensons qu'il faut d'abord voir l'efficacité
00:39:49des mesures d'immigration qui ont été prises dans ce texte
00:39:52et dans la loi du 13 mai dernier.
00:39:55C'est pour ça que nous avons prévu qu'il y aura un rapport
00:39:58qui sera remis dans trois ans, qui fera l'état des lieux.
00:40:01Et à ce moment-là, on pourra se reposer la question
00:40:03du titre territorialisé.
00:40:05Allez, on continue avec les mesures point par point.
00:40:08Le projet de loi qui permet d'accélérer les expropriations
00:40:11en sortant du cadre habituel de cette procédure.
00:40:13Cette mesure inquiète beaucoup les élus locaux,
00:40:15a dit le sénateur de Mayotte, Saïd Omarouali.
00:40:18Le ministre Manuel Valls s'est défendu en expliquant
00:40:20qu'il s'agissait uniquement d'expropriations
00:40:22pour permettre de construire des infrastructures essentielles
00:40:24sur l'archipel. Mais est-ce que vous comprenez
00:40:26qu'au fur et à mesure de toutes les mesures que j'égrène,
00:40:28on est en train de créer un cadre spécifique à Mayotte
00:40:30qui inquiète sur le fait que Mayotte n'est pas traitée
00:40:32pareil que les autres territoires de France ?
00:40:35Oui, mais Mayotte est sous l'égide de l'article 73
00:40:38de la Constitution qui donne la possibilité d'adapter le droit
00:40:41aux spécificités maores à Mayotte,
00:40:43notamment en raison d'immigration majeure, exponentielle,
00:40:48en raison du nombre de mineurs, plus de 50% de la population
00:40:52à moins de 20 ans à Mayotte.
00:40:54Cela impose des mesures spécifiques.
00:40:57Puis en plus, l'état des équipements n'était pas à niveau
00:41:00et le cyclone Chido n'a fait que renforcer.
00:41:02Donc aujourd'hui, il faut aller vite.
00:41:04Il faut pouvoir mettre en place tous les engagements,
00:41:07les 4 milliards d'euros d'engagement
00:41:09qui sont prévus dans le rapport annexé.
00:41:11Et pour ça, il faut avoir des mesures dérogatoires
00:41:13que nous avons renforcées au Sénat pour aller vite et être efficaces.
00:41:17Il nous reste 30 secondes.
00:41:18On parle aussi de ses priorités, la poursuite du plan haut
00:41:21déjà en cours, une deuxième prison,
00:41:22un deuxième hôpital, de nouvelles routes
00:41:24et la modernisation de la dessert aéroportuaire.
00:41:27Vous avez proposé un comité de suivi pour s'assurer
00:41:29que ces investissements sont correctement réalisés.
00:41:31C'est là aussi un des apports du Sénat ?
00:41:33Tout à fait.
00:41:34Ça va être le plus concret, ce qu'attendent peut-être
00:41:35les Mahorais en premier ?
00:41:36Exactement. On a eu à cœur d'avoir un comité de suivi
00:41:39pour vérifier que les engagements et les paroles promises,
00:41:42notamment lors des nombreuses visites ministérielles,
00:41:44se traduisent en réalité et pour que les élus Mahorais
00:41:48soient aussi associés et puissent contrôler l'exécution
00:41:51des promesses qui sont faites dans ce projet de loi
00:41:54ambitieux de refondation.
00:41:55Eh bien, merci. Merci Agnès Canailler.
00:41:57Et donc, pour tous ces points très précis,
00:41:59maintenant, on suivra le vote sur l'ensemble du texte.
00:42:01Ce sera mardi en séance. Merci.
00:42:02Merci à vous.
00:42:07Allez, on passe au troisième thème dans cette émission
00:42:09et la question de la soumission chimique,
00:42:11abordée en audition ce matin.
00:42:13Gisèle Pellicot, qui est devenue un symbole dans le monde
00:42:16après le récit de son calvaire lors du procès des viols de Mazan.
00:42:20Eh bien, les avocats de Mme Pellicot étaient reçus au Sénat ce matin,
00:42:23ainsi que deux parlementaires, Véronique Guillotin
00:42:26et Sandrine Josseau, qui viennent de remettre un rapport
00:42:28sur le thème de la soumission chimique.
00:42:30Voyez, ces moments forts, préparés pour public Sénat
00:42:32par Mathilde Nuttarelli et Émile Boissel d'Ombreval.
00:42:35La réalité est là et elle est implacable.
00:42:38On peut encore, en France, au XXIe siècle,
00:42:41trouver près de 80 individus dans un rayon d'à peine 50 km
00:42:46prêts à violer une vieille dame profondément sédatée
00:42:49et qu'on croirait morte.
00:42:51La réalité est là. On peut même, manifestement,
00:42:55en tirer une forme de jouissance au point d'y revenir plusieurs fois.
00:43:00Ca a été le cas d'un certain nombre d'accusés.
00:43:03Qu'est-ce que cela dit de l'état de notre société ?
00:43:06Qu'est-ce que cela dit de nos rapports entre hommes et femmes ?
00:43:12Forcément, quelque chose.
00:43:14Ce besoin de comprendre, nous le partageons,
00:43:17Stéphane Babonneau et moi.
00:43:18Depuis cinq mois, nous avons repris le cours
00:43:22de nos vies professionnelles, retrouvé nos cabinets,
00:43:25ouvert de nouveaux dossiers, mais je vous le confesse,
00:43:27une partie de nous est restée à Avignon.
00:43:32Parce que la matière livrée est dense,
00:43:36qu'elle est épaisse, qu'elle est stratifiée,
00:43:39et qu'il faudra probablement encore du temps
00:43:42pour la décrypter pleinement et la digérer.
00:43:47Alors, je vais probablement vous décevoir,
00:43:51madame la présidente, mais l'exercice
00:43:53auquel vous nous invitez ce matin,
00:43:56qui est de vous livrer nos enseignements
00:43:59sur ce procès,
00:44:01me semble à la fois prématuré et très ambitieux,
00:44:07surtout dans le délai de dix minutes
00:44:09qui nous est imparti à l'un et l'autre.
00:44:12Prématuré parce que, précisément,
00:44:16je viens de le dire, la matière est dense
00:44:18et que le processus de digestion est toujours en cours.
00:44:23Il faudra du temps, bien sûr.
00:44:24Et ambitieux parce que les apports,
00:44:27il me semble, sont innombrables,
00:44:31presque moins juridiques que sociétaux,
00:44:35et on pourrait probablement y passer toute la journée.
00:44:39Il y a bien sûr la notion de consentement actif
00:44:42qui a été précisée et mise au centre
00:44:45des débats de ce procès,
00:44:47puisque, manifestement, il semble que c'est encore nécessaire.
00:44:52Mais on pourrait aussi parler de l'importance
00:44:54de la preuve dans ces affaires de violences sexuelles
00:44:57en général, mais qui, au cas particulier
00:44:59de la soumission chimique, est absolument cruciale.
00:45:03On le sait, je l'ai plaidé, Gisèle Pellicot,
00:45:06c'est l'exception.
00:45:08C'est l'exception.
