Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 25/09/2023
Chroniqueuse : Maya Lauqué 




« Abysses : l’ultime frontière » : c’est le titre du dernier ouvrage d’Olivier Lascar qui nous plonge dans un univers quasi inconnu. Lorsqu’on pense aux profondeurs marines, on mentalise fatalement le Titanic, les naufrages et les poissons effrayants alors que cette surface est bien plus vaste. C’est ce que nous prouve notre invité qui nous emmène à plus de 1000m de profondeur dans ces eaux troubles très difficiles d’accès, là où seulement quatre personnes seulement ont sondé ce fameux point énigmatique.

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00 C'était intéressant pour la curiosité des scientifiques,
00:03 pour faire avancer la science,
00:04 mais aussi pour des raisons très concrètes et industrielles.
00:06 Parce qu'on sait que sous l'eau,
00:08 au niveau du plancher océanique,
00:10 à 4000-6000 mètres de profondeur,
00:13 il y a des ressources minérales
00:15 qui sont extrêmement intéressantes pour l'industrie.
00:18 Et pour la décarbonation, on va en parler dans quelques minutes.
00:20 Mais juste d'abord, les principales difficultés techniques
00:23 quand on voit explorer les grands fonds,
00:25 qu'est-ce que c'est ?
00:25 Alors, quand on est très profond,
00:27 on a évidemment toute l'eau qui est au-dessus de sa tête,
00:30 au-dessus de ses épaules, qui vous pèse dessus.
00:32 Il y a un des spécialistes interrogé dans le livre
00:35 qui me disait que quand on est à 4000 mètres de profondeur,
00:37 c'est à peu près comme si on avait le poids d'une vache
00:39 sur chaque centimètre carré de votre corps.
00:42 Donc c'est une pression qui est extraordinaire.
00:43 Il y a eu la catastrophe terrible du Titan,
00:45 il n'y a pas longtemps,
00:47 qui est là pour le prouver aux yeux du monde.
00:48 C'est-à-dire que ce submersible qui était expérimental,
00:53 qui n'avait pas été validé, approuvé
00:55 par les autorités compétentes,
00:58 il a été soumis...
00:59 Il a tenté d'aller explorer l'épave du Titanic
01:01 et soumis à une énorme pression.
01:03 À une énorme pression et ça l'a fait imploser.
01:05 C'est dire la dangerosité de ce milieu
01:07 qui est effectivement aussi dangereux que l'espace.
01:10 Alors dans les abysses, vous nous dites,
01:11 il fait froid, il fait noir,
01:13 mais par exemple, ce n'est pas le monde du silence
01:16 que l'on peut imaginer.
01:16 Il y a beaucoup de bruit.
01:18 Il y a beaucoup de bruit d'ailleurs.
01:19 Effectivement, vous dites bien,
01:20 le monde du silence, c'est une fausse idée.
01:22 Ça vient du film de Cousteau et de Louis Mal,
01:24 mais c'est tout le contraire.
01:24 C'est-à-dire que le seul signal qui circule dans l'eau,
01:29 c'est le son au contraire.
01:30 Donc, il y a plein de bruit dans les grandes profondeurs.
01:33 Il y a des animaux qui fonctionnent aux bruits.
01:36 Alors, qui sont ces animaux qu'on va retrouver ?
01:37 Qui peuplent les abysses ?
01:38 Il y a des animaux extraordinaires.
01:40 Là, je vois qu'on voit un céphalopode,
01:42 un petit poulpe qui a été surnommé Casper.
01:44 Voilà, quand on l'a découvert en 2016,
01:46 c'est parce que certains des spectateurs
01:48 se souviennent peut-être du Casper de dessin animé.
01:50 Bien sûr.
01:50 Le petit fantôme.
01:51 Voilà, il a exactement la même bouille.
01:53 Et ce petit céphalopode, il vit à 6000 mètres de profondeur.
01:58 Il est intéressant parce qu'il incarne la problématique
02:01 de l'exploitation des abysses.
02:03 Parce que ce céphalopode, il pond ses œufs sur du manganèse,
02:07 qui est un métal particulier,
02:09 que demain, on va peut-être aller labourer,
02:12 prospecter au fond des océans.
02:14 Si demain, on prend le manganèse qui est au fond des océans,
02:17 le petit poulpe en question, il ne peut plus pondre.
02:19 Donc, si tôt découvert, si tôt en danger.
02:22 Justement, les abysses,
02:23 est-ce qu'ils jouent un rôle dans le fonctionnement de notre planète,
02:27 dans le climat en général ?
02:28 Absolument.
02:30 Longtemps, on a cru que les abysses étaient une sorte d'isola
02:33 qui était coupée du reste du monde, coupée du reste des océans.
02:36 On sait aujourd'hui que ce n'est pas du tout le cas.
02:38 Ça fonctionne dans le thermostat global
02:41 et les eaux qui circulent à la surface de l'océan,
