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  • 7/12/2025

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00:00Vendredi 21 septembre 2001, il est 10h30.
00:09A Toulouse, un journaliste de télévision locale filme les premières images d'une catastrophe sans précédent.
00:18Je vais tout de suite lui dire, tourne en permanence, surtout ne coupe pas.
00:26Mesdames et messieurs, bonjour.
00:27Madame, monsieur, bonjour. Une violente explosion a donc secoué la ville de Toulouse ce matin.
00:33C'est bien plus que ce qu'on a sur les champs de bataille.
00:36Une très forte explosion dans une usine pétrochimique. Les dégâts sont énormes, semble-t-il.
00:4131 morts, 22 000 blessés, 2 milliards d'euros de dégâts.
00:47La quatrième ville de France est comme anéantie, victime de la pire catastrophe industrielle française.
00:52Aujourd'hui, trois lettres suffisent à raviver ce traumatisme à ZDF.
01:02Que s'est-il réellement passé dans l'enceinte de cette usine de produits chimiques, dix jours seulement après les attentats du 11 septembre ?
01:13Quelles conditions environnementales, quels éléments techniques et humains ont concordé ce jour-là de façon terriblement surprenante ?
01:22Vous avez tous les ingrédients pour qu'une catastrophe puisse se produire. Il manquait juste une étincelle.
01:27Pour y répondre, nous sommes allés à la rencontre de ceux, experts, chimistes, responsables de la sécurité, qui ont travaillé sur le site et participé à l'enquête.
01:38Si vous mélangez le nitrate d'ammonium avec du DCCNA, c'est là que les choses peuvent commencer à mal tourner. Cela devient un explosif très puissant.
01:45Une fois que la réaction est partie, elle se suffit à elle-même. C'est un emballement inexorable.
01:53La catastrophe aurait-elle pu prendre des proportions encore plus tragiques, comme celle de Beyrouth, 19 ans plus tard ?
02:00Le scénario qui s'est produit dans le bâtiment 221 aurait pu aussi se produire dans d'autres bâtiments du site à ZDF.
02:06On pouvait être stocké jusqu'à 15 000 tonnes de nitrate agricole, l'équivalent de 5 000 tonnes de TNT, un demi-Hiroshima.
02:15Et de l'autre côté de l'usine, comment les Toulousains ont-ils vécu cette journée en enfer ?
02:23J'entends un gros boum. Je vois la véranda chez moi, qui rentre dans la salle à manger. La télé qui vient vers moi.
02:31Le pare-brise éclate. Je me jette sur le petit pour le protéger. La panique totale.
02:40Au bout d'un moment, on se demande si on est vivant, si on est mort.
02:45Plus on avance, plus c'est pire.
02:49Toute la venue, ce sont des scènes d'horreur.
02:52Ma femme, elle me cherche les morceaux, et elle va trouver le sort.
02:58Voici l'histoire d'un événement qui n'aurait pas dû se produire.
03:02L'histoire d'AZF.
03:04Une catastrophe hors de contrôle.
03:06Toulouse, vendredi 21 septembre 2001.
03:36Il est 8h30.
03:38Le jour se lève sur la ville rose et ses habitants.
03:43C'est la fin de la semaine. On se dirige tranquillement tous vers le week-end.
03:47C'est un vendredi.
03:48Il fait un temps assez lourd, mais c'est un jour très beau, très doux.
03:51Comme tous les vendredis, Pauline Miranda se prépare à sortir faire ses courses.
03:57Ma journée du 21 septembre commence à 6h30 comme tous les jours.
04:04Petit déjeuner, ménage, la petite routine habituelle.
04:09Et je pars m'acheter des nouveaux rideaux au marché de la Farouette.
04:13Près de ce marché vivent en couple Patricia et Bernard Benita.
04:19Pour eux aussi, la journée démarre tranquillement.
04:22Je bois mon café, mon épouse prend son petit déjeuner, mes enfants déjeunent aussi.
04:27Tout est parfait, quoi.
04:28Nous commençons à nous préparer.
04:31Nous échangeons une petite discussion avant de partir.
04:40Elle quitte la maison.
04:42Et moi, je reste un petit peu à flâner à la maison, à regarder la télé.
04:47À l'image de Pauline, Patricia et Bernard,
04:50les habitants de Toulouse vivent un début de journée on ne peut plus normal.
04:54Rien ne les prépare à ce qu'ils vont vivre dans quelques minutes
04:58une gigantesque explosion dont ils ne sortiront pas indemnes.
05:04Pour comprendre ce qui va bientôt se produire,
05:07il faut aller à quelques kilomètres de là,
05:09sur le site de la plus importante usine chimique de la région.
05:17Le nom de cette usine est connu de tous les Toulousains.
05:21AZF.
05:22Ce n'est pas une usine comme les autres.
05:26Située à seulement 5 kilomètres du centre de Toulouse,
05:29elle est classée CVSO2,
05:31le niveau de dangerosité le plus élevé pour un site de fabrication.
05:36En effet, à l'intérieur des 70 hectares de la zone,
05:40l'équivalent de 100 terrains de football,
05:43plusieurs produits chimiques à risque sont réalisés.
05:45Il y a les nitrates d'ammonium,
05:50des produits qui servent à l'élaboration d'engrais et d'explosifs.
05:54On s'en sert pour abattre les roches dans les carrières,
06:00pour creuser des tunnels.
06:02Ça aide dans le génie civil.
06:03C'est un explosif qui est de faible coût, en fait,
06:06et c'est pour ça qu'il est utilisé.
06:08Ça ressemble un peu à des billes de plastique tout petits.
06:13Il y a vraiment une taille à respecter pour que ça soit commercialisable.
06:17Ce nitrate d'ammonium, c'est le produit phare de l'usine.
06:23AZF en fabrique depuis 1924.
06:28Depuis que l'Allemagne, à l'issue de la Première Guerre mondiale,
06:32a confié aux Français le secret de fabrication de l'ammoniaque,
06:35ce gaz à l'origine du produit.
06:37Chez AZF, il en sort jusqu'à 200 000 tonnes par an,
06:45près de 14 poids lourds par jour.
06:54Autre produit, autre utilisation, le DCC-ENA,
06:59une substance à base de chlore,
07:01utilisée essentiellement au nettoyage de l'eau.
07:04Ce sont des produits très agressifs,
07:07et occident, quoi.
07:08Donc ça nécessite vraiment une attention toute particulière.
07:14Sur le site d'AZF, la vigilance est de rigueur.
07:18Non seulement les nitrates d'ammonium et le DCC-ENA
07:21sont des produits dangereux,
07:23mais il ne faut surtout pas les combiner entre eux,
07:25au risque de provoquer une explosion.
07:32En réalité, si les deux produits sont incompatibles,
07:35il faut la présence d'un troisième élément
07:38pour que le mélange explose.
07:40Et ce dernier est aussi banal que surprenant,
07:43l'eau.
07:44Henri-Noël Prel est directeur de recherche au CNRS.
07:51Il connaît parfaitement ce mélange d'étonnants.