00:45:09La preuve matérielle irréfutable des viols,
00:45:13les vidéos, ça n'existe jamais.
00:45:15Au cas particulier, cette situation
00:45:18tient à la perversité immense
00:45:21de son ex-époux, Dominique Pellicot,
00:45:24et ce côté collectionneur
00:45:26qui a sauvé la vie de Gisèle Pellicot,
00:45:29parce que cette preuve matérielle,
00:45:31qui était au centre de nos débats,
00:45:34elle était tout le dossier.
00:45:36Si on ne les avait pas eues, j'ai envie de vous dire
00:45:38que Gisèle Pellicot n'en aurait jamais rien su,
00:45:41nous non plus, il n'y aurait pas eu de dossier,
00:45:43et Gisèle Pellicot, probablement, serait morte aujourd'hui.
00:45:47Et ces photos, ces vidéos,
00:45:52en réalité, elles sont non seulement
00:45:56ce qui a sauvé la vie de Gisèle Pellicot,
00:45:58mais elles étaient tout le dossier,
00:46:01parce qu'elles montraient le luxe de précaution
00:46:05prise par ces violeurs pour ne pas la réveiller.
00:46:08On y entendait des chuchotements,
00:46:10on y entendait des ronflements
00:46:12qui ne laissaient aucun doute
00:46:13sur l'état de sédation profonde de Gisèle Pellicot.
00:46:18Et bien sûr,
00:46:21cette preuve était absolument indispensable.
00:46:26Mais enfin, les vidéos, on ne les a pas, d'habitude,
00:46:30dans la plupart des dossiers,
00:46:33et c'est bien évidemment tout le problème.
00:46:37On a vu les mécanismes dévoilés dans ce dossier
00:46:43de la soumission chimique.
00:46:44Gisèle Pellicot, on l'a dit,
00:46:46ne s'est pas réveillée un matin,
00:46:48le visage tuméfié sur un trottoir
00:46:50ou aux côtés d'un homme qu'elle ne connaissait pas
00:46:52dans un lieu qu'elle ne connaissait pas.
00:46:54En réalité, elle se réveillait chaque matin
00:46:56de la même manière qu'elle s'était endormie la veille,
00:46:58dans son pyjama, dans son lit,
00:46:59dans sa chambre auprès de son mari.
00:47:03Et donc, elle n'avait strictement aucun moyen, à dire vrai,
00:47:08de mettre à jour ce qui lui était arrivé,
00:47:11de détecter ce qui lui était arrivé,
00:47:12alors même que les signes étaient là,
00:47:15puisqu'on le sait, elle perdait la mémoire,
00:47:19elle avait des difficultés d'élocution.
00:47:21Mais personne ne savait décrypter ça,
00:47:23pas même le corps médical,
00:47:24puisqu'il y a eu des années d'errance médicale.
00:47:29Donc, ce dossier, il met évidemment en lumière
00:47:33toute l'importance d'organiser, de faciliter le recueil
00:47:37et la conservation des preuves biologiques,
00:47:40biologiques en cas de suspicion chimique,
00:47:42puisque, en réalité, il est rarissime
00:47:44d'obtenir des preuves audiovisuelles
00:47:48telles que cela était le cas.
00:47:50L'importance d'informer, de former le grand public aussi
00:47:53et les professionnels de médecine pour poser l'hypothèse,
00:47:57puisque tel n'a malheureusement pas été le cas
00:48:00s'agissant de Gisèle Pellicot.
00:48:03Et en cela, le rapport qui vient d'être déposé
00:48:07sur la soumission chimique
00:48:10et, quelque part, les moyens de la prévenir
00:48:13et de la réprimer est absolument fondamental.
00:48:16On pourrait aussi parler, dans ce dossier,
00:48:18du rôle d'Internet,
00:48:20qui, quelque part, a été le grand absent de ce procès,
00:48:24alors qu'on sait très bien que ce dossier
00:48:27ne serait jamais arrivé dans de telles proportions,
00:48:30en tout cas, sans Internet.
00:48:32On pourrait parler de la place réservée
00:48:35à la parole des victimes dans ce type de procès,
00:48:38de la préservation de leur dignité.
00:48:41J'ai parlé, j'ai plaidé,
00:48:42de la maltraitance de prétoires,
00:48:44qui n'est, au final, rien d'autre que, finalement,
00:48:49l'application au sein de l'enceinte judiciaire
00:48:53de ce concept de victimisation secondaire
00:48:56qui, vous le savez, a connu quelques nouveaux développements
00:49:00judiciaires ces derniers temps.
00:49:02On peut avoir un débat
00:49:05sur les conséquences qu'il y a lieu
00:49:07de tirer en droit de cette victimisation secondaire.
00:49:12Ce débat, on le voit, est en cours,
00:49:14mais l'essentiel est de retenir
00:49:17que les choses bougent, la société change,
00:49:21et que ce qui, probablement,
00:49:24pouvait être toléré il y a encore quelques années,
00:49:27manifestement, aujourd'hui, ne l'est plus.
00:49:32On pourrait parler aussi du rôle des médias
00:49:35et de l'opinion dans le procès.
00:49:37Ce type de procès a un impact sociétal.
00:49:40Mais je crois que, pour ce qui me concerne,
00:49:43je ne suis pas un spécialiste des violences sexuelles,
00:49:46à la différence de Stéphane Babonneau,
00:49:48qui va s'exprimer dans un instant,
00:49:50mon activité de pénaliste étant davantage tournée
00:49:52vers le monde de l'entreprise.
00:49:54En ce qui me concerne, je dirais que ce qui m'a le plus marqué
00:49:59dans ce procès me rend, malheureusement,
00:50:01un peu pessimiste
00:50:04sur notre capacité d'en sortir rapidement,
00:50:10en dépit du fait que le politique se saisisse du sujet.
00:50:13C'est évidemment une bonne chose.
00:50:15Je crains, malheureusement,
00:50:16que ce n'est pas un toilettage de définition dans un texte.
00:50:21Ce n'est pas même une nouvelle loi
00:50:24qui permettra rapidement de mettre fin
00:50:27au fléau des violences sexuelles,
00:50:29tout simplement parce que je crois que l'apport, en fait,
00:50:34vraiment sociétal de ce procès de Mazan
00:50:39a été de mettre à jour l'ancrage vraiment profond
00:50:45de tout un tas de stéréotypes, de tout un tas de clichés
00:50:50qui, probablement, participent
00:50:53de la perpétuation de ce fléau.
00:50:56Certains parlent de culture du viol.
00:51:00Je ne sais pas si le terme est le bon.
00:51:04En tout état de cause, il y a manifestement,
00:51:07je crois, à la racine
00:51:13de ce qui s'est donné à voir de la conception de la masculinité
00:51:16dans ce dossier quelque chose de manifestement problématique.
00:51:20Ces stéréotypes qui se sont déployés sous nos yeux
00:51:25et érigés en stratégie de défense,
00:51:28on peut probablement
00:51:32les regrouper de deux manières.
