00:00Sud Radio, l'air du temps, avec Serge Guérin.
00:05Eh ben oui, je l'ai dit en même temps que le jingle, tiens. Bonjour Serge.
00:09Mes hommages du jour, chère Laurence.
00:10Mes hommages, ravie de vous retrouver pour cette nouvelle saison estivale avec vous.
00:15Professeur Alinsec, Grande École de Paris, auteur de l'essai ici Les Vieux Sauver la Planète aux éditions Michel-Lombe.
00:21Alors justement, pour votre premier numéro estival, on va parler des jeunes.
00:24La peur des jeunes a l'idée de se lancer dans la vie active, mais surtout la peur des jeunes de devenir adultes, de grandir.
00:33Études à l'appui.
00:35Oui, alors vous savez, notre émission, notre chronique, elle se veut ni optimiste, ni pessimiste, mais lucide.
00:44Vous connaissez la formule de René Char, la lucidité c'est la blessure la plus proche du soleil.
00:48Et donc voilà, un petit peu regarder les choses avec effort, justement, pour reprendre le titre de votre petit sondage.
00:55Oui, oui, c'est très très intéressant.
00:56Il y a vraiment une crainte très très forte.
00:58Et puis il y a une étude qui est sortie il n'y a pas longtemps, comme on dit, par les apprentis d'Auteuil et faite par l'Institut de sondage Opinion Way,
01:04qui montre que par exemple à 18 ans, alors il y en a deux tiers qui ont fait la fête, c'est la liberté et tout ça,
01:09mais il y en a quand même 34% qui disent que c'est un saut dans l'inconnu et que c'est de l'angoisse.
01:13Donc il y a vraiment cette trouille de rentrer dans l'âge adulte.
01:17Alors comment on peut l'expliquer ? Il y a plein de raisons, évidemment.
01:20Sans doute que le fait de la généralisation des études, du fait que l'exigence scolaire a quand même très largement baissé,
01:28le fait que toute une partie de la population poursuit ses études pendant assez longtemps,
01:33il y en a même qui les poursuivent sans jamais vraiment les rattraper,
01:35tout ça fait qu'on rentre plus tard dans le monde adulte, dans le monde professionnel.
01:40Le cocooning des études finalement, quelque part, pour se dire que la vie active, on attend, on attend, on recule, non ?
01:48Oui, oui, c'est ça. Je le vois, nous, à l'école où je suis prof, on a organisé le grand oral de sortie,
01:54et pour plein, ça y est, après plus de 20 ans de scolarité, ça y est, on se lance.
02:00Il y en a d'autres aussi qui disent, ben oui, ça me fait un peu peur.
02:03Ce qui est normal, c'est pas du tout... Mais de fait, il y a cet évent-là très très fort.
02:06Il faut se dire quand même qu'à peu près, selon toujours le sondage,
02:10il y a à peu près 23% des jeunes qui, à 25 ans, n'ont jamais travaillé de leur vie, par exemple.
02:15Donc voilà, il y a tous ces éments-là.
02:17Il y a toute une partie aussi qui sont, à peu près 32%,
02:20qui disent qu'ils ne sont pas capables de faire tout seuls toutes les démarches administratives.
02:24Alors vous me direz, de vous à moi, aujourd'hui encore, j'ai dépassé un tout petit peu les 25 ans,
02:29que parfois certaines démarches administratives, c'est pas simple.
02:33Ce qui est drôle de Serge Garin, c'est qu'il y a un petit décalage.
02:37On sait que c'est une génération ultra connectée.
02:40Et notamment, tout ce qui est administratif, ça se fait aussi sur Internet.
02:43Mais voilà, on n'est pas forcément connecté aux mêmes réalités, en fait.
02:47L'administratif, ça reste l'administratif.
02:49Exactement. On fait le champion du monde des jeux vidéo.
02:52Mais il y a certaines choses qui sont beaucoup plus compliquées.
02:55Et d'ailleurs, c'est une des raisons aussi.
02:57C'est une éducation, alors on ne va pas faire le couplet sur les familles qui sont quand même plus laxistes qu'auparavant.
03:04Pour une partie, l'éducation est souvent un petit peu souple.
03:07Parfois, la notion de droit-devoir, c'est vraiment les droits.
03:12On oublie un peu les devoirs, y compris d'ailleurs quand on voit ses propres parents
03:14qui passent leur vie à demander des droits et qui ne respectent aucun devoir.
03:19Tout ça joue quand même.
03:20Et puis, la délégation de l'éducation aux écrans et aux smartphones n'est pas nécessairement la meilleure idée.
03:26Donc, de ce point de vue-là, ça n'aide pas non plus les jeunes à devenir plus adultes,
03:31à avoir plus de maturité intellectuelle.
03:32Là, on a un sujet, c'est-à-dire que l'école a sa responsabilité, les familles ont leur responsabilité.
03:37Puis, il y a un discours aussi très tendant, toute une partie du monde politique, par exemple,
03:42et dans les médias, de dire un discours hyper pro-loisir, on pourrait dire.
03:48Ah bon ?
03:49On n'est pas très pro-travail.
03:51Vous trouvez qu'il y a un discours pro-loisir de la part des médias et des politiques ?
03:55Qu'est-ce que ça veut dire, en fait, ce discours pro-loisir ?
03:58Déjà, tout ce qui est les RTT, les vacances.
