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L'ours, totem mal léché des Pyrénées Aux confins des Pyrénées, sur les hauteurs du fort Lagarde, les habitants de Prats-de-Mollo-la-Preste assistent chaque hiver à un rituel ancestral. Couverts de toisons, trois jeunes du village se mettent dans la peau de l'ours. Célébrée dans trois communes du Haut Vallespir, la fête de l'ours annonce le retour des beaux jours. Elle symbolise surtout le lien complexe qui unit les Pyrénéens à ces animaux qui nous ressemblent tant.
En Lozère, la Bête du Gévaudan court toujours Le Gévaudan, cette ancienne
province de France au nom légendaire, épouse les frontières de l'actuelle Lozère. Une terre rurale qui se hisse en tête des départements les moins peuplés de France. Des paysages rudes et sauvages, comme hantés par les fantômes du passé, et surtout par celui de la fameuse Bête du Gévaudan, terreur des villages à l'origine d'une centaine de morts.
Année de Production :
En Lozère, la Bête du Gévaudan court toujours Le Gévaudan, cette ancienne
province de France au nom légendaire, épouse les frontières de l'actuelle Lozère. Une terre rurale qui se hisse en tête des départements les moins peuplés de France. Des paysages rudes et sauvages, comme hantés par les fantômes du passé, et surtout par celui de la fameuse Bête du Gévaudan, terreur des villages à l'origine d'une centaine de morts.
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00:30Aux confins des Pyrénées, sur les hauteurs du fort Lagarde,
00:43les habitants de Prats de Molio-la-Prest assistent chaque hiver à un rituel ancestral.
00:49Couverts de toisons, trois jeunes du village s'apprêtent à se mettre dans la peau de l'ours.
00:54Pour que la métamorphose soit complète, les élus s'enduisent le corps d'un mélange d'huile et de suie.
01:19L'homme laisse alors place à la bête.
01:24Célébrée dans trois communes du Haut-Val-Espire, la fête de l'ours annonce le retour des beaux jours.
01:34Elle symbolise surtout le lien complexe qui unit les Pyrénéens à ces animaux qui nous ressemblent autant.
01:40La relation entre les Pyrénéens et les ours est une relation quand même assez ambivalente.
01:46Une relation de « je t'aime moi non plus », « on adore l'ours autant qu'on le déteste », « on en a peur autant qu'on l'admire », « on a tous une part de sauvagerie » comme l'ours a une part d'humanité en lui.
02:00Anciens souverains des bois, les ours furent longtemps les maîtres incontestés de la montagne, jusqu'au jour où l'homme voulu ravir une part de leur royaume.
02:11Perçus comme un obstacle à la civilisation et au contrôle du territoire, les plantigrades durent reculer au fil des siècles, sous le feu des fusils.
02:24Réintroduits à partir des années 90, ils ne sont qu'une soixantaine à peupler ce pays de piques et de vallées, dont il demeure un emblème mal aimé.
02:32La cohabitation entre les ours et les hommes débute dans les entrailles des parois rocheuses.
02:41Au centre de l'Ariège, la grotte de Lombrive est l'une des plus grandes cavités souterraines d'Europe.
02:47Elle renferme des ossements, qui témoignent d'un temps où les tanières servaient d'abri commun.
02:54L'Ariège est très riche en grottes, ici dans le Val d'Ariège, qui lui-même est riche en calcaire.
02:59Et donc, dès la préhistoire, les hommes vont y chercher un refuge naturel, mais à l'entrée des grottes, bien entendu.
03:06Quand ils vont aller dans le territoire des ombres, en profondeur, ce sera pour leur rituel sacré.
03:12Et là, dans cet espace profond, ils vont se retrouver en concurrence avec l'ours, mais qui lui, il passe l'hiver, il dort pendant plusieurs mois.
03:21Mais ils vont le voir sortir du fin fond de ces grottes, au printemps, famélique, immense,
03:27comme étant quelqu'un qui, nécessairement, devait être en contact avec les esprits au fond de cette grotte.
