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  • 17/05/2025
Le vieillissement de la population s’accélère... En France, au 1er janvier 2025, les gens âgés de plus de 65 ans représentaient près de 22% de la population… Si le fait de vivre plus longtemps est une bonne nouvelle, quand est-il lorsque l’on vieillit seul, isolé de la société ? Comment accompagner le vieillissement de la population ? Recréer du lien entre les générations ? Faire vivre des expériences communes entre les plus jeunes et les plus anciens… Ce système est-il généralisable ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :

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Transcription
00:00Barlin, au-delà des âges, un documentaire de Philippe Moreau. Voilà un film qui redonne le sourire à ceux et celles qui pensent que les EHPAD ne sont que solitude et perte de repères.
00:11Enfants et personnes âgées sont-ils faits pour s'entendre ? Installer des écoles dans des EHPAD, est-ce une piste d'avenir pour accompagner les seniors ?
00:19On va se poser toutes ces questions avec nos invités que je vous présente tout de suite. Monique Lubin, bienvenue, vous êtes sénatrice socialiste des Landes,
00:25membre de la Commission des Affaires Sociales, membre du Conseil d'Orientation des Retraites et ancienne membre du Comité de Surveillance du Fonds de Solidarité-Vieillesse,
00:33très investie sur les questions d'autonomie, de grand âge et de l'accompagnement des politiques publiques en la matière. Le département des Landes fait d'ailleurs pas mal de choses et on en parlera.
00:42Noëlle Chatelet, bienvenue à vous également, sociologue, essayiste et romancière, autrice de très nombreux ouvrages. Je citerai La Dernière Leçon et bien sûr La Femme qu'au Clicquot,
00:52livre majeur qui a balayé pas mal de clichés sur le grand âge, en racontant une histoire d'amour et la métamorphose, la passion et l'émerveillement d'une femme de 70 ans qu'on rongeait déjà
01:03et un peu trop rapidement dans la catégorie troisième âge. Je précise enfin que vous êtes présidente du Comité d'honneur de l'ADMD, Association pour le droit de mourir dans la dignité.
01:14Jean-Luc Noël, bienvenue. Vous êtes psychologue et gérontologue, spécialisé dans l'accompagnement des personnes âgées, le soutien des aidants familiaux et l'accompagnement des professionnels,
01:22référent éthique et bientraitance au sein d'une association d'EHPAD et vous êtes l'un des intervenants fil rouge de la belle série documentaire Une vie d'écart, réalisée par Alex Darmon et Mathieu Marès Savelli
01:35qui montre une initiative assez proche d'ailleurs de celle du film que l'on vient de voir ensemble puisque pendant six semaines, une dizaine d'enfants de maternelle ont rendu visite quotidiennement à dix nonas génères dans leur maison de retraite pour partager avec eux différentes activités.
01:50Véronique Boudon-Millot, bienvenue. Vous êtes philologue et historienne, spécialiste de la médecine antique, directrice de recherche au CNRS, autrice notamment de Vieux, un grec ne peut pas l'être, aux éditions Les Belles Lettres,
02:04un essai sur la façon dont la société antique pensait le vieillissement et toujours en rapport avec notre sujet, vous avez également publié cet article De l'absence de vieillesse à la belle vieillesse, promesses des philosophes et des médecins.
02:17Merci à tous les quatre d'être ici. Voilà un documentaire plein de belles émotions et une initiative qui donne une piste inattendue mais peut-être sérieuse pour mieux accompagner le grand âge.
02:27Je précise que depuis le tournage du film, l'expérience se prolonge. Donc peut-être d'abord un premier tour de table sur ce que vous a inspiré cette expérience qu'on découvre dans ce documentaire. Noëlle Chatelet ?
02:38Un magnifique exemple de ce qui devrait être une généralisation.
02:44C'est vrai, on sait que ça devrait être généralisé.
02:46C'est un exemple d'humanité, de solidarité et une réponse à la fois très très concrète mais plus que ça parce que j'insisterais sur la dimension presque philosophique de ces rencontres entre aînés et plus jeunes.
03:01Une occasion de répondre à cet isolement terrible des personnes âgées et à l'apprentissage nécessaire que les jeunes ont à vivre avec de telles personnes.
03:19Donc vraiment je me suis dit que n'a-t-on pas fait autant d'expériences que celle-là qui est vraiment exemplaire.
03:31Monique Lubin, c'est une piste d'avenir pour vous ?
03:34En tout cas c'est un sujet très intéressant. Moi ce qui m'intéressait c'est l'ouverture de l'EHPAD.
03:39Parce que pour moi un EHPAD c'est encore trop souvent un lieu où on ferme des portes. J'ai l'impression qu'on ferme des portes.
03:48Quand une personne entre un EHPAD c'est une fin de vie qui est annoncée, qui est caractérisée et dans des conditions souvent de solitude extrême malgré tous les efforts que peuvent faire les animateurs dans ces EHPAD.
04:03Là j'ai l'impression qu'au contraire on ré-ouvrait des portes, c'est-à-dire qu'on fait rentrer des gens de générations totalement différentes et qui ramènent un peu de vie, un peu de sourire sur le visage de ces personnes âgées.
04:16Après je me suis posé aussi beaucoup de questions parce que d'ailleurs c'est très intéressant la dame qu'on voit là en photo, elle le dit dès le départ, elle dit mais moi au début ça ne m'intéressait pas.
04:25Elle était réfractaire.
04:27Et pour tout un tas de raisons et elle dit ben je me trompais. Et justement moi je me suis posé la question, je me suis dit mais est-ce que toi à 90 ans t'aurais envie qu'on t'amène des petits de 3-4 ans ?
