00:00Repas, il est 7h12, votre invité ce matin, Alexandre Lemaire, c'est Nicolas Pouvromonti,
00:06directeur de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie.
00:09Bonjour Nicolas Pouvromonti.
00:11Une palestinienne de Gaza et son fils viennent d'obtenir le statut de réfugié en France.
00:17La Cour nationale du droit d'asile considère que les palestiniens sont persécutés dans la bande de Gaza
00:23à raison de leur nationalité.
00:25Ces derniers mots, j'insiste, sont très importants.
00:28C'est une décision qui devrait faire jurisprudence.
00:31En effet, comme à chaque fois que la Cour nationale du droit d'asile pose une décision
00:35qui va à l'encontre de la doctrine de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et impatrides,
00:40qui est l'instance qui en première instance traite les demandes d'asile
00:44et décide ou non d'accorder un statut de réfugié et de protection subsidiaire.
00:48La décision a vocation ensuite à éclairer l'ensemble des décisions d'octroi de l'asile en France.
00:52C'est un changement qui a des implications sur la façon dont les Palestiniens sont vus
00:59par le système d'asile français, mais qui ne concerne finalement qu'une part assez minoritaire
01:04de la population de Gaza.
01:05Parce que déjà, avant cette décision, 80% de la population de Gaza était éligible au statut de réfugié en France
01:12dans la mesure où elle était protégée par l'Office de secours des Nations Unies pour la réfugiée de Palestine.
01:17La doctrine était que la 80% de la population de Gaza qui était sous ce statut avait le droit au statut de réfugié.
01:23Et les 20 autres pourcents étaient généralement aussi accueillis en France
01:26avec un statut un peu moins protecteur qui est celui de la protection subsidiaire.
01:30Désormais, c'est l'ensemble de la population de Gaza qui a le droit au statut maximaliste.
01:33Bon, mais jurisprudence, ça veut dire en tout cas que cette décision, Nicolas Pouvre-Monti,
01:38ouvre la voie pour que d'autres demandes d'asile soient facilement,
01:42si ce n'est automatiquement accordées à des Palestiniens de la bande de Gaza ?
01:45Ou ce n'est pas aussi simple ?
01:47Non, c'est aussi simple que ça en vérité.
01:49C'est-à-dire que le droit d'asile a de ça de très particulier,
01:53qu'il est à la fois le canal d'immigration en plus forte croissance,
01:56le nombre de bénéficiaires de l'asile en France a triplé en 10 ans,
01:59celui qui correspond le moins aux capacités d'accueil ou aux besoins économiques,
02:04par exemple, de la société concernée, la société d'accueil s'entend,
02:08et aussi le canal sur lequel le politique a le moins de contrôle.
02:11C'est-à-dire que la décision d'octroi de l'asile,
02:13elle est régie en haut par des grands traités surplombants.
02:16Ici, la Convention de Genève de 51,
02:18qui fixe les critères pour octroyer le statut de réfugié,
02:20et en bas, par des juridictions comme la CNDA,
02:24qui choisissent librement d'interpréter cette convention.
02:27Effectivement, les implications peuvent être fortes.
02:30Jusqu'à présent, la demande d'asile palestinienne en France a été relativement faible.
02:33L'an dernier, on a compté un peu moins de 300 demandes d'asile de Palestiniens,
02:37mais il est possible que cette décision suscite un appel d'air.
02:40Bon, un appel d'air.
02:42Vous parliez, vous évoquiez il y a quelques instants la protection subsidiaire.
02:45C'est le régime qui s'applique, par défaut, je ne sais pas,
02:49mais en tout cas en l'absence de l'octroi du statut de réfugié.
02:53C'est un moins bien-disant.
02:55C'est ça.
02:56C'est-à-dire qu'il y a le statut de réfugié
02:57qui correspond à ce qu'on appelle la protection conventionnelle,
03:00celle qui est directement issue de la Convention de Genève de 51,
03:03qui liste des critères assez limitatifs.
03:05Il faut que l'individu soit persécuté.
03:06Le terme des persécutions, on l'a dit, est important en raison d'un certain nombre de critères,
03:11ses positions politiques, son appartenance ethnique, religieuse ou nationale.
03:15Et donc la CNDA a estimé que les Palestiniens avaient les critères objectifs d'une nationalité,
03:20même s'ils n'ont pas d'État.
03:22Et pour les autres, les demandeurs d'asile
03:24qui ne correspondent pas à ces critères de la Convention de Genève,
03:28mais dont on estime qu'ils seraient en danger grave s'ils retournaient dans leur pays,
03:32le droit en vigueur, et notamment le droit de l'Union Européenne,
03:34on crée ce qu'on appelle la protection subsidiaire, qui est un petit peu moins protectrice,
03:38dans le sens où, par exemple, le premier titre de séjour qui est octroyé aux personnes
03:42qui ont la protection subsidiaire est de 4 ans seulement,
03:44là où il est de 10 ans pour les réfugiés à statut conventionnel.