03:33Des ténèbres surgissent alors les fantasmes et les légendes.
03:38De la préhistoire jusqu'au Moyen-Âge, ces ours qui peuplent le territoire des ombres,
03:42hantent les esprits et constituent le ciment de nombreux contes populaires.
03:46Ce qui ressort de la tradition orale, c'est que l'ours est le grand-père, le vieux père des hommes.
04:00C'est une bête qui sait se mettre sur les pattes arrières, qui est très habile de ses mains.
04:05C'est une bête, visiblement, qu'on a associée à l'homme depuis les temps les plus anciens.
04:10Dès qu'on peut, on rapproche l'homme de l'ours.
04:12Dans ses comportements sexuels, par exemple, on l'imagine doté de la puissance sexuelle,
04:18tentant de violer les femmes.
04:20La légende fondatrice humaine, qui est la légende de Jean de l'ours, ne dit rien d'autre.
04:25C'est-à-dire que c'est un ours qui kidnappe une femme,
04:29l'entraîne dans sa caverne, dans sa grotte, la viole.
04:32Et de cette union sordide, illégitime, va naître un homme nouveau,
04:38et qui est l'homme qui peuple maintenant les montagnes.
04:42Rejeté par la société, Jean de l'ours est le reflet de ce que l'homme refuse de voir dans le miroir,
04:48sa propre bestialité.
04:51Le vieux père sauvage est en concurrence pour tout.
04:56Il est en concurrence pour la nourriture, il est en concurrence pour l'habitat,
04:59il est en concurrence pour le territoire, il est en concurrence aussi pour les femmes.
05:03Et en fait, tout le rapport entre l'homme et l'ours va être sous cet éclairage-là.
05:09C'est-à-dire que l'un est porteur du sauvage, et l'autre lutte contre le sauvage.
05:14Et donc, tous ceux qui veulent civiliser s'opposent à l'ours.
05:18L'Église, par exemple, va faire ça pendant tout le Moyen-Âge,
05:21tenter d'écarter l'ours roi, l'ours dieu, de manière à imposer ses propres mythes.
05:27Au XVIIe siècle, les Pyrénéens étendent leur influence sur les vallées.
05:34La région est riche en minerais de fer, mais il faut du bois pour alimenter les forges.
05:40Les forêts sont donc massivement défrichées, aux grands dames de leurs habitants.
05:48Repoussés aux portes de leur empire, les ours deviennent la bête noire des bergers.
05:54L'ours de tout temps a été un grand opportuniste.
05:57Alors, quand ils trouvent à manger sous forme de viande, ils mangent de la viande.
06:01Quand ils trouvent des céréales, ils mangent des céréales.
06:03Et là, évidemment, à partir du XVIIIe, vu son espace forestier qui se réduit,
06:08il va aller se servir en bordure chez les hommes.
06:11Dès qu'ils sont attaqués par l'ours, évidemment, les bergers vont chercher à protéger leurs biens,
06:17avec un compagnon qui est un chien qui va servir de dissuasion.
06:23Un énorme chien blanc qu'on appelle le patou, maintenant.
06:26Et un chien qu'on va d'ailleurs cuirasser, en quelque sorte, en lui mettant une sorte de collier hérissé de pointe,
06:33puisque l'ours, quand il attaque, attaque généralement à la gorge.
06:37Mais les patous ne suffisent pas à stopper les dégâts.
06:42Dans la vallée d'Aston, la baronie de Château-Verdin décide donc d'organiser deux battus par an,
06:48obligatoires sous peine d'amende.
06:49Jusqu'ici réservé aux nobles, la chasse à l'ours devient l'affaire de tous et le gagne-pain d'une poignée d'arriégeois.
06:59On a des véritables dynasties de chasseurs d'ours qui vont se retrouver dans les vallées.
07:05Ici, par exemple, dans la vallée d'Aston, ce sont les hautiers qui, de père en fils, comme ça, vont être les tueurs d'ours.