07:54Dans toutes nos expériences, nous avons utilisé des mélanges
08:00de nitrates d'ammonium et de DCC-ENA
08:03à raison de 50% chacun.
08:06Et lorsqu'on ajoute un peu d'eau dans ces mélanges,
08:10là où l'eau est introduite,
08:12se développe immédiatement une réaction chimique.
08:14Un test a même été réalisé au cours de l'enquête.
08:20A droite, 100 kg de nitrates d'ammonium humidifiés
08:23sont mis en contact avec 1 kg de DCC-ENA.
08:27Résultat, en quelques minutes...
08:29Chez AZF, il n'y a aucune chance que ce type d'explosion ait lieu.
08:40Le nitrate d'ammonium et le DCC-ENA
08:42disposent chacun de leurs propres zones de fabrication.
08:46Quant à l'eau, aucune des deux zones n'en exploite.
08:56Seules quelques imprudences sont parfois commises
08:58mais elles sont sans incidence.
09:01Les entreprises de recyclage, par exemple.
09:05Lorsqu'elles récupèrent les sacs et autres matériaux usagés,
09:08elles les débarrassent des poussières de produits chimiques
09:10qu'ils peuvent encore contenir.
09:13Résultat, ces produits chimiques se retrouvent là
09:16où ils ne devraient pas être.
09:22Il n'importe à l'extérieur que de la matière plastique à recycler
09:25et pas de produits chimiques.
09:26Et donc les produits se trouvent au sol.
09:28Les résidus de secouage se trouvent au sol
09:31à une fois que l'entreprise de recyclage est partie.
09:35On n'est jamais à l'abri qu'il y ait des fonds de sacs
09:38parce que ça abrasse énormément de sacs.
09:42Au quotidien, ces manipulations ne représentent aucun danger.
09:45Jusqu'au jour où plusieurs facteurs vont s'additionner
09:48et créer une situation catastrophique.
10:00Retour ce vendredi 21 septembre 2001.
10:03Il est 9h40 et ce matin chez AZF, une manœuvre un peu particulière doit être entreprise.
10:09Concrètement, dans le hangar 335, une demi-tonne de nitrate d'ammonium,
10:17équivalent au poids de trois motos, doit être évacuée.
10:19Le hangar 335, c'est un hangar qui sert à stocker ce qu'on appelle des déchets industriels banals.
10:29C'est des palettes, des cartons, des sacs dans lesquels on met des produits chimiques,
10:34mais on stocke dans ce bâtiment des sacs propres, lavés, vides.
10:38C'est du déchet matériel qui n'est pas chimique.
10:44S'il n'y a pas lieu de s'alerter, il faut tout de même gérer au plus vite ce nitrate d'ammonium stocké au mauvais endroit.
10:50Un camion-benne est donc dépêché sur place.
10:53Seulement voilà, à son arrivée, l'ouvrier chargé de cette tâche
10:57commet sans savoir une grave erreur.
11:00Il racle le sol pour remplir la veine, pour ne rien laisser sur le sol.
11:10Et il se trouve que sur le sol, il y a un certain nombre d'autres produits chimiques,
11:14dont du DCCNA, qui est un dérivé chloré.
11:21Le DCCNA, le fameux produit incompatible avec le nitrate d'ammonium.
11:26Il ne faut surtout pas que le mélange entre en contact avec de l'eau.
11:34Là, c'est le début d'une machine infernale.
11:37Donc c'est la mise en contact du chlore avec le nitrate d'ammonium.
11:41On a mis le loup dans la vergerie en autorisant le croisement de produits incompatibles,
11:47qu'on savait incompatibles.
11:49Le mélange explosif est désormais aux deux tiers constitués.
11:53Et la quantité de produits est faramineuse.
11:55500 kilos.
11:57De quoi faire exploser une partie de l'usine.
12:00Mais ce qui s'apprête à arriver est bien plus terrible
12:03et va littéralement éventrer la vie.
12:05Il est 9h45, quand le camion Ben, chargé d'une demi-tonne de produits explosifs incompatibles,
12:22quitte le hangar 335, direction le hangar 221, situé 700 mètres plus au nord.
12:28C'est un des plus grands équipements du site.
12:31C'est un peu comme un hall de gare.
12:34Ce hangar 221 est lui aussi un lieu de stockage.
12:38C'est là que sont entreposés les nitrates d'ammonium quand ils ne peuvent être vendus à l'extérieur.
12:43Comme il maintient à couvert un produit potentiellement dangereux,
12:48le hangar 221 respecte des normes de sécurité bien précises.
12:52Il y a une porte avant, une porte arrière.
12:58La porte qui donne sur l'accès principal à l'usine, sur la route principale, est toujours fermée.
13:04On rentre par l'arrière et au fur et à mesure,
13:07on dépose les déchets de nitrate d'ammonium dans ce hangar.
13:16Cette porte arrière donne sur la partie du hangar où se dirige actuellement le camion Ben.
13:21On l'appelle le box.
13:26Puis, derrière un mur de 2 mètres de haut,
13:29la deuxième partie du hangar forme ce qu'on appelle ici le tas principal.
13:35Actuellement, 350 tonnes de nitrate d'ammonium déclassées y sont stockées dans l'attente d'être recyclées.
13:43C'est énorme, c'est un tas de plusieurs dizaines de mètres de long,
13:472 mètres de haut, 15 mètres de large.
13:51Le camion Ben arrive à destination.
13:55L'ouvrier est autorisé à entrer.
13:58Dans quelques secondes, sa mission sera terminée.
14:01Le responsable du bâtiment de 121 lui dit qu'il n'y a pas de problème.
14:05Si c'est de nitrate d'ammonium, tu peux l'amener.
14:07Il avait vérifié, c'était de nitrate d'ammonium pour lui.
14:10Mais la personne qui nous donne l'autorisation ne contrôle pas l'intérieur de la benne.
14:16Et donc, il va transférer cette benne jusqu'au hangar de Saint-Mathéen.
14:20A cet instant, rien ne laisse présager de ce qu'il va se produire.
14:27Rien dans le hangar, rien dans le produit chimique, absolument rien ne montre qu'il y a un problème.
14:32La catastrophe qui s'apprête à éclater va venir d'ailleurs.
14:3710h10.
14:43Cela fait 20 minutes qu'à l'intérieur du box du hangar 221,
14:47les 500 kg de supposés nitrate d'ammonium ont été déposés.
14:52Il s'ajoute aux 11 tonnes de ce même produit déjà présente dans cette partie du bâtiment.
14:57La totalité représente le poids de 3 camionnettes.
15:01Jusque là, il n'y a rien à signaler.
15:03Le DCCNA que renferme les 500 kg de nitrate d'ammonium ne pose aucun problème.
15:10Dans quelques heures, comme le veut la procédure,
15:13l'ensemble sera récupéré puis stocké sur les 350 tonnes du tas principal.
15:18Mais derrière son apparente stabilité,
15:21le nitrate d'ammonium est rendu hautement sensible et dangereux
15:24par la présence d'un élément parfaitement invisible que personne,
15:28pas même la sécurité du site, ne soupçonne.
