- 10/05/2025
La libération de la femme passe par l'argent, c'est la clé de leur indépendance. Faute de transmission, ce récit est resté à la marge de la grande Histoire, occulté, ...comme si le sujet demeurait tabou. Assurément, comme le dit si bien l'historienne Michelle Perrot c'est parce que « les femmes sont les grandes oubliées de l'Histoire, parce que celle-ci a été rédigée par les hommes ». Pourtant, en dépit des interdits voire même des dangers, au cours de l'Histoire, femmes engagées mais aussi citoyennes anonymes se sont alliées pour pointer les injustices et les abus d'un système patriarcal qui cherchaient à les museler, à les faire taire.Parfois aidées par des alliés masculins, leurs voix ont bousculé la société pour la faire évoluer, la rendre plus équitable aussi bien pour les femmes que pour les hommes. Ce film raconte leurs combats de longue haleine qui mettent en jeu éducation et égalité des droits, au nom de cette liberté fondamentale. Des batailles homériques au Parlement pour faire évoluer la Loi, en passant par les luttes féministes et leurs héroïnes oubliées, il s'agit de mettre en lumière le rôle de l'argent au coeur d'un processus de domination sociale et de violences économiques. Année de Production :
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TVTranscription
00:00...
00:00Début des années 60, la vie de cette jeune fille va changer.
00:17...
00:17Comme toutes les Françaises mariées sous le régime de la communauté des biens,
00:27elle ne pourra pas signer des chèques sans l'autorisation de son mari.
00:32Cette situation injuste, celle de vos mères et de vos grands-mères,
00:37la loi du 13 juillet 1965 va y mettre fin.
00:44Ce jour-là, l'Assemblée nationale vote une loi autorisant les femmes mariées
00:48à ouvrir librement un compte bancaire en leur nom
00:52et à exercer une profession sans le consentement de leur mari.
00:57Elles peuvent enfin gérer leurs biens
00:59et ont un droit de regard sur le patrimoine du couple ou de la famille.
01:04C'est la chose la plus idéale qu'on puisse faire actuellement.
01:08Parce que j'ai été torturée depuis 40 ans que je suis mariée,
01:11parce que je me suis mariée sous le régime de la communauté.
01:16Et j'ai travaillé jusqu'à 53 ans et j'ai 70 ans.
01:20Et ce que j'ai acquis, je ne peux pas en disposer
01:23parce que j'ai un mari, c'est à Lyon.
01:27Loin du ghetto domestique, pour ces femmes, c'est la promesse d'autres possibles.
01:33Les épouses, lorsqu'elles ouvrent leur premier compte bancaire,
01:37elles parlent d'un sentiment de liberté.
01:39Elles se sentent enfin libres.
01:41Elles peuvent enfin avoir un compte à elles.
01:44Disposer librement de leur argent et dépenser et faire fructifier leur argent.
01:49C'est-à-dire que tout devient possible.
01:51Pardon, madame, je voudrais vous faire ouvrir un compte.
01:53Mais bien sûr, madame, vous avez des pièces d'identité ?
01:56Ma mère me parlait de deux choses.
01:58La lutte pour le droit à l'avortement qu'elle avait mené
02:00et le jour où la loi lui avait dit qu'en tant que femme,
02:03Marielle pouvait avoir son chéquier à elle.
02:05Et ça, vraiment, le chéquier, c'était fondamental.
02:08Elle m'a dit, je pense que j'étais la première de France.
02:10Le lendemain matin de la promulgation, j'étais devant la banque
02:13à attendre l'ouverture pour dire, je veux mon chéquier.
02:17Mais certains de ces messieurs ont du mal à avaler la pilule.
02:21L'égalité entre hommes et femmes tient du fantasme.
02:25Je trouve qu'il y a des femmes qui sont très fortes,
02:29mais perdent de leur féminité lorsque, justement, ils égalent trop les hommes.
02:33Ce que j'aime chez la femme, c'est sa féminité, justement.
02:37Presque sophistiquée.
02:38C'est un objet fragile.
02:41Objet fragile.
02:43Serait-ce donc ça la condition normale d'une femme des années 60 ?
02:48Si la parole est dite aussi librement,
02:51c'est peut-être parce que le code civil a décrété
02:54que la femme était inférieure à l'homme.
02:58Pour comprendre, il faut remonter le temps,
03:01presque deux siècles plus tôt.
03:03Bon coup, on va reprendre.
03:05Action.
03:08Durant la Révolution française,
03:27les femmes ont acquis des droits civils,
03:29comme le droit de signer des contrats,
03:31d'exercer une action en justice,
03:33de se marier sans autorisation parentale
03:36ou même encore de divorcer.
03:39En miroir de ses avancées,
03:41aucun droit politique ne l'aurait accordé.
03:44Quand Napoléon Bonaparte arrive au pouvoir
03:46en 1799,
03:49il ferme la parenthèse révolutionnaire.
03:52Il lance alors le projet colossal d'un code civil
03:55pour simplifier et unifier le droit des Français.
03:59Promulgué en 1804,
04:01ses articles définissent le statut des personnes,
04:04des biens et des relations entre les citoyens.
04:07Ce code est un véritable outil de domination masculine
04:10sur les femmes.
04:14Début 19e, Napoléon arrive
04:16et c'est une dégradation absolument terrible
04:18des droits des femmes.
04:19Elles perdent tous les droits.
04:20Donc on fait l'égalité entre les femmes par le bas.
04:22Elles n'ont plus aucun droit sur rien.
04:23Le code civil est un monument juridique
04:28d'une grande importance
04:30parce qu'il va régir la condition des femmes
04:34et notamment des femmes mariées.
04:37C'est, du point de vue de la famille,
04:39absolument patriarcal.
04:42La femme doit obéissance à son mari.
04:46C'est écrit dans le code civil.
04:50Le mari est celui qui donne le nom, bien sûr,
04:53La résidence est choisie par l'homme.
04:57Le droit au travail, les femmes n'en ont pas.
05:00C'est-à-dire que si une femme veut travailler,
05:03il faut à ce moment-là
05:04qu'elle ait l'autorisation de son mari.
05:07On pourrait décliner un petit peu
05:09toutes les catégories de droits
05:11et à chaque fois, on voit que
05:14le pouvoir masculin,
05:17ce qu'on nous appellerait aujourd'hui
05:18et la domination masculine
05:20dans le code civil, c'est très fort.
05:25Bourgeoise ou paysanne,
05:26le code civil Napoléon
05:27maintient les femmes mariées à l'état de mineure.
05:31Elle participe pourtant
05:33à faire fonctionner la société.
05:34Les femmes,
05:38elles ont toujours travaillé
05:40au champ, à la maison, au foyer, etc.
05:42Mais c'était un travail invisible,
05:46silencieux et non rémunéré.
05:51Dans cette France en majorité rurale,
05:54l'intégralité de leur journée
05:56est dédiée aux travaux agricoles
05:58et domestiques.
05:59Le salaire principal,
06:05c'est l'homme.
06:06Le statut viril
06:09du père de famille,
06:11c'est d'apporter son salaire au foyer.
06:14Les femmes ne doivent pas manier d'argent.
06:16Elles ne doivent pas toucher d'argent.
06:18Ce n'est pas leur rôle.
06:20L'argent, c'est le monde des hommes.
06:27Les femmes, elles donnent,
06:28elles donnent la vie,
06:28elles donnent leur lait,
06:30elles donnent leur temps,
06:31elles sont dans le soin.
06:32Et donc ça,
06:32ça ne doit pas avoir
06:33de valeur économique.
06:34Et donc elles sont exclues
06:36d'une sphère économique.
06:39Mais le monde agricole,
06:40au début du 19e siècle,
06:42est à la peine.
06:43Le salaire masculin
06:44ne suffit plus pour vivre.
06:46Les femmes complètent
06:47le revenu familial
06:48par des travaux de couture
06:50à domicile.
