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00:00Europe 1 Soir, 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:04Avec pour cette deuxième heure, bonsoir à Louis Auxaltères,
00:07journaliste politique au Figaro, bonsoir Georges Fenech,
00:10ancien magistrat député honoraire du Rhône, bonsoir François Hesbourg.
00:13Bonsoir.
00:14Et merci d'être avec nous, vous sortez aujourd'hui même ce livre,
00:17Le Suicide de l'Amérique, où il est question de Trump,
00:22mais pas que, on va en parler, vous êtes géopolitologue,
00:25conseiller spécial à la Fondation pour la Recherche Stratégique,
00:28et ce livre, Le Suicide de l'Amérique, publié chez Odile Jacob.
00:33On parlait de Trump, qui est très présent dans votre livre.
00:38Hier, il s'est, comment dirais-je, illustré en disant
00:43« They don't know what the fuck they're doing ».
00:45Bon voilà, ça c'est du langage de Trump.
00:47Et puis aujourd'hui, il est arrivé en disant, un,
00:50que contrairement à ce que dit CNN et le New York Times,
00:53les installations iraniennes nucléaires sont réduites à néant,
00:59puisque la presse américaine pense prouver le contraire
01:02avec un rapport du renseignement américain à la clé.
01:05Et puis deuxièmement, que les pays européens,
01:09membres de l'OTAN, feraient mieux d'arriver à 5% du PIB
01:14en matière d'armement.
01:15Et laquelle de ces deux, j'allais dire, allégations,
01:19vous a le plus intéressé ?
01:21Intéressé, bien sûr, c'est l'affaire iranienne,
01:27parce qu'il y a beaucoup à dire
01:29sur les relations que Trump entretient
01:33avec ses propres services de renseignement,
01:35avec ses propres militaires.
01:36C'est-à-dire ?
01:37Eh bien, lorsqu'il a été interpellé
01:41par des journalistes à l'Aise cet après-midi,
01:44qui faisaient état d'un rapport...
01:46Le fameux dont je viens de parler.
01:47Le fameux rapport dont vous venez de parler.
01:50Et il a dit,
01:53ah oui, mais nous avons des rapports plus récents,
01:56plus complets,
01:57de la part du renseignement israélien
02:00et Trump de se mettre à lire
02:03un extrait d'une lettre qui lui a été envoyée
02:06par les responsables de l'agence atomique israélienne.
02:12Et alors, là-dessus,
02:13il y a un journaliste américain
02:15qui se dresse et qui se dit,
02:18c'est bien, donc pour vous,
02:20vous comptez davantage sur les services de renseignement israéliens,
02:24les services étrangers,
02:27que sur vos propres services.
02:28Alors là, il y a eu un moment d'hésitation
02:31très peu caractéristique de Trump,
02:33parce qu'en général,
02:34Trump, il a toujours un revolver à six coups
02:40qu'il sort de sa poche à toute occasion.
02:43C'est une image, bien sûr.
02:45C'est pour l'instant encore une image.
02:50Non, mais c'est-à-dire qu'il sort généralement des superlatifs.
02:53C'est une boîte à superlatifs,
02:54tremendous, extraordinary.
02:57Absolument.
02:58Total annihilation.
03:00Voilà, tout est superlatif dans tous les sens.
03:03C'est-à-dire, voilà,
03:05sa machine a fonctionné.
03:06Ça, ça, ça fait partie,
03:08ça fait partie des caractéristiques
03:10de cet homme.
03:12Mais vous êtes,
03:13vous êtes très sévère avec Donald Trump.
03:16Non, non.
03:19Georges Fenech est ici, là.
03:21J'attendais de répliquer, précisément.
03:23Voilà, je vous donne la parole,
03:25parce que, Georges, vous êtes plutôt pas aussi sévère.
03:28Non, pour l'instant, je n'ai pas...
03:30Oui, allez-y.
03:31Je n'ai porté aucun jugement sur la politique de Donald Trump.
03:35Moi, j'ai lu votre livre.
03:37Dans le livre, je suis sévère.
03:38Oui, on va en parler.
03:40Georges Fenech.
03:41Moi, j'ai envie de dire,
03:42vous allez me trouver un peu dans l'emphase,
03:43j'ai envie de dire gloire aux Américains.
03:45Voilà.
03:47Quand j'ai vu cette neutralisation
03:49de l'arme nucléaire iranienne,
03:53parce qu'il y avait une question existentielle,
03:56je n'ai pas manqué de me souvenir
03:57qu'un certain 6 juin,
03:59même si ce n'est pas la même opération,
04:01bien entendu,
04:0144,
04:02quand il s'agissait de l'existence de la France
04:04qui était sous le joug nazis,
04:06ils étaient là, les G.I.
04:08Et là, ils étaient là à nouveau.
04:09Voilà.
04:09Pour moi, l'Amérique, c'est ça.
04:11L'Amérique, c'est quand elle intervient
04:13au nom de la liberté.