15:33Depuis deux jours, la région toulousaine est en effet balayée
15:39par un phénomène climatique un peu particulier, le vent d'autant.
15:44Or ce vent ne fait pas que souffler violemment,
15:47il est porteur d'un danger bien plus grave.
15:49C'est un vent de sud-est marin qui souffle parfois en rafales.
15:56Ce vent d'autant est relativement chaud et chargé d'humidité,
16:00beaucoup plus que l'air ambiant normal.
16:04Et donc le nitrate d'ammonium se met à boire l'humidité de l'air.
16:08Et donc on a une pellicule de nitrate d'ammonium liquéfiée
16:12en surface de tout le nitrate d'ammonium.
16:17L'eau, ce troisième élément qui peut tout faire exploser,
16:20vient d'entrer en scène sans que personne ne le voit.
16:2510h17.
16:27À partir de cet instant, plus rien ne peut arrêter le processus.
16:31Donc on va avoir de l'explosif qui va être produit à la base du thym.
16:38Une fois que la réaction est partie, elle se suffit à elle-même.
16:41C'est un emballement inexorable.
16:44Et ça s'arrête lorsque ça explose.
16:46Il n'y a pas de scie, il n'y a pas de couvert.
16:49À cause de l'eau, le DCCNA et le nitrate d'ammonium,
16:53les deux produits explosifs incompatibles s'agglomèrent.
16:56Résultat, une bombe chimique se forme en seulement quelques minutes.
17:00C'est bien plus que ce qu'on a sur les champs de bataille
17:04où les bombes ne font que quelques centaines de kilos.
17:09La situation est ahurissante.
17:1211 tonnes et demie de nitrate d'ammonium vont exploser d'un moment à l'autre
17:16au cœur même d'une usine de produits chimiques.
17:19On passe à une phase hors de contrôle.
17:21Donc c'est parti.
17:23On ne peut plus arrêter la machine.
17:24C'est la machine à faire mal.
17:26Il est précisément 10h17 et 50 secondes.
17:30Quand soudain...
17:38L'inconcevable se produit.
17:4611 tonnes et demie de nitrate d'ammonium explosent
17:48au sein du hangar 221 d'AZF.
17:52Mais ce n'est pas tout.
17:53Un élément va faire empirer la situation de manière bien plus tragique.
17:58Le mur qui sépare le box du tas principal.
18:02Le voilà projeté contre la seconde partie
18:04et ses 350 tonnes de nitrate d'ammonium.
18:08Une projection si rapide qu'elle va engendrer un cataclysme.
18:12Une seconde explosion, 30 fois supérieure à la première.
18:15Boris Kassahinov est expert en détonique à l'Institut Semenov de Moscou.
18:23Il a étudié le comportement du mur lors de l'explosion.
18:26En détonique, il existe différents moyens d'initier une détonation.
18:32Et l'un de ces moyens est de frapper l'explosif
18:35avec un objet qui vole à grande vitesse.
18:37Les experts estiment le déplacement du mur
18:41à près de 3500 mètres par seconde,
18:44quasiment la vitesse d'un missile.
18:51Lorsque le mur arrive au tas principal,
18:55l'énergie produite par son mouvement
18:58est suffisante pour déclencher une détonation.
19:01La demi-tonne de nitrate d'ammonium
19:04contaminée par le DCCNA
19:05entraîne au total l'explosion
19:07de près de 400 tonnes de nitrate d'ammonium.
19:11En une fraction de seconde,
19:13Toulouse et ses habitants
19:14vont être comme foudroyés.
19:22Il est 10h17,
19:23passé de presque 51 secondes,
19:26quand à l'intérieur des murs de l'usine AZF,
19:29l'inévitable vient de se produire.
19:30A cet instant,
19:35Patricia Benita est en voiture
19:37avec ses deux enfants
19:38sur l'une des routes
19:39qui longe l'usine AZF.
19:41Elle se rappelle avec précision
19:43de ce moment qui précède la catastrophe.
19:44Je suis sur la route,
19:49j'échange avec mon fils
19:50une conversation dans la voiture.
19:53Par le rétro,
19:54je vérifie si le petit va bien.
19:58J'avance tranquillement.
20:00De leur côté,
20:06Roland Le Goff
20:06et Michel Chulliard
20:08sont à moins de 100 mètres
20:09du hangar de 121.
20:12Ils travaillent à leur bureau
20:13dans leurs bâtiments respectifs.
20:15Au bâtiment d'exploitation
20:16pour Michel Chulliard
20:17et au PC de sécurité
20:19pour Roland Le Goff.
20:21Quand tout à coup...
20:22Toulouse.
20:31Il est 10h17 et 51 secondes.
20:34Chez AZF,
20:35la plus grande usine
20:36de produits chimiques de la région,
20:38une importante explosion
20:39vient de se produire.
20:41A cet instant,
20:42à moins de 100 mètres
20:43de l'épicentre,
20:45deux hommes de l'usine
20:45sont chacun à leur bureau.
20:47Michel Chulliard
20:48et Roland Le Goff
20:49ont gardé très précisément
20:51ce moment en mémoire.
20:52Je m'asciais,
20:55je prends le stylo
20:56et puis là...
20:58Alors là...
21:01Un souffle...
21:02Un souffle...
21:03Brillant.
21:06Un souffle brillant.
21:07J'avais l'impression
21:08d'être au guidon de la moto.
21:09Il faut un simple bruit.
21:11Une vitesse ferme.
21:12C'est un fracas.
21:14Un fracas énorme
21:16qui confond certainement
21:18le bruit de l'explosion
21:21avec le bruit,
21:22le fracas du bâtiment
21:24qui s'effondre sur moi.
21:30Je n'ai pas le temps
21:31de réfléchir.
21:33Ça pète.
21:35La voiture explose.
21:38Le toit de la voiture
21:40s'affaisse.
21:42Le pare-brise éclate.
21:44Je me jette sur le petit
21:46pour le protéger
21:47la panique totale.
21:51Pauline Miranda
21:52est également sur la route
21:53à deux kilomètres
21:54du site d'AZF.
21:55Je vois sur ma droite
22:01des déchets.
22:02Des déchets arrivés
22:03comme une onde.
22:04Je vois arriver
22:05des morceaux de toiture.
22:07Je vois arriver
22:08des vitres.
22:09Je vois arriver
22:09un petit peu de tout.
22:15En effet,
22:17la détonation
22:17du tas principal
22:18a creusé
22:19un immense cratère
22:20de 8 770 mètres cubes.
22:23La capacité
22:24de quatre piscines olympiques.
22:25emportant avec elles
22:27le béton,
22:27la ferraille,
22:28tous les matériaux
22:29présents sur le site.
22:32Les matériaux
22:32vont être éjectés
22:33de part et d'autre
22:34et vont partir
22:35à grande vitesse
22:36en latéral
22:37et en frontal
22:38et vont endommager
22:39et détruire
22:40toutes les structures
22:41environnantes.