00:51:35Il y a d'abord l'idée
00:51:38qui s'est expliquée devant nous
00:51:41que seul un monstre pouvait violer,
00:51:43qu'on ne pouvait pas être bien inséré dans la société,
00:51:46engagé et tourné vers l'autre,
00:51:50qu'on soit pompier, infirmier, journaliste,
00:51:54et être un violeur.
00:51:56La quasi-totalité des accusés s'est employée à démontrer
00:51:59qu'ils étaient de bons pères de famille,
00:52:01des citoyens respectables
00:52:03et qu'ils n'avaient pas le profil du violeur,
00:52:06lequel serait forcément un pervers, serait forcément sériel.
00:52:10Ce que met à jour ce procès, ce dossier,
00:52:13c'est que le profil du violeur n'existe pas,
00:52:15ou plutôt que le violeur a tous les profils,
00:52:18que le violeur, c'est celui qui viole
00:52:20et qu'on peut violer par faiblesse,
00:52:22qu'on peut violer par facilité,
00:52:23qu'on peut violer par indifférence,
00:52:26qu'on peut même violer par opportunité.
00:52:29Et ça n'est forcément pas un enseignement très réjouissant.
00:52:34Et puis s'est déployé aussi en défense
00:52:38tout un cortège de stéréotypes
00:52:40en lien avec l'objectalisation des femmes,
00:52:44au moins dans la sphère sexuelle.
00:52:48On a entendu beaucoup de choses de la part des accusés,
00:52:52pendant ces quatre mois,
00:52:56avec notamment le fait qu'une femme
00:52:58qui ne dirait pas non expressément
00:53:00est une femme dont on va présumer le consentement.
00:53:03C'était finalement la thèse déployée en défense,
00:53:07celle d'un consentement présumé parce que non exprimé,
00:53:12qu'une femme pourrait délibérément
00:53:14se mettre en situation de sédation profonde
00:53:16pour se faire violer par des inconnus,
00:53:18même à 68 ans,
00:53:21qu'on pourrait se fier au mari
00:53:24s'il explique que sa femme est consentante.
00:53:27Alors un expert psychiatre de renom
00:53:31a pu, au cours de nos débats,
00:53:33expliquer le rôle et l'importance
00:53:37de l'industrie pornographique
00:53:39dans la construction des fantasmes
00:53:42et la perpétuation des clichés
00:53:43qui construisent la masculinité.
00:53:46On sait aujourd'hui l'importance de la pornographie,
00:53:50qui a presque pris le relais de l'éducation sexuelle
00:53:53avec son accessibilité de plus en plus tôt,
00:53:57dès l'âge de 13 ans.
00:53:59En réalité, on s'aperçoit que les jeunes y ont accès.
00:54:06Il y a sans doute ici une piste de réflexion à mener.
00:54:11Mais je crois que les sujets sont vraiment innombrables.
00:54:15Et voilà, je vais donner la parole à Stéphane Babonneau
00:54:20pour ensuite avoir un échange.
00:54:26Bonjour, merci, madame la présidente,
00:54:28madame la sénatrice, madame la députée.
00:54:31Vous avez rappelé, madame la présidente,
00:54:33certains des mots qui ont été prononcés
00:54:34par Gisèle Pellicot au sortir du procès,
00:54:37et notamment l'expression d'un espoir
00:54:40que, finalement, les hommes et les femmes
00:54:43puissent vivre en harmonie, dans le respect mutuel.
00:54:48Et je dois dire que je partage avec Gisèle Pellicot
00:54:52et aussi, je le sais, avec mon confrère Antoine Camus,
00:54:56même s'il a parlé d'un certain pessimisme,
00:54:59en réalité, il y a des raisons d'avoir un véritable espoir.
00:55:04Cet espoir, c'est celui, finalement,
00:55:07qu'on peut placer dans notre société.
00:55:10Je l'ai dit lorsque j'ai plaidé en clôture
00:55:13des débats au procès de Mazan,
00:55:18je crois sincèrement que nous sommes en France
00:55:19une société de progrès social
00:55:21et que l'on recherche en permanence
00:55:25des manières de nous améliorer nous-mêmes,
00:55:26en étant tout de même capables de reconnaître nos imperfections.
00:55:30Et aujourd'hui, notre présence devant vous,
00:55:32Antoine Camus et moi-même,
00:55:36me persuade dans cette conviction,
00:55:39c'est-à-dire celle que, de manière empirique,
00:55:42nous cherchons les manières, les voies,
00:55:45parfois en se trompant, parfois de manière maladroite,
00:55:49d'améliorer notre société.
00:55:51Et bien souvent, cette source d'amélioration,
00:55:54ce point de départ d'une amélioration sociale,
00:55:56elle provient d'une étincelle.
00:55:58Cette étincelle ne vient pas toujours d'en haut,
00:56:01elle vient parfois de la société elle-même,
00:56:03de personnes, d'individualités.
00:56:06Et ici, dans notre cas, évidemment,
00:56:08cette étincelle, pour moi, c'est Gisèle Pellicot.
00:56:11Gisèle Pellicot, qui est une femme
00:56:14qui a vécu une vie simple, honnête,
00:56:18qui n'a pas été marquée par le militantisme,
00:56:21mais qui, lorsqu'elle s'est retrouvée
00:56:23face à une situation exceptionnelle,
00:56:26a pris ses responsabilités,
00:56:28c'est-à-dire a décidé de faire don de son histoire,
00:56:33c'est ce qu'a dit mon confrère.
00:56:36Et cette étincelle a provoqué un embrasement littéral.
00:56:40Je pense que c'est le mot qui nous est venu à l'esprit
00:56:43lorsque, à la fin de la première semaine du procès,
00:56:47nous avons vu à travers toute la France
00:56:48ces manifestations, ces mots d'ordre,
00:56:52qui étaient des mots d'ordre pacifiques,
00:56:54qui étaient des mots d'ordre de rejet complet.
00:56:57On a vraiment assisté, de notre point de vue de spectateur,
00:57:01presque, finalement, au procès à Avignon.
00:57:06A une réponse que, moi, j'assimile à une réponse immunitaire
00:57:09face à un mal, un mal qui est connu,
00:57:12qui est quasiment aussi ancien que la société elle-même,
00:57:16celui des violences sexuelles,
00:57:18dont le viol, finalement, est l'expression la plus brutale.
00:57:21Je dis un mal et j'utilise à dessein
00:57:23le mot de réponse immunitaire
00:57:25parce que, en tant que praticien de ces sujets,
00:57:30recevant chaque semaine des personnes
00:57:33victimes d'agressions sexuelles de tous les âges,
00:57:35des enfants, des adultes,
00:57:37également, très souvent, des hommes accusés de ces infractions,
00:57:43je reste encore aujourd'hui...
00:57:46Je ne trouve même pas le mot, si le mot est choqué ou stupéfait,
00:57:49de la profondeur, finalement, des effets et de la durée
00:57:55des conséquences qui sont associées à ces actes.
00:57:58Il y a peu d'infractions, et je parle de cela
00:58:01comme un praticien du droit pénal
00:58:03et donc de toutes ces atteintes au corps social.
00:58:05Il y a peu d'infractions qui génèrent des effets
00:58:09sur des générations entières.