07:12Pas n'importe quel hautier, c'est les hautiers Tambel.
07:16C'est ce Tambel qui va tuer le plus d'ours, ici, dans la vallée d'Aston, jusqu'à les faire disparaître.
07:24Mais il y a une chose indéniable qui tombe sur les épaules du chasseur d'ours, c'est un prestige fou.
07:32Et encore maintenant, quand on prononce le nom Tambel dans la vallée d'Aston,
07:38c'est encore entouré d'un halo prestigieux.
07:42Depuis que les fusils ont remplacé les arbalètes et les poignards,
07:49l'affrontement avec l'ours n'est plus un corps à corps.
07:55C'est une lutte à distance, dans laquelle la bête n'a aucune chance.
08:01Une fois tuée, le trophée est exhibé de village en village.
08:04Cette fête morbide autour de la mort de l'ours, là, c'est une véritable fête.
08:12Et puis après, on va le dépecer.
08:14La peau a de la valeur, la graisse a de la valeur, parce qu'elle est réputée, par exemple,
08:20être souveraine contre toutes sortes de rhumatismes.
08:22Le vieux père l'ours, le vieux roi de la forêt, même tué, même traîné, même dépecé,
08:31continue à avoir une valeur folle.
08:34Alors que la chasse fait rage, une autre activité voit le jour,
08:44au tournant du XIXe siècle, dans deux vallées voisines,
08:48Ustou et le Garbé.
08:50Les montagnards vivent alors chichement, en autarcie,
08:54luttant contre les famines et les caprices du ciel.
08:57Pour s'en sortir, certains partent chercher du travail en Espagne.
09:03D'autres ont l'idée de capturer des oursons.
09:07Les mères sont tuées et les petits ramenés au village pour être dressés.
09:15Surnommée la capitale des montreurs d'ours,
09:18la commune d'Ercée a vu près de 400 hommes se former à ce nouveau métier.
09:22Alors c'est une histoire qui a concerné beaucoup de monde dans la vallée,
09:28mais c'est une histoire qu'on taisait.
09:30Il y avait une sorte de tabou, d'omertage là-dessus.
09:32On disait que c'était une bergogne.
09:34La bergogne, c'est une honte en patois.
09:38Parce qu'en fait, ce n'est pas un vrai métier.
09:39Le travail du paysan, s'occuper des troupeaux, des bêtes,
09:42ça c'était un métier, ça c'était du travail.
09:45Mais les montreurs d'ours, c'était en fait un saltimbanque.
09:47Ce n'était pas un travail sérieux.
09:49Les montreurs d'ours se produisent alors sur le bord des routes,
09:54les places des villages.
09:56D'abord en France, puis en Angleterre.
10:00L'ours est un animal très intelligent,
10:03donc il apprend très vite.
10:04Et s'il a un bon dompteur,
10:06ils arrivent à faire un duo qui va donner de beaux spectacles.
10:09Donc on va imiter un berger avec un grand bâton.
10:11Le but, c'est que l'ours ressemble à l'homme.
10:13Après, les ours dansés, on les faisait aussi monter au pylône électrique,
10:17les premiers pylônes en bois.
10:18Ça, ça amusait beaucoup les spectateurs.
10:20On a des histoires fabuleuses qui ont été racontées,
10:23notamment deux montreurs d'ours qui ont donné un spectacle
10:26devant la reine d'Angleterre, la reine Victoria.
10:29Ils se promenaient devant le château, la reine est passée.
10:31Et donc ils ont fait leur spectacle.
10:33Et le lendemain, ils vont à la cour de la reine
10:34faire un spectacle devant la reine et toute sa cour.
10:38Pour gagner leur vie,
10:40les Ariégeois poursuivent leur tournée aux quatre coins du monde,
10:43au Québec, aux États-Unis et jusqu'en Australie.
10:47Il y avait un lien assez fort qui se créait
10:51entre le montreur d'ours et l'ours.
10:53L'ours était baptisé, on lui donnait un prénom.