22:43Et comme si cela
22:43ne suffisait pas,
22:45cette explosion
22:46si particulière
22:47va entraîner
22:47un autre phénomène
22:48encore plus ravageur.
22:5510h17,
23:02passé de presque
23:0352 secondes.
23:05Dans l'enceinte
23:05de l'usine AZF,
23:07une gigantesque explosion
23:08vient de se produire.
23:10Mais cette explosion
23:11n'est que la première phase
23:12d'un phénomène
23:12qui en comporte deux.
23:14La suite est appelée
23:15onde de choc.
23:17En se décomposant,
23:19le nitrate d'ammonium
23:20a libéré des gaz.
23:22Ces derniers se déplacent
23:23à la vitesse fulgurante
23:24de 1000 mètres par seconde,
23:26trois fois la vitesse du son.
23:29Conséquence,
23:30se crée un déplacement
23:31d'air impressionnant
23:32par sa taille
23:32et le bruit qu'il produit.
23:38Alors un bruit,
23:39je n'ai jamais entendu
23:40un truc pareil.
23:41Un espèce de bruit
23:41complètement assourdissant
23:42qui est une espèce
23:43de réverbération.
23:45Même les pétards
23:46du feu d'artifice
23:47au 14 juillet,
23:49c'est tout petit.
23:50C'est tout petit
23:51par rapport à ce bruit.
23:53Au niveau du bruit,
23:54c'est quelque chose
23:54de colossal.
23:55C'est à souhaiter
23:56à personne de l'entendre.
24:05Ce phénomène
24:06d'onde de choc
24:07se matérialisera
24:08le 4 août 2020
24:09à Beyrouth
24:10par un gigantesque
24:11halo blanc.
24:12suite à l'explosion
24:21d'une importante quantité
24:22de nitrate d'ammonium,
24:24le passage
24:25de l'onde de choc
24:26fera condenser
24:27l'eau naturellement présente
24:28dans l'atmosphère.
24:29un phénomène aussi impressionnant
24:43que violent
24:44pour ceux
24:45qui se trouveront
24:45dans les environs.
24:46Jean-Pierre Dubois
24:59de Gaudusson
25:00se trouve
25:01à 4 kilomètres
25:02d'Azédef.
25:03Il se souvient
25:04de cette onde sonore
25:05alors qu'il se trouve
25:06dans la rue.
25:06je mets la main
25:10sur les oreilles
25:10je faisais tout à coup
25:11je sens une onde
25:12carrément
25:13alors je ne peux pas
25:14expliquer ce que c'est
25:15un courant
25:16une onde
25:16qui me traverse
25:17tout le corps
25:17carrément
25:18et la suite de ça
25:20j'ai très très mal
25:21aux oreilles
25:21l'impression que
25:22cette onde
25:23m'a fissuré
25:24au niveau des tampons
25:24quelque chose
25:25et que j'ai du liquide
25:26qui me coule
25:27dans les oreilles.
25:28ça va être comme
25:29une immense claque
25:30sur chaque obstacle
25:31ça va donner une claque
25:32ça va casser les vitres
25:33ça va casser les bâtiments
25:35ça va
25:36faire tomber des personnes
25:37ça va pousser votre tampon
25:39donc c'est perçu
25:40de manière forte.
25:43Pierre Nicolas
25:44est journaliste
25:45et présentateur
25:46du journal télé
25:47de France 3 Midi Pyrénées
25:48situé à 5 km d'AZF
25:51lui aussi ressent
25:52l'explosion
25:53et subit
25:54l'onde de choc aérienne
25:55de plein fouet.
25:58Je me prends
25:58mais la claque
25:59de ma vie
25:59c'est quelque chose
26:00d'inimaginable
26:01c'est à dire que
26:02la main de Dieu
26:03me met une claque
26:04mais monumentale
26:05et puis surtout
26:05il y a cette fameuse odeur
26:06l'odeur d'ammoniaque
26:08et je sais
26:09qu'il n'y a qu'un seul endroit
26:10de Toulouse
26:11où ça peut venir
26:11c'est AZF.
26:16Pauline Miranda
26:17et Bernard Benita
26:19se rappellent également
26:20très bien
26:20de ce moment.
26:22Je sens ma voiture
26:23se soulever
26:24c'est une sensation
26:26affreuse
26:27c'est comme si
26:27il y avait un aimant
26:28qui prenait ma voiture
26:29et qui déportait ma voiture
26:31et je me retrouve
26:32à cheval
26:33sur la terre pleine
26:34c'est quelque chose
26:35d'incroyable
26:38c'est
26:38d'irréel
26:39même
26:39d'irréel
26:40d'irréel
26:41J'entends un gros boum
26:44je vois la véranda
26:46chez moi
26:46qui rentre dans la salle
26:48à manger
26:48la télé
26:50qui vient vers moi
26:51qu'est-ce qui se passe ?
26:54Donc ma réaction première
26:55c'est d'aller vite
26:56au balcon
26:57voir
26:57qu'est-ce qu'il y a eu
26:58si c'est chez moi
27:00ou si c'est général
27:01il s'avère que
27:03le balcon
27:04les vitres
27:05il n'y en a plus
27:05elles ont sauté aussi
27:08L'explosion est ressentie
27:10jusqu'à 80 km
27:12à la ronde
27:12les Toulousains
27:14sont sous le choc
27:15mais ils sont encore
27:17loin d'imaginer
27:17l'étendue
27:18de la catastrophe
27:1910h20
27:233 minutes à peine
27:25après l'explosion
27:25et la gigantesque
27:27honte de choc
27:27qui s'est propagée
27:28dans toute la région
27:29Pierre Nicolas
27:30le journaliste de télévision
27:31et son caméraman
27:32partent en direction
27:33d'AZF
27:34ils veulent rendre compte
27:36des dégâts causés
27:37par l'explosion
27:37et tenter de répondre
27:38à une question
27:39s'agit-il d'un accident
27:41ou d'un acte terroriste ?
27:49cela fait 10 jours
27:53en effet
27:53qu'un événement considérable
27:54a changé la face du monde
27:56il y a peut-être un lien
27:57à l'époque
28:05John Henley
28:06est journaliste correspondant
28:08du journal britannique
28:09The Guardian
28:09en France
28:10le monde a vraiment
28:15été bouleversé
28:16ce n'est pas exagéré
28:18de dire
28:19que le 11 septembre 2001
28:20a été un énorme
28:22choc psychologique
28:23les tours jumelles
28:33Oussama Ben Laden
28:35la démocratie
28:39la plus puissante
28:40du monde
28:40attaquée en son cœur
28:41c'était juste
28:43énorme
28:44à son cœur
28:45c'était un énorme
28:45chose
28:46regarde par terre
28:54regarde par terre
28:54je vais tout de suite
28:57lui dire
28:57tourne en permanence
28:58surtout ne coupe pas
28:59ces images
29:01sont les toutes premières
29:02tournées
29:03après la catastrophe
29:04à un moment
29:16je conduis la moto
29:17et je me dis
29:18je suis en train de rêver
29:19je vais me réveiller
29:20la moto avance
29:21et plus on avance
29:22plus c'est pire
29:24on a eu un grand boom
29:25regardez
29:25sur la table
29:26la voiture
29:26comme une bombe
29:27qui a explosé là-bas
29:28le souffle ça ?