00:58:10C'est-à-dire, il y a peu d'infractions qui, causées aujourd'hui,
00:58:13auront des effets sur des enfants qui ne sont pas encore nés aujourd'hui.
00:58:18Et cela, aussi bien chez les victimes de ces infractions
00:58:22que chez les auteurs de ces infractions.
00:58:24Et les effets, la dévastation qui sont causées par ces infractions,
00:58:30je pense qu'encore aujourd'hui, même si, évidemment,
00:58:32il y a ce mouvement de rejet, on ne les mesure pas suffisamment.
00:58:37Parce que je pense que si on les mesurerait suffisamment,
00:58:40il y aurait peut-être plus d'hommes aujourd'hui, ce matin,
00:58:42parmi nous aussi.
00:58:44Ce n'est pas simplement un sujet qui concerne les femmes,
00:58:47et on le sait, je pense que c'est quelque chose qui...
00:58:50Ce n'est pas un sujet qui doit être laissé uniquement aux femmes,
00:58:54dont la responsabilité doit être laissée aux femmes.
00:58:57C'est évidemment un sujet qu'on ne peut régler que collectivement.
00:59:00Et je voudrais vous lire quelques phrases
00:59:04que j'emporte avec moi à chaque fois que je le peux,
00:59:08quelques phrases qui ont été prononcées lors du procès,
00:59:11qui, à mon sens, donnent la mesure de la profondeur
00:59:15du problème que je décris.
00:59:17L'un des accusés, M. Cédric V., 44 ans, père de 2 enfants,
00:59:22a déclaré, dans le cadre de cette procédure,
00:59:24vous me faites remarquer que je n'ai pas obtenu son consentement.
00:59:28Oui, pas directement.
00:59:29A votre demande, je vous précise que c'est M. qui m'a donné son accord.
00:59:33M. Romain V., qui a été âgé de 64 ans à l'époque,
00:59:37a dit, il fait ce qu'il veut, c'est sa femme.
00:59:41Plus tard, il a pu déclarer,
00:59:45non, vu que j'ai agi en accord avec son mari.
00:59:47S'il n'était pas d'accord, je ne l'aurais pas fait.
00:59:49Un autre accusé, âgé de 40 ans, père de 3 enfants,
00:59:53a pu déclarer, je ne suis pas d'accord
00:59:56sur le fait que j'ai pu commettre un viol,
00:59:59car c'est son mari qui me donnait les ordres pour faire ces choses.
01:00:02Enfin, un autre accusé a déclaré,
01:00:05vous connaissez, vous, un violeur qui caresse sa victime ?
01:00:09Et enfin, un autre, oui, c'est bien ça,
01:00:12c'est le mari qui était consentant.
01:00:15Et il ajoute, peu après, à l'audience,
01:00:18je ne suis pas un violeur, mais si je devais violer quelqu'un,
01:00:21ça n'aurait pas été une dame de 57 ans, mais une belle.
01:00:25Gisèle Pellicot était assise derrière moi
01:00:28au moment où ces mots ont été prononcés,
01:00:30et elle n'a pas très saillie.
01:00:32Elle a simplement gardé la tête haute
01:00:35et montré à quel point elle était prête
01:00:39à aller jusqu'au bout, finalement,
01:00:41en étant présente à chaque jour de ce procès,
01:00:44en étant présente aussi pour toutes les personnes qui lui écrivaient,
01:00:48pour lui dire à quel point elles admiraient sa force et son courage,
01:00:52mais aussi pour lui dire qu'elle se sentait représentée
01:00:55par sa capacité à faire face
01:00:58et représentée parce que beaucoup n'avaient pas trouvé la force,
01:01:02le moment venu, de dénoncer ce dont elles avaient été victimes
01:01:06et de s'engager dans ce processus judiciaire.
01:01:08Et ce qui doit nous interroger, je pense,
01:01:10c'est qu'est-ce qui fait aujourd'hui
01:01:12que beaucoup de personnes n'osent pas passer le pas
01:01:15de cette dénonciation, n'osent pas passer le pas
01:01:18des commissariats, et à la racine de ce blocage,
01:01:24je pense qu'il y a très souvent un sentiment
01:01:26qui a été très bien identifié pendant ce procès
01:01:28et par Gisèle Pellicot elle-même, c'est le sentiment de honte.
01:01:31Quand Gisèle Pellicot a dit la honte doit changer de camp,
01:01:33elle n'a pas simplement prononcé un slogan,
01:01:36elle a prononcé quelque chose, une réalité,
01:01:39une réalité personnelle parce qu'elle a éprouvé cette honte,
01:01:44parce que cette honte l'a paralysée pendant longtemps,
01:01:48mais cette honte, et je pense que c'est l'une des plus grandes fiertés
01:01:52qu'elle peut avoir, elle a su la dominer,
01:01:55la subjuguer, la surpasser.
01:01:57Gisèle Pellicot était véritablement l'archétype
01:01:59de la personne pudique, de la personne qui n'aimait pas
01:02:05s'exposer, qui n'aimait pas exposer son intimité,
01:02:07et elle a accepté que soit diffusée,
01:02:10elle s'est même battue pour que soit diffusée,
01:02:12ces vidéos de ces viols pour donner à voir,
01:02:14comme l'a dit Antoine Camus, la réalité de ce qui était un viol,
01:02:18pour interpeller la société et aussi pour donner,
01:02:21pour faire prendre conscience aux accusés et aux hommes
01:02:25qui l'avaient agressé, de l'étendue des ravages
01:02:30qu'ils avaient causés.
01:02:32Est-ce que ce message est passé ?
01:02:34C'est une interrogation qui subsistera,
01:02:37mais on peut néanmoins constater, comme vous l'avez relevé,
01:02:40madame la présidente, que sur 51 accusés,
01:02:43qui, pour l'immense majorité, je dirais plus des trois quarts,
01:02:47contestaient leur responsabilité, aujourd'hui,
01:02:50il n'y a plus que quatre appelants.
01:02:52Ca signifie que la décision de la Cour criminelle
01:02:55a finalement été acceptée par l'immense majorité des accusés,
01:02:59et en cela, je pense que c'est une victoire,
01:03:01une victoire pour la justice, pour la société.
01:03:05Bien évidemment, l'exercice de l'appel est un droit,
01:03:08mais la décision de ne pas faire appel doit aussi être reconnue
01:03:12comme étant la reconnaissance d'une décision de justice,
01:03:16de sa signification et de sa portée.
01:03:19Ce sentiment de honte, aujourd'hui, comme société,
01:03:22nous devons nous interroger sur la manière
01:03:24de le faire disparaître chez les victimes.
01:03:27Je pense que cette responsabilité, nous la portons tous,
01:03:30puisque c'est le regard que la société porte
01:03:33sur les victimes d'agressions sexuelles et de viols
01:03:36qui fait, finalement, qui va faire, finalement, dans le futur,
01:03:41leur capacité à dénoncer, leur capacité à demander justice,
01:03:46et surtout, leur capacité à se réintégrer
01:03:49dans notre société.