04:40Mais finalement la réflexion qu'elle fait prouve aussi que oui c'est intéressant.
04:45Je sais que ça fait partie des surprises Véronique Boudamio, cette réticence au départ des personnes âgées qui l'admettent bien volontiers, qu'elles n'avaient pas forcément envie d'être dérangées par des enfants qui allaient faire du bruit, les déranger pendant leur sieste.
04:57Ce que fait éclater effectivement ce documentaire qui s'appelle, qui s'intitule très bien Au-delà des âges, c'est de faire éclater cette notion d'âge et de finalement dire qu'on peut bien vieillir en même temps que bien grandir.
05:11Et cette notion-là, elle était très présente dans l'antiquité où on n'enfermait pas chacun dans une classe, on n'avait pas d'âge bien révolu, on n'avait pas à 60 ans la carte vermelle, à 64 ans la retraite, etc.
05:24On avait une progression et une sorte de fluidité finalement entre les âges qui faisait que la personne âgée n'était pas regardée comme une personne âgée, c'était une personne de la maison qui avait vieilli au sein de la maison.
05:36Mais qu'est-ce qui s'est passé alors ?
05:38On a perdu cette dimension de la cellule familiale qui a éclaté, mais il y a aussi une autre donnée qu'il ne faut absolument pas évacuer, c'est que dans les sociétés antiques, la part des personnes dites âgées était infiniment moins grande que celle de nos sociétés.
05:55Donc on pouvait les accueillir, les entourer, les soigner, parce qu'il y a cette notion de soins qui est fondamentale aussi dans ce que l'antiquité a mis en place qui n'est pas une gériatrie mais qui est une gérocomie.
06:09Donc un soin dévolu à la personne âgée parce qu'elle a toujours vécu dans la maisonnée et qu'elle continue à appartenir à cette maisonnée depuis son enfance jusqu'à sa vieillesse.
06:20C'est intéressant, donc un autre regard sur la personne âgée.
06:22Avec la dimension de la sagesse qui va avec les personnes âgées.
06:26Alors pas toujours.
06:28Platon est très partagé là-dessus.
06:30Débat de philosophe.
06:32Jean-Luc Ouellet, vous avez participé à une initiative un peu semblable, c'est vrai, dans Une vie d'écart, ce documentaire aussi très beau sur le sujet.
06:37Là c'est carrément deux classes de maternelle installées, c'est plus une expérimentation comme ça ponctuelle, c'est vraiment installé et ça dure toujours.
06:44Qu'en avez-vous pensé ?
06:45Moi ce qui me plaît énormément c'est le sérieux, le sérieux de la construction.
06:48En effet c'est installé, c'est pas anecdotique, c'est pas la visite de petits-enfants à des petits-vieux et on voit ce qui se passe et tout le monde est content.
06:54Là au contraire on est dans une vraie construction, dans la vraie vie, dans des vrais échanges.
06:58Et justement qui dépasse même la notion d'intergénérationnel, c'est des échanges de plusieurs générations.
07:03Il y a des enfants avec des vieux mais il y a aussi des adultes.
07:07Il y a aussi les instituteurs.
07:09Et ça pour moi ça fait entièrement partie de ces rencontres-là.
07:12Et moi ce qui m'a fasciné c'est la construction du lien.
07:15Ce qui est intéressant c'est qu'en effet dans l'anecdotique on est dans une véritable construction du lien qui n'est pas évidente dès le départ.
07:21Certains disent mais moi les gosses ils vont me fatiguer.
07:24Mais au bout d'un moment il y a quelque chose qui se crée, qui se crée en plus d'une manière privilégiée entre certains.
07:29Il y a quelque chose qui avance et ça c'est la vie.
07:31Vous parliez d'ouverture de l'EHPAD, c'est autant la poursuite de la vie dans une vie adaptée aux compétences de chacun, aux aspirations de chacun.
07:41Mais dans cette poursuite de la relation.
07:44Pour moi c'est ça qui me plaît, c'est la création du lien et c'est la création de cette poursuite-là.
07:48A propos de la création du lien, je pense qu'en effet les aînés et les très jeunes enfants sont dans un monde assez proche.
07:58D'ailleurs c'est dit à un moment donné dans le...
08:01Oui, oui.
08:02Dans deux mondes, dans deux univers qui sont faits pour se parler.
08:07Parce qu'à un moment donné l'animateur dit au fond les enfants et les aînés ont les mêmes besoins.
08:13Oui, besoin de se retrouver, besoin d'échapper à la solitude.
08:18D'accompagnement dans l'autonomie.
08:20D'accompagnement à cause de la fragilité, etc.
08:22Mais je pense qu'il y a une dimension plus grande encore qui est une dimension presque métaphysique.
08:27C'est-à-dire que les aînés retrouvent grâce aux petits-enfants quelque chose de leur vie qu'ils ont oublié
08:41et qui fait partie justement d'un soie profond qui est un peu dénié même
08:48et que les petits apprennent aussi de ces aînés quelque chose pour lequel ils sont déjà ouverts.
08:56C'est-à-dire qu'ils se posent justement la question de la vieillesse.
08:59Ils se posent justement la question de la mort.
09:01À un moment donné, la dame dont on parlait dit à ce petit garçon adorable...
09:09Non, c'est le petit garçon qui lui dit on va se marier alors un jour.
09:14Il lui dit non, on ne peut pas se marier.
09:17Et il ne répond pas parce que vous êtes trop vieille.
09:20Il dit parce que vous serez au ciel.
09:23Et je pense que cet âge-là de cet enfant était vraiment presque un âge philosophique
09:29où ils ont à apprendre de la vie qui va venir
09:34mais je pense qu'en même temps ils l'apprennent de personnes qui sont en communion, je dirais, philosophique avec eux.