06:52Des ateliers distribuent alors
06:53chaque semaine
06:54de l'ouvrage.
06:56Des femmes,
06:57issues de milieux populaires,
06:58viennent chercher des coupons
06:59de tissu
07:00pour les rassembler
07:01à leur domicile
07:02et confectionner des chapeaux
07:04ou des costumes.
07:06D'autres filent la laine.
07:08On les appelle
07:08les dentelières,
07:10brodeuses
07:10ou petites mains.
07:12Elles s'attellent au travail
07:13avec leurs enfants
07:14qui courent dans leurs jambes.
07:16Payées à la pièce,
07:18elles perçoivent
07:18une rémunération
07:19considérée comme un appoint.
07:21On va construire
07:24des faux salaires,
07:26des salaires
07:26qui seront grignotés,
07:28qui seront jamais
07:28en reconnaissance
07:30du travail accompli.
07:31Au contraire,
07:33on va considérer
07:34que pour une femme,
07:36comme elle va être mariée,
07:38et que ce sera la norme
07:39sociale dominante
07:40et économique,
07:41elle n'aura besoin
07:43que du superflu.
07:45Le salaire d'appoint,
07:47c'est ce qui pouvait servir
07:49pour se payer
07:50les épingles à chapeau.
07:51Comme si c'était un luxe
07:53pour elles de travailler
07:54et que jamais
07:55leur salaire était vital
07:58pour leur famille,
07:59ce qui est totalement faux.
08:00Ça veut dire aussi
08:01qu'on considère
08:03que le salaire des femmes
08:04est moindre,
08:06puisqu'il n'est qu'un appoint,
08:08et on la paye moins,
08:10y compris pour des tâches égales.
08:15La révolution industrielle
08:17change progressivement
08:18l'organisation du travail.
08:23Des machines actionnées
08:24par la vapeur
08:25remplacent les métiers
08:27à tisser.
08:28Des manufactures
08:30se transforment en usines
08:31le long de la vallée du Rhône,
08:33en Alsace,
08:34à Roubaix dans le Nord.
08:37Elles embauchent massivement
08:38des ouvrières.
08:40Pour la première fois
08:41de leur existence,
08:42des femmes quittent
08:43leur foyer
08:43pour rejoindre
08:45un décor
08:45qui leur est totalement inconnu.
08:48Certes,
08:49la machine a remplacé
08:49l'aiguille,
08:51mais au foyer
08:51comme à l'usine,
08:53pour ses petites mains,
08:54il n'y a pas
08:55d'autres conditions possibles
08:56que l'oubli d'elle-même.
08:59Ce sont des gestes simples
09:01qui supposent
09:04de l'attention.
09:05C'est très fatigant.
09:07On commence tôt,
09:08on finit tard.
09:10Ce sont des journées
09:11interminables.
09:12La main-d'œuvre féminine
09:17est aussi une main-d'œuvre
09:18très encadrée,
09:20très surveillée,
09:21avec des interdictions
09:22draconiennes
09:23de se parler,
09:24l'empêchement
09:25d'aller aux toilettes.
09:27On a pu comparer
09:28certains ateliers de femmes
09:29à des prisons
09:30ou à des couvents,
09:32avec une discipline
09:33vraiment de faire.
09:36Les femmes qui travaillent
09:36sont en général
09:37contraintes de travailler.
09:39Elles sont célibataires,
09:41veuves, divorcées.
09:43D'autres n'ont pas le choix
09:44parce que le mari
09:46a un salaire très faible
09:48et que les deux salaires
09:50sont nécessaires.
09:51Et qu'on est dans une économie
09:52de salaire familial
09:53qui caractérise
09:54la classe ouvrière.
09:59Dans l'industrie textile,
10:01la rémunération quotidienne
10:03moyenne est de 2 francs
10:04pour un ouvrier
10:04contre moins d'un franc
10:06pour une ouvrière.
10:09Les femmes subissent
10:10du seul fait
10:11d'être des femmes
10:12une réduction systématique
10:14de leur salaire.
10:17Quand elle est en usine,
10:19on considère
10:19qu'elle va moins vite,
10:20qu'elle fait moins
10:21d'efforts physiques
10:22parce qu'elle est moins forte,
10:23etc.
10:24Donc,
10:25il y a toujours l'idée
10:26que l'apport productif
10:28des femmes est moindre,
10:30donc qu'on la paye moins.
10:34Le travail des femmes
10:36ferait-il peur ?
10:38Il y a eu pendant
10:39un certain temps
10:40l'idée que les femmes
10:42étaient une espèce
10:43d'armée de réserve
10:44de travail
10:46qui ferait concurrence
10:48aux hommes
10:49et que si les femmes
10:51étaient employées,
10:52ça ferait baisser
10:54le salaire des hommes.
10:58Il ne faut pas
10:59que les femmes
10:59aient un salaire suffisant
11:02pour leur permettre
11:03d'accéder à leur émancipation
11:04financière et leur autonomie.
11:06le risque,
11:07c'est quand même
11:07qu'elles soient libres.
11:08Que deviennent les hommes
11:09si les femmes sont libres ?
11:10C'est une question
11:11qui, visiblement,
11:11les taraude
11:12depuis plusieurs siècles.
11:15Peut-être redoute-t-il
11:16qu'elles puissent
11:17en fin de compte
11:18vivre sans eux
11:19et s'échapper ainsi
11:24de leur domination.
11:26A l'usine,
11:29les monstres
11:30sont des hommes ordinaires.
11:32Il y a des contre-maîtres
11:33qui sont généralement
11:34des hommes
11:35et comme ce sont
11:36de très jeunes femmes,
11:37il y a pas mal
11:38de harcèlement sexuel.
11:46Il est si difficile
11:47de se soustraire
11:48à la domination masculine.
11:49En instituant
11:51l'infériorité
11:52de la femme,
11:53le code civil
11:54a créé
11:54une condition féminine.
11:59Bientôt,
12:00les femmes
12:00vont s'allier.
12:02Sur les barricades,
12:03dans les journaux,
12:04sur les piquets de grève,
12:05elles vont partir
12:06à la conquête
12:07de leurs droits.
12:08En 1848,
12:18une flambée révolutionnaire
12:20embrase la France.
12:22La Seconde République
12:23est proclamée.
12:27Le 5 mars,
12:28le gouvernement provisoire
12:29met en place
12:30le suffrage universel masculin.
12:34Les femmes sont
12:34une nouvelle fois
12:35privées du droit de vote
12:36alors qu'elles ont participé
12:38à la Révolution.
12:41Pourtant,
12:42employées,
12:43mères de famille,
12:44célibataires,
12:45anonymes ou plus connues
12:46ne se résignent pas
12:47à être de simples témoins
12:48de l'histoire.
12:51Les femmes sont actives
12:52pour demander
12:53la citoyenneté politique
12:54mais aussi
12:55la citoyenneté sociale
12:57des femmes.
12:58Droit civil,
12:59droit civil,
13:00droit au travail
13:01et droit à l'éducation,
13:03c'est le socle
13:04du féminisme
13:05au XIXe siècle.
13:08Ces avant-gardistes
13:09veulent détricoter
13:11le code Napoléon.
13:12Cette bastille de papier
13:14qui fait de la femme
13:15une personne
13:16enchaînée à son mari.
13:18Je vois le code Napoléon
13:19comme une espèce
13:20de porte blindée
13:20et elles ne peuvent pas
13:22la faire sauter d'un coup
13:23mais elles vont trouver
13:24des brèches
13:24de tous les côtés
13:25en se faufilant
13:26mais là regarde
13:27il y a un espace
13:28entre le bas et la porte
13:30on peut passer par là
13:31pour réussir.
13:33Il y en a qui vont
13:33se concentrer
13:34sur le droit de vote
13:35il y en a qui vont être plus
13:36dans il faut faire
13:37la révolution
13:38en général.