01:03:50Les travaux que vous menez sont essentiels,
01:03:53et c'est pour ça que c'est un honneur pour nous
01:03:55d'y participer avec Antoine Camus,
01:03:57parce que Gisèle Pellicot l'a dit,
01:04:01ce que j'ai fait à ce procès, je ne l'ai pas fait pour moi,
01:04:04je l'ai fait pour ceux qui viendront derrière.
01:04:07Et dans quelques semaines,
01:04:10elle recevra, représentée par son fils,
01:04:13Laurent Pellicot, un prix, le prix Liberté,
01:04:17qui a été décerné à la suite du vote de très nombreux jeunes,
01:04:21plus de 10 000 jeunes à travers toute l'Europe.
01:04:23Et je sais que pour Gisèle Pellicot,
01:04:26le fait de se rendre compte que son message a été reçu,
01:04:32le fait de se rendre compte que le sacrifice qu'elle a fait
01:04:36est aujourd'hui compris,
01:04:38c'est pour elle une des plus grandes victoires,
01:04:41et je pense qu'elle aura l'occasion un jour de le dire elle-même,
01:04:43parce qu'on occupe beaucoup la place pour le moment,
01:04:47mais je sais qu'elle aura beaucoup de choses à dire le moment venu.
01:04:50Voilà, pour un extrait des auditions qui se déroulaient ce matin au Sénat,
01:04:54pour un palais, j'accueille ici Dominique Vérien, bonjour.
01:04:56Bonjour.
01:04:56C'est vous, la présidente centriste
01:04:58de la délégation Aux droits des femmes du Sénat.
01:05:00Donc vous receviez ce matin les avocats de Gisèle Pellicot
01:05:02pour faire un bilan du procès des viols de Mazan
01:05:05qui s'est tenu l'hiver dernier.
01:05:06Vous avez parlé de moments de bascule
01:05:09et de tournant conceptuel avec ce procès.
01:05:12C'est ce niveau de bouleversement qui s'est joué cet hiver ?
01:05:15Je crois qu'on a pris conscience de quelque chose.
01:05:18On connaissait...
01:05:21Tout le monde ne connaissait pas la soumission chimique, a priori,
01:05:23mais quiconque a eu des enfants qui allaient en boîte de nuit
01:05:28ou dans des soirées savait que c'était un risque
01:05:32que les filles, majoritairement des filles...
01:05:34Cours GHB, etc.
01:05:35Et on pensait au GHB, on pensait à protéger ses vers,
01:05:40et on n'imaginait pas que ça se faisait dans la sphère familiale.
01:05:42Pour avoir travaillé sur les violences intrafamiliales,
01:05:44lorsque nous avons fait notre rapport avec Émilie Chandler,
01:05:47à aucun moment, personne ne nous a jamais parlé
01:05:51de la soumission chimique, alors que le procès
01:05:54qui allait venir des viols de Mazan était en cours d'instruction.
01:05:57Et donc, ça existait,
01:05:59et bien, ça n'était dans le scope de personne.
01:06:02Aujourd'hui, ça a montré
01:06:04qu'il pouvait y avoir du danger à la maison.
01:06:07Alors, je le rappelle, tous les hommes ne sont pas des hommes violents
01:06:10et tous les hommes ne prostituent pas leurs femmes, heureusement,
01:06:13mais c'est un risque, et là, on a vu que ça prenait une ampleur.
01:06:1750 accusés, c'est énorme.
01:06:19Et on n'a pas forcément tous les accusés qui ont comparu.
01:06:22On retient ces propos d'un des avocats de Mme Pellicot.
01:06:26Gisèle Pellicot, en renonçant au huis clos,
01:06:28voulait faire de la salle d'audience une forme de laboratoire sociétal
01:06:31pour donner à voir le viol tel qu'il est.
01:06:33C'est ce courage aussi de Gisèle Pellicot
01:06:35qui a marqué, d'ailleurs, au-delà des frontières franco-françaises.
01:06:38Tout à fait, et je crois que c'est ce qui a permis de faire
01:06:41que la honte change de camp,
01:06:44puisque les femmes ont honte, en général,
01:06:47et c'est ça qui est terrible dans un viol,
01:06:49ce sont elles qui ont honte, qui ont peur de le dire
01:06:52et qui se cachent, qui se sentent sales,
01:06:55alors que là, le fait de les montrer,
01:06:58ce sont les hommes qui, prenant conscience de ce qu'ils faisaient,
01:07:01parce que là, on le voyait, ils étaient filmés en train de violer
01:07:05et c'était au vu et au su de tout le monde,
01:07:08et là, je crois que la honte a vraiment changé de camp.
01:07:10Autre phrase forte.
01:07:11Ce que met à jour ce procès,
01:07:13c'est que le profil du violeur n'existe pas,
01:07:15ou plutôt que le violeur a tous les profils.
01:07:18Là encore, sur le profil des hommes condamnés,
01:07:21c'est un choc aussi de voir que c'est un peu...
01:07:24M. Tout-le-monde, c'est terrible à dire, mais c'est cela.
01:07:26Nous venons de rendre, hier même,
01:07:29un rapport sur la récidive du viol.
01:07:32Prévenir la récidive du viol.
01:07:33Pour éviter de faire de nouvelles victimes.
01:07:35Très clairement, on le voit,
01:07:37le violeur, ça peut être tout le monde.
01:07:39Ça n'est pas toujours un fou.
01:07:41Il n'enlève pas toujours de la psychiatrie.
01:07:44Le violeur, ça peut être tout le monde.
01:07:46Il a, par contre, quelques marques communes.
01:07:51C'est souvent le sexisme,
01:07:53c'est pouvoir utiliser la femme comme un objet,
01:07:56c'est être utilisateur de pornographie
01:08:00et avoir aucune empathie pour son prochain.
01:08:04À propos de sexisme,
01:08:05on a entendu aussi se plaidoyer dans les avocats.
01:08:08Ce n'est pas un sujet qui doit être laissé uniquement aux femmes.
01:08:11C'est un sujet qu'on ne peut régler que collectivement.
01:08:14Est-ce que vous regrettez l'absence de prise de conscience,
01:08:17par exemple, des sénateurs, de vos collègues ?
01:08:19Il n'y avait aucun sénateur homme, ce matin, en séance.
01:08:22Je ne sais pas si je regrette l'absence de prise de conscience.
01:08:25Je regrette l'absence, tout court, déjà, des sénateurs hommes.
01:08:29On sait que ce n'est pas toujours facile de se rendre disponible,
01:08:32mais on voit, sur ces sujets-là,
01:08:34que les femmes sont souvent plus disponibles.
01:08:36Or, le sexisme, c'est à deux qu'on luttera.
01:08:38C'est homme et femme.
01:08:40L'idée, ce n'est pas de faire un monde de femmes
01:08:43pour lutter contre un monde d'hommes.
01:08:44C'est de faire un monde où hommes et femmes
01:08:47trouvent leur place et sont unis.
01:08:49Oui. On en vient à deux petites questions
01:08:51que je voulais vous poser rapidement, si vous le voulez bien.
01:08:53Le fléau de la soumission chimique a été évoqué ce matin
01:08:55par ce que vous aviez aussi avec vous, Véronique Guillotin,
01:08:57la sénatrice, et Sandrine Josseau, la députée,
01:08:59qui ont toutes les deux remis un rapport la semaine dernière.
