00:00Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'ancien colonel des troupes de marine, Père de Jong.
00:07Bonjour Père de Jong.
00:08Bonjour.
00:09Bienvenue sur Europe 1, vous avez été aide de camp de François Mitterrand et de Jacques Chirac,
00:12aujourd'hui vice-président de l'Institut Témis, auteur de Poutine, Lord of War, c'est paru chez Mareuil, édition.
00:18Alors le sommet de l'OTAN s'est achevé hier soir à La Haye, aux Pays-Bas, sommet très bref, à peine 48 heures,
00:23se met placé sous le signe aussi de l'urgence budgétaire, et en effet, les 32 pays de l'Alliance qui pèsent ensemble 55% des dépenses militaires mondiales
00:33se sont engagés à consacrer au moins 5% de leurs produits intérieurs bruts à leur défense et à leur sécurité.
00:39Alors Donald Trump a trouvé que c'était fantastique, est-ce que ça l'est selon vous Père de Jong ?
00:44Eh bien oui ça l'est, parce qu'en fait vous savez bien que les Européens principalement, en tout cas les 32 partenaires de l'OTAN,
00:50à l'exception encore une fois des Etats-Unis, donc les 31 partenaires de l'OTAN étaient jusqu'à présent sur des budgets de la défense tournant autour de 1 ou 2%.
00:59Et là il y a un saut qualitatif ou quantitatif de 5%, donc c'est considérable.
01:04Donc ça veut dire que les Européens envoient aux Etats-Unis et à Trump principalement un message, pas d'allégeance, mais en tout cas un message d'effort.
01:12Et donc effectivement Trump l'a reçu.
01:13Alors en réalité il faut le dire aussi Père de Jong, c'est pas Donald Trump, c'était cet effort budgétaire, une exigence déjà de Barack Obama il y a 15 ans.
01:22Et alors il faut décortiquer parce que ces 5%, en réalité c'est 3,5% plus 1,5%.
01:28Comment ça va se dispatcher cet effort militaire ?
01:323,5% ça va correspondre à un effort sur des achats d'armement, des achats d'amélioration, un porte-avions, des rafales, que sais-je, des régiments, des brigades, c'est considérable.
01:45Et puis le 1,5% c'est ce qu'on appelle les dépenses annexes, donc ces dépenses qui vont concerner l'infrastructure et des choses annexes.
01:52Ceci étant dit, ça fait comme 5%.
01:53Donc pour nous français, et donc c'est étalé sur 10 ans.
01:56C'est important ce que vous dites, les dépenses annexes, parce que par exemple, il y a tout un sujet, moi j'adore ce genre de détails, sur la mobilité militaire.
02:04C'est bien beau d'avoir des chars d'assaut, mais on s'est rendu compte au début de l'invasion de l'Ukraine par les Russes,
02:09que s'il avait fallu envoyer en urgence des chars d'assaut, du matériel, à l'est de l'Union Européenne, il aurait fallu 3 semaines, 3 semaines à l'armée française pour rejoindre le théâtre des opérations.
02:20Oui, parce que les Leclerc sont sur des chenilles, les chenilles ça ne va pas sur les autoroutes.
02:24Donc évidemment, il faut les mettre sur des trains ou sur des camions, et c'est vrai que les camions portent chars, on en a relativement peu.
02:29Donc on va, il y a toute une série de domaines qu'on va améliorer.
02:32Mais revenons sur ces 3,5%, c'est très important, parce que l'effort budgétaire sera considérable.
02:37Actuellement, on est sur une base de 2%, donc en gros, pour les français, 45 milliards par an.
02:42Ce qui veut dire que si on monte, de toute façon on va monter à 5%, ce qui veut dire qu'en fait, il faut rajouter 50 milliards de plus.
02:49Sur 10 ans, ce qui veut dire qu'en fait, tous les ans, au budget, il faut rajouter 5 milliards.
02:54Donc l'effort est considérable, et il continue.
02:56Est-ce qu'il est réaliste, cet effort budgétaire ?
03:00On en parlera au gouvernement au mois d'octobre, ça commence au mois d'octobre, parce que c'est la première discussion.
03:05J'imagine que cette année, ils vont sauter l'obstacle, mais à partir de l'année prochaine, il faudrait bien qu'ils se mettent dedans.
03:10Tant que Trump sera là, lui, il va avoir dans son bureau, il va avoir un endroit, un espace, un papier sur lequel il y aura marqué l'effort budgétaire des Européens.
03:19Et on voit que Trump, il tire énormément.
03:22Une question un peu plus large, père de Young.
03:24Est-ce que vraiment, il y a eu menace d'un départ américain de l'OTAN ?
03:28Ça a agité beaucoup les conversations des milieux de défense depuis deux ans.
