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Passion plume - La question qui par Marie Misset et Marine Baousson
France Inter
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16/04/2024
Avec Camille Pascal, haut fonctionnaire et écrivain.
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
Catégorie
😹
Amusant
Transcription
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00:00
Alors attention, quand on dit plume, on devrait plutôt parler de duvet doudou.
00:06
Une jolie plume s'envole vers la lune,
00:11
deux étoiles et trois nuages l'accompagnent dans ce voyage.
00:17
Puis le voyage continua, au-dessus des nuages, au-dessus des orages,
00:25
et enfin, elle arriva sur la lune où l'attendait d'autres plumes.
00:32
Bonjour Camille Pascal, vous êtes haut fonctionnaire, écrivain,
00:37
vous avez été la plume de Nicolas Sarkozy en 2011, de Jean Castex en 2020,
00:42
quand il est devenu Premier ministre.
00:43
Vous en parlez notamment de ce travail dans "Scène de la vie quotidienne" à l'Elysée,
00:47
fascinant ouvrage paru en 2012 chez Plon.
00:50
Racontez-nous comment est-ce qu'on fabrique le discours d'un président ?
00:53
Combien il y a de personnes, vous étiez la plume,
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mais combien il y a de personnes pour écrire et pour valider 5 minutes d'allocution présidentielle ?
01:00
Alors ça dépend des présidents.
01:03
Chirac avait une tradition infernale pour les plumes,
01:07
j'en ai souvent parlé avec Christine Albanel, qui est une amie,
01:10
c'est que le dimanche, il recevait en jogging à l'Elysée,
01:13
entouré de ses collaborateurs, sur le travail de la plume.
01:18
Mais le problème c'est que tout le monde a une idée à ce moment-là.
01:20
Vous savez, tous les gens pensent qu'ils savent écrire, en réalité ils ne savent pas écrire.
01:24
Donc, ils ne savent pas écrire, ils ne savent pas penser par ailleurs,
01:28
mais enfin ça c'est un autre problème.
01:30
Mais ils sont très importants.
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Et donc, ça c'était, paraît-il, des moments de souffrance épouvantable.
01:35
Et puis le président, il met...
01:37
Souffrance épouvantable pour qui, pardon ? Pour Chirac ou pour la plume ?
01:40
Non, pour la plume, c'est un cauchemar.
01:43
Et donc, en réalité, moi ça ne s'est fait qu'une seule fois.
01:47
C'est le premier discours que j'écrivais pour le président.
01:50
Je ne venais pas d'arriver, je n'avais pas été recruté pour écrire les discours.
01:53
Tu étais conseillé.
01:54
Voilà, j'étais conseillé pour l'audiovisuel.
01:56
Et donc, j'écris le discours qui va me faire entrer dans l'intimité du président,
02:05
parce qu'il l'a beaucoup apprécié, sur le martyr des chrétiens d'Orient.
02:10
Et donc, on me donne...
02:12
C'est Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée,
02:16
il me dit "Voilà Camille, il paraît que vous savez écrire."
02:19
J'avais écrit quelques discours pour Chirac aussi.
02:21
Et notamment la panthéonisation d'Alexandre Dumas.
02:25
Et donc, il me dit "Vous savez écrire ?"
02:27
"Je ne sais pas, monsieur le secrétaire général."
02:28
Il me dit "Si, moi je sais."
02:29
Donc, il me faut un discours sur le martyr des chrétiens d'Orient.
02:32
Il y avait eu deux attentats épouvantables en Irak et en Égypte.
02:36
Et je lui dis "Mais quand ?"
02:38
Il me dit "Après-demain."
02:39
Bon, c'est très bien.
02:40
Et je lui dis "Mais je dis quoi ? Ce que vous voulez."
02:42
Donc, j'écris ce discours.
02:44
Je l'écris chez moi parce que je n'avais pas de bureau à l'Elysée à ce moment-là.
02:47
Ils n'avaient pas encore trouvé la place.
02:49
Donc, j'écris ce discours en deux jours et une nuit.
02:52
Je le rends.
02:54
Puis, je n'ai jamais de nouvelles.
02:56
Donc, je me dis "C'est foutu."
02:58
Et puis, on me dit "Maintenant, il faut le présenter à l'équipe des diplômes."
03:04
Les diplômes, c'est les diplomates.
03:05
Donc, je me retrouve devant une...
03:07
Bon.
03:08
Et il y avait là, maintenant, je dirais,
03:10
Thérèle et Nons sont tous brillants ambassadeurs.
03:12
Mais ça commence très mal.
03:15
Parce que l'homme me dit "C'est quoi ce discours de curé ?"
03:18
Je lui dis "Pardon ?"
03:20
- En même temps, vous n'avez donné aucune indication.
03:23
- Non, non, non. J'avais écrit.
03:25
Et donc, un discours de curé.
03:27
Et alors, il me dit "Pourquoi ?"
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Il me dit "Parce que tu..."
03:30
Alors, la première fois que je m'en souviens de toute ma vie, c'était...
03:32
"Ils s'apprêtaient à fêter la nativité du Christ.