01:09:02Quelle est la suite de leur travail ?
01:09:03Est-ce qu'il y aura des propositions de loi examinées au Parlement ?
01:09:05Alors, heureusement, tout ne passe pas par la loi.
01:09:08D'accord.
01:09:09Heureusement, puisqu'en ce moment, ce n'est pas si simple que ça
01:09:11que de faire passer des lois.
01:09:12Et beaucoup de choses peuvent être d'ordre réglementaire.
01:09:15Ce qu'on voit, c'est quand même que dans leur rapport,
01:09:19on trouve des propositions qui sont dans tous les rapports,
01:09:21qu'ils soient dans le rapport sur la récidive du viol,
01:09:23qu'ils soient dans le rapport contre les violences intrafamiliales,
01:09:25qu'ils soient dans le rapport contre les violences sexuelles sur mineurs.
01:09:29La formation, formation de tous, formation de tous les acteurs,
01:09:34que ce soient les professeurs des écoles ou les professeurs tout court,
01:09:40que ce soient les forces de sécurité intérieure,
01:09:43les magistrats, les avocats, tout le monde doit être formé,
01:09:46les services sociaux, c'est la priorité,
01:09:48et ça fait effectivement partie de leur rapport.
01:09:51Mais ça n'est pas suffisant.
01:09:52Il y aura peut-être quelques mesures législatives,
01:09:55et dans ces cas-là, à nous de veiller à ce qu'elles puissent être prises.
01:09:58Très bien. Et une dernière question.
01:10:00Vous avez remis à l'heure vos conclusions sur la prévention de la récidive
01:10:03dans les affaires de viol. Vous en parliez il y a un instant.
01:10:05La principale demande de votre rapport, c'est la demande de la création
01:10:08d'une véritable injonction de soins en détention.
01:10:11C'est un immense impensé en prison, vous le dites, la récidive des viols.
01:10:15On ne peut pas forcer un violeur à se faire soigner.
01:10:18C'est là tout le problème.
01:10:20Si on veut que la prison soit utile, il faut qu'il se passe quelque chose
01:10:23entre le moment où on y entre et le moment où on en sort.
01:10:26S'il ne se passe rien, si on est rentré violeur, on va sortir violeur.
01:10:30Or, l'idée, à partir du moment où la société prend en charge
01:10:34des personnes en les mettant en prison...
01:10:36Alors, évidemment, pendant qu'on les met de côté,
01:10:38ils sont moins dangereux, mais la prison, on sait qu'on n'y reste pas à vie.
01:10:42Donc, faisons de cet espace, de ce temps, quelque chose d'utile.
01:10:48Et effectivement, aujourd'hui, c'est sur la base du volontariat.
01:10:51Or, on le voit sur les mineurs, puisque ça se fait avec la PJJ,
01:10:54entre autres Amigène dans Lyon, ce que nous sommes allés voir.
01:10:58Les mineurs ne sont pas toujours volontaires au départ,
01:11:00mais quand ils ont compris que, souvent, ce qu'ils ont fait,
01:11:04si on leur disait qu'ils étaient des auteurs,
01:11:07alors qu'ils ne comprenaient pas qu'ils l'étaient,
01:11:09c'est parce qu'ils reproduisaient quelque chose dont ils avaient été victimes.
01:11:12Le jour où ils prennent conscience qu'ils sont victimes,
01:11:14ils prennent conscience qu'ils sont auteurs,
01:11:15et c'est un vrai travail qui peut marcher sur les adultes aussi, bien sûr.
01:11:18Et merci pour tous ces détails,
01:11:20merci pour toutes ces réponses à ces questions.
01:11:22Merci, Dominique Vérin.
01:11:23Merci.
01:11:29Et on passe au dernier thème dans cette émission,
01:11:32et cette audition événement hier de Bernard Arnault
01:11:35par la Commission d'enquête sur les aides aux entreprises,
01:11:38le PDG du LVMH, Première Fortune de France,
01:11:41qui a dénoncé la bureaucratie de Bruxelles il y a quelques semaines,
01:11:45et le gouvernement appelant de son côté au patriotisme économique.
01:11:48Écoutez les moments forts de cette audition hier soir.
01:11:51Vous l'avez déclaré devant cette commission,
01:11:54vous êtes un patriote.
01:11:56La question que l'on se pose,
01:11:59c'est dans la guerre commerciale qui nous oppose,
01:12:01Etats-Unis, Chine,
01:12:02le président de la République a demandé à plusieurs reprises
01:12:06un patriotisme économique et à des groupes privés
01:12:10de retarder l'annonce d'investissement aux Etats-Unis.
01:12:15Et vous, vous avez d'ailleurs été
01:12:17le seul invité français du président Trump,
01:12:20vous étiez dans son bureau régulièrement.
01:12:22La semaine dernière, je sais que vous n'avez pas pu vous rendre ici
01:12:25puisque vous étiez en déplacement aux Etats-Unis.
01:12:28Le ministre Lombard, le 4 avril dernier,
01:12:31lui aussi demandait du patriotisme économique.
01:12:34Et vous n'êtes pas le seul, Sanofi,
01:12:36et ça a fait là aussi le choux gras de la presse,
01:12:39puisqu'il a annoncé, lui aussi, dans le même temps,
01:12:4120 milliards d'investissements
01:12:43alors qu'il ferme des usines en France, la CMA-CGM.
01:12:47Donc comment vous appréciez ces déclarations
01:12:50du président de la République ?
01:12:51Est-ce que c'est des coups de com' ?
01:12:52Et est-ce qu'à l'inverse aussi, le président Trump,
01:12:55c'est des coups de com' ?
01:12:56Comment vous vous percevez de ça ?
01:12:58Et effectivement, M. Pinot a dit,
01:13:01quand je vends un sac de ma marque,
01:13:04je vends un bout de France et vous, vous faites un choix.
01:13:07Il a dit ça, il a dit, je vends un bout de France
01:13:10et vous, vous faites le choix,
01:13:11mais c'est un choix industriel qui peut s'entendre.
01:13:15De dire, je produis en France,
01:13:17mais je produis là aussi où sont mes marchés.
01:13:19Mais je sais que, par exemple, au Texas,
01:13:22notamment sur les questions de tannerie,
01:13:24c'est plus complexe.
01:13:26Par exemple, j'ai vu que vous perdiez 40 % du QR
01:13:28contre 20 % en France,
01:13:29donc y compris peut-être avoir un débat
01:13:32sur cette question du travail, du travail bien fait.
01:13:35Donc voilà, comment vous appréciez ça
01:13:37et comment vous avez apprécié les déclarations
01:13:39du président de la République et du ministre ?
01:13:41Et pensez-vous que c'était vous qui étiez visiés
01:13:44par ces déclarations et ces appels au patriotisme ?
01:13:46Je vous remercie.
01:13:48Juste sur ce point-là,
01:13:49moi, je voudrais aussi, ce qu'il faut toujours apporter,
01:13:52un équilibre dans les déclarations.
01:13:56A la même question, la réponse de Rodolphe Saadet.
01:13:59La question lui a été posée.