09:44On va y revenir à ce que ça apporte à ces enfants.
09:48Je voudrais d'abord, Monique Lubin, savoir si vous pensez que ce serait généralisable de telles initiatives.
09:52Est-ce que politiquement c'est faisable ? Est-ce qu'on peut l'imposer ?
09:56Non, l'imposer certainement pas.
09:58Je ne crois pas que ce genre de choses puisse être généralisable
10:03et surtout que ça puisse être imposé parce que je pense qu'il faut une volonté.
10:09Vous avez parlé de la qualité de la construction du projet.
10:12Il faut vraiment une volonté partagée.
10:15Si on l'impose, d'abord je pense qu'au début on entend parler de la réticence des parents.
10:21Je crois que c'est le maire qui en parle.
10:23Je pense que si on l'impose déjà, il y aura de toute façon une forme de réticence
10:28à la fois de parents qui ne voudront pas que leurs très jeunes enfants soient confrontés à ces réalités de l'EHPAD
10:35même si bien sûr qu'on ne les confronte pas au pire des réalités de l'EHPAD
10:39mais quand même se trouver face à une personne très âgée en situation de dépendance
10:45qui marche avec un déambulateur, ça interroge pour un enfant
10:49et quelque part ça peut le ramener à plein de choses et ça peut le choquer, ça peut lui faire peur.
10:53De même pour une personne très âgée, l'obligation de se retrouver avec un très jeune enfant,
10:59pourquoi imposerait-on cela ? Je ne pense pas que tout le monde, même dans cet EHPAD, soit particulièrement motivé.
11:06Puis ça demande de l'effort du côté du corps enseignant et du côté des soignants, c'est du travail supplémentaire, ils le disent.
11:11Je pense que ça peut être soumis comme idée et que d'autres peuvent s'en emparer.
11:17L'importer obligatoirement, l'imposer, non je n'y crois pas.
11:20Les injonctions ne marchent jamais.
11:22Là on voit bien, c'est sur un territoire donné, dans une histoire donnée.
11:25Le maire parle, il parle de sa grand-mère, chacun fait appel.
11:28Et le maire donne l'exemple en mettant sa fille.
11:31Tout à fait, il y a une histoire, il y a quelque chose de ce territoire-là qui prend sens
11:35et qui fait que ce n'est pas quelque chose qui tombe comme ça.
11:38Donc je crois que l'injonction de généraliser, non.
11:41Par contre l'ouverture à donner sur l'ouverture de l'EHPAD,
11:44ça peut être une école, mais ça peut être aussi une entreprise.
11:46On voit de plus en plus de co-working dans l'EPAD,
11:48où il y a des entreprises, des start-up qui s'installent.
11:51Ça peut être des initiatives qui peuvent être un peu différentes finalement.
11:53D'avoir des lieux qui soient partagés et qui permettent le bien de tout le monde,
11:57le bien de ceux qui partagent.
11:59Et puis donner l'opportunité aux vieux de participer.
12:02Très important, c'est d'un fois la liberté de chacun,
12:06de choisir sa place et ses interactions.
12:09Et vous l'aviez dit tout à l'heure, des affinités qui doivent se créer,
12:14entre une personne et une autre.
12:16Et l'âge n'est pas, et bien sûr est une donnée fondamentale,
12:20mais il y a aussi cette affinité.
12:22Et les couples finalement se forment à l'intérieur.
12:26C'est ça qui est très beau à regarder.
12:28Très naturellement en plus.
12:30Très naturellement, quand on a un ami d'un certain âge.
12:33Et comme au sein des familles, on peut avoir des relations
12:36plus ou moins proches avec tel ou tel membre de la famille.
12:38Donc je pense que liberté, affinité, effectivement, c'est les deux maîtres mots.
12:42Et alors si je me faisais l'avocat du diable, je dirais
12:45attention à la fausse bonne idée, l'école à l'EHPAD,
12:49les bienfaits sont-ils pour tout le monde ?
12:51Assez peu de parents qui prennent la parole dans ce documentaire,
12:54vous l'aurez remarqué et vous l'avez un petit peu évoqué,
12:56que faut-il en déduire ?
12:57Eh bien, il y a une maman qui parle de ses réticences.
13:00Au début, elle a changé d'avis, mais c'est utile d'entendre
13:03ce qu'elle nous explique, écoutez.
13:06Au début, j'étais un peu réticente.
13:08Le fait que ça soit dans une EHPAD, j'avais un peu peur
13:11qu'il s'attache à des papis, des mamies, et puis qu'un jour,
13:15il y a un décès et qu'il soit attaché, qu'ils le prennent mal, en fait.
13:19Et puis après, après réflexion, j'ai dit oui.
13:22Et en fait, c'est avec aucun regret que je l'ai fait.
13:25C'était une crainte en tant que maman.
13:27C'est vrai qu'à cet âge-là, ils ont aucune notion,
13:30enfin, ils ont une notion de la mort, mais ils rendront le positif, en fait.
13:36Eh oui, on peut la comprendre, cette maman, Véronique Boudon-Millau.
13:38Ça renvoie plus généralement à la place de la mort dans nos sociétés,
13:42qui est une place qui est généralement occultée.
13:45Et de ce point de vue, je pense que c'est peut-être plus facile
13:48à un enfant de l'aborder, beaucoup plus facile
13:51que ce que peut penser un adulte.
13:53Bien sûr, la disparition, c'est difficile,
13:56mais la mort, ça fait partie de la vie.
13:58Et on ne le dit peut-être pas assez dans nos sociétés.
14:01Et ce genre d'expérience rappelle aussi cela.
14:04Vous voulez dire que finalement, ça pourrait même être utile
14:06pour ses enfants ?