10:57De nos yeux d'aujourd'hui, on peut avoir de la violence,
10:59de la cruauté, mais c'était une vie dure.
11:02Il y avait un lien fort qui permettait de travailler ensemble
11:05pendant toute la durée de leur voyage.
11:07Des voyages qui ont duré quelques mois,
11:09qui pouvaient durer quelques années.
11:11C'est pour ça qu'ils partaient à deux.
11:12Ils ne dormaient pas dans les villes,
11:14ils dormaient toujours à l'extérieur.
11:15Ils demandaient asile dans une grange, dans une cabane.
11:19C'était quand même une vie d'aventure assez spéciale.
11:22Le grand-père de ma grand-mère était parti montreur d'ours.
11:25Il est parti dans les années 1890.
11:27C'est en faisant des recherches qu'on a réussi à savoir
11:28qu'il était passé par la Nouvelle-Orléans.
11:30C'est quelque chose dont on est fier,
11:32parce que c'est des hommes qui ont trouvé une solution
11:34pour améliorer leur vie.
11:35La grande aventure des montreurs d'ours
11:39périclite au moment où la Grande Guerre éclate.
11:43Il faut attendre 1971
11:45pour que les plantigrades soient classés en France
11:47parmi les espèces protégées.
11:50Alors qu'il ne reste plus que cinq individus,
11:53des spécimens de Slovénie sont lâchés dans les Pyrénées.
11:56L'animal y reste rare,
11:59mais il survit dans les mémoires et les carnavals.
12:01À Prats de Molio-la-Preste,
12:08l'ours est le roi de la fête.
12:16Encerclés par des chasseurs,
12:17les trois prédateurs courent dans les rues du village
12:19pour marquer les femmes
12:21et tous ceux qui osent les défier.
12:31A la base, ça devait être un rite.
12:34Maintenant, c'est devenu une fête.
12:35C'est quelque chose d'un peu animal.
12:38C'est normal.
12:39C'est l'ours qui ressort sa tanière,
12:40donc là, c'est une chasse à l'ours.
12:41Moi, j'ai été ours pendant trois ou quatre fois.
12:59Je veux dire, c'est un honneur de pouvoir faire l'ours,
13:02de pouvoir incarner dans cette bête
13:05qui court après les gens toute l'après-midi.
13:08et c'est lui le patron,
13:10comme l'ours pouvait être le patron des forêts.
13:18Gamin, gamin, on avait quand même un peu peur de l'ours.
13:21On était effrayés,
13:22mais en même temps,
13:23on était fascinés par cet ours.
13:27La fête est l'unique jour de l'année
13:29où l'homme et l'ours
13:30ne forment plus qu'une seule entité.
13:32À la fin de la fête,
13:34nous avons les barbiers,
13:36les hommes en blanc,
13:37donc qui sont le contraste du blanc avec le noir,
13:39donc du bien et du mal.
13:42Et ils sont chargés d'enchaîner les ours,
13:45de réveiller la peau
13:46et de leur rendre une apparence humaine.
13:47Une fois l'ours humanisé,
13:58c'est une réconciliation
13:59entre l'homme et la bête.
14:01On ne peut que le remercier à l'ours
14:12parce que sans lui,
14:13cette fête n'existerait pas
14:14et c'est l'ours qui est quand même
14:15le symbole du village.
14:17Le Gévaudan,
14:44Cette ancienne province de France
14:47au nom chargé de mystères et de légendes
14:49épouse les frontières de l'actuel Lozère.
14:54Une terre rurale
14:55qui se hisse en tête
14:56des départements les moins peuplés de France.
15:00Des paysages rudes et sauvages
15:01comme hantés par les fantômes du passé
15:05et surtout celui de la fameuse bête du Gévaudan.
15:08Pendant trois ans,
15:17entre 1764 et 1767,
15:20un monstre a terrorisé les villages
15:23commettant 300 attaques
15:24et faisant une centaine de morts.