29:29oui oui
29:30ça peut être le souffle
29:30c'est un souffle énorme
29:31on va sortir
29:32à un kilomètre
29:32c'est lunaire presque
29:34par terre
29:34c'est de la poussière grise
29:36tout est devenu gris
29:37les gens sont devenus gris
29:38les couleurs
29:39l'air est devenu bleuâtre
29:40grisâtre
29:41le ciel s'est obscurci
29:42on ne sait pas pourquoi
29:43ils tombent des gouttelettes
29:45donc on ne sait pas ce que c'est
29:46Pierre-Nicolas et son caméraman
29:57continuent d'avancer
29:59en direction de l'usine
30:00tant qu'on voit des gens
30:04ça va encore
30:04y compris des gens blessés
30:06des gens qui appellent au secours
30:08mais plus on se rapproche
30:10plus on voit des gens
30:11qui n'appelleront plus jamais personne
30:13de son côté
30:21Pauline Miranda reprend ses esprits
30:23elle regarde le chaos qui l'entoure
30:26et s'inquiète pour son mari
30:27je sais qu'il travaille
30:30en train de refaire une pharmacie
30:32et je me dis
30:34lui c'est sûr
30:36avec ce que je viens de voir
30:39lui c'est sûr il est mort
30:40Pauline Miranda parvient
30:42à dégager sa voiture
30:43tant bien que mal
30:44puis elle prend l'avenue
30:46en sens inverse
30:47en direction de son domicile
30:48je vois l'horreur
30:51je vois l'apocalypse
30:52des gens
30:53ensanglantés
30:55des blessures
30:56impensables
30:58je me vois cette maman
30:59en train de porter un bébé
31:01ce bébé est couvert de sang
31:03cette dame
31:03court partout
31:05moi je file
31:06moi je file
31:07et pendant toute la venue
31:08ce sont des scènes d'horreur
31:10Pauline Miranda
31:13continue sa course folle
31:14en direction de sa résidence
31:15quand elle aperçoit
31:17un phénomène étrange
31:18c'est à ce moment là
31:21que je vois le champignon
31:22j'ai jamais vu
31:23aucune image
31:24comme ce champignon
31:25ça monte tout droit
31:26et ça a carrément
31:27la forme d'un champignon
31:28tout jaune
31:29c'est vrai qu'on voit
31:30cette couleur
31:31moi oui
31:31ça fait penser
31:32à un film catastrophe
31:34qu'on aurait pu voir
31:35ce champignon
31:37est le produit
31:38des centaines de tonnes
31:39de nitrate d'ammonium
31:40partis en fumée
31:41ce cliché
31:43pris seulement quelques minutes
31:44après l'explosion
31:44montre un panache
31:46de couleur orange
31:47le champignon
31:48que Pauline Miranda
31:49et les autres ont aperçu
31:50ces cendres
31:53de nitrate d'ammonium
31:53calciné
31:54vont progressivement
31:55tomber au sol
31:56et recouvrir
31:57toutes les surfaces
31:58mais aussi le visage
31:59de celles et ceux
32:00qui déambulent
32:01ahuris
32:02sidérés
32:04à l'extérieur
32:05ils sont
32:11ils sont pleins
32:11de poudre jaune
32:12ou de poudre rouge
32:13sur eux
32:14et ils marchent
32:15tous
32:15ils sont à gare
32:16je me demande
32:17ce qui se passe
32:19même dans ma voiture
32:20je suis comme ça
32:21je me mets le coude
32:23comme ça
32:23parce que j'ai du mal
32:24à respirer
32:25il y a plein de cendres
32:26dans ma voiture
32:27une odeur très très forte
32:28qui prend au nez
32:30de son côté
32:32Patricia Benita
32:34accuse le coup
32:34aidée de ses enfants
32:36elle parvient à sortir
32:38de sa voiture
32:39je suis blessée
32:42le pare-brise
32:44m'a explosé
32:45dans la tête
32:45je prends le petit
32:48dans mes bras
32:49je tire ma veste
32:52je le protège
32:54et je commence
32:57à courir
32:58je vois rien
32:59une odeur de soufre
33:01nauséabonde
33:02qui nous aveugle
33:04qui étouffe
33:05nous sommes dans la panique
33:06totale
33:07à la panique
33:09succèdent désormais
33:09les premières questions
33:10combien de personnes
33:12sont réellement touchées
33:13y a-t-il des victimes
33:14les opérations de sauvetage
33:16semblent impossibles
33:17à mettre en oeuvre
33:18dans ce qui ressemble
33:19désormais à une zone de guerre
33:2013h
33:30Madame, Monsieur, bonjour
33:33une violente explosion
33:34a donc secoué
33:35la ville de Toulouse
33:36ce matin
33:37les habitants de Toulouse
33:38ont bien cru vivre
33:39le tragique scénario
33:41de New York
33:41et Washington
33:42une très forte explosion
33:43dans une usine pétrochimique
33:45les dégâts sont énormes
33:46semble-t-il
33:46il y a des victimes
33:47on parle de 10 morts
33:48et au moins 150 blessés
33:50la situation est en réalité
33:52bien plus dramatique
33:53qu'annoncée par les médias
33:54plus les minutes passent
33:56plus le nombre de victimes
33:58augmente
33:58on parle désormais
34:00de milliers de personnes
34:01l'usine et ses alentours
34:03sont évidemment
34:03les plus impactés
34:04il faut aller au coeur
34:06de la catastrophe
34:07François Chauvet
34:10est pompier
34:11à la ville de Toulouse
34:11il est de repos
34:13ce jour-là
34:13lorsqu'il comprend
34:15d'où vient la détonation
34:16il décide d'apporter son aide
34:18sur le site d'AZF
34:19quand j'arrive
34:22il y a un trou
34:23il y a un blanc
34:24de plusieurs dizaines
34:27de secondes
34:27avant de remettre
34:28les idées en place
34:29et de dire maintenant
34:30qu'est-ce que je fais
34:30par quoi on commence
34:31par quoi on commence
34:33maintenant
34:33parce que
34:34il y a
34:35une impression
34:36de
34:37de catastrophe
34:39de chaos
34:40Patrice Gerber
34:43est commandant
34:44de sapeurs-pompiers
34:45spécialisé dans
34:46les risques chimiques
34:47et radiologiques
34:47il est sur la route
34:49lorsqu'il entend
34:49l'explosion
34:50il décide alors
34:52immédiatement
34:52de se rendre sur place
34:54vous savez où ça a pété
34:55ou pas
34:56c'est ici ou là-bas
34:56tout est réduit en bouillie
34:57donc il faut vraiment
34:58qu'on aille voir
34:59si dans les installations
35:00il n'y avait pas des personnes
35:01si dans les bâtiments
35:02il n'y avait pas des personnes
35:03et les moyens
35:04que l'on a
35:05sur le moment
35:06ils sont
35:07sous-dimensionnés
35:08par rapport au travail
35:09qu'on a à faire
35:09François Chauvet
35:11organise les secours
