Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 29 mai 2025 : les comédiennes Lola et Hélène Zidi. Dans le cadre du festival d'Avignon, elles joueront la pièce "Anatomie d'une actrice".
00:02Comme l'indique votre nom de famille, vous êtes Hélène, la fille du réalisateur Claude Ziddy,
00:06et Lola, la fille d'Hélène, donc la petite fille de Claude Ziddy.
00:09Je le rappelle, pour la nouvelle génération, Claude Ziddy a notamment réalisé et mis en scène
00:13les fameux charlots dans des films devenus cultes.
00:17On va parler d'Ebidas en folie, Les Fous du stade, Le grand bazar,
00:20Les Bidas en vont-t'en-guerre, mais pas que.
00:22On pense aussi à des films incroyables, Elles ou la cuisse, Les sous-doués,
00:26effectivement Les ripoux, Inspecteur la bavure, Banzai,
00:28ou encore Astérix et Obélix contre César.
00:31Pas étonnant donc que vous ayez eu envie, vous, de décider de faire de la scène et du jeu votre métier
00:37en y ajoutant un ingrédient essentiel, celui de l'écriture.
00:40Aujourd'hui, vous montez sur scène avec une pièce dont vous signez toutes les deux,
00:43la mise en scène et l'écriture, Anatomie d'une actrice.
00:45Cette pièce se jouera au théâtre du Roi René à Avignon du 5 au 26 juillet 2025.
00:50C'est l'histoire bouleversante de Suzanne et de Juliette.
00:52Suzanne est une actrice qui connaît son rôle par cœur,
00:55mais qui se retrouve un beau jour à ne plus savoir grand-chose sur ce qu'elle raconte
00:59et pourquoi elle le raconte depuis sa loge où Juliette l'écoute patiemment et tente de l'aider.
01:04Juliette n'est pas une partenaire, mais sa propre fille,
01:07qui assiste impuissante à son oubli dans les yeux de sa mère.
01:10Le théâtre est-il un refuge de l'oubli, alors ?
01:13Hélène et Lola, question existentielle pour les marines.
01:17Oui, alors je pense que oui, c'est un refuge de l'oubli en tous les cas,
01:24pendant une heure et demie de représentation déjà d'une part,
01:28parce que le temps ne passe pas de la même manière.
01:31Et quand on sort d'une pièce, on a oublié tous ses problèmes
01:34et on a fait un voyage émotionnel très, très fort.
01:39Donc oui, ça peut être un refuge de l'oubli dans ce sens-là aussi.
01:44Ça peut être aussi un refuge de l'oubli parce que, de façon générale,
01:48vous avez demandé le théâtre, pas spécifiquement la pièce,
01:51mais de façon générale, le théâtre, c'est une façon de faire parler
01:55des gens qui n'ont peut-être pas l'occasion d'être entendus,
01:59qui n'ont peut-être plus l'occasion,
02:01et de ne pas oublier ces voix qui ont existé
02:04et de les faire vivre ou revivre.
02:08Donc oui, je pense vraiment que le théâtre, c'est un refuge de l'oubli,
02:10un refuge de liberté.
02:11C'est aussi un bel échange qui est offert, finalement.
02:17Le fait d'échanger, de pouvoir en parler entre nous,
02:20parce que ça menace quasiment tout le monde d'être touché par cet oubli.
02:24On vient surtout aussi interroger l'anatomie de l'âme humaine, du cœur.
02:29Ça va plus appeler l'anatomie d'un homme ou d'une femme.
02:31Oui, carrément des liens, des schémas,
02:35parfois qui se répètent, parfois qu'on arrive à briser.
02:38Du pardon.
02:39Du pardon.
02:39Et puis du rapport mère-fille.
02:42Oui, bien sûr.
02:44C'est un rapport assez hallucinant, le rapport mère-fille.
02:46Le rapport parent-enfant, de toute façon.
02:48Oui, de manière générale.
02:49C'est quelque chose qui nous intéresse.
02:51En tout cas, Hélène et moi.
02:53Et il se trouve que nous, on est mère-fille
02:55et qu'on avait envie d'aller interroger tout ça.
02:58Et l'oubli de façon plus large, au-delà quand on est touché par une maladie qui vient cogner là-dedans.
03:04De toute façon, on va tous mourir.
03:07Donc la peur d'être oublié, je pense qu'elle est universelle, même quand ça ne parle pas de cette maladie-là.
03:13On a quand même deux générations sur scène, de fait trois générations, avec Yves Régnier d'un côté, Claude Vidi de l'autre.
03:21C'est-à-dire que vous êtes quasiment tous réunis, c'est-à-dire que même les absents sont là.
03:25J'espère.
03:25C'est aussi cette transmission-là.
03:27Il vous a transmis quoi, votre père, Hélène ?
03:30Alors, il m'a transmis la passion.
03:33C'est de voir quelqu'un se lever le matin tellement heureux de travailler, de s'amuser en travaillant.
03:41Et j'étais absolument fascinée, parce que moi, je suis très attirée par le spectacle vivant, pas du tout par le cinéma.
03:47Et je dois dire que je me disais, waouh, mais c'est formidable de travailler quand même, de se lever pour travailler, pour faire ce qu'on aime.