15:27Quelques rescapés sont devenus
15:28des héros locaux
15:29comme Marie-Jeanne Vallée,
15:31dite la pucelle du Gévaudan.
15:33Ça s'est déroulé le 11 août 1765.
15:37C'était un dimanche matin.
15:40Marie-Jeanne et sa sœur Thérèse
15:42allaient dans une ferme voisine.
15:45Et pour aller dans cette ferme,
15:47elle devait passer sur un petit pont,
15:48traverser une petite rivière.
15:50Et en traversant ce pont,
15:52les deux sœurs ont été attaquées
15:53par la bête du Gévaudan.
15:54Elle est arrivée,
15:58elle s'est plantée sur les pattes arrière
16:00pour saisir les deux jeunes filles à la gorge.
16:02Et Marie-Jeanne a pris sa baïonnette
16:04et a fiché un coup de lance
16:06dans le poitrail de la bête.
16:08La bête a poussé un grand cri,
16:10s'est roulée dans la rivière
16:11et s'est sauvée.
16:17Dans la description qu'a fait Marie-Jeanne,
16:19elle n'a pas parlé d'un loup.
16:21Elle a dit,
16:22cette bête ressemblait plus,
16:23d'après elle,
16:24à un gros chien de berger
16:25qu'à un loup.
16:28On estime qu'il y avait alors
16:3020 000 loups
16:31dans les campagnes françaises.
16:33Pourtant,
16:34les Gévaudanais de l'époque
16:36ne reconnurent pas dans la bête
16:37le loup ordinaire
16:39qu'ils côtoyaient étroitement.
16:42Plus de 250 ans après les faits,
16:44l'histoire de la bête,
16:46popularisée par la littérature
16:48et le cinéma,
16:49continue de passionner.
16:51En Lausère,
16:52elle hante toujours
16:53les âmes et les lieux
16:54et l'on se surprend
16:56à l'imaginer
16:57rôdant sur certains sentiers
16:58ou se cachant dans les sous-bois
17:01à l'affût d'une proie.
17:02Aux confins de la Lausère,
17:10du Cantal et de la Haute-Loire,
17:13la Margeride est un massif érodé,
17:16vestige d'une très ancienne
17:17chaîne de montagne.
17:20Un désert de granit et de verdure
17:22ponctuée de pâturage
17:23offrant un terrain de chasse idéal
17:25pour une bête anthropophage.
17:34Le village d'Auvers,
17:36au pied du mou Mouchet,
17:38ne compte plus aujourd'hui
17:39que quelques dizaines d'âmes.
17:42La petite paroisse
17:44est durant la terrible année 1765,
17:47le centre des attaques,
17:49épleure sept victimes de la bête.
17:51Quasiment toutes les victimes
17:55de la bête
17:56sont des enfants de la campagne
17:58parce que les enfants de la campagne
18:00du XVIIIe siècle
18:01travaillaient dans la ferme
18:02et leur travail,
18:03c'était de garder les vaches,
18:04les petits troupeaux familiaux
18:06et ils n'avaient pas la capacité
18:08de se défendre de la bête.
18:09Donc c'est là que la bête
18:10a choisi la majorité de ses victimes.
18:13D'ailleurs, moi-même, étant enfant,
18:14j'ai aussi gardé les vaches.
18:16Alors quand je gardais les vaches,
18:17bien sûr, je pensais à la bête
18:18puisque ma grand-mère m'avait parlé de ça
18:20et ça m'effrayait,
18:22ça m'interrogeait surtout.
18:23Bon, je savais que la bête
18:24n'existait plus à cette époque-là,
18:26mais c'était quand même
18:27quelque chose qui restait
18:28dans le coin de la tête.
18:30Au XVIIIe siècle,
18:32superstitions et pensées magiques
18:34imprègnent encore fortement
18:36la culture paysanne.
18:37Dans les campagnes reculées
18:39du Gévaudan,
18:40la bête fait des ravages
18:41et la terreur se répand.
18:44Les gens à l'époque
18:45croyaient au loup-garou,
18:46les gens croyaient au diable.