35:12à l'extérieur de l'usine
35:13et dans les magasins
35:14alentours
35:15touchés par la catastrophe
35:16quant à Patrice Gerber
35:19il part en reconnaissance
35:21à l'intérieur
35:21du périmètre d'AZF
35:23c'est le calme plat
35:28c'est un calme incroyable
35:29c'est à dire que
35:30on n'entend plus
35:31ni les oiseaux
35:33on n'entend plus
35:33le bruit
35:34des voitures
35:35le bruit des avions
35:36c'est comme si
35:37la ville s'était arrêtée
35:38que quelque part
35:41on se dit
35:41mais
35:41qu'est-ce que
35:43je vais pouvoir faire
35:43c'est tellement énorme
35:45je ne veux pas laisser
35:47ces personnes
35:47sous les décombres
35:48je sais qu'elles sont vivantes
35:49donc je veux mettre
35:50tout en oeuvre
35:51pour aller les chercher
35:51pour aller les sauver
35:52le commandant de sapeurs-pompiers
35:56et ses équipes
35:57décident de quadriller la zone
35:58parmi elles
36:00le lieutenant Christophe Gianni
36:02si on avait lancé une bombe
36:06ce jour-là
36:06sur AZF
36:07on peut estimer
36:09qu'on aurait à peu près
36:11le même résultat
36:11donc c'est une perte
36:12de repère complète
36:14ça bouleverse complètement
36:15ce qu'on sait faire
36:15ce qu'on voit
36:16quand on arrive
36:17c'est des gens blessés
36:19qui sont comme des zombies
36:22et qui cherchent
36:23l'endroit où ils doivent aller
36:24il y a par exemple
36:26des personnes
36:27qui sont incarcérées
36:27dans les véhicules
36:28personne qui montait
36:30dans son véhicule
36:31qui allait partir
36:31au moment de l'explosion
36:32elle se retrouve incarcérée
36:33comme si elle avait eu
36:34un accident sur la route
36:36donc il faut procéder
36:37à des incarcérations
36:39de ces personnes-là
36:39qui sont des urgences vitales
36:42et là
36:42ça se joue
36:44à quelques dizaines de minutes
36:46malheureusement
36:47vous avez des gens
36:47qui sont dans une
36:49détresse vitale
36:50mais qu'on n'a pas pu
36:52secourir
36:53parce qu'il fallait
36:53qu'on sauvegarde
36:55les gens qui étaient
36:56sauvables
36:56on n'a pas pu
36:57leur accorder le même temps
36:58qu'on accorderait
36:58dans la vie de tous les jours
36:59et ça
37:00puisqu'on parle
37:02de moments difficiles
37:03à vivre
37:03c'est difficile pour ça
37:04il faut gérer l'urgence
37:07et garder la vigilance
37:08au maximum
37:09en s'aventurant
37:11sur les restes
37:12d'une usine chimique
37:13les pompiers savent
37:14qu'une nouvelle explosion
37:15peut survenir
37:16à tout moment
37:16mais est-ce que finalement
37:19je ne suis pas en situation
37:20d'hyper risque
37:22et ce qui vient juste derrière
37:24c'est de se dire
37:24mais
37:25quid du sur-accident
37:28est-ce que
37:29l'ensemble des capacités
37:31de ces installations
37:31qui viennent brutalement
37:33de s'arrêter
37:33l'ensemble de ces capacités
37:35qui perdent
37:36leurs produits chimiques
37:37et que nous sommes
37:38en train de respirer
37:39est-ce qu'à un moment donné
37:40on n'est pas en train
37:41de s'exposer inutilement
37:42de son côté
37:45Michel Chulliard
37:47est bloqué
37:47à son bureau
37:48le bâtiment d'exploitation
37:50dans lequel
37:51il se trouvait
37:51au moment de l'explosion
37:52s'est effondré
37:53lorsqu'il ouvre les yeux
37:58son épaule
37:59est coincé
37:59par un énorme
38:00bloc de béton
38:01j'ai ici
38:03j'ai senti un choc
38:05et puis tout d'un coup
38:09tout s'est arrêté
38:11et là j'ai commencé
38:13à avoir mal
38:13l'usine où il a travaillé
38:15pendant 40 ans
38:16a tout simplement
38:17disparu
38:18alors ça fume
38:19
38:20il n'y a plus rien
38:21là-bas
38:23il n'y a plus rien
38:24non plus
38:24un qui sort
38:26un qui sort
38:27de sous le bureau
38:28l'autre qui arrive
38:29à côté
38:29des gens qui crient
38:31à gauche à droite
38:31ses collègues
38:33parviennent à le sortir
38:34des décombres
38:36sidéré
38:36Michel Chulliard
38:38se rend compte
38:38progressivement
38:39de son état
38:40écoutez
38:41là déjà
38:42ici je ne ressentais
38:43plus rien
38:44j'avais pas mal
38:46mais bon
38:46ici ça n'allait plus
38:48ça bougeait
38:48en tous les sens
38:49il rejoint l'entrée
38:51de l'usine
38:51où se trouve
38:52Pierre Nicolas
38:53et son caméraman
38:54qui le filment
38:54monsieur
38:55vous passez chemin
38:56de la loge
38:56le pc mobile
38:57est chemin de la loge
38:58elle me cherchait
39:01partout
39:01et là
39:02elle m'a trouvé
39:03le sort
39:03si Michel Chulliard
39:06a pu s'extraire
39:07des décombres
39:08au pc de sécurité
39:10Roland Le Goff
39:11est toujours bloqué
39:12je me retrouve
39:14dans une position
39:16très inconfortable
39:18je suis toujours
39:19assis
39:20sur mon siège
39:22de bureau
39:23j'ai la tête
39:24entre mes pieds
39:27au sol
39:27je suis dans
39:28une poussière
39:29indescriptive
39:31je ne peux pas
39:32ouvrir les yeux
39:33les yeux sont collés
39:34par la poussière
39:36Roland Le Goff
39:37est dans le noir
39:38total
39:39désorienté
39:40de plus
39:41il souffre
39:42de douleurs
39:42abdominales
39:43très importantes
39:44je pense que
39:45je vais y rester
39:46je pense avoir
39:46une hémorragie interne
39:48on voit notre vie
39:50défiler
39:51on pense à nos proches
39:53on pense à
39:54et on se dit
39:55que ce sont
39:55nos derniers instants
39:56d'ailleurs au bout d'un moment
39:58on se demande
39:58si on est vivant
40:00si on est mort
40:01comment c'est après
40:02je prends mon poux
40:10ça a l'air d'être correct
40:11je bouge les doigts
40:13je bouge les orteils
40:15bon
40:16peut-être que
40:17peut-être que ça va bien
40:18se passer
40:19donc je patience
40:21et je sais
40:21que ça peut être très long
40:22je sais que
40:24je suis prêt
40:25à attendre
40:25jusqu'au lendemain
40:26parce que
40:27je sais
40:28qu'on va venir
40:28me chercher
40:29vivant ou mort
40:30mais on va
40:31on va vouloir
40:32me trouver
40:3217h
40:35près de 7h
40:36après l'explosion
40:37Roland Le Goff
40:39vit un cauchemar