03:32Cette incertitude que Donald Trump ferait planer sur un engagement américain auprès des Européens, et notamment au sein de l'Alliance Atlantique.
03:42Je vous pose la question, parce qu'on n'a pas effectivement vu de choses qui allaient dans ce sens-là.
03:46Des mots oui, des actions américaines qui signifieraient un départ hypothétique de l'OTAN, on n'a pas vu grand-chose quand même.
03:54Mais il ne partira jamais, pourquoi ?
03:56Parce qu'en fin de les 5%, il va obliger les Européens à acheter du matériel militaire.
04:01Donc en fait, c'est un peu la poule aux odeurs.
04:03Évidemment, aujourd'hui, les Européens sont asservis au matériel militaire américain, évidemment.
04:07Des F-35, par exemple, ou des Heimars, ou que sais-je, ou des Patriotes.
04:11Donc aujourd'hui, encore une fois, Trump a bien compris que les 3% supplémentaires,
04:15alors sauf les Français qui ont une caractéristique militaire, puisqu'ils ont leur propre industrie de défense,
04:20la plupart des pays de l'OTAN, les 31 pays de l'OTAN, la grande majorité vont acheter du matériel américain.
04:27Donc aujourd'hui, Trump n'a aucun intérêt à abandonner l'OTAN.
04:29Par contre, le vrai problème, c'est l'article 5.
04:32C'est les conditions, je dirais, de cohésion qu'il y a entre les alliés.
04:35Est-ce que les Américains suivront les Européens, ou en tout cas les alliés de l'OTAN,
04:41dans le cadre d'une action qui serait menée, à l'exemple, contre les Pays-Baltes ?
04:44L'article 5, je rappelle, Pierre de Jong, ça veut dire que si un État membre de l'OTAN est attaqué,
04:49l'Alliance se porte à son secours, et tous les débats portent sur l'automaticité ou non de cette solidarité.
04:56C'est exactement ça, d'autant qu'encore une fois, on ne peut pas quantifier l'automaticité très concrètement.
05:02Il suffit d'envoyer trois jerrycans et un bateau avec des rats, et puis ça peut suffire.
05:07Chaque État fera ce qu'il pourra.
05:09Donc encore une fois, il n'y a pas d'engagement total et absolu, et chaque État fera ce qu'il pourra.
05:14Donc il y a une forme de liberté, et cette liberté, Trump la met en avant dans ces discussions qu'il a avec les Européens,
05:20en disant, éventuellement, si vous ne faites pas l'effort budgétaire nécessaire pour augmenter le niveau de vos armées,
05:26nous, on n'est pas sûr de venir intervenir.
05:28Mais en même temps, c'est assez noble, ou en tout cas c'est correct, c'est logique.
05:34Comment expliquer que les Européens n'ont pas engagé, n'ont pas investi dans leur défense depuis de nombreuses années ?
05:40C'est vrai que les Américains s'interrogent.
05:41Dernière question, et c'est peut-être la plus importante, père de Young,
05:44l'OTAN, ça sert à quoi, aujourd'hui, très concrètement ?
05:47Est-ce que ça sert à faire face à une éventuelle agression russe ?
05:50Est-ce que ça sert à augmenter la force de frappe américaine en cas de conflit avec la Chine ?
05:54C'est quoi le but de l'OTAN ?
05:55Vous venez répondre aux deux questions.
05:57Évidemment, aujourd'hui, il y a la réalité de la menace russe, elle est réelle, elle est effective, elle est visible.
06:02Les chercheurs considèrent que les Russes pourraient intervenir sur un pays de l'OTAN dans les années qui viennent,
06:08donc il y a une masse effective, donc l'OTAN répond à cette menace.
06:10Ça, c'est le premier point.
06:12Mais les Américains ont une autre vision, ils ont une vision mondiale avec la Chine.
06:16Et on voit que depuis quelques années, les Américains, alors pas Trump, mais Biden, mais c'est dans l'air du temps,
06:23aimeraient intégrer les pays asiatiques comme la Corée du Sud et puis le Japon au sein de l'OTAN.
06:28Alors, les Européens refusent, parce que l'OTAN, on voit bien que l'OTAN a structurellement une alliance européenne,
06:33puisqu'à l'exception de la Turquie, du Canada et des États-Unis, tous les pays sont européens.
06:39Donc l'OTAN reste majoritairement européen.
06:41Et c'est le cœur du sujet du développement ou de la transformation de cette alliance dans les années qui viennent.
06:46Merci, père de Jong, d'être venu ce matin sur l'antenne d'Europe 1.
06:49Je rappelle le titre de votre dernier ouvrage, on n'a pas parlé de l'Ukraine,
06:51mais c'est vrai que ça a été un des sujets de discussion un peu annexe, c'est vrai, hier autour de l'OTAN.
06:55Poutine, Lord of War, paru chez Mareuil, édition.