18:48En plus, il y a eu l'évêque de Mande
18:49qui a culpabilisé les gens
18:51puisqu'il a dit
18:52« Cette bête qui vous attaque,
18:55c'est de votre faute.
18:56Elle est là, envoyée par Dieu,
18:58pour vous punir de vos péchés. »
19:00Donc tout ça,
19:01à travailler dans l'imaginaire des gens
19:03et les gens ont pu voir
19:04un animal extraordinaire,
19:06là où il y avait
19:07moins d'extraordinaires, disons.
19:09L'évêque dit aussi
19:10que pour se débarrasser de cette bête,
19:12il n'y a qu'un seul moyen,
19:14c'est de prier.
19:15C'est de prier encore et toujours.
19:17Certains vont comparer cette bête
19:19au diable en personne.
19:22À une vingtaine de kilomètres d'Auvers,
19:25le Malzieuville,
19:26une modeste cité médiévale
19:28située sur le flanc occidental
19:30de la Margeride.
19:33À l'époque de la bête,
19:34avec ses 900 habitants,
19:36c'est l'une des rares villes
19:37du Gévaudan.
19:38Une petite société
19:42dominée par des notables
19:43qui, à l'abri des fortifications,
19:46suivent l'affaire
19:46dans les gazettes locales.
19:53Sans la presse,
19:54pas d'affaire
19:55de la bête du Gévaudan.
19:57C'est vraiment elle
19:58qui a créé l'affaire,
20:00qui a nourri l'affaire
20:01et qui a fait connaître l'affaire.
20:04Elle est popularisée
20:05par les gazettes
20:07qui sont achetées
20:07par les notables,
20:09mais ensuite,
20:09les notables font connaître
20:11à la population
20:12ce qui est dit, écrit
20:14ou dessiné dans la presse.
20:16Ces images,
20:17ce sont très souvent
20:18des images fantaisistes,
20:20les bêtes fantastiques
20:21du bestiaire médiéval,
20:23voire même
20:23les bêtes de l'Apocalypse
20:25telle qu'on la connaît
20:26dans la Bible.
20:30Certains ont dit
20:31que c'est une hyène.
20:33Certains ont dit
20:33qu'il a l'aspect d'un vous.
20:35D'autres disaient
20:36qu'il bré comme un âne.
20:37On peut dire
20:38que c'est le premier
20:39grand fait d'hiver
20:40largement couvert
20:42par la presse.
20:47La bête fait vendre
20:48du papier
20:49et le Malzieuville
20:50devient le point
20:51de départ de la rumeur.
20:53Une rumeur
20:53qui ne cesse d'enfler.
20:56Cette affaire dépasse
20:57les frontières
20:58du Gévaudan,
20:59touche un public
21:00à l'échelle nationale,
21:02voire un public
21:03à l'échelle internationale,
21:05parce qu'il y a
21:05des gazettes étrangères
21:07qui s'intéressent
21:08à l'affaire.
21:09Du coup,
21:10l'affaire de la bête
21:10du Gévaudan
21:11devient une affaire
21:12internationale.
21:15À Versailles,
21:17on n'ignore rien
21:18de ce qui se passe
21:19au fin fond du Gévaudan.
21:21Louis XV
21:22décide d'intervenir.
21:24Il promet une récompense
21:25de 6 000 livres,
21:26une fortune
21:27à qui trucidera la bête.
21:29Le Malzieuville,
21:31riche en auberges
21:32et demeures bourgeoises,
21:33est alors choisi
21:34comme base arrière
21:35par de nombreux chasseurs
21:36qui accourent
21:37de tout le royaume.
21:39En lieu,
21:40on va décider
21:41de faire appel
21:43à des professionnels
21:44de la chasse,
21:45à des louvetiers normands
21:46renommés.
21:48Ce sont l'Edenval,
21:49le père
21:50et le fils.
21:51Ils vont faire du Malzieu
21:53leur quartier général.
