Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • avant-hier
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 15 avril 2025 : le chef de la brigade de protection des mineurs et écrivain Christophe Molmy. Il publie le livre "Comme un papillon", aux éditions de La Martinière.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour Christophe Molmy. Bonjour Elodie.
00:02Vous êtes policier écrivain, ancien patron de la brigade anti-gang, donc de recherche et d'intervention de Paris, donc la BRI.
00:08Vous avez notamment couvert la période des attentats de 2015 avec l'assaut de l'hypercachère et l'assaut du Bataclan.
00:14Vous avez participé à l'arrestation de Antonio Ferrara, le roi de la Belle.
00:19Vous êtes actuellement à la tête de la brigade de la protection des mineurs de Paris et à côté de tout ça, vous écrivez.
00:23On comprend assez vite que c'est un exutoire.
00:26Vous avez déjà publié quatre romans noirs et policiers salués par de nombreuses sélections et pris de critiques également.
00:32Amoureux de la littérature policière, vous avez décidé d'y contribuer vous aussi et de prêter votre plume pour nous faire part de votre expérience de terrain.
00:41Aujourd'hui publié comme un papillon aux éditions de la Martinière, c'est le portrait d'un viol tout simplement.
00:46On ne peut pas dire autre chose.
00:47Son autopsie, son analyse, une immersion dans la tête du violeur, de la victime avec une invitation à assister aux procédures et leur fonctionnement.
00:54Le violeur et la victime portent des prénoms.
00:57Mais ce qui heurte dans cet ouvrage, c'est qu'on pourrait les remplacer par toutes les personnes qui ont été victimes d'eux ou qui ont été agresseurs également.
01:05On découvre la nature humaine dans toute sa splendeur avec un prédateur qui s'appelle Mathieu Escoura.
01:11Tout l'excite, il traque ses proies, ses coups d'un soir sur Internet.
01:16Entre le moment où il quitte le travail et le moment où il rentre chez lui en bon père de famille et en bon mari, il n'a pas le profil du violeur.
01:24Et pourtant, est-ce Christophe Molmy souvent le cas, vous qui connaissez effectivement ce genre d'affaires ?
01:32Il y a tout type de viol et de violeur, bien évidemment.
01:35En l'occurrence, Mathieu Escoura ne se considère même pas comme un violeur.
01:39Lui, c'est en quelque sorte un homme de son temps qui se sert de sites de rencontres comme Tinder, pour ne pas le citer, ou d'autres, qui lui donnent accès à des femmes.
01:50Et lui, il ne se pose pas de questions.
01:51C'est surtout ça qui est intéressant dans son cas, c'est qu'il ne se pose pas du tout de questions.
01:55Aucune question.
01:56Et c'est vrai que c'est un sujet de société aujourd'hui, c'est la notion du consentement.
02:01Est-ce que le fait de ne pas dire oui, ça suffit à considérer que la jeune femme est d'accord ?
02:06Elle n'est pas forcément d'accord.
02:08Et voilà, donc lui, ce n'est pas un violeur extra-bruto qui plaque une femme dans un couloir et qui assume sa part sombre.
02:16Je pense qu'il a le sentiment d'être juste un joueur qui a une moralité plus élastique et qui se pose moins de questions.
02:24Et c'est justement ça qui est intéressant.
02:25C'est qu'il va être confronté aux conséquences de ce qu'il a fait, qu'il a du mal à accepter.
02:31Et c'est un bouleversement pour lui aussi.
02:33C'est intéressant.
02:33Alors, ce n'est pas des justifications.
02:35Une victime reste une victime et un auteur reste un auteur.
02:38Mais c'est intéressant aussi de se mettre dans sa tête, essayer de comprendre ce qu'il vit, ce qui a pu l'amener à faire ça.
02:44Une explication, ce n'est pas une justification, mais c'est intéressant de comprendre pourquoi il est amené à faire ça.
02:49Et puis derrière ça, il y a autre chose aussi.
02:51Parce que ce qui est habituel dans ce genre d'affaires, c'est que durant sa garde à vue, il rencontre une psy pour une expertise psychologique qui est demandée par les magistrats.
03:00Et c'est tout à fait naturel.
03:02Et elle en trouve une porte en ayant l'air de lui dire à un moment que son comportement peut être dû à son enfance.
03:10Et comme il se trouve qu'il a eu une enfance un peu dysfonctionnelle et qu'il y a peut-être la place à ça, ça le bouleverse.
03:15C'est souvent le cas d'ailleurs.
03:17C'est souvent le cas, pas toujours, mais souvent.
03:19Et il se retrouve en quête de vérité envers lui-même, envers sa famille.
03:25Et aussi toute la difficulté de garder un bon jugement quand on est policier, qu'on recueille, parce qu'il peut y avoir de tout aussi, des faux témoignages.
03:34On peut se demander qui est la victime et qui est le harceleur.
03:37C'est toujours très compliqué.
03:38Ça aussi, on le ressent dans cette ouvrage.
03:40– Policier, psychologue, magistrat aussi, bien sûr.
03:45Le problème, c'est qu'encore une fois, lorsque vous avez des affaires de viol qui sont complètement subies,
03:51encore une fois, une victime qui va se faire agresser dans un parking,
03:54bon là, ça amène peu de questions.
03:56On peut toujours s'interroger sur les raisons qu'ont conduit un homme à faire ça,
03:58mais on s'en pose moins en réalité.
04:01Ce qui est très délicat, c'est lorsqu'on a des affaires dans lesquelles il y a une intimité.
04:05À quel moment on considère qu'il n'y a plus eu de consentement ?
04:10À quel moment on considère qu'on a basculé effectivement dans l'agression ?