03:57Et puis le fait aussi d'être comme une petite souris sur les plateaux de tournage et de voir ces grands acteurs travailler, ça m'a appris beaucoup.
04:07Je ne savais pas du tout à l'époque que j'allais m'en servir un jour.
04:11Mais aujourd'hui, quand on fait anatomie d'une actrice, c'est un petit peu l'anatomie de tout ce que j'ai vu.
04:18Entendu, regardé, comme ça, à la loupe.
04:23Et je trouve ça très exaltant, en fait.
04:26Oui, il m'a transmis des valeurs aussi, des valeurs humaines qui sont importantes pour moi, comme la liberté, par exemple, l'intégrité et la famille.
04:39Lola, vous, il y a une triangulaire autour de vous.
04:41Il y a votre mère qui est à côté de vous, Yves Régnier, votre père, et votre grand-père.
04:47Oui, mais moi, forcément, moi, vu que je suis née avec deux gros noms collés à mon prénom, la quête d'identité, elle a été très forte chez moi dès le début, bien sûr.
04:56Parce que là, c'est aussi ça, une vraie quête d'identité.
04:58Ben, complètement.
04:59Mais forcément, moi, ça m'a questionnée très, très jeune.
05:02Quand très jeune, vous vous présentez aux gens et que tout de suite, ce qui ressort, c'est les parents, le grand-père, le père, ma mère aussi.
05:13Forcément, on se demande qui on est si, quand on se présente, ce n'est pas nous qu'on retient.
05:17C'est difficile, justement, de trouver sa place, de faire entendre sa voix ?
05:23Oui, mais je pense que ça l'est... c'est le chemin de la vie, en fait, bien sûr.
05:29Mais je pense que ça, c'est le cas pour beaucoup de gens, quoi.
05:34C'est forcément...
05:35Forcément.
05:36Mais ça peut l'être aussi...
05:38En plus, quand on a des parents qui sont très charismatiques, qui sont talentueux, qui ont quand même eu des belles réussites dans leur vie, forcément, on arrive derrière, on fait...
05:53Ah, d'accord.
05:54Pas toute jeune, on n'en a pas conscience, mais après, au fur et à mesure, on fait...
05:57Oui, mais c'est dans tous les métiers.
05:59Voilà, mais je pense que ça, c'est pour vraiment tout le monde.
06:01Les enfants d'avocats qui vont devenir avocats comme leurs parents, vous voyez ce que je veux dire ?
06:07Tout ça, c'est... je pense que c'est un vrai... en tant qu'enfant, ça nous questionne...
06:13Qui sont nos parents va forcément... va amener des questionnements chez nous sur comment on va se placer dans la vie, comment on va se détacher d'eux, tout en les aimant, mais comment on va exister avec eux, à côté d'eux.
06:28Voilà.
06:29L'anatomie d'une actrice, c'est effectivement le regard sur le jeu, sur l'importance du spectacle vivant, sur ce qu'une femme peut vivre, finalement, à travers l'incarnation de beaucoup de personnages,
06:40au point de s'oublier elle-même et d'oublier sa propre fille.
06:43Ça nous montre nos forces et nos fragilités, c'est cela qu'il faut retenir de cette pièce, que nous sommes à la fois très forts et très fragiles.
06:50Très vulnérables. Et tant mieux, d'ailleurs, parce que cette vulnérabilité est quelque part comme des antennes qui nous alertent aussi sur certaines choses dans la vie.
07:00« Anatomie d'une actrice », moi, j'avais envie de mêler la transmission que je fais au laboratoire de l'acteur, ce que j'ai pu donner et transmettre à des acteurs qui, aujourd'hui, font ce métier.
07:14– Vous pensez à Alix et à Castat, à Harim, on peut en citer énormément.
07:18– Oui, Raphaël Kenard, Alexis Mananti, Karim Leclou, Doré Atelier. Je suis très fière de vraiment, bravo, bravo pour leur parcours, parce qu'après, ça leur appartient.
07:28C'est-à-dire que, oui, il y a un élan, il y a une formation, mais après, il faut continuer la route. Il ne faut pas se couper de son instinct, il faut faire les bons choix, il faut tenir le choc.
07:40Bon, mais bravo à eux, vraiment. Mais comme je suis actrice moi-même, ça me permet, moi, tout le temps de me remettre en question dans ma transmission.
07:51Donc, il y a une espèce de boucle d'énergie comme ça qui fait que tout est toujours vivant, que je suis toujours en train de réfléchir au sujet.
08:00Et la pièce nous a donné aussi cette occasion de re-réfléchir à qu'est-ce que c'est qu'être un acteur.
08:06Puis, on confronte aussi, pardonnez-moi, vu qu'au début, on ne sait pas du tout que Juliette est sa fille, au début, il y a aussi ce choc générationnel entre une actrice confirmée,
08:20une jeune actrice qui vient d'arriver dans le métier, ce choc des générations.
08:26Donc, surtout qu'à notre époque, on peut vraiment exploiter des choses.
08:30Donc, il y avait ça aussi qui venait.
08:32Ça serait l'heure psychologique. Mais on rit aussi.