Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • hier
Avec Vincent Cespedes, Philosophe et essayiste

Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry

———————————————————————

▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x75...
🎧 Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/

———————————————————————

🔴 Nous suivre sur les réseaux sociaux 🔴

▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr

##LA_PETITE_PHILO_DE_L_ETE-2025-07-12##

Catégorie

🏖
Voyages
Transcription
00:00Sud Radio, la petite philo de l'été, Vincent Cespédez.
00:05A la vie de retrouver le philosophe et séiste Vincent Cespédez pour cette nouvelle saison estivale.
00:09Bonjour Vincent.
00:10Bonjour Laurence.
00:11Auteur de la société de la trahison chez Albin Michel.
00:15Alors Vincent, pour votre premier numéro de la petite philo, vous avez voulu parler philo et écologie.
00:20On va forcément parler des récents incendies, on en parlait là encore dans le flash,
00:25avec la vigilance orange, Marseille, Narbonne, L'Aude, les Deux Sèvres, les Rots.
00:30Incendies, canicules particulièrement précoces et nous ne sommes qu'au début de l'été.
00:34C'est aussi une des raisons, au-delà des chiffres, que ça nous bouscule autant dès ce début d'été, Vincent.
00:41Oui, c'est des chiffres terribles.
00:44Ça nous bouscule, mais aussi ça devient un peu inaudible à force d'être criant.
00:50On les entend, on les écoute plus ces chiffres.
00:53Oui, 2000 hectares par temps fumé dans l'Aude, 750 de plus dans les Bouches-du-Rhône.
00:57Et moi, j'ai des amis parisiens, alors je ne sais pas vous, Laurence, qui regardent ces chiffres comme on regarde la météo d'un pays lointain,
01:04comme si ça ne les concernait pas, comme si ça se passait ailleurs, dans le sud, dans les forêts, dans les Landes, chez les autres.
01:09Et voilà, le feu n'a plus de frontières, il n'a plus de saison, il n'a même plus besoin d'ennemis, il a juste besoin de notre inertie.
01:18On dit souvent, l'indifférence est pire que la haine.
01:21Oui, mais l'indifférence n'est pas un défaut moral, c'est une stratégie de survie psychique.
01:26Et on devient sourd, Laurence, aux alertes, parce qu'on sait qu'on n'y changera rien.
01:31Et ça touche quelque chose de terrible.
01:34Ce n'est pas qu'on nie le réel, c'est qu'on ne sait plus comment l'habiter.
01:38On programme nos vacances, en fait, comme dans les années 90, on rêve d'ombre, de pastis, de pain parasol, d'autoroute du soleil.
01:45Mais le soleil, aujourd'hui, c'est l'agresseur.
01:47Et pourtant, on continue de planifier comme si de rien n'était.
01:50Vous voyez, Laurence, le problème, ce n'est pas que ça brûle.
01:53Le problème, c'est que même en sachant que ça va brûler, on n'envisage pas de vivre autrement.
01:57Oui, c'est ça. Sauf que le rapport au feu, intéressant d'un point de vue philosophique et historique,
02:04ça a souvent longtemps symbolisé le progrès et la maîtrise humaine.
02:07Aujourd'hui, ça révèle nos excès, c'est ça ? Ou, comme vous dites, nos dénis, nos excès ?
02:13Complètement. Ce qui nous secoue avec ces chiffres, ce n'est pas tellement la peur du feu,
02:18c'est la honte de ne rien vouloir abandonner.
02:21On sait que le barbecue, le SUV, la clim, la maison de campagne dans la Pined, tout ça, ça participe.
02:27Et pourquoi on s'y accroche ? On préfère risquer l'incendie que renoncer à nos privilèges.
02:32Alors, on fait comme toujours, on applaudit les pompiers, on s'indigne des canadaires manquants,
02:37on fait une story insta sur le ciel orange.
02:40Mais au fond, on ne veut pas que le monde change, on veut juste qu'il brûle sans nous.
02:44La modernité voulait dompter le feu, on a juste appris à s'en éloigner en voiture.
02:49Et ces chiffres, au fond, ils n'agissent pas comme une alarme, ils agissent comme un miroir.
02:53Un miroir qui nous montre que ce que nous appelons été n'est plus une saison, c'est un test moral.
03:00Ce n'est pas la fumée qui nous pique les yeux, c'est notre propre refus de voir.
03:04Et pourtant, moi j'ai l'impression quand même que ça inquiète de plus en plus les gens.
