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Mathieu Bock-Côté : «Conversations privées, gare à la délation !»
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11/03/2024
Le sociologue et essayiste, Mathieu Bock-Côté, revient sur le problème qu’il pourrait y avoir avec le dernier projet de loi du député Mathieu Lefevre : «Conversations privées, gare à la délation !»
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00:00
Alors, c'est un texte qui est apparu il y a très peu de temps.
00:03
- 6 mars. Adopté le 6 mars.
00:05
- Exact. Et qui est porté par Mathieu Lefebvre, qui est un député de la majorité,
00:11
qui est celui qui voulait rendre obligatoire, soit dit en passant, les drapeaux européens devant les mairies.
00:16
Donc, on voit que ça le campe idéologiquement dans la majorité.
00:20
Et qu'est-ce qu'il nous propose? Un projet de loi, globalement, je vous le dis très simplement,
00:25
qui va interdire et pénaliser les propos dits haineux ou discriminatoires dans le domaine privé.
00:32
Je vous ai souvent parlé ici, depuis deux ans et demi, de ce qu'on a vu en Écosse,
00:37
c'est-à-dire la pénalisation, l'abolition du domaine privé.
00:41
Les propos dits haineux qui sont constitués en privé peuvent être désormais obligés de poursuite.
00:45
Eh bien, on n'a plus besoin de parler de l'Écosse pour ça. On peut tout simplement parler de la France.
00:50
Donc, c'est une proposition qui a été adoptée en première lecture.
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Mais ce n'est pas un détail ici, parce que l'opposition n'était pas au rendez-vous.
00:58
Je prends la peine de le dire là maintenant, vu les enjeux philosophiques, existentiels,
01:03
politiques et juridiques qu'il y a là-dedans.
01:05
Donc, allons-y très simplement. Des propos privés, qu'est-ce qu'on entend par là?
01:09
Eh bien, d'abord et en tout, vous êtes chez vous, tout simplement, vous organisez un dîner,
01:12
vous organisez une fête. Et dans cette fête, dans ce dîner, vous tenez des propos qui peuvent choquer
01:16
un invité inattendu, comme je donne toujours le même exemple là-dessus, une personne de gauche,
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par définition, s'entend des propos haineux tout le temps.
01:22
Bon. Eh bien, vous allez recevoir quelqu'un chez vous, cette personne peut décider,
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ayant interprété vos propos tenus chez vous dans une rencontre privée,
01:30
peut décider d'aller vous dénoncer, et là, les modalités juridiques restent à préciser,
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mais pour aller vous dénoncer devant les autorités pour propos haineux,
01:40
dis-je tenus à la maison. Donc, si ce sont des propos tenus sur, j'en sais rien moi,
01:46
sous la couette, c'est pas inimaginable, deux députés de l'Assemblée nationale décident
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de s'accoupler, non, ils sont pas nécessairement de même camp politique, ils rondent,
01:53
ils décident de s'accuser de propos haineux, et là, c'est fini.
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Donc, l'accusation est lancée, propos haineux. Ça peut être des propos tenus à table,
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ça peut être des propos tenus en rencontre de famille.
02:01
Donc, sachez que chez vous, vous n'êtes plus chez vous.
02:04
Chez vous, l'espace public s'est imposé.
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Chez vous, les conversations sont désormais surveillées.
02:10
J'insiste sur une chose, si vous êtes surveillé, c'est qu'il y a un appel,
02:14
il y a une institutionnalisation là-dedans de la délation.
02:17
Comment peut-on surveiller les conversations que vous avez chez vous?
02:19
Sinon, qu'on mise à propos, donc, une liste de délits sont fixés,
02:23
ce sont ceux qu'on connaît habituellement, donc les délits d'opinion contemporaine,
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racisme, sexisme, discrimination, propos haineux, donc, domaine transphobie,
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et tout ce qui vient là-dedans. Donc, sachez que vous avez désormais,
02:34
puisque la loi a été fixée, une responsabilité civique
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de surveiller les conversations que vous avez chez vous,
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peut-être dans votre voiture aussi, et en forêt, si vous marchez avec quelqu'un.