40:40seul
40:40sous son bâtiment
40:41effondré
40:42pendant ce temps
40:43à l'extérieur
40:44les secours
40:45affluent de toutes parts
40:46hélicoptères
40:47brigades canines
40:48équipes de sauvetage
40:49et déblaiement
40:50unité de la protection civile
40:52et du SAMU
40:52ça fait chaud au coeur
40:54et puis on voit l'organisation
40:55s'inscrire dans la durée
40:57c'est à dire que
40:57on peut dire que
41:00les premières heures
41:00on se sent seul
41:01et puis après effectivement
41:02on voit quelque chose
41:02qui se met en place
41:03malgré la logistique importante
41:05déployée sur place
41:07de nombreuses personnes
41:08sont portées disparues
41:09une épreuve
41:11qui laisse présager
41:11du pire
41:12pour elles
41:12comme pour leurs proches
41:13qui voit le temps passer
41:15et l'espoir
41:16de les revoir
41:16s'amenuiser
41:17de plus en plus
41:1818h
41:27près de 8h
41:28après l'explosion
41:29de l'usine chimique
41:30à ZF
41:31la ville de Toulouse
41:33est comme coupée du monde
41:34les réseaux de communication
41:36ne fonctionnent plus
41:36la plupart des routes
41:38sont impraticables
41:39parmi les bouts de tôle
41:41de béton
41:42et les véhicules
41:42à l'arrêt
41:43Bernard Benita
41:44tente de se frayer
41:45un chemin
41:46il est mort d'inquiétude
41:47sa femme Patricia
41:49ne répond pas au téléphone
41:50la boule au ventre
41:55il fait le trajet
41:56qu'elle est censée avoir
41:57emprunté
41:57il y a quelques heures
41:58avec leurs deux enfants
42:00au fur et à mesure
42:06que j'approche
42:06de la ZF
42:07et je vois
42:08de plus en plus
42:09de gens
42:09avec du sang
42:10sur la figure
42:11les bras ensanglantés
42:12les maisons
42:14elles sont toutes
42:15par terre
42:16j'ai vu
42:17en passant
42:18des gens
42:19coucher sur des lits
42:21de camp
42:21et on leur faisait
42:24des points de suture
42:25comme ça
42:26à vif
42:27c'était un truc
42:29de fou
42:29j'aperçois au loin
42:32la voiture
42:33de mon épouse
42:34complètement écrasée
42:36alors là
42:37j'ai encore
42:38encore plus paniqué
42:39Bernard rejoint
42:42l'hôpital le plus proche
42:43il retrouve sa femme
42:45et leurs deux enfants
42:46sains et saufs
42:47c'est assez difficile
42:51à exprimer
42:52parce que
42:53on est content
42:54mais en même temps
42:55on est paniqué
42:56parce que
42:56les blessures sont telles
42:58qu'on se demande
42:59ce que ça va s'arranger
43:01je suis complètement
43:03anéantie
43:05je me mets à crier
43:08et on ne sait pas
43:09ce qui nous arrive
43:10alors que des personnes
43:14sont sauvées
43:15que d'autres se retrouvent
43:16Roland Le Gofflu
43:18est toujours bloqué
43:18dans le noir
43:19sous deux mètres
43:20de décombre instable
43:21j'ai les ligaments
43:26des genoux
43:27qui se fragilisent
43:30des douleurs
43:30commencent à arriver
43:32j'essaie de me
43:35laisser glisser
43:37de ma chaise
43:38mais je ne veux pas
43:39faire de mouvement
43:40inconsidéré
43:41de peur
43:42de déséquilibrer
43:44tout ce qui est
43:45au dessus de moi
43:45quelques minutes plus tard
43:47Roland Le Goff
43:49commence à sentir
43:50du mouvement
43:50au dessus de lui
43:51au bout d'un moment
43:54j'entends
43:55des gens
43:56qui s'approchent
43:57donc là
43:58je crie
43:59je me manifeste
44:00et là
44:01je suis entendu
44:02un chien renifleur
44:04a repéré sa présence
44:05une armée de secouristes
44:07se porte alors
44:08sur le dégagement
44:09des décombres
44:10et au fur et à mesure
44:13en fait
44:14on va à la main nue
44:15parce que là
44:16il n'est pas question
44:16de se faire aider
44:18par des outils lourds
44:19c'est simplement
44:20à la main
44:20qu'on travaille
44:22c'est très instable
44:23ça peut à tout moment
44:24nous tomber dessus
44:26on entend bouger des gravats
44:30on entend remuer des pierres
44:32des bétons
44:34et au bout d'un moment
44:35il y a un ray de lumière
44:37qui vous atteint
44:39dans cette lumière
44:42vous voyez apparaître
44:43un visage que vous connaissez
44:46il me dit
44:48c'est Roland
44:49courage
44:49on va te sortir de là
44:51ces paroles
44:52c'est quelque chose
44:53d'incroyable
44:54vraiment très très très réconfortant
44:56on sait qu'on va s'en sortir
44:57au final
44:59du moment de l'explosion
45:00à celui de son secours
45:02Roland Le Goff
45:03sera resté huit heures
45:04sous les décombres
45:05du bâtiment
45:05j'ai énormément de chance
45:10de m'en tirer
45:11avec si peu de blessure
45:12je me souviens
45:13de l'émotion
45:14en fait
45:14des garçons
45:15ce sont des mini victoires
45:16individuelles
45:17et surtout des mini victoires
45:18collectives
45:19qui font du bien
45:20ce sont des scènes de guerre
45:22quelque part
45:23que les gens vivent
45:25et quand on récupère quelqu'un
45:27c'est une vraie victoire
45:28pendant ce temps
45:31Pierre Nicolas
45:31et son caméraman
45:32poursuivent leur tournage
45:34et si des sauvetages
45:37heureux ont lieu
45:38comme celui de Roland Le Goff
45:39autour d'eux
45:40tout n'est que désolation
45:42plus on avance
45:44plus c'est la catastrophe
45:46les voitures sont
45:47de plus en plus fripées
45:48et puis on avance
45:50on avance
45:51et voilà
45:51il y a des fils électriques
45:52partout
45:52on ne sait pas bien
45:53on est vraiment
45:54sur une autre planète
45:55le périple s'arrête
45:57par leur arrivée
45:58dans la zone
45:59de l'ancien hangar 221
46:00face à eux
46:02le cratère produit
46:03par l'explosion
46:04un cratère lunaire
46:08il ne reste plus rien
46:09mais sa langue de feu
46:11s'agite encore
46:11à ce moment là
46:12dans ce cratère
46:13il y avait une usine
46:14il n'y a plus rien
46:15Tintin a marché sur la lune
46:17vous savez les images
46:18des cratères
46:19ils sont là
46:20c'est vide
46:21il n'y a aucune trace de vie
46:22c'est pareil
46:22c'est à dire que
46:23quand vous vous trouvez
46:24face à un diamètre
46:25de 70 mètres
46:26qui fait peut-être
