- 22/05/2025
Alors que la demande en batteries explose, la question de l’accès aux métaux stratégiques devient un enjeu de souveraineté industrielle. Entre dépendance aux importations, domination chinoise et urgences écologiques, la France cherche des solutions durables pour sécuriser son approvisionnement. Grâce au concept de « mine urbaine », des acteurs comme Mecaware ou le BRGM réinventent la façon de récupérer et valoriser ces ressources.
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00:00Générique
00:00On parle des mines urbaines, de la récupération des métaux dans nos batteries électriques dans ce débat avec Arnaud Villardaboué.
00:13Bonjour, bienvenue. Vous êtes le président, le cofondateur de MECAware et Gaëtan Lefebvre. Bonjour.
00:18Et bienvenue ingénieur géologue, expert intelligence minérale au BRGM, Bureau de Recherche Géologique et Minière.
00:27Il ne m'en manque pas, c'est bon. La présentation de MECAware, en quelques mots, vous êtes déjà venu sur ce plateau, mais c'était il y a longtemps ?
00:34On est toujours producteur de métaux, on produit des métaux critiques, du lithium, du nickel, du cobalt, quelques autres.
00:40On produit ces métaux en recyclant des déchets de batterie, soit des batteries en fin de vie, soit des chutes de production de gigafactory.
00:47Et on le fait avec une technologie qui est innovante, qui est très différente de ce qui se pratique dans le monde entier, pour faire la séparation des métaux contenus dans un alliage.
00:55Et on rentrera dans le détail de ce procédé, effectivement, qui est vertueux.
01:01Alors, vous en avez cité quelques-uns. Dans nos batteries électriques, on trouve quoi ?
01:05Justement, ça dépend des technologies, mais celle sur laquelle on se concentre s'appelle lithium-ion, et notamment à la cathode.
01:12La technologie principale s'appelle nickel, manganèse, cobalt.
01:16Donc, c'est vraiment ces métaux-là les plus importants à l'heure actuelle.
01:18On trouve également du graphite, et des futures technologies aussi peuvent arriver qui solliciteront des nouvelles substances, comme le sodium ou le fer.
01:28Alors, c'est lithium, nickel, cobalt, manganèse, graphite.
01:31Est-ce que certains de ces produits sont disponibles dans les sous-sols, en métropole ?
01:39Je pense aussi à la Nouvelle-Calédonie, évidemment, pour le nickel.
01:42Quelles sont nos richesses ? Je pourrais poser la question comme ça, avant de parler des mines urbaines.
01:46Bien sûr, le premier objectif aujourd'hui en Europe, c'est justement d'évaluer le potentiel, les ressources et les réserves géologiques qu'on a.
01:55Donc, en Europe, il y a un potentiel intéressant, mais le temps pour ouvrir une mine est long.
01:59C'est 15 ans, donc c'est là aussi où tous les enjeux se trouvent.
02:02Oui, effectivement. C'est d'ailleurs l'un des aspects de l'équation des discussions entre Donald Trump et Evolène Merzelensky sur les métaux rares du sol ukrainien.
02:12Comment vous récupérez ces métaux stratégiques avec MECABR ?
02:16Alors, ce qui est intéressant, c'est que les matériaux vierges viennent de différents endroits du monde.
02:21Ils sont quasi exclusivement raffinés aujourd'hui en Chine ou en Corée du Sud.
02:26C'est quoi, c'est 95% du raffinage ?
02:29Oui, on est sur ces niveaux-là.
02:31Et par contre, les métaux qui sont mobilisés dans une batterie qui a été fabriquée, qui va circuler sur notre territoire, ces métaux sont toujours disponibles dans cette batterie.
02:41Il n'y a pas d'usure des métaux eux-mêmes.
02:44Et donc, nous, notre métier, c'est de prendre en charge ces batteries en fin de vie et d'aller rechercher au cœur de ces batteries les métaux qui sont toujours disponibles.
02:52Et donc, c'est des procédés d'extraction très spécifiques avec des pré-traitements en amont pour pouvoir les dissocier et les restituer dans une qualité de matériaux
03:01qui permet la réintégration dans la chaîne de valeur pour refabriquer l'alliage pour la Gigafactory qui va refabriquer la batterie derrière.
03:09Alors, on est au cœur de ce qu'on appelle la mine urbaine, Gaëtan Lefebvre.
03:13Est-ce que, moi, c'est des mots que j'ai entendus assez vite depuis que je présente cette émission, ça fait quoi, 4-5 saisons ?
03:19Mais est-ce qu'on en parle depuis longtemps de ce concept de mine urbaine ?
03:23Finalement, oui, dans le sens où le recyclage a toujours existé.
03:27C'est-à-dire, il y a certains métaux, comme on vient de le voir, se recyclent à l'infini.
03:30Donc, le cuivre, l'or sont vraiment des métaux qui ne perdent pas leur propriété et donc qui ont pu se recycler.