13:40Ces héroïnes
13:41dont on a oublié
13:42le nom aujourd'hui
13:43rivalisent d'audace
13:45et de courage.
13:47Pour défendre leurs idées
13:48sur l'émancipation
13:49des femmes
13:49elles créent des journaux.
13:52L'un d'entre eux
13:52la voix des femmes
13:54est le premier
13:54de l'histoire de la presse
13:56à se présenter
13:57comme un journal
13:57qui soutiendra franchement
13:59leurs intérêts moraux
14:00intellectuels
14:01et matériels.
14:03Trois mots
14:03qui claquent
14:04à la une du quotidien
14:05pour défier
14:06la domination patriarcale
14:07de l'époque.
14:09La voix des femmes
14:10c'est un journal
14:11qui est créé
14:12par des féministes
14:13républicaines
14:15en 1848.
14:16C'est un journal
14:18qui a très peu de moyens
14:19mais qui est remarquable
14:21par sa qualité
14:22et puis par la radicalité
14:24de ses positions
14:25pour une émancipation totale.
14:27C'est le mot
14:28qui est employé
14:28et dans total
14:29il faut bien comprendre
14:31que cela inclut
14:32les droits économiques
14:33et sociaux des femmes.
14:34La question du travail
14:35est absolument centrale
14:37et ce sont des travailleuses
14:39qui écrivent dans ce journal
14:41ce ne sont pas des bourgeoises.
14:44Eugénie Niboyer
14:45est à la tête
14:46de ce quotidien.
14:48Militante infatigable
14:49de la cause des femmes
14:50elle apostrophe
14:51la République
14:52sur le sort
14:52de ses concitoyennes.
14:55La liberté pour tous
14:56c'est la liberté pour toutes.
14:58Nous ne pouvons associer
14:59l'idée de privilège
15:00à l'idée de démocratie.
15:05Dans le sillage
15:06de ce journal
15:07apparaît
15:07l'Opinion des femmes
15:08une revue
15:10fondée par Jeanne de Rouen
15:11une ouvrière lingère
15:13devenue institutrice.
15:15Le titre de ce mensuel
15:16est déjà
15:17une revendication en soi.
15:20Qu'est-ce que l'opinion
15:20des femmes ?
15:22C'est le jugement
15:23qu'une moitié de l'humanité
15:24a le droit de porter
15:25sur les lois
15:25qui lui sont imposées
15:27par l'autre moitié.
15:30Ses écrits,
15:31ses voix
15:32semblent si contemporains.
15:36Face à un 19e siècle
15:38qui laisse toujours
15:39les filles
15:39aux portes des écoles
15:40la lutte pour le droit
15:42à l'instruction
15:43devient une priorité.
15:44Ce qui rend difficile
15:46la situation
15:48des femmes
15:48dans le monde du travail
15:50c'est qu'elles sont
15:50exclues
15:51de l'éducation.
15:53Donc la première étape
15:54c'est l'amélioration
15:56de la formation
15:57des filles
15:58même si la période
15:59n'est pas très propice
16:00aux
16:01d'immenses progrès sociaux.
16:04Il y a
16:05des initiatives
16:06importantes
16:07comme celle
16:08d'Elisa Lemonnier
16:09qui avait été active
16:10pendant la révolution
16:11de 1848
16:12et qui créé
16:13en 1862
16:14la première école
16:16professionnelle
16:17pour jeunes filles.
16:21À Paris
16:22ces jeunes filles
16:23suivent des cours
16:23de culture générale
16:24tout en se perfectionnant
16:26dans les travaux
16:26de couture
16:27et de broderie.
16:30Cet enseignement
16:31leur permet
16:31d'obtenir
16:31une qualification
16:32professionnelle
16:33qui valorise
16:34leur travail.
16:35Une première étape
16:36pour s'émanciper.
16:41Et ça
16:42a tout de suite
16:42beaucoup de succès.
16:45C'est une école
16:46qui va
16:47très vite
16:48devoir créer
16:49des annexes
16:50et accueillir
16:51des centaines
16:52de jeunes filles.
16:53Entre-temps,
16:54la loi Fallou
16:55de 1850
16:56oblige les communes
16:58de plus de 800 habitants
16:59à ouvrir
17:00des écoles primaires
17:00pour les filles.
17:02Mais l'enseignement
17:03secondaire
17:04qui prépare
17:04au baccalauréat
17:05est toujours
17:06la chasse gardée
17:07des garçons.
17:10Une écrivaine,
17:11Julie-Victoire Daubier,
17:12défie les conventions
17:13en s'inscrivant
17:15comme candidate libre.
17:18En gros,
17:18Julie-Victoire Daubier,
17:20elle est dans un siècle
17:20où on lui dit
17:21que les femmes
17:22ne peuvent pas faire
17:22des études
17:23parce que lire des livres,
17:25ça leur fait mal à la tête.
17:26Elles ont des migraines
17:26parce qu'elles ont
17:27un petit cerveau,
17:28ça fait des inflammations
17:29neuronales.
17:30Et donc, en fait,
17:30pour leur santé,
17:32il ne faut pas
17:32qu'elles fassent des études
17:33et puis elles n'ont pas
17:34les capacités intellectuelles.
17:35Et vraiment,
17:36à l'époque,
17:36au 19e,
17:37on mesure le crâne des gens
17:38et on dit
17:38« Bon, ben, toi,
17:39t'es idiot
17:39parce que t'as un petit crâne. »
17:42Et Julie-Victoire se dit
17:43« Je vais passer mon bac
17:44pour montrer
17:45l'égalité intellectuelle
17:47entre les femmes
17:47et les hommes. »
17:48C'est quand même ça,
17:49son but.
17:49Sauf que les femmes
17:50n'étaient pas censées
17:51passer leur bac.
17:52Mais il y a
17:53ce gouffre
17:54qui est très drôle,
17:55c'est que ça apparaissait
17:56tellement évident
17:57qu'elles ne passeraient
17:57pas leur bac
17:58que ça n'était pas écrit
17:59noir sur blanc
18:00qu'elles étaient
18:00interdites de passer
18:01l'épreuve.
18:02Et donc,
18:02elle arrive,
18:03elle se démène un peu,
18:04mais elle arrive
18:04à s'inscrire,
18:06elle arrive à obtenir
18:07son bac.
18:07C'est un peu la stupeur.
18:09Elles sont capables
18:10de ça.
18:11Le 17 août 1861,
18:14Julie-Victoire Daubier
18:15obtient à 37 ans
18:17son baccalauréat.
18:19Bachelier,
18:20S. lettres.
18:21L'équivalent féminin
18:22n'existe pas.
18:25Le désir de liberté
18:26est contagieux.
18:28À l'usine,
18:29les ouvrières
18:29vont à leur tour
18:30tenter de briser
18:31leur chaîne.
18:35Trois ans plus tard,
18:37en 1864,
18:39sous la pression
18:39des ouvriers,
18:41la loi Olivier
18:41supprime le délit
18:42de coalition
18:43qui datait
18:44de la Révolution française.
18:46Cette nouvelle législation
18:47les autorise
18:48à faire grève
18:48à certaines conditions.
18:50Ne pas empêcher
18:51le travail
18:51des non-grévistes,
18:52ne pas commettre
18:53des actes de violence.
18:55En dépit du danger
18:56qu'elles encourrent,
18:57les ouvrières
18:58se saisissent
18:58de ce nouveau droit.
19:00C'est toujours
19:01très difficile
19:01de faire grève.
19:02La grève
19:02n'est pas très populaire.
19:04Mais les femmes
19:06y ont recours
19:07souvent pour se défendre.
19:09Ce ne sont pas
19:10des grèves offensives,
19:11ce sont des grèves
19:11défensives
19:12contre des diminutions
19:14de leur salaire.
19:17Des grèves aussi
19:18souvent spontanées
19:19qui ne sont pas
19:20déclenchées
19:21par les états-majors
19:22syndicaux.