21:55Et c'est à partir
21:56du Malzieu
21:57qu'ils vont organiser
21:58des chasses
21:59de grandes battues
22:00pour tenter
22:01d'éliminer
22:02la fameuse bête
22:03qui fait tant de ravages
22:05en Gévaudan.
22:09Lorsqu'ils arrivent
22:10en Gévaudan,
22:12les Deneval
22:12sont surpris.
22:14D'une part,
22:15par le relief accidenté
22:16qui complique
22:17les battues
22:18et d'autre part,
22:20ils sont confrontés
22:21à la pluie,
22:23à l'humidité,
22:24à la neige,
22:25à des brouillards
22:26particulièrement persistants.
22:29Malgré ces conditions
22:30défavorables,
22:32les Deneval
22:32organisent des battues
22:34gigantesques
22:34mobilisant jusqu'à
22:3620 000 hommes.
22:37C'est une véritable guerre
22:38qui est menée
22:39contre la bête
22:40sans succès.
22:41La bête échappe,
22:44on tue des loups
22:46et on va tuer
22:46de nombreux loups
22:47durant cette période-là.
22:49Mais comme
22:49les meurtres
22:50continuent,
22:52ce n'est jamais
22:52le bon loup
22:53que l'on tue
22:54et donc,
22:55on pense que l'on a
22:56affaire
22:57à un loup extraordinaire
22:59ou une bête
23:00monstrueuse.
23:01La bête,
23:07traquée,
23:08est repoussée
23:08jusqu'au contrefort
23:09de l'Aubrac,
23:10à la limite occidentale
23:12de la Lozère.
23:16Elle est aperçue
23:17aux abords
23:17du château
23:17de la Baume,
23:19le fief
23:19de la baronie
23:20de Père,
23:21l'une des huit baronies
23:22qui se partagent
23:23alors le Gévaudan.
23:24Ce grand vaisseau
23:30de granit
23:31au toit de Loz
23:32datant du XVIIe siècle
23:34est le plus bel exemple
23:35d'architecture classique
23:36de la région.
23:41La vie dans un château
23:42comme la Baume
23:43à l'époque
23:44devait être
23:45assez extraordinaire.
23:47D'abord,
23:48du fait de l'isolement.
23:49Je rappelle
23:49qu'on est ici
23:50à 1200 mètres d'altitude.
23:52La Baume doit être
23:52le château
23:53le plus haut de France.
23:54Alors,
23:54ça ne se sent pas forcément
23:55parce qu'on est sur
23:56un grand plateau
23:56donc il n'y a pas
23:57le côté dominant
23:58mais on est très haut
23:59et donc très isolé.
24:01Un isolement
24:02qui explique
24:03l'aspect défensif
24:04et austère
24:05du château.
24:07Mais à l'intérieur,
24:08la décoration
24:09précieuse et baroque
24:10surprend dans cette province
24:11très pauvre
24:12comme un symbole éclatant
24:14des inégalités cruelles
24:15qui règnent en Gévaudan
24:16à l'orée
24:17de la Révolution française.
24:20Quand César de Peyre
24:21a décidé
24:22de l'embellissement
24:23du château,
24:23bien évidemment,
24:24il s'est inspiré
24:25de ce qu'il avait eu
24:25de plus beau.
24:26Il avait été à Versailles,
24:27il avait donc vu Versailles
24:28et il trouvait
24:28qu'il fallait donner
24:29à ce château de La Baume
24:31plus d'ampleur,
24:32plus de majesté
24:33et son ambition
24:34sur le Gévaudan
24:35justifiait
24:37qu'il en fasse
24:38le plus beau bâtiment
24:38du Gévaudan.
24:40Le château
24:41gagne alors son surnom
24:42de petit Versailles
24:43du Gévaudan.
24:43plafond à la française,
24:47beaucoup de boiseries
24:48avec des peintures,
24:49avec des portraits,
24:51portrait de César,
24:52portrait du roi,
24:52bien évidemment.