04:14Elle est intervenue,
04:15et je dis gloire à Trump de l'avoir fait,
04:17contrairement à une partie de son électorat,
04:21des dirigeants républicains,
04:22il a pris tous les risques,
04:24il l'a fait,
04:24et je pense que c'est un succès.
04:27Alors, à quel niveau la destruction
04:28sera un peu plus tard ?
04:30Il y a certainement du vrai et du faux
04:32ici ou là,
04:32mais toujours est-il
04:33que même les Iraniens reconnaissent
04:35que leur infrastructure
04:38a été très largement endommagée.
04:40François Lesbourg,
04:42ce qui se passe,
04:42c'est que vous vous dissociez
04:44l'action militaire qui a été faite,
04:47et puisque le propos du livre,
04:50c'est ce que fait Trump à l'Amérique.
04:53C'est-à-dire que vous expliquez,
04:54grosso modo,
04:56que le plus grand danger pour les Américains,
04:58ce n'est pas les Chinois,
04:59ce n'est pas Taïwan,
04:59ce n'est pas une éventuelle concurrence européenne,
05:03c'est Trump lui-même.
05:04Non, c'est les Américains eux-mêmes.
05:07Et ceux qui ont voté pour lui.
05:10Et pas seulement ceux qui ont voté pour lui.
05:13C'est pour ça que vous avez tout à fait raison,
05:14au début d'émission,
05:16de dire qu'on allait parler beaucoup de Trump,
05:18mais pas que.
05:19Et ce que je m'emploie à faire dans ce livre,
05:23c'est d'expliquer que le Suisse,
05:26ce que j'appelle le suicide de l'Amérique,
05:27c'est le fait qu'un empire se dépouille
05:30de ce qui a fait jusqu'à présent
05:32sa place, sa grandeur dans le monde.
05:37Cet effritement, cette érosion
05:39qui s'est accélérée sous Trump
05:41a commencé bien avant le premier Trump,
05:45celui du premier mandat.
05:46Moi, je situe le point de bascule
05:49au tout début des années 2000,
05:54dans la foulée de l'élection
05:57incroyablement complexe,
05:59où George Bush Jr. avait gagné
06:02avec 586 voix d'avance en Floride.
06:05On avait recompté les voix face à Al Gore,
06:08notamment en Floride.
06:09Dans un pays de 330 millions d'habitants,
06:12gagné par 586 voix,
06:14c'est un truc, entre guillemets,
06:17comme dirait les gamins, de ouf.
06:19Et la guerre d'Irak a été la première matérialisation
06:23de ce qu'on peut qualifier de suicide.
06:27Non pas parce que je juge la guerre d'Irak,
06:30ça ne s'agit pas de ça,
06:32mais c'est parce que les Américains,
06:33à ce moment-là, ont décidé,
06:36républicains et démocrates confondus,
06:38mais pas Trump, j'ajoute tout de suite,
06:40à son crédit,
06:42les Américains avaient considéré
06:43que s'occuper d'un dictateur de troisième ordre
06:47qui était Saddam Hussein
06:48était plus important que de maintenir
06:51l'unité des alliances asiatiques et européennes
06:54des États-Unis.
06:56Car dans la hiérarchie des priorités,
06:58tout d'un coup, il y a eu un moment de déglingue
07:02très impressionnant.
07:04et le rythme de cette érosion s'est accéléré.
07:09Trump, lui, contrairement à Biden,
07:12contrairement à Hillary Clinton,
07:14Trump avait été contre la guerre d'Irak.
07:17Trump, dans la continuité du personnage...
07:20Encore dernièrement, quand il est arrivé,
07:22il a dit, je ne veux surtout pas faire la guerre.
07:24Non, mais justement,
07:26depuis qu'il écrit sur ces sujets,
07:28c'est-à-dire depuis 1987,
07:29pour être précis, ça fait presque 40 ans.
07:33On a eu 40 ans pour apprendre qui est Trump.
07:36Ce n'est pas au cours des dernières semaines
07:38qu'on a appris.
07:42Oui, il y a chez lui un refus d'engager l'Amérique
07:46dans des aventures extérieures durables
07:48qui est très différente de celle d'un Roosevelt
07:51au moment du 6 juin 1944.
07:55Le 6 juin 1944, ce n'était pas trois petits tours
07:58et puis je rembarque maintenant au FFI
08:00de se débrouiller.
08:02Ça n'a pas été exactement ça.
08:04Dans le cas de l'Iran,
08:05dès que les Iraniens ont lancé à Trump
08:09la bouée de sauvetage
08:10après le prétendu raid iranien
08:13contre le Qatar,
08:15contre la base américaine au Qatar,
08:18Trump s'est emparé de ce filin
08:20pour imposer à Netanyahou,
08:23celui qui a été englobé dans le mot FAQ,
08:26et les Iraniens,
08:30parce qu'ils voulaient absolument éviter
08:33de se trouver engrainés.
08:36Et éviter un embrasement ?
08:38Non, l'embrasement ce n'est pas son problème.
08:42Son problème ?
08:42Non, l'embrasement en soi,
08:45tant que l'embrasement c'est à Gaza
08:47ou au Soudan ou en Ukraine,
08:50ça ne le motive pas à l'excès.