14:07Oui, plutôt que de le redouter.
14:09Et pour les parents.
14:11Je pense même que les aînés et les grand-mères, en général,
14:16parce que j'ai écrit un livre sur la grand-maternité,
14:19sont les mieux placés pour préparer les enfants
14:23à ce destin qui nous attend,
14:26parce qu'ils peuvent le faire aussi d'une manière très particulière
14:31qui est dans une forme de ludisme.
14:33Et ce ludisme, on le voit tout au long du documentaire,
14:37on voit effectivement les vieilles personnes jouer avec les enfants,
14:41mais c'est un jeu qui va beaucoup plus loin
14:43que le jeu de placement des objets, etc.
14:47C'est un jeu sérieux.
14:48C'est un jeu sérieux à travers lequel je suis sûre
14:51que d'autres choses s'expriment qui sont de l'ordre,
14:54justement, de la préparation à la vie d'un être
14:59qui sait très bien, d'ailleurs, très vite,
15:02beaucoup plus que les adultes le pensent,
15:04que la mort est possible.
15:07Ça, pour moi, c'est fondamental,
15:08parce qu'on a toujours peur de parler de la mort.
15:11Moi, qui navigue dans les EHPAD depuis très longtemps,
15:13la mort est le sujet le plus simple à aborder
15:16avec la majorité des résidents,
15:17parce qu'elle vient tout naturellement,
15:19comme la fin d'un parcours, avec des gens qui peuvent l'attendre,
15:22des gens qui peuvent la souhaiter, d'autres qui la voient sans drame.
15:26Jamais dans l'appréhension et la douleur, quand même ?
15:28Bien sûr, certains vont vivre dans l'appréhension et la douleur,
15:30mais ça n'empêche pas de pouvoir la penser,
15:32de pouvoir la parler, la parler simplement.
15:34Et souvent, la difficulté, c'est qu'il n'y a pas d'écho.
15:36On voit bien les professionnels vous dire
15:38« Oh non, il ne faut pas parler de ci, il ne faut pas parler de ça. »
15:40C'est un tabou, et chez les professionnels,
15:41et chez les enfants de ces personnes en EHPAD.
15:43Les enfants, par contre, ils le découvrent,
15:45donc finalement, il n'y a pas de tabou chez l'enfant.
15:47Je pensais aux enfants des personnes en EHPAD.
15:49Elles ne veulent pas entendre dire que leur père ou leur mère va disparaître.
15:52Là, c'est des grosses difficultés dans les EHPAD,
15:54où les gens viennent passer leur dernier moment de la vie,
15:56donc espérons-le qu'ils soient le plus heureux,
15:58le plus joyeux possible.
16:00Et pourtant, avec un déni comme ça,
16:02qui est quand même assez massif des plus jeunes,
16:04de se dire que la mort va arriver.
16:06Et quand vous faites la...
16:08En parlant avec les résidents d'EHPAD,
16:10cette chose est naturelle, on le voit.
16:12Il y a une femme qui dit « Je ne sais pas si je serai là demain. »
16:14Elle ne blague pas quand elle dit ça.
16:16Elle dit « Je la vois, la mort, elle est là,
16:18je ne sais pas si je serai là demain. »
16:20Et comment on arrive à l'entendre ?
16:22Je continue de me faire l'avocat du diable,
16:24comme un instrument de guérison
16:26du moral des personnes âgées.
16:28On peut aussi se dire ça quand on voit une telle initiative.
16:30Non, parce que je pense qu'au centre de ça,
16:32il y a la transmission, effectivement.
16:34Et que c'est gagnant-gagnant, comme on dit aujourd'hui.
16:36Parce que finalement,
16:38il y a une très belle image, je crois que c'est dans le bureau du maire,
16:40qu'est-ce qu'on veut donner à nos enfants ?
16:42Des racines et des ailes.
16:44Et là, on leur donne aussi des racines,
16:46on leur donne une histoire.
16:48C'est un récit qui est familial
16:50quand la cellule familiale existe,
16:52alors étendue à un autre milieu,
16:54dans un autre cadre,
16:56de façon à ce que l'enfant
16:58entende ce qui s'est passé avant lui.
17:00Et l'enfant est tellement curieux de savoir
17:02ce qui s'est passé avant lui,
17:04quand on lui demande de raconter comment c'était à l'école,
17:06comment c'était dans la ferme,
17:08comment tu vivais avant.
17:10Donc la transmission, elle est fondamentale.
17:12L'enfant y gagne beaucoup.
17:14Surtout l'enfant qui est coupé de ses grands-parents
17:16géographiquement,
17:18parce que là encore,
17:20l'enfant n'est plus comme à Athènes ou à Rome,
17:22dans un espace très restreint,
17:24mais que le monde est grand.
17:26Monique Lubin ?
17:28Moi, je pense que ce qui est intéressant aussi,
17:30justement, c'est que ça permet
17:32de ne plus voir l'EHPAD
17:34juste comme l'endroit où on va mourir.
17:36Ce qu'on appelle le moroir, quoi.
17:38Alors, c'est plus les moroirs
17:40que l'on a connus il y a 50 ans,
17:42mais ça reste quand même
17:44le lieu où, de toute façon,
17:46on va mourir.
17:48Et ça permet cette
17:50arrivée des enfants,
17:52ça peut être, vous l'avez dit,
17:54là, c'est des enfants, mais ça peut être autre chose.
17:56Ça peut être, pourquoi pas, des restaurants
17:58partagés avec les salariés
18:00des entreprises du coin.
18:02Ou des actifs en coworking, comme vous disiez.
18:04Voilà, des actifs en coworking.
18:06Ça permet de dire que l'EHPAD,
18:08c'est un lieu où on vit, on continue à vivre.