19:23Donc ce sont des mouvements
19:24d'exception,
19:25c'est vrai,
19:25où les femmes
19:26peuvent s'approprier
19:28la rue,
19:29ces grèves
19:31peuvent être joyeuses,
19:32il y a des chants,
19:33de la provocation,
19:35il peut y avoir
19:35de la violence.
19:36À l'été 1869,
19:43à Lyon,
19:45250 ouvrières
19:46de la soie
19:47nommées
19:47les Ovalistes
19:48s'opposent
19:49à leur patron.
19:52Elles réclament
19:53une réduction
19:53de leur journée
19:54de travail
19:54et la hausse
19:55de leur salaire.
20:01Et leur clameur
20:02résonne dans les rues,
20:04tant et si bien
20:05que plus de 1800
20:05ouvrières
20:06viennent grossir
20:07leur rang.
20:10C'est la première
20:10manifestation de femmes
20:11d'une telle ampleur
20:12en France.
20:16Seule la presse locale
20:17s'en fait l'écho.
20:18Freinées dans leurs actions
20:24par la suspension
20:25de leur salaire,
20:27elles cessent la grève
20:28le 29 juillet.
20:31Elles obtiennent
20:32la réduction
20:33de leur temps de travail
20:34d'une petite heure.
20:36Leur rémunération
20:37reste inchangée.
20:40Mais leur ténacité
20:41ouvrira la voie
20:42à d'autres grévistes.
20:43Près de 170 mouvements
20:45de femmes
20:45suivront au cours
20:46des deux prochaines décennies.
20:48Quand on pense
20:49aux mouvements sociaux
20:50ouvriers du 19e siècle,
20:52on pense rarement
20:53aux femmes.
20:53Et cette mémoire-là,
20:55elle s'est perdue
20:55et du coup,
20:56on a l'impression
20:56que ces femmes
20:57n'ont rien fait,
20:58alors que pas du tout,
20:59elles ont été à la pointe
21:00vraiment de mouvements
21:01de revendications sociales.
21:06Salaire,
21:07droit de vote,
21:08égalité totale.
21:10Comment faire avancer
21:11les lois
21:11quand les assemblées
21:12sont uniquement
21:13composées d'hommes ?
21:15La journaliste et écrivaine
21:18Hubertine Auclair,
21:20pionnière du militantisme
21:21féministe,
21:22défie le pouvoir
21:23en tentant de se faire
21:25inscrire
21:25sur les listes électorales
21:27à Paris.
21:28Refus catégorique du maire.
21:31Elle entame alors
21:31une grève de l'impôt.
21:34Elle écrit à son préfet
21:35« Puisque je n'ai pas
21:37le droit de contrôler
21:38l'emploi de mon argent,
21:39je ne veux plus en donner.
21:42Je ne veux pas être,
21:43par ma complaisance,
21:44complice de la vaste
21:46exploitation que l'autocratie
21:47masculine se croit
21:49le droit d'exercer
21:50à l'égard des femmes.
21:52Je n'ai pas de droit,
21:54donc je n'ai pas de charge.
21:56Je ne vote pas,
21:58je ne paye pas. »
22:01À défaut du droit de vote,
22:03c'est une autre loi
22:03votée par un parlement,
22:04entièrement masculin
22:06qui entre en vigueur
22:08une loi dite de protection.
22:11À partir de 1892,
22:14elle interdit le travail
22:15de nuit des enfants,
22:17des filles mineures
22:18et des femmes
22:19dans l'industrie.
22:24Que cache la protection ?
22:26Est-ce que les travailleuses
22:28ne sont pas des travailleurs
22:29comme les autres ?
22:30Effectivement,
22:31elles ne sont pas
22:31des travailleurs comme les autres.
22:32Elles sont vues
22:34comme de futures mères,
22:36donc il y a la maternité
22:37qui occupe toujours
22:38un rôle central,
22:40la famille.
22:42Donc, la notion de protection,
22:44elle correspond en partie
22:45à une réalité,
22:46il faut limiter
22:46cette exploitation,
22:48mais elle cache aussi
22:49une logique de défense
22:51du rôle traditionnel
22:52des femmes
22:53qui devraient rester
22:54au foyer.
22:55Et de fait,
22:57les lois dites
23:00de protection
23:01du travail des femmes
23:02vont limiter
23:03les possibilités
23:04d'emploi des femmes.
23:06Cette loi sera à l'époque
23:08transgressée
23:10ou contournée.
23:14Il y avait des femmes
23:15qui disaient
23:16« Moi, j'aime autant
23:17travailler la nuit,
23:18après tout,
23:19je serais mieux payée. »
23:21Donc, on voit là
23:23que quand une femme
23:24se pense
23:25comme une travailleuse
23:27avec les droits
23:28au travail,
23:29elle va quelquefois
23:31étonner
23:32par le type
23:33de revendication
23:34qu'elle développe.
23:36Dans un monde
23:37où la loi
23:37leur est hostile,
23:39à quoi rêvent
23:40les jeunes femmes
23:40du 19e siècle ?
23:42Comment se projeter
23:43dans le futur
23:44quand l'argent
23:45se conjugue
23:46au masculin ?
23:48En 1818,
23:51la première caisse
23:51d'épargne
23:52et de prévoyance
23:53ouvre à Paris
23:54et les femmes
23:56franchissent ses portes.
23:58« C'est tout nouveau
23:59dans le capitalisme,
24:00donc ça n'a pas été vraiment,
24:01il n'y a pas de législation
24:02très claire.
24:02Et donc, les femmes
24:03commencent à aller
24:04ouvrir des comptes
24:05de caisse d'épargne
24:06et déposer de l'argent
24:07pour économiser,
24:08pour plus tard,
24:09pour les enfants, etc.
24:10Et vraiment,
24:11elles profitent
24:12d'une espèce
24:12de zone crise, en fait.
24:13Ce n'est pas écrit
24:14qu'elles n'ont pas
24:15le droit de le faire.
24:16Les domestiques
24:17sont les premières
24:19à déposer leur gage
24:20pour épargner
24:21leur petit pécule.
24:23« C'était des femmes
24:23qui souvent
24:24épargnaient beaucoup
24:25parce qu'elles étaient
24:26nourries mal,
24:28logées mal,
24:29mais elles essayaient
24:31de s'en contenter
24:32pour mettre
24:33leur gage de côté.
24:34Elles étaient très jeunes
24:35en général
24:35et se constituaient
24:37une dot.
24:38Avec une petite dot,
24:40parfois,
24:41elles pouvaient aussi
24:42avoir un homme mieux. »
24:43Mais pour les femmes mariées,
24:45une instruction ministérielle
24:46précise qu'elles peuvent
24:47ouvrir seul un livret,
24:48mais avec l'accord
24:49de leur mari.
24:49« Donc là,
24:50les députés se disent
24:50« Qu'est-ce qui se passe ? »
24:52Donc, il faut une loi
24:53pour dire
24:53« Elles ont,
24:54les femmes mariées,
24:54ont le droit
24:55d'ouvrir un compte épargne.
24:56Elles ont le droit
24:57d'y mettre de l'argent.
24:58Mais pour récupérer
24:59cet argent,
25:00il leur faut l'autorisation
25:01de leur mari. »
25:02Et l'argument est très simple
25:03et de dire
25:04« Sinon,
25:05ça serait du vol.
25:06Puisqu'une femme mariée
25:07ne possède rien,
25:09l'argent qu'elle voudrait
25:10récupérer,
25:10c'est celui de son mari.
25:12Donc, en fait,
25:12elle le vole.
25:13Et la loi,
25:14les députés
25:15ne peuvent pas
25:15dire oui au vol,
25:17c'est impossible.
25:17Donc, ils disent
25:18« Non, on ne peut pas
25:18les laisser récupérer
25:19de l'argent comme ça. »
25:22Le sujet est débattu
25:24régulièrement
25:25à l'Assemblée nationale.