02:44
Oui, parce que si vous tenez de tels propos, on peut vous rapporter.
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Donc, vous avez la responsabilité, comme citoyen exemplaire,
02:50
de rapporter, de dénoncer les propos privés des uns des autres.
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Je crois que c'est important de le mentionner, donc on institutionnalise la délation.
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Pour certains, le délateur, aujourd'hui, c'est le citoyen démocratique exemplaire.
03:03
Il est permis de douter de la valeur de ce modèle, mais quoi qu'il en soit.
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On étend aussi le domaine du privé, donc les groupes Facebook privés,
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les conversations WhatsApp privées, tout ce qui se tient sur les réseaux sociaux,
03:17
d'une manière ou de l'autre, sera désormais, dans le domaine privé, j'entends,
03:21
on veut étendre le domaine du public là, on veut étendre le droit à la surveillance étatique,
03:26
le droit à la surveillance par le travail des délateurs,
03:29
qui auront la responsabilité de faire appliquer la loi en rapportant les propos,
03:32
en rapportant les propos litigieux.
03:34
Donc, on crée les conditions, un dispositif juridique, idéologique,
03:39
où chacun est appelé en dernière instance à dénoncer son voisin,
03:44
s'il entend des propos qui peuvent heurter la morale publique.
03:47
Alors, il y a des aspects assez concrets là-dedans.
03:49
Imaginons un parent qui s'inquiète de la transition de genre de son enfance.
03:54
Vous savez, un garçon qui veut devenir une fille, une fille qui veut devenir un garçon.
03:57
Imaginons qu'il dise à son fils, il y a des gens qui sont emparés de sa tête,
04:02
victimes d'endoctrinement des groupes LGBTQI2+, machin chose,
04:06
qui lui ont convaincu que c'était une fille.
04:08
Ce n'est pas le cas, il faut l'empêcher de basculer là-dedans.
04:11
Mais qui nous dit que demain, vous ne serez pas accusé,
04:14
pour vous être inquiété de la transition de genre annoncée de votre enfant,
04:17
demain, assurément de maltraitance parentale,
04:19
un homme qui n'accompagne pas la transition de genre de son enfant en maltraitance parentale,
04:23
mais aussi, propos haineux dans la vie privée.
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Donc, on voit, si on considère, comme je le pense, que l'abolition du privé,
04:29
que l'extension du public partout, que la surveillance intégrale, c'est la marque du totalitarisme,
04:34
eh bien, nous sommes ici devant quelque chose qui relève du totalitarisme.
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Tout cela semble en effet très inquiétant, Mathieu,
04:40
mais comment les promoteurs de cette proposition de loi justifient une telle démarche?
04:44
Il faut se mettre dans leur esprit.
04:46
Alors, Mathieu, le Fèvre nous dit que depuis le 7 octobre,
04:49
il y a une inflation de propos antisémites qui exige une répression de ces propos.
04:54
Et là, il faut comprendre, effectivement, il y a eu une horreur absolue le 7 octobre,
04:58
on en a souvent parlé ici.
04:59
Ensuite, est-ce qu'il y a une inflation d'antisémitisme?
05:01
Assurément, on le voit.
05:03
La question, c'est qu'on est en ce moment...
05:05
Ah oui, il ajoute une chose, il dit que tout cela s'inscrit dans un climat marqué
05:09
par le complotisme et la désinformation.
05:11
Là, c'est déjà plus compliqué.
05:13
Si vous tenez des propos complotistes ou qui relèvent selon, par exemple,
05:16
libération de la désinformation en privé,
05:19
est-ce que pour cela aussi, on pourra vous poursuivre demain?
05:23
Vous savez, désinformation, aujourd'hui, c'est un terme qui est utilisé assez largement.
05:27
Vous n'aviez pas la version officielle, version de la 5 sur Crépole,
05:32
vous étiez accusé de désinformation.
05:34
Vous n'aviez pas la même lecture de la crise Covid en temps réel,
05:37
en fonction des autorités sanitaires, avant qu'elles ne changent elles-mêmes de point de vue.
05:41
Vous étiez accusé de complotisme.
