00:00C'est une manière aussi de faire réparation en luttant contre ce qu'il reste des LGBTphobies
00:05et en considérant que la fin de la répression de l'homosexualité n'a pas signifié la fin de la violence qui s'exerçait sur les minoritaires sexuels.
00:13Le Parlement français discute depuis maintenant un an et demi d'une proposition de loi portant réparation de condamnation pour homosexualité.
00:22Ces condamnations ont été prononcées sur la période 1942-1982 au cours de laquelle deux articles du Code pénal réprimaient certains comportements homosexuels.
00:33La loi créait un âge du consentement sexuel spécifique pour les relations homosexuelles,
00:39à savoir que toute relation hétérosexuelle consentie était légale au-delà de l'âge de 13 puis de 15 ans.
00:46En revanche, dans le cas des relations homosexuelles, toute relation consentie impliquant un partenaire de moins de 21 ans tombait sous le coup de la loi
00:54et les deux protagonistes de cette relation pouvaient subir une amende ou une peine de prison.
01:00Un second texte de loi créait une aggravation pour un délit qui s'appelle l'outrage public à la pudeur.
01:07L'outrage public à la pudeur permettait de réguler un certain nombre de comportements sexuels,
01:11dont il était considéré à la fois qu'ils outrageaient la pudeur et qu'ils étaient commis dans des lieux publics,
01:17dans des parcs, dans des jardins, dans les lieux de drague,
01:20mais aussi dans des espaces que l'on considérait aujourd'hui comme privés,
01:23des clubs, des boîtes de nuit, des saunas, voire parfois des appartements privés.
01:28On dispose de chiffres sur la période 1942-1982.
01:32Au moment où une incrimination visait directement l'homosexualité,
01:3610 000 personnes ont été condamnées sur la base de cet article du Code pénal
01:41qui créait un âge différent du consentement sexuel.
01:44Sur ces 10 000 personnes, environ 106 sont des femmes,
01:47et donc les quasiment 9 900 autres sont des hommes.
01:51D'après aussi certains chercheurs, sur cette même période,
01:5450 000 à 60 000 personnes, majoritairement des hommes,
01:58à nouveau ont été condamnées pour outrage public à la pudeur homosexuelle sur 40 ans,
02:03ce qui fait plus de 10 000 par an.
02:05Tout en trouvant cette proposition de loi évidemment importante,
02:08moi, notamment dans mon livre, j'ai formulé plusieurs critiques à son égard.
02:12D'une part, parce qu'elle se concentre seulement sur les incriminations pénales
02:16qui visaient explicitement l'homosexualité.
02:19Or, on sait que les juges ont parfois utilisé d'autres articles du Code pénal
02:23pour réprimer des comportements homosexuels.
02:25L'autre limite de cette proposition de loi,
02:28c'est qu'elle se concentre sur une période beaucoup trop restreinte.
02:31Il n'y a pas eu en France de répression de l'homosexualité
02:35seulement sur la période 1942-1982.
02:38Cette répression de l'homosexualité est bien plus ancienne,
02:41elle remonte au moins au début du 19e siècle.
02:43Enfin, cette proposition de loi, elle laisse de côté l'action de la police.
02:48Et la répression de l'homosexualité n'est pas seulement passée par l'action judiciaire,
02:52à savoir les condamnations prononcées par les juges,
02:54mais elle est passée, cette répression, par un harcèlement permanent, quotidien,
02:59des personnes LGBTQI+, menées par la police.
03:02Depuis au moins le début du 19e siècle,
03:04la police a harcelé, a surveillé, a arrêté, a procédé à des rafles,
03:10c'était le mot que la police utilisait,
03:11a fiché les personnes homosexuelles,
03:14avec des conséquences extrêmement fortes sur les vies des personnes concernées.
03:17Qu'est-ce que la réparation et comment construire une réparation pour des violences structurelles
03:22qui visaient tout un groupe minoritaire ?
03:25A savoir que l'on peut même se demander si la réparation doit seulement viser
03:28les individus qui ont été directement condamnés,
03:31mais pas l'ensemble des individus qui appartenaient à ce groupe social dominé,
03:35à savoir les personnes LGBTQI+.
03:37C'est aussi une réflexion sur les moyens de mettre en œuvre cette réparation.
03:41La proposition de loi initiale prévoyait une réparation financière
03:45par des indemnités pour les personnes condamnées.
03:47Ces réparations financières ont été supprimées par le Sénat,
03:50par la droite, avec le soutien du gouvernement.
03:52Mais on peut se poser la question aussi
03:54si ces réparations ne doivent pas être envisagées de manière plus large.
03:57En Allemagne, c'est par exemple la création d'une fondation,
04:00le Magnus Hirschfeld Stiftung,
04:02qui reçoit un budget qui permet à la fois de financer
04:05des programmes de lutte contre les LGBTphobies,
04:08des recherches historiques,
04:10des programmes culturels, par exemple des expositions ou des événements,
04:13pour faire connaître l'histoire de la répression de l'homosexualité,
04:16et plus généralement l'histoire des LGBTphobies.
04:18C'est une manière aussi de faire réparation
04:20en luttant contre ce qu'il reste des LGBTphobies
04:24dans la société contemporaine aujourd'hui,
04:26et en considérant que la fin de la répression de l'homosexualité