18:10Ce qui garantit pour moi le manque d'instrumentalisation,
18:12c'est justement que c'est
18:14validé par l'éducation nationale.
18:16Ça rentre aussi dans un programme pédagogique.
18:18Enfin, j'ai dit, ils ont le même enseignement
18:20qu'ils doivent avoir, et c'est pas
18:22la visite des enfants qui, là,
18:24une vraie instrumentalisation. Quand vous avez des enfants
18:26qui viennent chanter, des chansons vieuses,
18:28donc ça peut être sympathique, mais des fois,
18:30on se demande quel sens ça a pour tout le monde,
18:32dans cette rencontre qui est totalement factice.
18:34Très ponctuelle, comme ça.
18:36Et je trouve que là, le fait que l'éducation nationale
18:38ait validé aussi
18:40cette manière de voir
18:42l'enseignement, de voir l'éducation,
18:44c'est ça qui permet de se dire, chacun s'y retrouve.
18:46Est-ce qu'on sait si les enfants qui ont grandi
18:48aux côtés de leurs grands-parents
18:50ont un regard différent sur le grand âge, sur la vieillesse,
18:52si ça apporte justement quelque chose ?
18:54Apparemment, oui. Alors, je pense que
18:56dans les sociétés antiques, c'était une donnée.
18:58Donc on ne peut pas la valider.
19:00Même il y a deux siècles.
19:02Absolument. Mais oui, tout à fait.
19:04C'est pensé aux familles d'antan.
19:06Même dans le documentaire, on voit que plusieurs
19:08personnes qui encadrent ces résidents
19:10ont une histoire personnelle qui
19:12fait qu'ils ont été proches de leurs grands-parents.
19:14C'est le cas de Johan qui le rappelle,
19:16et puis aussi d'une autre personne.
19:18Et je crois aussi, ce qui est important
19:20pour savoir qui
19:22gagne le plus, finalement,
19:24à cet échange, c'est l'utilité.
19:26C'est l'utilité qui est reconnue par l'éducation nationale,
19:28mais qui se vérifie aussi.
19:30Utilité des personnes âgées
19:32qui savent pourquoi elles se lèvent.
19:34Elles vont avoir une utilité dans leur journée.
19:36Et ça, c'est fondamental.
19:38Parce qu'elles vont rencontrer un enfant
19:40qui les attend pour faire un jeu ou une activité.
19:42Et qui a hâte de les revoir.
19:44On voit des embrassades.
19:46Et d'avoir attendu ce savoir utile.
19:48C'est la meilleure façon de vieillir
19:50à peu près agréablement.
19:52Oui, tout à fait.
19:54Avoir des objectifs.
19:56Savoir qu'on est utile, qu'on vit encore pour quelque chose.
19:58Parce que sinon, c'est terrible.
20:00Vous vous levez le matin,
20:02et votre seul objectif, c'est...
20:04D'avoir des sources de motivation.
20:06Ce qui rapproche, pour moi, les enfants
20:08et les personnes très âgées,
20:10c'est la vulnérabilité, la dépendance à l'autre.
20:12On le voit bien, dans nos EHPAD,
20:14quand les gens ont des troubles cognitifs,
20:16ils deviennent de plus en plus dépendants des autres.
20:18Pour les gestes de la vie quotidienne,
20:20mais aussi pour la motivation.
20:22Ces gens qui peuvent rester sans bouger,
20:24ils ont besoin qu'on vienne amener
20:26des sources d'investissement,
20:28des sources d'engagement.
20:30C'est pour ça que ça marche bien.
20:32Les enfants sont immédiats.
20:34Les vieux aussi sont immédiats.
20:36Même à vivre le moment présent pour ce qu'il a de valeur,
20:38sans penser à ce qui va arriver après.
20:40La dame le dit bien.
20:42Je ne sais pas si je serai là.
20:44Peut-être que je vais profiter de ce moment.
20:46La chance de ta mot est aussi bien
20:48chez les personnes âgées que chez les enfants.
20:50Je vois que vous avez affiché
20:52mon premier jour d'école
20:54avec cette dame.
20:56Eh bien,
20:58il y a une dimension importante aussi
21:00de la vieillesse qu'il ne faut pas oublier,
21:02c'est que les vieilles personnes
21:04viennent sans arrêt
21:06sur leur enfance.
21:08Les souvenirs d'enfance.
21:10Les souvenirs d'enfance sont parfois
21:12beaucoup plus présents que les souvenirs
21:14de la veille ou de l'avant-veille.
21:16Grâce à ça,
21:18je trouve que
21:20la question de l'animateur au début
21:22est formidable. Vous vous souvenez
21:24de vos premiers jours d'école ?
21:26Enfin, on a tout à coup l'occasion
21:28de se rappeler de son premier jour d'école.
21:30Ce retour au souvenir
21:32est extrêmement important,
21:34je crois,
21:36pour les personnes âgées.
21:38Parce qu'on a tendance
21:40à penser qu'ils répètent toujours
21:42les mêmes choses, autrefois, etc.
21:44Mais s'ils répètent toujours les mêmes choses,
21:46c'est que ces mêmes choses sont essentielles.
21:48Elles font partie
21:50de leur constitution.
21:52C'est vraiment épatant de voir
21:54comment certaines personnes âgées
21:56parlent de leurs parents comme si c'était hier,
21:58c'est ce qui vient aussi consolider
22:00une identité, et encore plus
22:02quand l'environnement peut nous mettre à mal,
22:04de cette assise narcissique nécessaire
22:06et cet appel au souvenir de l'enfance
22:08qui s'impose.
22:10Il y a quelque chose qui les remet
22:12dans le monde actuel en repensant à l'ancien.