08:51Par contre, si cet embrasement suppose
08:56la mise en jeu des Américains,
09:00c'est ça qui est assez étonnant,
09:02et c'est là qu'on décide encore une fois
09:04Trump des Etats-Unis.
09:06Absolument.
09:06Et de la vision américaine.
09:08Et c'est bien pour ça qu'il faut faire très attention
09:10quand on regarde l'évolution des Etats-Unis,
09:13il y a ce qui appartient à Trump
09:14et ce qui ne lui appartient pas.
09:16Louis Zalter.
09:17Mais du coup, comment le classer Trump ?
09:19Parce qu'en effet, il est ce président
09:21qui un jour intervient par surprise
09:24pour aller bombarder les installations nucléaires iraniennes
09:27et qui le lendemain dit à Israël
09:28maintenant vous arrêtez vos frappes à vous,
09:30vous respectez le cessez-le-feu.
09:32Donc il n'est ni effectivement le va-t'en-guerre
09:34qui part dans des aventures hasardeuses
09:35comme l'ont fait certains de ses prédécesseurs.
09:37Et c'est d'ailleurs ce qu'il avait vendu
09:38dans sa campagne à son électorat.
09:39Président de la paix, pas de la guerre.
09:42Et en même temps, il fait du chirurgical.
09:44Il a attaqué, il n'a pas hésité à engager
09:47cette opération des bombardiers américains
09:49pour aller frapper directement un pays ennemi.
09:53Comment est-ce qu'on peut le classer
09:54dans les filiations stratégiques et politiques américaines ?
09:57C'est très déroutant.
09:57Alors c'est une très bonne question.
10:02La première chose, c'est que l'homme n'est pas un idéologue.
10:06Tout à fait.
10:06Donc vous n'avez pas employé le mot, vous avez eu raison.
10:11C'est un pragmatique.
10:11Il agit de façon opportuniste et pragmatique.
10:17En cela, il se différencie de son vice-président,
10:20M. Vance.
10:21Son vice-président et successeur putatif.
10:24C'est le trumpisme après Trump.
10:26Et vous diriez de Vance que c'est un idéologue, justement ?
10:28Ah oui.
10:28Alors Vance, c'est un bolchevik.
10:33Il serait peut-être pas d'accord avec vous ?
10:34Non, non, mais pas au niveau du contenu.
10:37C'est en termes d'approche des problèmes.
10:41On apprend des choses sur un rapport.
10:42Ah oui, vous avez appris que Vance était un bolchevik.
10:45Non, mais c'est pour ça d'ailleurs que je commence mon livre
10:49par rappeler son discours à Munich.
10:53Moi, je faisais partie de l'assistance.
10:55Tout commence à Munich, effectivement,
10:56où il y a un grand prétoire dans un grand hôtel municois.
10:59Voilà, comme si souvent, beaucoup de choses commencent à Munich.
11:02C'est que Poutine, qui devient chef d'une Russie revenue au néo-impérialisme,
11:11c'est à Munich qui fait le discours.
11:13Vance, le détachement de l'Amérique par rapport à l'Europe,
11:19c'est à Vance qu'il incombe de prononcer le discours
11:22qui incarne cette rupture.
11:26C'est quelque chose de très très puissant.
11:28Et ce n'était pas simplement une histoire
11:29de les Européens ne payent pas assez pour leur défense,
11:32qui est plutôt le discours trumpien.
11:34Oui, lui c'est doctrinal.
11:35Vance, c'est d'une doctrine.
11:37Donc, stratégiquement, il y a des continuités chez Trump.
11:42Trump est un personnage...
11:44Par exemple, j'avoue que je n'ai absolument pas été surpris
11:49par la séquence qui vient de se dérouler.
11:52Non pas parce que je savais que les Américains allaient bombarder,
11:55je pense que là, j'étais comme tout le monde,
11:58je ne savais pas s'ils allaient le faire ou pas.
12:00Mais une fois qu'il a fait, et vu la manière dont il est fait,
12:03le cessez-le-feu allait...
12:05À la première occasion, le cessez-le-feu allait être imposé.
12:10C'était...
12:10Alors là, pour le coup, c'est du Trump vintage.
12:13L'un n'en est pas sans l'autre.
12:14L'un n'en est pas sans l'autre.
12:15Et il a beaucoup de continuité sur les questions économiques.
12:20Oui, la guerre commerciale, il aime ça depuis 1987.
12:23L'importance des relations nucléaires avec l'Union soviétique,
12:29puis avec la Russie, 1987.
12:33Sa prise de distance par rapport à l'Europe en général,
12:39et l'OTAN en particulier, 1987.
12:42Et ainsi de suite.
12:43Donc ce n'est pas des logis, mais ce sont des positionnements.
12:45Et il y a une grande continuité dans ces positionnements.
12:49Le Suicide de l'Amérique, livre signé François Heisbourg,
12:53et publié chez Odile Jacob.
12:55Merci beaucoup d'avoir été avec nous.

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