01:14:02Voilà, le président Trump annonce
01:14:04que vous allez investir 20 milliards aux Etats-Unis
01:14:07et le président Macron vous demande
01:14:10de faire du patriotisme économique.
01:14:11Rodolphe Saadet répond d'une façon très claire.
01:14:14Depuis des années, CMA, CGM investit
01:14:16entre 3,5 et 5 milliards aux Etats-Unis par an.
01:14:21Les 5 milliards, c'est sur 20 ans.
01:14:23Donc, finalement, on ne fait rien de plus, rien de moins
01:14:25que ce qu'on a fait jusqu'à maintenant.
01:14:26Ca s'appelle de la com politique du président Trump.
01:14:30En même temps, quand le président de la République française
01:14:34demande à faire du patriotisme,
01:14:36moi, je pense que le patriotisme, c'est de faire en sorte
01:14:38que nos entreprises soient florissantes,
01:14:41qu'elles se développent,
01:14:42quitte à le faire dans des pays étrangers,
01:14:44à profiter de systèmes qui sont plutôt avantageux
01:14:47et que ces richesses retombent sur le système français.
01:14:50Ca, c'est du patriotisme économique.
01:14:52Je rappelle que nous ne sommes pas en guerre,
01:14:55dans le 1er sens du terme, contre les Etats-Unis
01:14:58et qu'on ne peut pas appliquer les mêmes recommandations
01:15:02ou demandes auprès des entreprises
01:15:04par rapport aux Etats-Unis comme par rapport à la Russie.
01:15:07Le contexte n'a absolument rien à voir.
01:15:10Je pense que le patriotisme économique
01:15:12peut aussi parpasser par des bonnes ententes économiques,
01:15:17financières, avec les Etats-Unis,
01:15:19dans le but de développer les entreprises françaises
01:15:22qui profitera davantage à la France.
01:15:23Dieu sait qu'on en a bien besoin.
01:15:27Bon, comme le temps passe,
01:15:28et vous savez que j'ai une contrainte,
01:15:30je vais peut-être commencer...
01:15:32Mais, M. le président de l'Etat, je vous laisse répondre
01:15:34de façon globale à l'ensemble des questions
01:15:36et puis les quelques messages que vous vouliez nous faire passer.
01:15:38Je voudrais commencer peut-être par la fin,
01:15:40les dernières questions,
01:15:41puisque ça me paraît assez important.
01:15:47D'abord, je l'ai dit dans mon exposé liminaire,
01:15:51je considère que le groupe LVMH
01:15:55est peut-être le groupe le plus patriote qui existe,
01:15:58en France, dans le CAC 40.
01:16:00Bon, pour toutes les raisons que j'ai développées,
01:16:03l'emploi, les investissements en France,
01:16:05les ateliers en France,
01:16:07les impôts que l'on paye de manière
01:16:11beaucoup plus importante en France
01:16:12que notre chiffre d'affaires, etc.
01:16:15Premièrement. Deuxièmement,
01:16:20quand j'ai repris le groupe LVMH,
01:16:24et notamment Louis Vuitton,
01:16:26en 1989,
01:16:29ils produisaient déjà aux Etats-Unis.
01:16:33Donc, il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
01:16:36Et je dirais qu'aujourd'hui, c'est un avantage,
01:16:41parce qu'il y a cette menace sur laquelle je vais revenir,
01:16:45des droits de douane américains
01:16:48dont on ne sait pas encore exactement où ils vont aller.
01:16:52Bon.
01:16:55Lorsqu'un de mes concurrents dit
01:16:57qu'il n'a pas envie de fabriquer aux Etats-Unis,
01:17:01pays où ses ventes ont baissé fortement,
01:17:03ça ne me surprend pas.
01:17:05Mais nous, on n'est pas dans ce cas-là.
01:17:07Nos ventes augmentent,
01:17:08et donc, on va devoir vendre plus aux Etats-Unis.
01:17:13Et donc, faut-il arrêter l'expansion
01:17:17qui existait déjà,
01:17:19et l'implantation qu'on avait déjà aux Etats-Unis,
01:17:22parce qu'on reçoit des consignes ?
01:17:25Je crois qu'il est très mauvais pour l'Etat
01:17:27de se mêler de la gestion des entreprises privées.
01:17:31Et en général, ça mène à la catastrophe.
01:17:33Bon. Donc, je ne pense pas qu'il soit très opportun
01:17:37de tenir compte des conseils de ce genre,
01:17:40d'où qu'ils viennent.
01:17:42Ca, c'est une chose. Ensuite...
01:17:44On enverra la réponse au président Macron.
01:17:46Ensuite, ensuite, je pense aussi
01:17:50que les Etats-Unis
01:17:52sont le premier marché du monde.
01:17:56C'est vrai pour nous.
01:17:58Et qu'il est très important d'arriver
01:18:01à trouver, pour l'Europe,
01:18:03un accord avec les Etats-Unis.
01:18:06Et je dirais que, jusqu'à aujourd'hui,
01:18:09ça me paraît relativement mal parti.
01:18:13Je pense que la négociation,
01:18:16elle doit être menée de manière constructive.
01:18:20Elle doit être menée pour aboutir,
01:18:23et donc avec des concessions réciproques.
01:18:26Vous avez vu ce qu'ont fait les Anglais,
01:18:29qui ont très bien négocié.
01:18:31J'espère arriver à convaincre,
01:18:37avec mes petits moyens et mes contacts,
01:18:40l'Europe de prendre une attitude aussi constructive.
01:18:44Parce que, pour la France,
01:18:46et il faut que la France aide, évidemment, cela,
01:18:49pour la France, le risque est majeur,
01:18:52en particulier pour le cognac et le champagne,
01:18:55mais surtout pour le cognac.
01:18:57Je voudrais juste vous dire ce qui peut se passer
01:19:00pour que...
01:19:01J'ai l'impression qu'en France,
01:19:02on n'est pas conscient vraiment du problème.
01:19:05Mais aujourd'hui,
01:19:0880 %, à peu près,
01:19:12des ventes de cognac dans le monde
01:19:14se font entre la Chine et les Etats-Unis.
01:19:18Aujourd'hui, il y a un problème très sérieux avec la Chine.
01:19:22Vous savez, c'est une enquête de dumping,
01:19:26anti-dumping, qui est en fait une réponse
01:19:29aux difficultés qu'a fait l'Europe
01:19:34pour les voitures électriques importées en Europe.
01:19:38Bon.
01:19:39Et on a le problème également de la négociation globale
01:19:43des droits de douane entre l'Europe et les Etats-Unis.
01:19:48Imaginons le pire une seconde.
01:19:50C'est-à-dire que la Chine reste
01:19:52avec les conséquences catastrophiques
01:19:57qui ont, pour l'instant, été délayées jusqu'au mois de juillet,
01:20:01mais qui sont d'augmenter les droits de douane
01:20:06d'environ 40 %.
01:20:08Et que les Etats-Unis et l'Europe ne se mettent pas d'accord,
01:20:12ça veut dire quoi ?
01:20:13Ça veut dire que, de manière concrète,
01:20:18on ne pourra plus vendre de cognac dans ces deux pays.