22:14La dimension de la mémoire
22:16est essentielle.
22:18Je retire la fausse bonne idée.
22:20Cette initiative
22:22montre qu'il y a un vrai sujet
22:24autour de l'accompagnement du grand âge
22:26dans notre pays, qu'il faut lancer des choses,
22:28avoir des idées, justement.
22:30L'intervenant de la fin
22:32de ce film le dit très bien.
22:34On ne le voit qu'une fois, je crois.
22:36Il lance même une petite alerte.
22:38On anticipe, à mon sens, assez mal
22:40le choc démographique qui va arriver.
22:42C'est qu'on va avoir un vieillissement
22:44qui va être drastique à compter de l'année 2030.
22:462030-2050, ça va être
22:48les années charnières.
22:50On doit s'adapter à cela dès maintenant.
22:52Et on voit qu'on a un mal de chien
22:54dans les décisions qui pourraient
22:56faire en sorte que notre société générale
22:58s'adapte au vieillissement.
23:00En particulier, quand vous allez avoir
23:02toute cette génération de baby-boomers
23:04qui vont devenir des papy-boomers,
23:06qui vont tomber dans des situations
23:08plus ou moins larges de dépendance,
23:10comment va-t-on pouvoir les accompagner ?
23:12Là, il faut réinventer un système
23:14parce que nos établissements sont
23:16en bout de course au niveau du système actuel.
23:18Après, je suis très initiative locale.
23:20Alors là, on se projette.
23:22Là, il nous décrit un avenir
23:24presque un peu inquiétant.
23:26Plein de choses à retenir.
23:28On anticipe mal le choc démographique,
23:30nous dit-il. On a un mal de chien
23:32à prendre des décisions, dit-il.
23:34Il faut réinventer un système.
23:36Ça va loin.
23:38Oui.
23:40Déjà, on connaît
23:42le choc démographique. On le voit venir.
23:44On le connaît.
23:46Tout ça est parfaitement documenté.
23:48Il n'y a pas de problème.
23:50Mais...
23:52C'est...
23:54C'est l'arlésienne.
23:56C'est-à-dire qu'on en parle,
23:58mais on ne prend aucune mesure.
24:00Il faut parler budget, là.
24:02On sait
24:04que les sommes
24:06dont on va avoir besoin pour accompagner
24:08le grand âge à partir de 2030
24:10sont très conséquentes.
24:12En fait, on s'arrête au constat.
24:14Oui, bien sûr.
24:16Je ne peux pas vous dire autre chose.
24:18En tant que parlementaire, je le regrette
24:20au plus haut point.
24:22Mais oui. En plus, maintenant,
24:24on est dans une période... Vous connaissez le déficit.
24:26Bien sûr.
24:28C'est quelque chose qui est totalement
24:30occulté. Il y a ce problème
24:32budgétaire, financier.
24:34Il y a aussi le fait que
24:36comme on aura
24:38un grand nombre de personnes âgées,
24:40probablement un nombre auquel notre société
24:42n'a jamais eu...
24:44Voilà, n'a jamais eu à faire face.
24:46Il faut inventer de nouvelles façons
24:48d'accompagner le grand âge.
24:50On ne peut pas se contenter de créer des places
24:52en EHPAD. D'ailleurs, on n'en crée plus depuis
24:54un petit moment, mais encore, ça, c'est autre chose.
24:56On ne peut pas se contenter de créer
24:58des places en EHPAD.
25:00On a une très mauvaise réputation.
25:02Il y a le scandale des EHPAD, évidemment.
25:04Il faut aussi le signaler.
25:06On n'a pas que des EHPAD privés. Dans les Landes,
25:08on a que des EHPAD publics.
25:10Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas...
25:12On s'y passe très bien.
25:14On est aussi confrontés au manque de personnel.
25:16On ne peut pas accepter que ce soit
25:18les familles, comme l'exemple antique
25:20serait manque là à le montrer,
25:22qui soit la solution, parce que même
25:24dans l'Antiquité, ce n'était pas un mouvement
25:26naturel, finalement, que la famille
25:28toujours s'occupe de la personne âgée.
25:30Il y avait des lois,
25:32que rappelle Platon,
25:34pour punir très sévèrement
25:36celui qui ne prenait pas
25:38soin de ses ascendants.
25:40Ça voulait dire que ça existait aussi.
25:42Donc, on est là dans un choix
25:44de société très difficile,
25:46parce qu'on ne peut pas, d'un seul coup,
25:48donner cette injonction aux familles,
25:50parce qu'encore une fois, ça n'est pas dans un ordre
25:52naturel.
25:53Puis elle n'est pas formée pour le faire.
25:55On parle de personnes ayant plus de 90 ans,
25:57parfois, qui demandent des soins, un accompagnement,
25:59que des non-professionnels ne peuvent pas faire.
26:01Donc, on est quand même, là, effectivement,
26:03dans la nécessité d'inventer des solutions nouvelles,
26:05qui soient autres que la famille et autres que les établissements.
26:07Pour moi, cette expérience montre
26:09qu'ils ne sont pas uniquement
26:11concentrés sur le corps.
26:13Parce que, quand on parle de dépendance,
26:15on parle de soins, de soins corporels, de soins médicaux,
26:17et ça prend un budget phénoménal qui est donné.
26:19Là, ce qu'il nous montre, c'est aussi qu'il faut du budget
26:21pour amener de la vie sociale,
26:23pour amener de la vie relationnelle,
26:25pour amener de la motivation à vivre.
26:27Et ces budgets, on ne les a pas en Ehpad.
26:29Vous avez vraiment du budget, à la limite,
26:31pour bien soigner les gens.
26:33Par contre, en termes d'animateurs, là, ils ont de la chance,
26:35mais ça va nous manquer.