03:09Là, pour le coup, c'est réel, on ne peut pas parler de climato-sceptique,
03:11c'est de scepticisme, c'est totalement réel.
03:15C'est totalement réel, mais c'est aussi très simple.
03:18Je veux dire, un simple mégot, un barbecue, ça devient presque aujourd'hui un acte politique,
03:24parce qu'on pourrait croire...
03:25Comment ça devient un acte politique, le mégot, le barbecue ?
03:29On s'imaginait que le feu naisse de grands événements, d'erreurs massives, de négligences d'Etat.
03:37Oui, 90% des incendies de forêt, il faut le rappeler, dans le monde, sont d'origine humaine, de toute façon.
03:41Exactement. La majorité des incendies, vous venez de le dire, Laurence, et c'est une vérité qui pique,
03:46viennent des gestes minuscules.
03:48Un mégot lancé par une fenêtre, un barbecue allumé sur une terrasse,
03:51un pot d'échappement qui chauffe une herbe sèche.
03:53Rien de spectaculaire.
03:55Des gestes de tous les jours, et c'est là le scandale.
03:58Parce que ces gestes sont banals, on ne les perçoit pas, pour ce qu'ils sont devenus,
04:02des choix politiques à combustion lente.
04:05Vous allumez une clope au volant, vous jetez un mégot, vous ne pensez pas à mal,
04:09mais ce moment-là, sans le savoir, va déclencher peut-être, va décider du sort de 500 hectares.
04:15Alors vous pouvez dire évidemment, et vous le dites, parfois ce n'est rien,
04:19mais le climat ne compte plus en intention, il compte en conséquence.
04:24Et moi j'ai envie d'insister là-dessus, parce que nous sommes entrés dans un monde
04:28où l'infraordinaire, le minuscule, le petit quotidien, est devenu explosif.
04:34Ce n'est pas le gros pollueur contre le petit citoyen vertueux.
04:38Ce schéma binaire a fondu comme une glace à l'ombre d'un 14 juillet.
04:43Et moi ce qui me frappe, Laurence, c'est qu'on continue d'agir comme si nos gestes étaient neutres.
04:48Mais ils ne le sont plus.
04:49Ils pèsent, ils déclenchent, ils coûtent.
04:52Un exemple, le nom des broussaillages autour des maisons.
04:55Ce petit rien qui pourrait éviter tant.
04:58Et pourtant qui le fait très peu.
04:59par oubli, par flemme, par croyance magique que ça n'arrive qu'aux autres.
05:04Mais le feu, lui, ne lit pas les rapports d'assurance.
05:07Et donc c'est très important.
05:10Parce qu'on pourrait croire que ce que je dis là est culpabilisant,
05:13mais en fait non, c'est libérateur.
05:15Parce que ça signifie que nous avons du pouvoir.
05:18Un pouvoir dérisoire peut-être, mais réel.
05:20Le pouvoir d'éviter, le pouvoir de prévenir, le pouvoir de ne pas aggraver.
05:25Et à l'heure de l'impuissance généralisée, c'est presque révolutionnaire.
05:28Qu'est-ce qu'on pourrait apprendre, Vincent Céspedes, d'autres peuples ou d'autres époques ?
05:33Alors ça, c'est une question anthropologique passionnante.
05:36Et puis paradoxale.
05:38Parce qu'on sait bien que pour éviter les incendies, il faut réapprendre à brûler.
05:41Alors oui, c'est contre-intuitif.
05:43On parle de feu ravageur.
05:44Et voilà que j'arrive avec l'idée de remettre des flammes dans le paysage.
05:48Mais écoutez bien, parce que cette idée-là pourrait finalement être la plus sage de toutes,
05:54les aborigènes d'Australie pratiquent ce qu'on appelle le brûlage mosaïque.
05:59Depuis des millénaires, ils mettent volontairement le feu à certaines zones,
06:03doucement, à petite échelle, en dehors des saisons chaudes.
06:06Pourquoi ? Pour éviter que la brousse ne devienne un baril de poudre.
06:10Ils nettoient les herbes sèches, recréent des clairières, maintiennent l'équilibre.
06:14Le feu comme un outil et pas comme un fléau.
06:16Pour terminer rapidement, mon cher Vincent.
06:18Oui, ben voilà.
06:19Donc c'est le contraire de ce qu'on fait ici.
06:20Nous, on attend, on interdit, on repousse, on refoule et ça explose.
06:25Et la maison brûle.
06:26Parce qu'on veut empêcher le feu à tout prix, on oublie qu'un feu contenu peut être un feu intelligent.
06:31Voilà, ce sera le mot de la fin.
06:33Merci beaucoup mon cher Vincent.
06:34Merci Laurence.
06:35Et on se retrouve le week-end prochain pour la petite philo de l'été.
06:38Merci à vous.

Recommandations