46:27entre 5 et 10 mètres
46:27de plus profond
46:28vous dites
46:29c'est juste pas possible
46:30ça dépasse
46:32l'entendement
46:33face à l'incompréhensible
46:36une armée d'experts
46:38se rend sur place
46:39pour tenter de répondre
46:39aux questions
46:40que tout le monde se pose
46:41cette explosion
46:43est-elle le fruit
46:44d'un accident
46:45ou bien
46:46d'un acte terroriste
46:47des réponses vont devoir
46:50être apportées
46:51et ce que l'enquête
46:52va révéler
46:53fait froid dans le dos
46:53aujourd'hui en lieu
47:12et place
47:13de l'ancien cratère
47:14un étang s'est formé
47:15le site de l'ancienne usine
47:18abrite également
47:18un centre de recherche
47:19en cancérologie
47:20ainsi qu'un parc photovoltaïque
47:23même si la vie
47:26a repris son cours
47:27sur le site
47:28le bilan humain
47:29reste présent
47:30dans toutes les têtes
47:31au final
47:32l'explosion d'AZF
47:34aura fait 31 morts
47:36et 22 000 blessés
47:38le nombre de blessés
47:41me paraît presque plus important
47:42que le nombre de morts
47:43ça va choquer
47:45ce que je dis là
47:45mais une trentaine
47:48de décès
47:49pour une catastrophe
47:50pareille
47:50c'est invraisemblable
47:52c'est entre guillemets
47:53pas assez
47:54quand on voit les dégâts
47:55700 maisons
47:57étaient complètement détruites
47:5815 000 familles
47:59se sont retrouvées
48:00sans domicile
48:01c'est quelque chose
48:02d'énorme
48:03un bilan
48:07qui aurait pu être
48:08bien pire
48:09si des employés
48:09d'AZF
48:10n'avaient pas protégé
48:11au dernier moment
48:12d'autres sites sensibles
48:13de l'usine
48:13moi je me dis
48:17qu'on a eu
48:18énormément
48:18énormément de chance
48:20on n'a pas eu
48:21une réaction en chaîne
48:22qui aurait pu conduire
48:24à de multiples explosions
48:26le scénario
48:28qui s'est produit
48:28dans le bâtiment
48:29de 121
48:29aurait pu aussi
48:31se produire
48:31dans d'autres bâtiments
48:33du site AZF
48:34en particulier
48:35dans le hangar I4
48:36où il pouvait être stocké
48:37jusqu'à 15 000 tonnes
48:38de nitrate agricole
48:40équivalent
48:41de 5 000 tonnes
48:41de TNT
48:42donc un demi-Hiroshima
48:44et ça
48:46au sein
48:47de la ville
48:47de Toulouse
48:47on n'imagine
48:49même pas
48:49les dégâts
48:49que ça aurait pu produire
48:51certains ont eu
48:53les bons réflexes
48:54mais d'autres
48:55sont pointés du doigt
48:56la direction du site
48:58et ses différents responsables
48:59sont clairement visés
49:00dans l'enquête
49:00un accident industriel
49:06c'est pas un manquement
49:07c'est une série
49:09de manquements
49:10malheureusement
49:10ce jour là
49:11il y a des erreurs
49:12qui ont été commises
49:13des erreurs
49:14qui n'ont jamais dû
49:15être commises
49:15vous avez tous les ingrédients
49:21pour qu'une catastrophe
49:22puisse se produire
49:23il manquait juste
49:24une étincelle
49:25mais les produits
49:26n'auraient pas dû
49:27s'y trouver
49:27ils n'auraient pas dû
49:29être transvasés
49:30sans contrôle
49:30et il aurait dû y avoir
49:32du personnel
49:33qui avait la certification
49:35les compétences
49:35pour gérer
49:36ce genre de choses
49:37si on reproduit
49:38l'expérience
49:39il y a toutes les chances
49:41que ça fonctionne
49:42de la même manière
49:43donc il n'y a qu'une seule solution
49:45c'est de ne pas produire
49:47sur le même site
49:48des produits chimiques
49:49incompatibles
49:50et des questions
49:52restent en suspens
49:53comment une usine chimique
49:55de ce type
49:55peut-elle se situer
49:56si près d'une agglomération
49:58qui plus est Toulouse
49:59quatrième ville de France
50:01c'est pas l'usine
50:04qui s'est avancée
50:05vers la ville
50:05c'est la ville
50:07qui s'est avancée
50:07jusqu'à l'usine
50:09on a permis aussi
50:10au fur et à mesure
50:12de construire
50:12des bâtiments
50:13et des lotissements
50:14principaux
50:14très près
50:16d'une usine
50:17alors que 50 ans avant
50:19il n'y avait pratiquement personne
50:1918 années de procédures
50:22auront été nécessaires
50:23pour écarter
50:24la piste terroriste
50:25et révéler l'accident
50:262 milliards d'euros
50:28ont été versés
50:29à titre de dédommagement
50:31un soulagement
50:32pour les victimes
50:33ça a été un combat
50:38un combat de tous les instants
50:42un combat très dur
50:44très dur
50:45parce que les victimes
50:46affluaient par milliers
50:48mais si justice a été rendue
50:51les rescapés doivent continuer
50:53à vivre aujourd'hui
50:54avec les séquelles
50:55de cette explosion
50:56Toulouse est devenu la capitale
51:00de la surenité
51:00parce qu'il y a des milliers
51:01et des milliers de gens
51:02qui souffrent de problèmes
51:03aux oreilles
51:03c'est traumatisé
51:04on peut l'oublier
51:05c'est un truc qu'on ne peut pas oublier
51:06à ce jour
51:07nous avons
51:08toute la famille
51:09des appareils auditifs
51:11et nous avons
51:11des problèmes auditifs
51:13nous avons encore
51:14des problèmes psychologiques
51:15c'est tous les jours
51:17je pense
51:17à ZF
51:18en mettant mes appareils
51:20dans les oreilles
51:21tous les jours
51:23je ne peux pas oublier
51:25c'est pas possible
51:27c'est que quelques secondes
51:31cette durée là
51:33mais c'est des secondes
51:34que je me rappellerai
51:38toute ma vie
51:38à Toulouse
51:40on est 200-300 000 personnes
51:42à savoir exactement
51:43ce qu'on faisait tous
51:44à 10h17min
51:45et 50s
51:46ça fait de nous
51:48une population à part
51:50à Toulouse
51:52AZF reste l'événement
51:54le plus traumatisant
51:55au bilan le plus lourd
51:56depuis la seconde guerre mondiale
51:58nul doute qu'ici
52:00aucun habitant n'oubliera
52:01ce jour du 21 septembre 2001
52:03ce jour où une explosion
52:05de produits chimiques
52:06entraîna la ville
52:07en un centième de seconde
52:10dans une catastrophe
52:11hors de contrôle
52:12à Toulouse
52:15à Toulouse
52:47...

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