25:27Les femmes mariées
25:27ont-elles le droit
25:28ou pas
25:29de mettre
25:30de l'argent de côté
25:31et de le retirer ?
25:33En 1881,
25:36après plus de 20 ans
25:37de joute verbale
25:38au Parlement,
25:39une loi autorise
25:40les Françaises
25:41a effectué
25:42des versements
25:43et des retraits
25:43sans l'aval
25:44de leur époux.
25:46Une mention
25:46non assistée
25:47de son mari
25:48sera imposée
25:49au livret
25:50de caisse d'épargne.
25:52Ce sont des mesures
25:53juridiques
25:54qui sont totalement
25:56en faveur
25:56de l'émancipation
25:57des femmes
25:58et qui marquent
25:59une étape importante.
26:00Mais les femmes
26:01sont quand même
26:02toujours soumises
26:03à l'autorité du mari.
26:04Si on fait des liens
26:05entre le passé
26:06et le présent,
26:08ça explique aussi
26:09le fait qu'on a
26:10beaucoup dit
26:10les femmes,
26:11les Françaises,
26:12elles aiment épargner.
26:13Il y a aussi
26:13que pendant très longtemps,
26:15c'était le seul moyen
26:16pour les femmes
26:16d'avoir un compte bancaire
26:17autonome,
26:17c'était un compte épargne.
26:19Et donc je pense
26:19que même si on a perdu
26:20la mémoire de ça,
26:21on a conservé quelque chose
26:23de l'ordre de
26:24« je sais que pour moi,
26:26avoir un compte épargne,
26:26c'est important. »
26:28A la fin du XIXe siècle,
26:34l'industrialisation
26:35entraîne la création
26:36de métiers
26:36dans le secteur tertiaire.
26:42Employées de banque,
26:44vendeuses,
26:45télégraphistes,
26:46opératrices,
26:47de nouvelles opportunités
26:48s'offrent aux femmes.
26:49Ces métiers du tertiaire
26:52ont attiré
26:53une petite bourgeoisie
26:56qui avait des problèmes
26:57d'argent
26:58et puis la couche supérieure
27:01du monde ouvrier
27:02qui se disent
27:05« ah, mes filles,
27:06quand même,
27:07l'usine,
27:08c'est pas bien pour elles.
27:11Si elles font
27:12un tout petit peu d'études,
27:13elles vont pouvoir
27:14aller dans les bureaux. »
27:16De grands établissements
27:18bancaires les recrutent.
27:19Les employeurs
27:20profitent volontiers
27:21de cette main-d'œuvre
27:22qui leur coûte moins cher.
27:26« L'employée de banque
27:27est un homme,
27:28donc c'est un milieu d'hommes
27:29et les femmes
27:30arrivent progressivement
27:31avec le développement
27:32des services administratifs.
27:34Les métiers d'exécution,
27:37des postes subalternes,
27:38là on trouve
27:39de plus en plus de femmes.
27:41Elles exécutent
27:42des tâches répétitives,
27:43monotones,
27:44anesthésiantes
27:45et elles ont peu
27:46de perspectives d'évolution.
27:49Parfois,
27:53les remarques
27:53dépassent l'entendement.
27:57« Assez bonnes employées
27:58n'utilisent pas
27:59ces moyens
28:00à secouer. »
28:05Alors qu'un nouveau siècle
28:06se fait jour,
28:08les féministes
28:09vont se charger
28:10de secouer le code civil
28:11car les Françaises
28:13ne peuvent toujours
28:14pas disposer librement
28:15du fruit de leur travail.
28:19« Ça nous paraît
28:20évident maintenant
28:22qu'une femme mariée,
28:24quand elle a travaillé,
28:25puisse aller
28:25toucher son salaire.
28:27Mais c'est toujours
28:29cette idée
28:29du code civil
28:30qui fait que
28:32c'est le mari
28:33qui est
28:34le responsable,
28:36l'ayant droit,
28:38y compris du salaire
28:39et du travail
28:40de sa femme.
28:41Dans la réalité
28:42des fêtes,
28:43il y avait beaucoup
28:43de maris
28:44qui trouvaient
28:44tout à fait normal
28:45que leur femme
28:46aille toucher
28:47leur salaire.
28:48Mais enfin,
28:49s'il était en conflit
28:50avec sa femme,
28:52il avait le droit
28:53de dire
28:53« Mais tu ne toucheras
28:54pas ton salaire,
28:55c'est moi
28:55qui irai le toucher. »
28:57Pour les féministes,
29:01il est temps
29:01que ce bastion tombe.
29:03L'une d'entre elles,
29:04Jeanne Schmal,
29:05part au combat.
29:07Afin de sensibiliser
29:09l'opinion publique,
29:10elle fonde
29:10l'association
29:11« Avant Courrière ».
29:12Au programme du collectif,
29:14l'obtention
29:15de deux lois,
29:16le droit pour les femmes
29:17d'être témoins
29:18dans les actes civils
29:19et le droit
29:20pour les Françaises
29:20mariées
29:21de disposer
29:22librement
29:23de leur salaire.
29:23Jeanne Chauvin,
29:26première avocate
29:27à avoir plaidé en France,
29:28est chargée
29:29de rédiger
29:29les deux projets de loi
29:30qui seront distribués
29:31aux parlementaires
29:32et à la presse.
29:34Le but,
29:35gagner d'abord
29:35la bataille de l'opinion
29:37puis celle de l'Assemblée.
29:39Elle trouve un allié
29:40en la personne
29:40d'un député,
29:41Léopold Gouaran.
29:43C'est lui qui portera
29:44le volet principal
29:45de la réforme
29:45au Parlement.
29:48On est au début
29:48du XXe siècle.
29:50Les féministes
29:51commencent à avoir
29:52des relais,
29:53des alliés.
29:54Le mouvement féministe
29:55est beaucoup mieux
29:56structuré
29:57et pour une partie
29:58de l'opinion,
29:59l'émancipation économique
30:01des femmes
30:01est une nécessité,
30:04un but légitime.
30:07Si la loi permettant
30:08aux femmes
30:09d'être témoins
30:09dans les actes civils
30:10est rapidement adoptée
30:12en 1897,
30:14quand il s'agit
30:15de faire avancer
30:15les droits économiques
30:16des citoyennes,
30:18les parlementaires
30:19prennent décidément
30:20leur temps.
30:21Il faudra attendre
30:22dix ans
30:23pour que la législation
30:24autorise les femmes mariées
30:25à disposer
30:26de leur salaire
30:27à condition
30:28d'exercer
30:28une profession
30:29distincte
30:30de leur mari.
30:32Avec cette victoire,
30:34les féministes
30:35ont fait évoluer
30:36les mentalités.
30:38Elles ont surtout
30:38ouvert une brèche
30:39au code civil.
30:41Mais un nouvel événement
30:42s'apprête à bouleverser
30:43et l'existence
30:44des Français.
31:00Le 3 août 1914,
31:03l'Allemagne déclare
31:04la guerre à la France.
31:07Des millions de Français
31:08sont alors mobilisés
31:09pour rejoindre l'armée.
31:10Le travail de toutes
31:12les Françaises
31:13s'avère indispensable
31:14pour faire tourner
31:15l'économie.
31:17Des femmes occupent
31:18des postes réservés
31:19jusque-là aux hommes.
31:21Leurs activités
31:22deviennent plus visibles.
31:29Les maris partis au front
31:31leur signent des procurations
31:32les autorisant
31:33à gérer l'argent
31:33du compte familial.
31:34La guerre a ceci
31:37de paradoxal
31:38qu'elle leur permet
31:38de goûter
31:39à une autonomie nouvelle,
31:41celle de gérer
31:41entièrement l'argent.
31:44Mais le conflit
31:44s'enlise.
31:47Les usines d'armement
31:48embauchent
31:49à tour de bras
31:50des ouvrières
31:51pour participer
31:52à l'effort de guerre.