03:35
Ils sont allés à la rencontre de la mort."
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Il me dit "Ca dit le Christ ?"
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Je lui dis "Oui."
03:41
"Mais si tu dis le Christ, dans la boue du président de la République,
03:43
ça veut dire qu'il croit en la résurrection."
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J'ai dit "Bon..."
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Et puis là, je sais pas pourquoi, j'étais fatigué.
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J'étais pas encore...
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Je venais d'arriver là, je savais pas trop.
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Puis ça peut m'arriver de m'énerver.
03:56
- Vous avez mis un coup de tête ?
03:57
- Non, pas du tout.
03:58
J'ai dit "Je propose une autre...
04:00
alternative."
04:01
"Ah bon, très bien, on t'écoute."
04:04
"Ils s'apprêtaient à fêter la nativité de M. de Nazareth.
04:08
Ils ont rencontré la mort."
04:10
Là, j'ai senti qu'il y avait un peu...
04:13
Et le chef de cabinet commençait à sentir aussi la tension.
04:17
Bon, ça continue.
04:18
Et puis il me dit "Où sont nos briques ?"
04:20
Parce que dans les discours, il y a celui qui écrit,
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puis il y a ceux qui vous fournissent les briques.
04:24
Les briques, ce sont ces petits morceaux rédigés par les conseillers...
04:28
- Qu'il faut mettre absolument.
04:29
- Qu'il faut mettre absolument, qui sont souvent écrits avec le pied.
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Et...
04:34
auxquels ils sont très attachés.
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Parce que là-dedans, il y a une annonce pour tel,
04:38
pour lobby, pour tel...
04:40
"Et mis où sont nos briques ?"
04:42
Je dis "Je sais pas, j'ai pas vu de briques, moi."
04:44
Il me dit "Mais il fallait que tu utilises nos briques."
04:46
Et je réponds "C'était un peu provocateur, je ne suis pas maçon, je ne fais pas les murs."
04:50
Et à partir de là, le chef de cabinet a dit
04:52
"Bon, mais on va envoyer tout de suite le discours au président, c'est lui qui tranchera."
04:56
Et j'ai reçu un coup de fil.
04:58
Là encore, je m'en souviens toute ma vie.
05:00
J'ai reçu un coup de fil à 11h30 du soir.
05:02
J'étais rentré chez moi, persuadé que j'étais à peine entré, tout de suite viré.
05:05
Et c'est Sarko, qui adorable, me dit
05:08
"Oh Camille, je ne vous ai pas accueilli, je suis désolé."
05:10
Je dis "Monsieur le président de la République."
05:11
"Non, non, non, mais alors ? Il paraît qu'il vous a emmerdé."
05:13
Alors je dis "Non, non, mais monsieur le président, il n'y a pas de problème."
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Il me dit "C'est génial, ce discours est génial."
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Donc ça a bien commencé.
05:21
- Comment on rentre dans la tête de quelqu'un suffisamment pour écrire un discours au plus près de ce qu'il est ?
05:25
Parce que vous avez écrit pour des personnes différentes.
05:27
Jean Castex, ça n'est pas Nicolas Sarkozy.
05:29
Est-ce qu'on connaît ses intonations, ses tics du langage ?
05:31
Est-ce qu'on les intègre ?
05:33
- Ça demande un peu...
05:35
La comparaison que je vais prendre va vous paraître un peu "fat", comme aurait dit Sarko.
05:43
Il y a quelque chose comme le kétisme.
05:45
Vous savez, le kétisme, c'était une philosophie religieuse à la fin du 17e siècle
05:49
qui demandait l'alientissement du soi, de moi.
05:52
Et en fait, il y a ça.
05:53
Il faut s'oublier.
05:55
Il faut être une éponge.
05:57
Et se laisser gagner par plusieurs choses, par les intonations.
06:02
Par la phrasé.
06:04
Par les idées.
06:06
Et donc, s'oublier.
06:08
Sinon, ça ne passe pas. Sinon, c'est votre discours.
06:10
Mais le discours de Karine Pascal, pardon, mais tout le monde s'en fout.
06:12
Le discours de Nicolas Sarkozy, de Jean Castex, de Chirac.
06:16
C'est autre chose.
06:18
Ça, il faut bien l'avoir en tête.
06:20
Donc, et c'est ce qu'avait compris le Président.
06:24
Et c'est pour ça qu'à partir du premier discours, je ne l'ai jamais quitté ou presque.
06:28
Il fallait aller dans toutes les réunions.
06:30
Et c'est là que vous l'entendez parler, que vous entendez les objections des conseillers.
06:34
Que vous voyez, parce qu'après vous êtes seul sinon.
06:36
Et vous rentrez vraiment dans sa tête.
06:38
Oui.
06:39
Un humoriste pour écrire des discours présidentiels, ça vous paraît dans l'air du temps, Camille Pascal ?
06:43
Vous avez déjà fait par exemple un peu d'humour.
06:45
Alors, il faut toujours, ça c'est une tradition américaine.
06:48
Les américains commencent toujours par un joke.
06:51
Ils appellent ça le joke.
06:53
C'est pas très français.