05:43
Donc, quelle sera l'étendue des propos à pénaliser?
05:47
Donc, vous êtes anti-vaccin, vous allez en prison avec un texte pareil.
05:49
Oui, très probablement, mais il y aura d'autres personnes qui vont y aller.
05:52
Ne vous en faites pas.
05:53
Oui, à tout le moins, la contravention sera élevée, parce qu'il y a des infractions.
05:57
Il y a une autre chose là-dedans, ça permet aussi,
06:00
donc ça permet d'interpeller sur le plan juridique,
06:03
ça permet d'envoyer un mandat d'arrêt pour être capable d'arrêter des gens qui tiennent de tels propos.
06:07
Donc, vous savez que l'État, aujourd'hui, a beaucoup trop de policiers,
06:10
beaucoup trop de juges, beaucoup trop de ressources.
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Il en a tellement qu'il peut les utiliser pour traquer les propos privés.
06:16
Je n'en doute pas.
06:17
Autre chose, autre chose qui me semble importante ici,
06:20
on veut ajouter une circonstance aggravante, dans l'esprit des partisans de cela,
06:24
si l'auteur est dépositaire de l'autorité publique,
06:27
donc fonctionnaire, élu, professeur, policier, en raison de son devoir d'exemplarité.
06:32
Donc, sachez que même en privé, vous avez un devoir d'exemplarité,
06:35
si vous avez une fonction publique.
06:38
En fait, vous portez toujours votre uniforme,
06:40
vous portez toujours votre tenue de professeur,
06:42
il y aura une circonstance aggravante.
06:45
Que retenir de ça ?
06:46
Soyons honnêtes, d'abord, il y a une instrumentalisation, à mon avis, odieuse du 7 octobre
06:51
pour justifier la répression et la multiplication des délits d'opinion.
06:56
Le 7 octobre est absolument atroce, mais preme prétexte de ça,
07:00
pour déployer un appareil répressif qui va, je l'ai dit, pousser chacun à la délation de l'autre,
07:06
sous le signe d'une surveillance idéologique généralisée,
07:08
on appelle ça « instrumentaliser le 7 octobre »
07:10
pour pénaliser potentiellement des adversaires politiques et idéologiques,
07:14
parce qu'on le sait, soit dit en passant,
07:16
les mots racistes, transphobes, discriminatoires, haines,
07:18
on sait à quel point la signification de ces mots-là s'est étendue avec les années,
07:22
et on sait à quel point elle s'étendra encore,
07:24
est-ce qu'on se rend compte jusqu'où ça va aller ?
07:26
Deuxième élément, ça va créer un climat d'autocensure,
07:28
on prétend que c'est pour lutter contre Alain Soral, c'est ce que dit Mathieu Lefebvre.
07:32
Dans les faits, c'est pas Alain Soral la cible dans tout ça,
07:35
à travers ça, c'est tous ceux, tous ceux aujourd'hui,
07:38
on envoie le message « surveillez-vous en toute circonstance,
07:41
car nous vous surveillons par le biais de votre voisin ».
07:45
Troisièmement, j'y reviens, on dit souvent « l'extrême droite est dangereuse pour les libertés »,
07:49
on peine à la définir, mais bon.
07:51
Mais moi ce que je sais, c'est que l'extrême centre, aujourd'hui,
07:53
qui prétend défendre la démocratie libérale,
07:55
qui prétend défendre l'État de droit,
07:57
qui prétend défendre le pluralisme, est aujourd'hui explicitement autoritaire.
08:01
C'est-à-dire lorsque vous vous permettez ça,
08:03
vous abolissez les principes élémentaires de la démocratie libérale.
08:07
Et de ce point de vue, je le redis, les partis d'opposition étaient étrangement absents,
08:11
peut-être qu'ils n'ont pas lu le projet,
08:13
peut-être qu'ils n'ont pas compris la signification de la chose,
08:15
mais puisqu'on leur a expliqué désormais, reste à voir s'ils mèneront une bataille
08:17
pour défendre cette chose très étrange
08:19
qui s'appelle le droit de parler librement chez soi.
08:21
(Générique)
08:25
[Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]
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