02:45 dans un mouvement qui pourrait ressembler à celui d'une machine à laver,
02:48 mais très très lente,
02:50 ils vont faire un passage par le fond des océans également
02:53 pour se refroidir et ils remontent à la surface.
02:55 Un paquet d'eau met mille ans à peu près
02:58 pour passer de la surface au fond des océans et revenir.
03:00 C'est un espace inviolé,
03:01 mais est-ce qu'il souffre aujourd'hui de la main de l'homme ?
03:04 C'est-à-dire, est-ce qu'il y a un impact déjà qui se mesure ?
03:06 Oui, c'est terrible.
03:08 C'est complètement contre-intuitif parce que la fosse des Mariannes,
03:11 le point le plus profond de la planète,
03:13 11 km de profondeur, on a trouvé du plastique.
03:17 Il y a une mission japonaise qui a fait des images
03:19 et sur ces images, on voit du plastique.
03:21 Il y a d'autres missions qui sont allées récolter des petits crustacés
03:24 qui vivent à ces profondeurs-là, ils ont été analysés.
03:27 À l'intérieur de ces crustacés, on a trouvé du PCB,
03:31 qui est un produit chimique qu'on a longtemps utilisé
03:33 dans les dispositifs électroniques, dans les condensateurs,
03:35 qui aujourd'hui est interdit.
03:37 Et comme il y a justement ce temps très long de mouvement
03:39 entre la pollution de surface et le fait qu'elle atteigne le fond des océans,
03:45 et bien ça a contaminé ces petits crustacés.
03:47 Donc c'est ce qu'on appelle l'anthropocène,
03:50 c'est-à-dire qu'on est dans un temps…
03:51 Dans l'ère de l'homme.
03:52 C'est l'ère de l'homme, c'est l'ère de l'humain,
03:54 où la pollution provoquée par l'homme,
03:56 elle a atteint les points les plus profonds de la planète.
03:57 Alors il y a ce danger-là, et puis celui, vous nous le dites,
03:59 de l'exploitation de ces grands fonds, vous nous dites corne d'abondance,
04:03 on bombe à retardement parce qu'il est très convoité aujourd'hui,
04:06 ces abysses aujourd'hui sont très convoités, et par qui ?
04:09 Les industriels du monde entier veulent y aller
04:13 parce qu'il y a des images, je crois qu'on les a vues,
04:16 il y a ce qu'on appelle les nodules polymétalliques,
04:18 c'est des boulettes de métaux.
04:20 C'est des métaux qui sont très intéressants pour les industries classiques,
04:24 il y a du cuivre, il y a du nickel, il y a du manganèse.
04:27 On les voit ici.
04:28 On appelle ça les métaux stratégiques.
04:30 Mais il y a aussi les métaux critiques,
04:33 qui sont ceux dont maintenant on a besoin pour le numérique,
04:37 pour les énergies de transition,
04:38 parce que ça sert à faire les dispositifs électroniques,
04:40 ça sert à faire les batteries.
04:42 Et on est dans un moment de paradoxe,
04:44 parce qu'on se dit on va basculer vers l'électronique
04:47 pour ne plus pomper du pétrole, ne plus têter du pétrole,
04:51 mais ce faisant on va aller peut-être puiser dans des milieux inviolés,
04:56 des matériaux qui sont là depuis la nuit des temps,
04:59 quitte à déstabiliser la machine globale.
05:01 Il y a des garde-fous pour terminer ?
05:03 Il y a des garde-fous parce qu'il y a une institution internationale
05:05 qui s'appelle l'AIFM, qui doit donner le code minier,
05:10 qui sont les bonnes règles pour aller prospecter le fond des océans.
05:14 Le problème c'est que l'AIFM a été créée à son origine
05:19 dans le but même d'aller prospecter les océans.
05:23 Donc si vous voulez dire qu'il ne faut pas le faire,
05:25 ce serait de leur part un peu se tirer une balle dans le pied.
05:27 Et juste les États, les associations sont mobilisés
05:30 pour protéger les abysses et les grands fonds,
05:33 c'est encore un sujet qui n'est pas mis en avant ?
05:35 C'est un sujet qui n'est pas assez mis en avant,
05:37 c'est pour ça que j'ai été intéressé de faire ce livre,
05:39 parce que d'un point de vue de la société,
05:41 c'est un sujet dont il faudrait s'emparer.
05:43 Au niveau de la France, le président Macron a dit
05:46 "ma position c'est de ne pas aller exploiter le fond des océans".
05:52 Mais comme on a un président qui est en même temps,
05:54 on va voir si ça va aller jusqu'au bout.
05:56 "Abysses, l'ultime frontière", c'est un livre passionnant
05:59 à découvrir aux éditions Alizie-Aussens.
06:01 Merci beaucoup Olivier Lascar.
06:02 Merci.
06:02 Merci Maya, ça donne très envie de découvrir ce livre.

Recommandations