31:54Elles leur proposent
31:55un salaire élevé.
31:56Il reste quand même
31:57inférieur de moitié
31:58à celui des hommes.
32:00Ces travailleux
32:01sont affublés
32:02d'un nouveau nom,
32:03les munitionnettes.
32:04C'est une manière
32:08de ne pas les prendre
32:09tout à fait au sérieux
32:12ou de rendre jolies,
32:14pittoresques,
32:16une activité
32:17qui en réalité
32:18est très difficile.
32:21Pour gagner la guerre,
32:22il faut produire
32:23plus d'armes.
32:25Les lois de protection
32:26sont levées.
32:27Dans les usines d'armement,
32:29les cadences
32:29sont infernales.
32:32En une journée,
32:33une munitionnette
32:34soulève plus de 30 tonnes
32:35d'acier et de métal.
32:362000 obus
32:37passent dans ses mains.
32:40Les ouvrières
32:40ne bénéficient que
32:41de deux jours
32:42par mois de repos.
32:43Les accidents
32:44se comptent
32:45par centaines.
32:48Des grèves éclatent.
32:51L'État tente alors
32:52de mener des négociations
32:53entre salariés
32:54et patronat.
32:55Il va y avoir
32:57tout un débat
32:57avec le ministère
32:59de la guerre
32:59pour savoir
33:01si on va leur
33:02octroyer
33:02des hausses
33:03de rémunération.
33:05C'est très tendu
33:06et le ministre
33:08de l'armement,
33:08Albert Thomas,
33:09va essayer
33:10de mettre en place
33:11un arrêté
33:12pour favoriser
33:13l'égalité salariale.
33:15Mais très vite,
33:16le patronat
33:17va donner
33:17des arguments
33:18où l'on retrouve
33:19le fait
33:20qu'elle serait
33:21moins productive,
33:22qui aurait des nouveaux
33:23coûts pour l'outillage
33:25lorsqu'on fait travailler
33:26des femmes,
33:27toujours suspect
33:28de ne pas être
33:29à la hauteur.
33:30Mais pour autant,
33:31on maintiendra
33:32un abattement.
33:34En temps de paix
33:35comme en temps de guerre,
33:36le masculin
33:37l'emporte toujours
33:38sur le féminin.
33:39D'ailleurs,
33:40l'armistice signée,
33:41les Français
33:42sont incités
33:42à quitter leur poste
33:44pour laisser leur place
33:45aux soldats
33:46qui rentrent.
33:49Certains employeurs
33:50refusent même
33:51d'embaucher
33:51de nouvelles employées.
33:53Au sein
33:53de grands établissements
33:54bancaires,
33:55des notes internes
33:55circulent
33:56et dévoilent
33:57un sexisme
33:58à peine dissimulé.
34:01Je ne suis pas encore
34:02décidé à employer
34:03des femmes
34:03et je m'en passerai
34:05aussi longtemps
34:05que je le pourrais.
34:07Tout ce que j'en ai
34:07entendu dire
34:08jusqu'à présent
34:08par ceux
34:09qui en ont l'expérience
34:10ne m'engage
34:11nullement à essayer.
34:16La virilité française
34:17qui, à ce moment-là,
34:18a été très abîmée,
34:19même si en sortant
34:20vainqueur de la guerre,
34:20mais c'est quand même
34:21un conflit terrible,
34:22cette virilité,
34:23elle n'a pas seulement
34:23été abîmée
34:24par des avancées
34:26des féministes
34:27ou des femmes
34:27pendant le conflit.
34:28C'est plus profond
34:29que ça
34:30et c'est vraiment
34:30une question
34:31de comment est-ce
34:32que notre grand pays
34:33a pu se retrouver
34:34embourbé
34:34dans une telle boucherie
34:36qui va aussi expliquer
34:37la violence
34:38de ce qui va s'exercer
34:39contre les femmes.
34:40Il y a vraiment
34:40une partie des hommes
34:42ont besoin,
34:42besoin profondément
34:44que les femmes
34:45redeviennent soumises.
34:46la guerre a aussi
34:49son revers
34:49pour les femmes.
34:56Du jour au lendemain,
34:58elles sont à nouveau
34:59assignées au foyer
34:59pour remplir
35:01leur devoir d'épouse
35:02et surtout
35:03de mère.
35:04Il y a quand même
35:09cette idée
35:09d'il faut repeupler
35:10la France
35:11et donc les femmes
35:12elles ont des utérus.
35:13Et ça,
35:14c'est une très grande
35:15richesse économique
35:16l'utérus
35:16et donc vraiment
35:17on est à ce moment-là
35:19sur un discours politique
35:20qui est de
35:20il faut qu'elles fassent
35:21des enfants.
35:26Dans les rues,
35:27dans la presse,
35:29les affiches
35:29martèlent ce message.
35:32Donner naissance
35:33à des enfants
35:34relève du devoir
35:35patriotique
35:36et moral.
35:40Entre 1920
35:42et 1923,
35:43cette obsession
35:44nataliste
35:45s'accompagne
35:45de lois
35:46qui renforcent
35:47l'interdiction
35:47de l'avortement.
35:53Le corps des femmes
35:55devient la propriété
35:56de la nation.
35:58Avec les pertes humaines
36:00infligées par la guerre,
36:02le manque de main-d'oeuvre
36:03est de nouveau flagrant.
36:05Après les avoir congédiées
36:06sommairement,
36:07l'industrie rappelle
36:08les ouvrières
36:09dans les usines.
36:12C'est souvent
36:13la nécessité
36:14qui fait loi
36:14pour le travail
36:15des femmes.
36:16Ça,
36:16c'est quelque chose
36:17d'important
36:18à comprendre.
36:19Il y a les discours
36:19idéologiques,
36:20il y a les normes
36:21d'une part,
36:22mais d'autre part,
36:24il y a aussi
36:24les besoins
36:25de l'État
36:26et les besoins
36:27du patronat.
36:28et ce sont souvent
36:30ces besoins-là
36:31qui l'emportent
36:32à certains moments.
36:36C'est d'autant plus facile
36:38que la législation
36:39du travail
36:40demeure floue.
36:41L'heure
36:41est à la crise.
36:43Pour apaiser
36:43les tensions,
36:44le patronat
36:45rencontre les syndicats
36:46CGT
36:47et CFTC
36:48afin de mettre en place
36:50les premières conventions
36:51collectives.
36:52ils se mettent
36:54d'accord
36:55et c'est encore
36:55aujourd'hui
36:56une référence importante
36:57pour discuter
36:59de cris de salaire
37:01communes
37:02à l'ensemble
37:02des entreprises
37:03et pour limiter
37:04donc finalement
37:04la concurrence
37:06entre elles.
37:07Et dans ces conventions
37:08collectives,
37:10patronat et syndicats
37:11se mettent d'accord
37:12sur le principe
37:13d'abattement
37:14sur le salaire
37:15des femmes.
37:18Le salaire féminin
37:19est acté collectivement.
37:20sans l'avis
37:22des principales
37:22concernées.
37:24Qui alors
37:25écoutera enfin
37:26les femmes
37:26et leur soif
37:27d'égalité ?
37:30Au printemps
37:341936,
37:35l'accession
37:36au pouvoir
37:36de Léon Blum
37:37et du Front Populaire
37:39suscite un véritable
37:40espoir de changement.
37:42Alors que les Françaises
37:43n'ont toujours pas
37:44le droit de voter,
37:45le nouveau président
37:46du Conseil
37:46nomme trois femmes
37:47sous-secrétaires d'État.
37:49Cécile Brunchil,
37:50Suzanne Lacor
37:51et Irène Joliot-Curie.
37:53Le pays vient de traverser
37:55quatre semaines de grève.
37:57Léon Blum
37:57convoque patronat
37:59et syndicat
37:59à Matignon.