03:36Mais après, il y a plusieurs enjeux, bien sûr, pour les récupérer dans les produits.
03:39Donc, les systèmes de collecte, c'est l'un des premiers enjeux pour les batteries, pour les appareils électroniques.
03:44Donc, c'est vraiment là, finalement, que se concentre d'abord la collecte avant de pouvoir les traiter et l'hétérogénéité, en fait, de ces gisements aussi.
03:52Parce qu'on passe à côté de, je ne sais pas, de milliers, de dizaines, de milliers de tonnes de ces métaux qui sont évidemment stratégiques aujourd'hui ?
03:59Oui, oui, bien sûr. C'est l'un des enjeux aussi, c'est de les garder sur notre sol, de faire que, considérer nos déchets comme stratégiques
04:05et faire qu'en première étape, la réglementation puisse les faire rester en Europe pour ensuite avoir les capacités de les traiter et de les réintégrer dans l'économie.
04:14Parce que ce n'est pas le cas aujourd'hui. Même des métaux qu'on récupère dans les batteries, par exemple, je pense au cuivre, parce que c'est aussi un marché qui est assez important.
04:25Je lisais en préparant l'interview qu'il y a une grande partie du cuivre récupéré en France qui part à l'étranger.
04:29Exactement. Pourquoi ? On n'a pas les usines pour le raffiner ou pour le retraiter ?
04:34À ce stade, c'est la principale explication et des incitations économiques aussi de la part des pays asiatiques qui sont très fortes.
04:40D'accord. Et donc qui achètent ce que c'est très cher ?
04:42Très cher, c'est très cher.
04:43Exactement.
04:44Donc là, il y a un enjeu européen pour garder ces métaux sur notre sol.
04:50En même temps, si on parle du climat général, Arnaud Villers-Daboué, il y a quand même des projets d'usines de recyclage de batteries qui ont été récemment abandonnées.
05:00C'était en fin d'année dernière. Je crois qu'il y a eu Eramet, Stellantis.
05:03Donc ça envoie un mauvais message quand même, un mauvais signal.
05:07On est en train, on est dans un pas de temps qui est très particulier parce qu'on est en train de construire une vraie industrie nouvelle en Europe
05:14pour se réapproprier cette fabrication de voitures électriques, donc de batteries, et avec tout l'écosystème du recyclage.
05:23Le recyclage de ces produits-là, les acteurs historiques miniers sont des acteurs qui ont utilisé des solutions conventionnelles
05:31qui peuvent être tout à fait adaptées dans certains endroits du monde.
05:35Mais sur le territoire européen, les caractéristiques environnementales de production génèrent des coûts
05:43qui ne sont pas supportables pour les équilibres de ces sociétés-là.
05:45D'accord.
05:46C'est le premier point.
05:47Deuxième point, on est aussi dans un pas de temps où l'industrie de la batterie est soumise aux décisions des constructeurs automobiles
05:54pour sélectionner les différents constituants métalliques pertinents à l'intérieur de leur batterie
06:00en fonction des stratégies industrielles qu'ils déploient.
06:03Donc en plus, on est dans un pas de temps où il y a un aléa, ce qui limite de devoir faire des investissements.
06:08Les investissements globaux, c'est de l'ordre de 500 millions d'euros à quasiment un milliard, je crois, et nord-américains.
06:13Je reviens sur l'impact parce que vous, la technologie sur laquelle vous avez travaillé, que vous avez breveté,
06:19elle limite l'impact du recyclage, c'est ça, si je comprends bien ?
06:23La particularité dans notre procédé, c'est véritablement qu'on va travailler sans acide
06:29pour les opérations de mise en solution des métaux.
06:32Et on va travailler effectivement en solution, comme dans l'hydrométallurgie conventionnelle.
06:36Mais qu'on va réaliser directement des précipitations de métaux par transformation moléculaire.
06:44Et on va réussir à régénérer les produits qu'on a utilisés à l'intérieur du procédé.
06:49Parce qu'on utilise très peu de produits, en réalité.
06:52Et ça permet d'avoir pas d'effluents importants en sortie d'usine.
06:56Et on n'a pas besoin de faire du retraitement d'effluents sur site.
07:00C'est la différence fondamentale entre le procédé MECAWARE et l'ensemble des autres procédés à l'échelle mondiale.
07:07Pourquoi il vous semble important ce procédé, Gaëtan Lefer ?
07:10Justement, pour les raisons qui viennent d'être citées.
07:13Et pour la capacité à s'adapter aussi aux flux.
07:17Donc les usines qui vont être créées sur le territoire français.
07:20Là, la spécificité aussi du projet MECAWARE, c'est de pouvoir être juste à côté.
07:25De vraiment s'implanter à côté de l'usine.
07:27Et donc vraiment créer cet écosystème qui est nécessaire.
07:30Vraiment, les solutions qu'on défend, ce sont les créations d'écosystèmes.
07:35De couvrir chaque maillon de la chaîne de valeur.