26:37La société ne peut pas offrir aussi ça à l'Ehpad.
26:39Quand on parlait de co-working
26:41ou d'héberger une association,
26:43c'est aussi des choses qui sont hors budget.
26:45Je trouve que c'est important,
26:47parce que, sur l'Ehpad,
26:49évidemment, le scandale de l'Ehpad,
26:51ça existe, la maltraitance en Ehpad,
26:53mais elle existe encore plus à domicile.
26:55Je crois qu'il faut aussi le voir.
26:57Il y a plein de vieux qui sont à domicile.
26:59Justement parce que la société n'est pas préparée,
27:01parce qu'elle n'a pas les budgets,
27:03parce qu'elle n'a pas les formations.
27:05C'est la grande vieillesse,
27:07autrement que par la dépendance physique
27:09et la perte d'autonomie physique.
27:11Elle n'est pas habituée à penser, d'ailleurs,
27:13tout ce que pourrait apporter la grande vieillesse aux personnes.
27:15Vous disiez tout à l'heure,
27:17renouveau de l'enfance, de penser à l'enfance.
27:19Moi, je connais plein de vieux,
27:21et en particulier dans l'association Heldup,
27:23qui vous parleraient de l'émerveillement,
27:25de l'enchantement, des rencontres tardives,
27:27et de découvrir des choses, un autre rapport au temps,
27:29un autre rapport à soi-même,
27:31un autre rapport aux éléments,
27:33quand vous avez une vie active,
27:35là, on est tous en train de courir,
27:37quand on commence à se poser,
27:39alors on peut soit se déprimer,
27:41c'est la vision de la société,
27:43soit se retrouver soi-même avec d'autres manières d'être.
27:45Et je trouve qu'on a tout à gagner aussi,
27:47à valoriser une manière de vivre la vieillesse,
27:49même dépendant psychiquement,
27:51qui n'enlève pas cette autonomie morale,
27:53qui n'enlève pas cette capacité
27:55de décider pour soi-même.
27:57Un autre regard sur le grand âge,
27:59c'est ce qu'on fait dans un séminaire
28:01qu'on a lancé,
28:03qui s'appelle La vie vieille,
28:05où il y a 25 personnes
28:07d'origines différentes,
28:09de métiers différents, etc.,
28:11et chaque année, on prend un thème,
28:13et on a pris le thème de l'argent, d'ailleurs,
28:15ça a donné lieu à une publication,
28:17et puis le thème du corps,
28:19et la prochaine fois...
28:21L'argent et les vieux, c'est celui-là, je le montre.
28:23Justement, qui paiera la facture ?
28:25Eh oui, on en revient à cette question.
28:27Ça revient à la question que vous posiez.
28:29Tout à l'heure, on se rend compte aussi
28:31qu'il y a un élément
28:33qui est invariable,
28:35qui est la peur.
28:37Pourquoi on ne pense pas assez à la vieillesse ?
28:39Parce que les vieux nous font peur.
28:41Et pourquoi nous font-ils peur ?
28:43Parce qu'ils sont malheureux, en général.
28:45Souvent.
28:47S'ils étaient plus heureux, finalement,
28:49on verrait le grand âge différemment,
28:51parce que ça nous renverrait une autre image du vieillissement.
28:53Il y a un mouvement qui vient de se créer,
28:55dont je voulais vraiment dire un mot,
28:57c'est le CNAV.
28:59Le Comité national autoproclamé de la vieillesse.
29:01Le Comité national autoproclamé de la vieillesse.
29:03Le Comité national des vieilles et des vieux,
29:05qui prend de l'importance.
29:07Il y a maintenant une dizaine de mille personnes
29:09qui participent à ce mouvement.
29:11Il y a un autre point qu'aborde cet intervenant
29:13dans l'extrait que je vous ai livré,
29:15et peut-être qu'on terminera la discussion là-dessus,
29:17c'est le point du local.
29:19Si on cherche un peu, on s'aperçoit que les initiatives locales
29:21sont nombreuses et variées.
29:23Atelier, goûter, spectacle de fin d'année,
29:25vous en avez un tout petit peu parlé,
29:27des rencontres intergénérationnelles ponctuelles.
29:29Et puis il y a des choses plus pérennes,
29:31comme cette structure à bon fond,
29:33un petit village de 100 habitants dans le Limousin,
29:35trois maisons achetées par l'association Live,
29:37qui héberge seniors, enfants et ados
29:39de l'aide sociale à l'enfance,
29:41et tout ce petit monde cohabite et veille les uns sur les autres.
29:43Localement, il se passe beaucoup de choses.
29:45C'est peut-être ça aussi la clé.
29:47Oui, localement, il se passe beaucoup de choses.
29:49Je peux citer ce que nous avons fait dans le département.
29:51C'est le village landais Henri-Emmanueli,
29:53Village Alzheimer,
29:55que l'on a appelé Henri-Emmanueli
29:57parce que c'est lui qui l'avait pensé,
29:59qui l'avait initié.
30:01Nous avons reconstitué un lieu de vie
30:03avec un commerce,
30:05avec un salon de coiffure, avec un café,
30:07et nous y accueillons
30:09120 personnes
30:11qui souffrent
30:13de troubles cognitifs,
30:15voilà,
30:17âgées et moins âgées,
30:19puisque malheureusement,
30:21on sait que ces maladies peuvent toucher des gens
30:23qui ont moins de 60 ans,
30:25et nous avons créé un environnement
30:27qui n'est pas un environnement
30:29hospitalier,
30:31il n'y a pas de blouse blanche, il y a bien sûr des soignants,
30:33mais il n'y a pas de blouse blanche,
30:35et c'est un endroit parfaitement sécurisé,
30:37organisé en maisonnée,
30:39où les gens peuvent vivre
30:41comme dans un village.