38:00Pas beaucoup de femmes
38:04autour des accords
38:06de Matignon.
38:07Une seule.
38:08Martha Derumeau
38:09qui était une femme
38:10du Nord.
38:11Elle a tout de même
38:13fait entendre
38:13la voix des femmes
38:14et du coup,
38:16on a posé
38:16la question
38:17de la différence
38:18de salaire
38:19entre les hommes
38:20et les femmes.
38:21Martha Derumeau
38:22disait,
38:22mais enfin,
38:22vous vous rendez compte ?
38:23Vous acceptez
38:24que les salaires
38:25des femmes
38:25soient inférieurs
38:26à celui des hommes
38:27pour le même travail ?
38:28Alors,
38:29les syndicalistes
38:29ont dit,
38:30ben non,
38:30non,
38:30non,
38:30c'est pas bien,
38:31c'est pas bien.
38:32Alors,
38:33ils ont dit,
38:33voilà,
38:34on va limiter.
38:35Mais ils ont quand même
38:36admis que 15,
38:3820 %
38:39c'était admissible.
38:40Si un écart de salaire
38:43persiste,
38:44ces accords
38:45signent des améliorations
38:46notables
38:47pour la condition féminine.
38:49Il va y avoir
38:50des hausses de salaire
38:51généralisées
38:52et notamment
38:53pour les bas salaires.
38:54Et qui dit bas salaire
38:55dit majorité de femmes.
38:58Donc,
38:58les femmes dans les usines
39:00vont connaître
39:01des hausses de rémunération
39:02très importantes.
39:05Elles vont avoir droit aussi
39:06au début des congés payés,
39:08à la semaine de 40 heures
39:10et puis on oublie souvent
39:11de rappeler
39:12qu'il y aura
39:13des droits syndicaux
39:14qui vont apparaître
39:15à ce moment-là,
39:16qui seront ouverts aux femmes.
39:18Elles vont devenir
39:19élues parfois,
39:20déléguées
39:21de leur entreprise.
39:23C'est aussi
39:23une avancée.
39:25En matière
39:26des droits des femmes,
39:27il n'existe pas
39:28de baguette magique.
39:30La conquête des libertés
39:31se gagne
39:32étape par étape.
39:34Et les Françaises
39:35sont toujours
39:36sous l'autorité maritale.
39:38Après une mobilisation
39:39intense des féministes,
39:41la loi du 18 février 1938
39:43leur accorde enfin
39:44la capacité civile
39:45que leur ravissait
39:46le Code Napoléon.
39:48L'article 213,
39:50la femme doit obéissance
39:51à son mari
39:52et supprimer.
39:54Elles peuvent faire
39:54des démarches
39:55en justice,
39:56demander seules
39:57des papiers d'identité
39:58ou louer pour les plus riches
40:00des coffres forts.
40:02Mais pour les féministes,
40:03cette réforme
40:04ne va pas assez loin.
40:05La droite,
40:08l'Église catholique
40:09sont très opposées
40:10à toute réforme
40:11du Code civil.
40:13Le mari doit rester
40:14le chef de famille,
40:16le chef de sa femme
40:17et le chef de ses enfants.
40:19Donc,
40:19une certaine déception
40:21accompagne
40:21l'adoption
40:22de cette loi.
40:24Il y a quand même
40:24une...
40:25Les femmes mariées
40:26gagnent
40:27une certaine
40:28autonomie,
40:30mais pas au point,
40:31par exemple,
40:32de pouvoir travailler
40:32sans l'autorisation
40:33du mari.
40:34Donc,
40:34c'est une demi-victoire,
40:36un demi-échec.
40:39L'histoire des femmes
40:40écrite par les hommes
40:41se répète inlassablement.
40:45Après le temps
40:46de la défaite
40:46et de l'humiliation,
40:48en 1940,
40:49Philippe Pétain,
40:50qui a les pleins pouvoirs,
40:52exclut les femmes mariées
40:53de la fonction publique,
40:54les met en congé
40:55sans solde
40:56si elles ont moins
40:57de trois enfants.
41:00Les femmes
41:00toujours coupables
41:01de ne pas faire
41:02assez d'enfants,
41:03mises à l'index
41:04par un Pétain
41:05qui refusera
41:06toute sa vie
41:07d'être père.
41:11Rattrapées
41:11une nouvelle fois
41:12par le manque
41:12de main-d'œuvre,
41:13ces lois seront suspendues.
41:17Le 29 avril 1945,
41:19les Françaises
41:20peuvent enfin voter
41:21grâce à une ordonnance
41:22obtenue un an plus tôt,
41:24un droit acquis
41:25après plus de 100 ans
41:26de lutte
41:27pour l'égalité
41:27des droits
41:28entre les femmes
41:29et les hommes.
41:31Elles votent,
41:31mais l'abattement
41:33sur leur salaire
41:33court toujours
41:34et les féministes
41:36n'ont pas l'intention
41:37de lâcher l'affaire.
41:47En 1946,
41:49les Français
41:49se trouvent
41:50un nouvel allié
41:50sur leur chemin
41:51vers l'émancipation
41:52économique.
41:53Ambroise Croizat,
41:55ministre du Travail.
41:56La Libération,
42:00gaullistes,
42:00communistes
42:01ont beaucoup dirigé
42:03la France
42:03et Ambroise Croizat,
42:06ministre communiste,
42:07avait dit
42:07qu'il faut qu'il y ait
42:08une loi
42:09qui dise
42:10travail égal,
42:11salaire égal.
42:14Il va inscrire
42:16la fin
42:17de tous les abattements,
42:19donc en 1946,
42:21qui sera ensuite
42:22relayé
42:23dans le préambule
42:25de la Constitution
42:26qui prévoit
42:27que la femme
42:29a tous les droits
42:31de l'homme.
42:32Il y a toute cette période
42:47qui donne espoir
42:49de la fin
42:50du salaire d'appoint,
42:52mais la réalité,
42:53c'est que déjà,
42:53il faut attendre 1950
42:55pour qu'une loi
42:57sur les conventions
42:58collectives
42:59soit mise à jour
43:01et inscrivent
43:02le principe
43:03d'un salaire égal
43:04pour un travail égal.
43:07C'est la fin
43:08du salaire féminin.
43:11Il aura fallu
43:12plus d'un siècle
43:13pour reconnaître
43:13juridiquement
43:14la valeur
43:15du travail
43:16des femmes.
43:17Dès 1960,
43:19elles investissent
43:20massivement
43:20le monde du salariat.
43:22Il y a un climat
43:23un peu général
43:24d'émancipation
43:24et une reprise
43:25du taux d'activité
43:26des femmes.
43:27D'ailleurs,
43:27des gens disent
43:28« Ah, maintenant
43:29que les femmes
43:30travaillent comme si
43:31c'était une nouveauté
43:32parce qu'effectivement,
43:33il y a une augmentation.
43:34Il y a aussi
43:35de plus en plus
43:35de filles diplômées.
43:37Donc, il y a
43:38des changements majeurs
43:38et puis des changements
43:39qui commencent aussi
43:40avec la demande
43:42de contraception. »
43:44C'est dans ce contexte
43:49d'espérance
43:50d'une émancipation
43:51plus vaste
43:52que la réforme
43:53du Code civil
43:53a lieu
43:54le 13 juillet 1965.
43:57Elle marque
43:58un tournant décisif
43:59pour l'indépendance
44:00financière
44:00des femmes mariées.
44:03Deux ans plus tard,
44:04en 1967,
44:06un dernier verrou tombe,
44:08celui de l'accès
44:09à la bourse.
44:11Les Français
44:11ont enfin le droit
44:12de pénétrer
44:13cette enceinte
44:14jusque-là
44:14réservée aux hommes
44:15et de spéculer.
44:17Je trouve
44:18que c'est important
44:19de se rendre compte
44:20que le droit de vote
44:22arrive 20 ans avant
44:24le droit de spéculer
44:26en bourse
44:26pour les femmes.