07:37C'est-à-dire que s'il manque une étape, les acteurs européens vont rester dépendants et rester à risque.
07:43Donc voilà, vraiment boucler chacun des maillons de ces chaînes.
07:46– Vous co-dirigez pour l'OFREMI, l'Observateur français des ressources minérales pour les filières industrielles.
07:51Une étude justement sur ces besoins de matière et de métaux pour les batteries.
07:55Vous avez construit différents scénarios, c'est ça ?
07:58– Oui, tout à fait.
07:59Donc en particulier, le scénario de référence, c'est quand même celui de la planification écologique française.
08:05Mais voilà, c'est vraiment important de tester plusieurs scénarios, scénarii.
08:11d'avoir les comportements des utilisateurs qui peuvent être importants.
08:18Et donc on a identifié 4 leviers importants sur la sobriété d'usage, sur la taille des batteries, les chimies des batteries et la longévité.
08:26Donc ces 4 leviers finalement permettent de jouer sur l'utilisation des métaux critiques à l'intérieur de ces batteries.
08:32– La sobriété d'usage, ça veut dire quoi ?
08:34– C'est finalement un parc, notamment limiter la taille des batteries, ça peut être ça.
08:40C'est-à-dire que certains usages automobiles ne nécessitent pas d'avoir des batteries de taille gigantesque.
08:46Et en permettant d'avoir un mix finalement de véhicules pour des usages quotidiens
08:51et pour des usages de grande distance, est un outil intéressant finalement
08:57pour vraiment adapter l'automobile à l'usage.
09:04– La rentabilité économique de ce recyclage des métaux dans nos batteries électriques, on en est où aujourd'hui ?
09:11– Justement pour un certain nombre d'acteurs sur le territoire européen, c'est compliqué.
09:16Nous aujourd'hui, notre solution permet d'être en compétition avec la matière vierge,
09:23donc ce qui est quand même remarquable, parce que ce n'est pas le cas de figure de la matière recyclée de manière générale.
09:28Donc on est compétitif en produisant nos métaux dans un modèle qui est le modèle qu'évoquait Gaëtan,
09:37dans lequel on vient se positionner là où il y a le gisement, c'est-à-dire en travaillant.
09:41– Vous vous collez à l'usine ou quoi ?
09:42– On se colle à une usine de fabrication de batteries, à une gigafactory, qui a des pertes de production.
09:48Notre modèle, c'est de venir nous implanter sur le site de la gigafactory
09:52pour prendre en charge ces rebuts et ne sort de l'usine que des métaux de partie recyclage.
09:58Donc ça, c'est important et c'est des usines réplicables auprès de l'ensemble des gigafactory.
10:04Et sur l'économie d'usage que vous évoquez,
10:08on travaille un deuxième projet pour les batteries en fin de vie,
10:11dans lequel, avec des partenaires très spécifiques,
10:15on organise le diagnostic pour une seconde vie des batteries,
10:18ce qui permet de ne pas tout de suite amener l'élément de la mine urbaine
10:25à la revalorisation matière, qui est notre métier,
10:28mais de remettre de l'intelligence dans le cycle du recyclage
10:31en repositionnant un produit qui a toujours une capacité d'emploi.
10:35– Qui ne va peut-être pas plus servir pour une voiture,
10:37mais qui peut servir à d'autres usages.
10:38– Exactement.
10:39– Effectivement.
10:39– Donc ça, ça va se passer à Béthune.
10:41– Ok, donc ça, c'est un projet qui est lancé.
10:44– C'est au niveau européen qu'on peut créer une filière rentable ?
10:48Gaëtan Leferre ?
10:49– Oui, je pense vraiment que l'échelle européenne est fondamentale,
10:53encore une fois, en termes de compétences,
10:56en termes de compétitivité, tout simplement.
10:58– Il y a des financements européens ?
10:59– Oui, bien sûr.
11:00Il y a notamment, ce qui a été très important en Europe,
11:03c'est ce qu'on a appelé le Critical Romaterials Act,
11:05qui est rentré en vigueur en 2023.
11:08Et en mai dernier, ont été annoncés 47 projets stratégiques,
11:11donc soutenus, c'est vraiment un label fourni par l'Europe
11:14pour identifier ces projets et les permettre qu'ils aillent plus vite
11:18en montée, en compétences.
11:21Et après, il y a plusieurs guichets de financement.
11:24– Oui, ça, c'est plutôt des projets d'extraction ?
11:26– Non, justement, toute la chaîne de valeur.
11:28– Toute la chaîne de valeur.
11:29– Et honnêtement, il y a beaucoup d'initiatives.
11:30Il y a aussi tout un écosystème autour de la batterie,
11:33autour des aimants permanents.
11:34Donc oui, l'Europe fait beaucoup de choses pour créer cette dynamique, en tout cas.
11:38– Merci beaucoup, merci à tous les deux et à bientôt sur Be Smart for Change.
11:42On passe à notre rubrique Startup et Innovation.
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