06:55
Après, tout dépend du discours.
06:57
Si je vous écris le discours d'hommage aux trois soldats assassinés par Mera,
07:01
autant vous dire que la blague serait tombée à plat.
07:04
Donc il y a des moments.
07:06
Après, il y a des trucs.
07:08
Par exemple, donner l'impression que le Président ou celui qui prononce le discours connaît l'endroit où il est.
07:20
Donc comme vous vous êtes venu en recon, ça s'appelle en reconnaissance pour le discours,
07:25
dans les discours où il n'est pas à l'éviser,
07:27
vous pouvez dire "en arrivant, j'ai vu, je traversais, j'ai pensé que..."
07:31
Alors ça, ça touche beaucoup les gens.
07:33
Le Président est arrivé en avion, il part en avion, il n'a rien vu.
07:36
Mais vous, voilà, c'est une façon aussi de...
07:38
Parce qu'en fait, le discours, c'est quelque chose de très particulier.
07:43
En réalité, c'est quelque chose qui relève davantage de la sensualité que de la raison.
07:52
Que de la raison, oui, que de la rationalité.
07:54
C'est comme un air d'opéra, en fait.
07:55
Il faut toujours être dans la note au-dessus, redescendre, être dans la note au-dessus.
08:00
Et la seule chose qui compte, c'est le moment où vous tenez le public.
08:04
Avant, après, ça n'a pas d'importance.
08:06
- Tanguy Pastureau, vous avez une question pour Daniel Pascal ?
08:09
- Alors, question pas forcément.
08:10
Je trouve que c'est une école de l'humilité incroyable, parce que s'oublier, c'est pas si évident.
08:13
Moi, je me suis oublié deux, trois fois, les gens n'étaient pas contents.
08:15
Mais, non, je voulais...
08:17
- Félicite pas Tanguy Pastureau pour ce que vous dites.
08:20
- Vous aviez beaucoup bu en Bon Breton.
08:22
- Voilà, en Bon Breton.
08:24
Non, non, je trouve qu'il y a quelque chose du même ordre, en fait, dans les sketches d'humour.
08:30
Parce que moi, j'ai écrit quelques blagues, parfois, pour des gens qui les faisaient sur scène.
08:33
Il faut s'oublier, effectivement.
08:34
Il faut même se mettre, là aussi, au service de la personne et bien comprendre qui elle est.
08:38
Moi, j'écrivais parfois des trucs qui m'auraient pilé.
08:40
Et la personne était très contente, parce que, simplement, ça lui correspondait à elle.
08:44
Et moi, c'est des choses que moi, j'aurais pas pu dire.
08:46
En politique, ça ne doit pas être évident, dans le sens où, parfois, vous allez peut-être même à l'encontre
08:51
de ce que vous pensez réellement, non ?
08:53
- Bon, alors, j'ai quand même... Je ne suis pas complètement...
08:56
Bon, il y en a d'autres qui disent que rien...
08:58
Voilà, qu'ils peuvent changer de camp sans grande difficulté.
09:01
- Vous n'allez pas écrire pour des marxistes ?
09:03
- Oui, ça serait... Remarquez, une fois que j'ai lu Marx, c'est bourdieu.
09:05
Vous savez, je serais capable de faire un discours d'extrême-gauche, ça m'amuserait beaucoup.
09:08
Mais ce serait un exercice de style.
09:10
Mais je crois qu'à un moment donné, il faut... En fait, il faut une empathie.
09:13
Il faut une empathie avec celui pour lequel vous écrivez. Pourquoi ?
09:17
D'abord, parce que quand vous écrivez, vous devez penser à une seule chose.
09:20
C'est comment ça va être reçu.
09:22
Il y a deux choses essentielles.
09:24
Un, lui, il ne faut pas qu'il s'ennuie.
09:26
Il ne faut pas qu'il s'ennuie.
09:28
Parce que si il s'ennuie, c'est ce que Sarko a appelé le "Kouglov".
09:30
Il disait "on a la plein la bouche, c'est plus la poitrine".
09:32
Et le public, alors, même s'il est très respectueux,
09:35
s'il c'est le président de la République, etc.
09:37
Vous savez, un bon discours, c'est comme un bon serment.
09:39
C'est 7 minutes.
09:41
Alors le président lui en donne 14 ou 20.
09:43
Mais au-delà, tout le monde s'emmerde.
09:45
Il faut quand même le savoir.
09:47
Je plains les castristes.
09:49
Il y a Cuba qui...
09:51
C'est vrai que dans le public, parfois, les gens commencent à penser à ce qu'ils vont faire après.
09:53
C'est jamais bon.
09:55
C'est qu'on les lâche.
09:57
C'est le même métier au final.
09:59
Au revoir Camille Pascal.
10:01
On arrive au bout de notre temps.
10:03
Merci beaucoup d'être venu.
10:05
Je rappelle que vous êtes au fonctionnaire.
10:07
Et que vous êtes vraiment écrivain aussi.
10:09
Votre dernier livre s'appelle "L'air était tout en feu".
10:11
C'est paru en 2022 chez Robert Laffont.
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