04:14Pour qu'il y ait une infraction, il y a un élément moral aussi.
04:17Donc, est-ce que l'auteur était vraiment conscient de ce qu'il faisait,
04:21du fait que la jeune femme ne voulait pas ?
04:24Enfin, tout ça, c'est des questions qu'on doit se poser
04:26et qui sont parfois extrêmement difficiles à démêler.
04:28Je dirais qu'on parle de votre parcours un tout petit peu.
04:31Vous avez été formé à l'École nationale supérieure de police de Saint-Cyr au Mont-d'Or,
04:38l'école de formation des commissaires de Paris.
04:39D'ailleurs, c'est avec cette casquette-là que vous avez démarré en tant que commissaire
04:42avant de devenir...
04:46Enfin, en tout cas, avant de prendre des équipes en charge
04:48et effectivement d'arriver à la BRI.
04:52Est-ce que ces responsabilités permettent de se protéger soi-même,
04:57finalement, en tant qu'homme ?
04:58Parce qu'il y a la casquette des directions
05:00et il y a celle de la vie d'homme qu'on peut avoir au quotidien
05:04quand on rentre chez soi.
05:06Je ne veux pas me défausser, mais aujourd'hui,
05:07je suis surtout là pour vous parler en tant qu'auteur.
05:09Ce qui est sûr, c'est que l'écriture,
05:12qu'on l'accepte ou pas, a un côté cathartique.
05:15D'abord, je pense que les policiers, comme beaucoup de métiers,
05:19d'abord, c'est un métier passionnant.
05:20Tous les gens qui sont policiers, et en particulier en PJ,
05:23ont choisi de l'être et s'investissent pleinement.
05:26Ils font un métier formidable.
05:27Mais on est témoins aussi de notre société, je vous le disais.
05:32On absorbe beaucoup de choses.
05:34Et en l'occurrence, je pense qu'on a besoin aussi de décompenser.
05:37Donc je pense qu'au début, ce n'était pas très assumé,
05:41mais je pense que l'écriture, c'est aussi une manière, en effet,
05:44de refouler certaines choses, de les poser sur le papier.
05:48Pas seulement ce que moi j'ai pu vivre, d'ailleurs,
05:50de ce que j'ai pu entendre,
05:52ou de ce que je connais des affaires d'autres collègues.
05:56Mais c'était aussi important.
05:57Et j'avais aussi le désir, dans l'écriture,
06:00d'écrire des choses les plus réalistes possibles,
06:03que ce soit dans l'écriture ou de ce que je peux voir sur un écran.
06:07Je suis souvent assez effaré de l'écart qu'il y a entre la réalité et de ce qu'on voit.
06:13Je trouve qu'on les noircit beaucoup trop, les policiers.
06:14Souvent, on les brocarde, voire on les salit, c'est dommage, c'est un très beau métier.
06:20Donc je voulais quelque chose d'extrêmement réaliste pour coller au plus près du terrain.
06:25Et puis je me dis aussi que si vous avez un gamin qui lit un bouquin que j'ai écrit
06:30et qui veut faire policier, c'est une belle récompense.
06:33Qu'est-ce qui vous a donné en vous envie de devenir policier ?
06:36Alors c'est très intime.
06:37Moi, je fais partie d'une génération.
06:39Quand j'étais petit, je voyais Broussard, Keri ou d'autres à la télé parler de Messrine.
06:46Donc ça, ça me berçait.
06:48Mon père lisait aussi.
06:49Il lisait Borniche, en particulier, que j'ai lu plus tard.
06:53Donc ça a procédé, entre autres choses, au souhait de devenir policier.
06:58C'était très ancré.
06:59L'écriture, c'était pas très avoué.
07:01En fait, je pense que c'est pareil.
07:02L'écriture, ça tombe pas d'un coup.
07:04C'est quelque chose d'artistique, donc il faut l'avoir en soi.
07:08Il y en a qui ont beaucoup de talents et qui peuvent jouer du violoncelle.
07:11Moi, j'ai pas ce talent et je chante très mal.
07:13Mais je pense qu'il y a quelque chose qui a besoin de sortir.
07:16Et c'est venu un peu inconsciemment, mais je pense que c'était très ancré.
07:20En tout cas, l'écriture, elle fait partie de votre quotidien.
07:22Comment vous organisez, d'ailleurs ?
07:23Parce que vous êtes aujourd'hui directeur de la brigade des mineurs de Paris.
07:28Ça veut dire que le soir, vous rentrez, vous écrivez ?
07:30Moi, je compartimente beaucoup.
07:31Ma vie privée, c'est ma vie privée.
07:33Professionnelle, c'est professionnel.
07:34Je ne ramène pas de travail à la maison.
07:35Je ne parle pas de travail à la maison.
07:37Et inversement.
07:38Et pour l'écriture, avec le temps, j'ai appris.
07:41Il me faut à peu près deux ans pour écrire un livre.
07:44Quand vous étalez, que vous avez un synopsis, ce qu'on appelle une Bible,
07:47que vous coupez par...
07:48En fait, je suis toujours sur un chapitre.
07:51Un chapitre peut prendre une journée, parfois, ou 15 jours.
07:53Ce n'est pas très grave.
07:54Mais en moyenne, c'est quoi ?
07:56C'est une demi-heure d'écriture par jour.
07:57Il suffit à écrire un bouquin.
07:58Je regarde moins la télé.
08:01Je me disperse moins sur des choses qui ne m'intéressent pas.
08:03Je fais moins de sport que je devrais.
08:04Mais à la place, j'écris.
08:05Je vous le disperse moins sur des choses qui ne m'intéressent pas.

Recommandations