04:02On est quand même champion du monde des vacances.
04:05On est quand même le pays qui travaille à peu près le moins,
04:07avec une productivité d'ailleurs qui baisse.
04:09Ça, ça peut se discuter, honnêtement, ça se discute quand même.
04:12Ça se discute, mais en termes de productivité, malheureusement, les chiffres sont là.
04:16Puisque le type de Sud Radio, c'est Parlons Vrai,
04:18il faut y aller de ce point de vue-là.
04:20Donc, c'est vrai qu'il y a aussi tout un discours comme ça
04:22qui va valoriser les loisirs.
04:25C'est très bien les loisirs, évidemment, ce n'est pas le sujet.
04:27Mais sauf qu'en échange, il faut aussi quand même qu'il y ait parfois un petit peu de travail.
04:31Et de ce point de vue-là, on voit aussi une certaine difficulté.
04:34Serge Grain, j'ai envie de vous dire, la peur de grandir,
04:37de devenir adulte à chaque génération, quelque part, ça se répète.
04:40On a parlé jadis des tanguis, par exemple.
04:43Sauf que là, aujourd'hui aussi, on parle de crise climatique,
04:47on parle d'un milieu professionnel très compétitif.
04:51Ça joue aussi, ça, je pense, dans ce stress-là,
04:54aussi des jeunes à l'idée de se projeter aussi.
04:58Ah oui, vous avez tout à fait raison.
04:59Il y a d'abord le retour du tragique.
05:01Longtemps, l'Europe a pensé que c'était un continent tranquille,
05:04qu'il n'y avait plus de guerre et tout ça.
05:06Là, ce n'est plus le cas.
05:08On meurt tous les jours en Europe, aujourd'hui, de la guerre,
05:10en Ukraine en particulier.
05:13Le réchauffement climatique, il est de plus en plus visible.
05:15Et quand même, il fout la pétoche à plein de gens.
05:17Et d'autres qui disent, qu'est-ce que je vais faire, ainsi de suite.
05:19On a quand même un système de management en France
05:21que je qualifierais, ce qui fait un peu référence aussi à notre président,
05:24de jupitérien.
05:25C'est très, très hiérarchique.
05:26Et donc, ça ne prend pas toujours en compte
05:28à la fois la volonté d'autonomie de certains.
05:31Il y a plein de jeunes qui sont hyper créatifs.
05:33Et ceux-là, parfois, on brise, on bride un peu leur créativité.
05:36Même s'il y en a d'autres, jeunes ou moins jeunes d'ailleurs,
05:39qui ont besoin de choses plus carrées.
05:40Mais finalement, le management ne sait pas s'adapter
05:43ou prendre en compte la diversité croissante des gens, tout simplement.
05:46Y compris des jeunes, mais de toutes les générations.
05:49Donc, ça aussi, ça joue très, très fortement.
05:53Mais c'est vrai qu'il y a aussi une...
05:54Vous allez me trouver un peu ringard et rien.
05:56Mais il y a aussi une dévalorisation d'une certaine manière de l'effort.
06:01Il faut que les choses arrivent tout de suite.
06:02Vous savez, dans mon panthéon personnel,
06:05il y a un gars qui s'appelait le capitaine Sankara,
06:07qui a été le créateur du Burkina Faso.
06:10Et souvent, il terminait ses discours en disant
06:12« Ah bah la paresse ! »
06:13Il y a un petit quelque chose autour de ça qui serait sans doute important.
06:16Alors, il y a plein de jeunes et de moins jeunes d'ailleurs,
06:18qui ne sont pas du tout paresseux et qui ont envie de se battre,
06:21qui ont envie de créer des choses, de l'initiative, de l'imaginaire et tout ça.
06:24Mais c'est vrai qu'on a tendance à ne pas trop valoriser tous ces éléments-là
06:27et valoriser plutôt quelque chose de plus loisir, tranquille.
06:30On s'embête pas.
06:31C'est vrai que vous avez un petit côté réac, finalement, la réflexion.
06:33Oui, en tout cas, disons conservateur.
06:36C'est ça.
06:38Par exemple, à propos des conservateurs,
06:40on demande aux gens, aux jeunes et tout ça,
06:43mais quand ça se passe mal, en cas de coup dur, qu'est-ce que vous faites ?
06:46À 71%, on se retourne vers la famille.
06:49C'est aussi ça qui est intéressant.
06:50Même si j'ai dit que la famille était un peu moins...
06:52Mais n'empêche que quand ça va pas bien,
06:54vous savez, le famille « je vous ai » des années 68,
06:59il est devenu « famille, je vous aime ».
07:00Il y a quand même un truc, j'en ai besoin.
07:02Et donc, c'est aussi intéressant de voir que finalement,
07:03on a besoin de transmission, on a besoin de racines,
07:05et on a besoin d'entraide.
07:07Et là, le mot « entraide », il est peut-être conservateur,
07:10je n'en sais rien, mais en tout cas, il est hyper positif.
07:12Parce qu'on a envie de s'entraider entre nous,
07:14parce qu'on est interdépendants.
07:16On a besoin les uns des autres.
07:18Et on a même besoin du soutien des radios.
07:20Eh bien voilà, ce sera le mot de la fin.
07:22Il est parfait.
07:23Merci beaucoup Serge Guérin,
07:24et on vous retrouve bien sur le week-end prochain