01:20:21Donc, 80 % de la viticulture
01:20:25de la Charente,
01:20:28qui emploie environ 80 000 personnes,
01:20:31va être dans un état catastrophique.
01:20:37Nous achetons de l'eau de vie à des petits producteurs,
01:20:42et s'il n'y a plus de demande,
01:20:46si la demande s'arrête,
01:20:49on va devoir arrêter d'acheter.
01:20:51On ne pourra pas faire autrement.
01:20:52Donc, je pense que ce problème, quand même,
01:20:56majeur sur le plan social, et ça, M. le rapporteur,
01:20:58ça doit vous intéresser particulièrement,
01:21:00parce que vous êtes sensibles à ces questions, j'imagine.
01:21:04Vous ne faites pas qu'imaginer.
01:21:05Bon, voilà.
01:21:07Donc, il faudrait qu'il y ait une conscience
01:21:09qui se prenne de ce problème
01:21:11et qu'on fasse tout avec l'Europe,
01:21:14mais en négociant,
01:21:16et non pas en brandissant des oucas
01:21:19ou en allant à Washington menacer de je ne sais quoi
01:21:23l'administration du président des Etats-Unis.
01:21:26Quand même, il faut négocier,
01:21:29comme on fait les Anglais.
01:21:33Il ne faut pas dire qu'on approuve ou qu'on désapprouve.
01:21:35Il faut discuter. C'est le 1er marché du monde.
01:21:38Et pour l'instant, cette négociation,
01:21:42je ne suis pas sûr qu'elle soit menée comme il faut
01:21:44au niveau de l'Europe. Voilà ce que j'ai dit.
01:21:46Bon, l'histoire de la bureaucratie,
01:21:48il y en a partout.
01:21:50Il y en a en France, il y en a partout.
01:21:51Ça, c'est une autre question.
01:21:53Mais je crois qu'il faut qu'il y ait
01:21:56à un moment une prise de conscience.
01:21:57Peut-être pourriez-vous, avec le Sénat, y contribuer.
01:22:01Parce que le jour où ça va arriver, il sera trop tard.
01:22:04Et là, on va être dans les plans sociaux.
01:22:05Ça va être une catastrophe.
01:22:07D'autant plus que nous ne sommes pas d'un poids léger.
01:22:09On sous-estime le problème.
01:22:10D'autant plus que nous ne sommes pas d'un poids léger,
01:22:12parce que si les États-Unis sont notre premier marché,
01:22:15l'Europe est le premier marché des États-Unis aussi.
01:22:17Donc, nous avons moyen de négocier.
01:22:20Voilà pour les extraits de cette audition
01:22:21qui se tenait hier soir au Sénat.
01:22:23Pour en parler, j'accueille ici Daniel Fargeau.
01:22:25Bonjour.
01:22:25Bonjour.
01:22:26Vous êtes sénateur centriste du Val d'Oise.
01:22:28Vous receviez donc le PDG de LVMH.
01:22:31On a parlé patriotisme économique lors de l'audition.
01:22:34Bernard Arnault qui a été interrogé sur l'appel d'Emmanuel Macron
01:22:37à stopper les investissements aux États-Unis
01:22:40ou en tout cas à attendre un peu avant de les reprendre.
01:22:42Le grand patron qui a répondu que son groupe LVMH
01:22:45était le groupe le plus patriotique de tout le CAC 40.
01:22:49Il a dit qu'il est très mauvais pour l'État
01:22:51de se mêler de la gestion des entreprises privées.
01:22:53En général, ça mène à la catastrophe.
01:22:56Qu'est-ce que vous avez pensé de cette séquence ?
01:22:58Écoutez, tout d'abord, il était important,
01:23:01il était légitime et naturel que le premier groupe français
01:23:05qui contribue au rayonnement très largement de la France à l'étranger
01:23:09soit auditionné par notre commission pour objectiver nos travaux.
01:23:13On va y revenir après.
01:23:14Écoutez, tout simplement vous dire que oui,
01:23:16je pense que monsieur Arnault a raison dans son propos.
01:23:21Il vous a convaincu.
01:23:22Il m'a convaincu. Sachez que je suis un libéral avant tout.
01:23:25Donc forcément, je suis en accord avec les propos qu'il a tenus
01:23:30par rapport à l'audition hier soir.
01:23:32On a vu tout un débat en début d'audition
01:23:34sur la légitimité des travaux de cette commission
01:23:37parce que certains observateurs dénoncent ce travail d'enquête,
01:23:40parlent même d'inquisition.
01:23:42Est-ce que vous pensez que ce débat est légitime ?
01:23:45Ou comme l'a dit Fabien Guay, il faut aussi que les sénateurs
01:23:48puissent travailler sur le fond de la question des aides aux entreprises.
01:23:51Oui, alors effectivement,
01:23:53je ne veux pas rentrer dans la polémique médiatique qui n'a pas lieu
01:23:56et qui ne serait pas à la hauteur des travaux de notre commission
01:23:59menés par le président Louis Erichtman et Fabien Guay, le rapporteur.
01:24:02Un LR et un communiste.
01:24:04Et une diversité de membres au sein de cette commission.
01:24:10Bernard Arnault a beaucoup parlé des turbulences
01:24:11sur les marchés internationaux
01:24:13et de la compétition avec la Chine et les Etats-Unis.
01:24:16Il a semblé critiquer la façon dont l'Union européenne
01:24:18menait les négociations commerciales avec les Etats-Unis.
01:24:21Qu'en pensez-vous ? Il a même appelé le Sénat
01:24:23à se mêler de ce qui se passait avec ces négociations.
01:24:26Oui, alors effectivement, nous pouvons être surpris
01:24:29de la teneur de ces propos tenus par M. Arnault.
01:24:32Oui, il faut négocier avec les Etats-Unis,
01:24:35mais pas de n'importe quelle façon, bien évidemment,
01:24:37sachant qu'au niveau de l'Europe, c'est une chose,
01:24:40mais il a bien précisé que si les négociations n'aboutissaient pas,
01:24:43pour la France, ce serait catastrophique,
01:24:45et notamment pour les spirituels,
01:24:49et le Cognac en particulier qu'il a mis en avant.
01:24:51Alors, nous devons trouver un terrain d'entente,
01:24:54bien évidemment, avec les Etats-Unis,
01:24:56mais il ne faut pas que ce soit à sens unique non plus.
01:24:58Eh bien, merci. Merci pour cette réaction à notre micro.
01:25:01On suivra maintenant les dernières auditions
01:25:02de votre commission d'enquête
01:25:03jusqu'à la remise du rapport au début du mois de juillet.
01:25:06Merci. Le 8 juillet, exactement.
01:25:07Merci à vous. Merci.
01:25:13C'est la fin de cette émission. Merci à vous de l'avoir suivie.
01:25:15N'hésitez pas à lire nos décryptages, à voir nos replays.
01:25:18C'est sur publicsenat.fr.
01:25:20Prochain rendez-vous avec l'info dans quelques minutes à 18h
01:25:22pour Sens public, présenté par Thomas Hugues.
01:25:25Très belle suite des programmes sur Public Sénat.