03:47Alors il faut rappeler que cette femme palestinienne s'était vue refuser ce statut de réfugié
03:53il y a un an par l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés apatrides.
03:57L'OFPRA avait reconnu une situation de conflit d'intensité exceptionnelle à Gaza,
04:01mais estimait dans le même temps que la requérante n'avait pas fait état de crainte de persécution.
04:06Là, c'est le mot qui change tout, persécution.
04:09Absolument, c'est le mot qui change tout, c'est le mot qui est présent dans la Convention de Genève.
04:15D'ores et déjà, tant avec la protection conventionnelle qu'avec la protection subsidiaire,
04:19les critères d'octroi de l'asile pour les Palestiniens comme pour les autres
04:22s'étaient élargis considérablement et continuent de s'élargir au cours des dernières années.
04:26C'est-à-dire que quand on pense au droit d'asile, on pense souvent à l'asile constitutionnel,
04:31celui qui est présent dans le préambule de la Constitution de 1946,
04:34qui dit que chaque étranger persécuté pour la cause de la liberté a le droit d'asile sur le territoire de la République.
04:41Donc on pense à Sogenicine, on pense à d'autres.
04:43Mais aujourd'hui, le droit d'asile, c'est infiniment plus large.
04:45C'est-à-dire que l'ensemble des femmes de certains pays sont éligibles collectivement à l'asile en France.
04:50L'ensemble des personnes homosexuelles, issus de pays où cette orientation est réprimée,
04:57sont éligibles à l'asile en France en regard de la jurisprudence.
05:00Les esclaves et les anciens esclaves de Mauritanie, les albinos du Nigeria,
05:03on pourrait multiplier l'inventaire comme ça.
05:05Et donc c'est vrai que ces deux formes communes de l'asile couvrent maintenant quelque chose
05:09comme un demi-milliard de personnes à travers la planète.
05:12Et ça pose évidemment la question, pour le moins évidente, de la soutenabilité du régime de l'asile.
05:17Et oui, alors obtenir le statut de réfugié, c'est donc désormais possible au seul titre de la nationalité palestinienne.
05:23Mais dans la mesure où il n'y a pas de reconnaissance encore générale d'un État de Palestine,
05:28on peut quand même parler de nationalité palestinienne.
05:30En effet, c'est-à-dire que la Cour a estimé que les Palestiniens possédaient les critères objectifs d'une nationalité.
05:37Donc les critères objectifs, ça peut être une appartenance ethnique, culturelle, linguistique, commune.
05:45Ça peut aussi être un rapport commun à un autre État.
05:48En l'occurrence, c'est évidemment le rapport à l'État d'Israël.
05:50Et donc cette question de la nationalité n'a pas forcément besoin d'être adossée à l'existence d'un État proprement dit.
05:56Et on sait que pour l'instant, il n'y a pas d'État palestinien.
05:58On vous a entendu prononcer ce chiffre d'un demi milliard, Nicolas Pouvromonti.
06:03Il y a beaucoup de nationalités à l'heure actuelle qui peuvent prétendre en France au statut de réfugié ou ça reste exceptionnel ?
06:10Est-ce que c'est seulement accordé aux ressortissants de très rares pays en guerre ou est-ce que c'est plus large que cela ?
06:16Écoutez, il y a un ensemble de pays à travers la planète dont une majorité de la population aujourd'hui remplit les critères objectifs pour bénéficier de l'asile en France.
06:24C'est le cas de l'Afghanistan. On a un taux de protection des Afghans qui se présente en France qui est de l'ordre de 70%.
06:30L'ensemble des femmes afghanes, collectivement, par le fait qu'elles sont femmes afghanes, sont éligibles à l'asile en France, même si en vérité, on les voit peu.
06:37La demande d'asile afghane en France reste très majoritairement masculine.
06:40Ça a été le cas pendant longtemps des Syriens.
06:42Et pour l'instant, la doctrine n'a pas été exactement réinterprétée.
06:45C'est aussi le cas pour la protection subsidiaire de l'ensemble des populations soumises à des situations de violences aveugles de haute intensité.
06:54Donc, certaines régions de Soudan, de Somalie, d'Haïti, du Mali.
06:58Donc, oui, il existe un ensemble de pays où une majorité de la population est éligible à l'asile.
07:03Et cette question qui se pose de manière forte en France, en vérité, elle se pose dans tous les pays développés
07:08qui sont confrontés à cette difficulté du régime de l'asile, qui ne connaît à la fois aucune limite quantitatif.
07:14C'est un droit opposable à l'immigration.
07:16Quand on remplit les critères d'asile, on obtient l'asile, quel que soit le nombre de demandeurs
07:21qui ont déjà été acceptés par ailleurs dans les mois précédents.
07:24Et c'est aussi l'absence de contrôle politique sur ce régime qui, aujourd'hui, est remis en cause en Europe et aux Etats-Unis.
07:29Merci Nicolas Pouvromonti, directeur de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie sur Europe 1.