44:27On a un peu
44:28l'impression
44:28qu'avec le droit
44:29de vote,
44:29on a acquis
44:30la grande loi
44:30d'égalité
44:31des droits,
44:32etc.,
44:32mais pas du tout.
44:33Et se dire
44:34que les hommes
44:35de l'époque
44:36étaient davantage
44:36prêts à nous laisser
44:37voter que spéculer
44:38en bourse,
44:39je dis que ça dit
44:41beaucoup sur l'importance
44:42du pouvoir économique
44:43et sur le fait
44:44que ça,
44:44c'était quand même
44:44le dernier bastion
44:46qui a résisté.
44:47C'est vraiment
44:48la finance
44:48et l'argent
44:49et l'indépendance
44:50économique,
44:51plus que l'indépendance
44:52politique,
44:52finalement.
44:53Oubliez la femme
44:58dépendante
44:59de son époux.
45:00Après des décennies
45:01de luttes,
45:02la femme moderne
45:03possède son propre
45:04carnet de chèques
45:05et même le petit écran
45:07s'intéresse à elle.
45:07Pourquoi travailles-tu
45:13exactement ?
45:14Pour être indépendante.
45:16C'est-à-dire indépendante ?
45:18Indépendante,
45:19je travaille pour
45:19curtir beaucoup
45:20d'indépendance
45:20parce que tout d'abord
45:21sur le plan financier,
45:23sur le plan idée.
45:26Vous habite ton mari ?
45:28Oui, oui, oui.
45:30Je suis indépendante
45:30parce que je travaille
45:31et je ne me sens pas
45:33sous son emprise.
45:34Enfin,
45:35c'est un grand mot,
45:35emprise.
45:36Mais,
45:37comment dirais-je ?
45:44Des hésitations
45:45qui disent
45:46quelque chose
45:46de l'époque
45:47car l'époux
45:48reste le chef de famille.
45:51Cette notion
45:51disparaîtra finalement
45:53le 4 juin 1970.
45:57Tout le XXe siècle
45:58est jalonné de lois
45:59qui définissent
46:00les droits des femmes
46:01au travail.
46:03De la première loi
46:04pour disposer librement
46:05de leur salaire
46:06au principe
46:07d'égalité
46:07de rémunération.
46:09Les femmes
46:09ont conquis
46:10leurs droits.
46:13Mais un siècle
46:13et demi
46:13de domination
46:14patriarcale
46:15gravée dans le code
46:16ne s'efface pas
46:17simplement
46:18en supprimant
46:18des articles.
46:20Dans les mentalités,
46:22il reste encore
46:22des traces.
46:23Madame
46:36Marie-Pierre
46:38Rixin, rapporteur
46:39de la commission
46:39mixte paritaire.
46:44En 2021,
46:46c'est encore
46:46une femme députée
46:47qui se saisit
46:48d'un dossier tabou,
46:49celui des violences
46:50économiques conjugales.
46:51Monsieur le Président.
46:52À la tribune,
46:53Marie-Pierre Rixin
46:54propose une loi
46:55qui instaure,
46:56entre autres,
46:57l'obligation
46:58de verser le salaire
46:59sur un compte bancaire
47:00ouvert au nom
47:01du salarié
47:02ou de la salariée.
47:03Son but ?
47:05Éviter la captation
47:06d'un salaire
47:06ou même
47:07d'une prestation sociale
47:08par un mari
47:09ou un conjoint violent.
47:11Les violences économiques
47:12définissent un comportement
47:14qui a pour conséquence
47:16d'appauvrir
47:17ou alors de freiner
47:18l'enrichissement
47:20d'une personne.
47:21C'est quand un conjoint
47:21va faire en sorte
47:23que sa conjointe,
47:24généralement,
47:25soit ne puisse pas travailler
47:27pour gagner de l'argent,
47:29soit va s'appauvrir
47:30dans le cadre du mariage,
47:32soit ne va pas pouvoir
47:33investir, par exemple,
47:34ou utiliser son argent
47:36comme elle l'entend.
47:37Et on a fait une étude
47:38avec l'IFOP
47:39et les Glorieuses
47:40qui expliquent
47:40qu'en France,
47:4241% des femmes
47:43vivent ou ont vécu
47:44une situation
47:45de violence économique
47:46dans leur couple.
47:48Encore une fois,
47:49le contrôle financier
47:50raconte un mécanisme
47:51de domination
47:52par l'argent.
47:54On vit dans une société
47:55où l'argent
47:56va définir le pouvoir.
47:58Plus on va avoir d'argent,
47:59plus on va avoir de pouvoir.
48:01Donc ce qui se fait
48:01dans la société
48:02va se faire aussi
48:03au sein du couple.
48:04Et ce qu'on remarque,
48:05c'est que quand il y a
48:06une personne
48:06qui gagne sensiblement
48:07plus que l'autre,
48:09finalement,
48:09il y a plus de possibilités
48:10qu'il y ait des situations
48:11de violence économique
48:12conjugale.
48:13Pourquoi est-ce que
48:14c'est si difficile
48:15pour une femme
48:16victime de violence
48:17de quitter son conjoint
48:18violent ?
48:19Parce qu'évidemment,
48:20il y a des phénomènes
48:20d'emprise,
48:21parce qu'il y a des chantages
48:22sur les enfants,
48:23mais aussi parce que
48:23quand on gagne moins
48:24que son conjoint,
48:25quand on n'a pas
48:26d'indépendance économique,
48:27quitter son conjoint,
48:28ça veut dire être à la rue,
48:29ne pas pouvoir se payer
48:30son logement,
48:31ne pas pouvoir nourrir
48:31ses enfants.
48:33L'erreur serait de croire
48:34que les luttes
48:34touchent à leur fin.
48:36Triste constat,
48:37à temps de travail égale,
48:39les femmes touchent
48:4015% de moins
48:40que les hommes
48:41dans le secteur privé.
48:42Le divorce entraîne
48:43une perte de niveau de vie
48:44de 22% pour les femmes
48:46contre 3% pour les hommes.
48:48Et leur retraite
48:49est en moyenne
48:50de 40% plus basse.
48:53Tant que les femmes
48:54n'auront pas un patrimoine
48:56économique, financier
48:57équivalent à celui des hommes,
48:59il sera possible
49:00de leur retirer
49:00leurs droits politiques,
49:01de leur retirer
49:02leurs droits sexuels,
49:03de leur retirer
49:04finalement tous les droits
49:05qu'elles ont aujourd'hui
49:06dans notre société.
49:07Alors,
49:08le patriarcat
49:09serait-il une forteresse
49:10imprenable ?
49:12C'est un magnifique édifice,
49:14le patriarcat,
49:15dans lequel
49:15tout est terriblement
49:17bien emboîté.
49:19Il faut arriver
49:19à déstabiliser l'édifice
49:21pièce par pièce,
49:23en se disant
49:23qu'à un moment donné,
49:24à force d'enlever une pièce,
49:26c'est la structure
49:27qui va s'écrouler.
49:27Voilà.
49:29Mais on n'en est pas encore
49:30à la structure,
49:31on en est encore
49:32pièce par pièce.
49:34L'histoire nous montre
49:35que la lutte des femmes
49:36pour s'affranchir du patriarcat
49:38est longue
49:39et semée d'embûches.
49:42Cette épopée
49:43si inspirante
49:44a contribué
49:45et contribue encore
49:46à l'évolution
49:47de la condition
49:48de toutes les femmes.
49:49N'oubliez pas
49:51que les progrès
49:53qui ont été faits,
49:55peut-être ont-ils été acquis
49:56par les luttes d'avant.
49:59N'oubliez pas
49:59l'histoire des femmes.
50:01Ne l'oubliez pas.
50:02Elles ont eu une histoire,
50:03elles ont fait des choses
50:04et ayez un petit regard
50:08pour elles
50:08de temps en temps.
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