30:43C'est-à-dire que nous avons apporté
30:45de la vie,
30:47et alors franchement, c'est extraordinaire.
30:49Je vous conseille d'aller voir
30:51tout ce qui existe, il y a eu beaucoup de films
30:53déjà de faits.
30:55Et alors, vive le local, c'est ce qu'on pourrait se dire ?
30:57Vive le local et vive le changement de droits
30:59aux gars, on le voit bien dans l'expérience.
31:01Le maire ne parle pas des vieux
31:03en général, il parle de ses vieux, des vieux
31:05qu'il connaît, et donc son regard est totalement
31:07différent, et je pense qu'on a tout à gagner
31:09évidemment des initiatives locales,
31:11mais aussi même d'en n'oser pas de changer le regard
31:13par exemple des professionnels. J'ai écrit un livre
31:15là-dessus, vraiment sur cette idée de changer
31:17le regard aussi pour voir la vieillesse
31:19un peu différemment, et je pense que
31:21toutes ces initiatives en plus, en s'appuyant
31:23sur du local, de fait, on a quelque chose
31:25de l'histoire qui se raconte, et chacun peut
31:27se retrouver dans cette histoire-là.
31:29Vous êtes d'accord ? Vive le local ?
31:31Oui, aussi la cohabitation en fait,
31:33pour brasser un petit peu ces générations
31:35qu'on a partagées, que notre
31:37histoire a partagée, a isolée
31:39dans des lieux et dans des espaces différents,
31:41il faut essayer de les rassembler.
31:43Il y a plein de possibilités, il paraît qu'à Paris,
31:45certaines personnes âgées mettent à disposition
31:47une chambre pour des étudiants.
31:49Ça se développe.
31:51Mais ça veut dire que ça vient plutôt d'en bas
31:53plus que d'en haut ? Et puis surtout, il faut
31:55regarder, effectivement, changer le regard en se disant
31:57que ces vieillards qu'on gardait
31:59dans la maison dans l'Antiquité, on le faisait pas
32:01uniquement par bonté d'âme, ils étaient utiles.
32:03On leur reconnaissait et on leur rendait
32:05une utilité. Alors c'était la servante
32:07qui pouvait encore filer
32:09jusqu'à un âge avancé,
32:11c'était la vieille nourrice, on gardait
32:13la vieille nourrice au sein de la famille parce qu'elle faisait
32:15partie de la nourrice et elle continuait à élever
32:17les enfants de ceux qu'elle avait vu naître.
32:19Donc il faut rendre une utilité
32:21aux personnes âgées qu'elles ont, bien souvent,
32:23mais qu'on leur retire ou qu'on leur dénie.
32:25Et je crois que c'est ça
32:27aussi un enjeu très important.
32:29Noëlle Châtelet ?
32:31Oui, alors, il y a beaucoup d'associations
32:33et c'est vrai, vous disiez, c'est plutôt en bas
32:35que ça se passe, ça se passe pas
32:37assez en haut, c'est-à-dire qu'il faudrait
32:39qu'en haut, on aide davantage
32:41des associations qui
32:43inventent des villages comme celui
32:45dont vous avez parlé.
32:47Il faut que cette solidarité,
32:49elle vienne aussi
32:51des gouvernements.
32:53Alors, un appel à lancer, une conclusion, Monique Lubin ?
32:55Il faut que ce soit une priorité nationale.
32:57Vraiment, une vraie priorité nationale
32:59avec les budgets qui vont
33:01avec parce que toutes les initiatives,
33:03même locales, ont besoin de budgets.
33:05Ça n'est pas un gros mot.
33:07Si on veut accompagner
33:09correctement le vieillissement
33:11de notre pays,
33:13il faudra mettre des budgets.
33:15Mais je pense aussi,
33:17je vous écoute avec beaucoup d'attention,
33:19j'imagine bien que
33:21dans les décennies
33:23précédentes, on ne gardait pas
33:25seulement ces vieux parce que
33:27on était altruistes.
33:29Il y avait bien évidemment
33:31la contrainte. Mais moi,
33:33je trouve qu'aujourd'hui, dans notre société,
33:35dans notre pays, on a trop tendance
33:37à considérer que
33:39les personnes très âgées
33:41ne sont plus,
33:43ne concernent plus la famille.
33:45Je ne fais
33:47aucune leçon de morale, bien évidemment,
33:49parce que chacun a vécu avec ses propres
33:51expériences et ses propres personnes âgées.
33:53Mais je trouve que
33:55aujourd'hui, on nous demande,
33:57nous, en tant qu'élus, en tant que
33:59politiques, de nous occuper
34:01des autres, des personnes âgées,
34:03du grand âge, de nos
34:05personnes âgées,
34:07et en tant que citoyens,
34:09je trouve qu'on se débarrasse
34:11un peu vite de la question.
34:13Je pense qu'il faut trouver,
34:15il faut à la fois que la société s'implique,
34:17que le politique soit capable
34:19de mettre des budgets, de trouver
34:21des financements, mais il faut
34:23aussi que les familles soient
34:25réimpliquées.
34:27C'est peut-être un peu dur ce que je dis,
34:29mais je trouve que
34:31on a tendance à vouloir
34:33se débarrasser de la question.
34:35C'est très clair, et le message est passé.
34:37Merci beaucoup à tous les quatre d'avoir participé
34:39à ce bel échange très constructif,
34:41et merci à vous de nous avoir suivis comme chaque semaine,
34:43émissions et documentaires, à retrouver en replay
34:45sur notre plateforme publicsena.fr.
34:47A très bientôt, merci beaucoup.

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