24:55Le château de La Baume
24:57est le seul digne
24:58d'accueillir
24:58les louvetiers du roi.
25:00Car Louis XV
25:01a fini par envoyer
25:02en Gévaudan
25:02son porte-arc-buse personnel,
25:05François-Antoine,
25:06lieutenant
25:07des chasses royales.
25:11Cette arc-buse
25:12a une histoire
25:14tout à fait amusante.
25:16En fait,
25:16elle a été offerte
25:17au comte de Peyre
25:18par les louvetiers du roi
25:20quand ils sont venus
25:20organiser ces grandes chasses.
25:21Ils ont été accueillis
25:22à La Baume,
25:24des chasses ont été organisées
25:25et pour le remercier
25:26comme cadeau,
25:27ils lui ont donné
25:28cette arc-buse.
25:29C'est une arc-buse allemande
25:30de la fin du XVIIe
25:31mais qui était encore
25:32employée à cette époque-là.
25:34Elle a servi,
25:35ce n'est pas un décor.
25:37S'agit-il de l'arme
25:39utilisée par François-Antoine,
25:41le porte-arc-buse du roi,
25:43pour tuer une première bête
25:44à l'automne 1765 ?
25:47Encore un mystère.
25:49Le grand loup abattu
25:49sera en tout cas
25:50empaillé
25:51et exposé à Versailles.
25:53On croit l'affaire finie.
25:55Mais quelques mois plus tard,
25:56le démon ressurgit
25:57à l'autre bout du Gévaudan.
26:07Retour sur le mont Mouchet,
26:09en forêt de la Thénazère.
26:11À la fin du printemps 1767,
26:14douze chasseurs se postent
26:16sur les passages supposés
26:17du prédateur.
26:19L'un d'eux,
26:20Jean Chastel,
26:21un paysan local,
26:23s'est installé dans la clairière
26:24dite de la Sogne d'Auvers.
26:26C'est ici,
26:31d'après la tradition orale,
26:33que Jean Chastel
26:34a abattu la bête du Gévaudan
26:35le 19 juin 1767.
26:40Il y a une tradition orale
26:41qui nous raconte
26:42que Chastel était assis
26:44en train de lire
26:45un livre de prière.
26:47Que quand la bête est arrivée,
26:49il a pris le temps
26:50de poser ses lunettes,
26:52de poser son livre,
26:54de prendre son fusil
26:55et de tirer sur la bête
26:57qui avait attendu.
27:04Alors tout ça a paru
27:05très bizarre à certains.
27:07Moi je pense que la bête
27:08a marqué un léger temps d'arrêt
27:11en arrivant devant Chastel,
27:13tout simplement parce qu'elle est passée
27:15de l'ombre du sous-bois
27:16à la lumière de la sortie de la forêt.
27:20Et une fois que cette bête
27:21a été abattue,
27:23tout de suite ils ont reconnu la bête.
27:25cet animal qui nous a paru
27:27être un loup,
27:29mais un loup extraordinaire
27:31et bien différent
27:32par sa figure et ses proportions
27:34des loups qu'on voit dans ce pays.
27:37Donc un loup,
27:39mais un loup un peu bizarre.
27:43Après la mort de cet animal,
27:45ça a été terminé.
27:46Il n'y a plus eu d'attaque
27:47car j'ai vos dents.
27:49Les chansonniers racontèrent
27:51qu'à la soigne d'Auvers
27:53où la bête était tombée,
27:55le sol était devenu rouge
27:56et l'herbe ne repoussait plus.
27:59Aujourd'hui encore,
28:00les débats font rage
28:01sur sa nature exacte.
28:02Un ou plusieurs loups.
28:05Chien de combat,
28:06hyène,
28:07hybride entre loup et chien,
28:09loup-garou
28:10ou encore fou-sadique.
28:13L'aura mystérieuse de la bête
28:14plane toujours sur la lausère.
28:17Un imaginaire ravivé
28:18par la réapparition récente
28:20du loup dans ses contrées.
28:22Sous-titrage Société Radio-Canada
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