00:02Une heure moins le quart sur Europe 1 et nous continuons cette édition spéciale consacrée donc aux Etats-Unis
00:07qui sont entrés en guerre contre l'Iran en frappant au petit matin des sites nucléaires.
00:12Téhéran qui a répliqué dans la foulée, Tel Aviv très lourdement bombardé ce matin.
00:17On va essayer de comprendre le contexte général.
00:20Bonjour Frédéric Ancel.
00:21Bonjour.
00:21Géopolitologue spécialiste du Moyen-Orient.
00:24Vous avez publié La guerre mondiale n'aura pas lieu, les raisons géopolitiques d'espérer.
00:29Votre état d'esprit est-il le même alors que Téhéran et Washington sont désormais en guerre ?
00:34Plus que jamais parce qu'en réalité Téhéran n'a strictement aucun allié militaire.
00:38Alors si vous voulez, l'une des conditions sine qua non d'un éventuel effondrement dans une guerre mondiale
00:44ou ne serait-ce que régionale d'ailleurs, c'est que chaque camp dispose d'alliés.
00:48Donc encore une fois ce n'est pas le cas de l'Iran contrairement à ce qu'ont prétendu de manière beaucoup trop paresseuse et galvaudée
00:53nombre d'observateurs ces dernières années en parlant notamment de Moscou et Pékin.
00:57C'est absolument ridicule. Les seuls vrais alliés, les inféodés en réalité de Téhéran, aujourd'hui ils sont écrasés.
01:05C'est notamment le Hezbollah. Donc évidemment qu'il n'y aura pas de guerre mondiale.
01:09Il n'y aura à mon avis pas non plus de guerre régionale faute de combattants et faute de volonté, notamment des Etats arabes.
01:15Et d'ailleurs quand vous dites que les Etats-Unis rentrent en guerre, alors c'est vrai sur le plan technique et militaire,
01:19mais vous noterez quand même que Trump a annoncé qu'il souhaitait une reprise des négociations sous-entendu avec ce régime-là.
01:27Donc ce qui n'est pas exactement la même posture que le gouvernement israélien qui lui considère que le régime iranien doit partir.
01:35Malgré tout Frédéric Ancel, je voudrais vous faire écouter le ministre des Affaires étrangères iraniens.
01:40Il s'est exprimé il y a quelques minutes après la réplique de Téhéran sur Israël.
01:44Abbas Agaraché, puis je vous ferai réagir juste après.
01:51La République islamique d'Iran condamne fermement l'agression brutale américaine contre les installations nucléaires pacifiques iraniennes.
02:01C'est une violation choquante, grave et sans précédent de la Charte des Nations Unies et des lois internationales.
02:09L'administration criminelle et hors la loi de Washington est seule et pleinement responsable des conséquences dangereuses et profondes de son acte d'agression.
02:24Voilà, on a entendu le ministre des Affaires étrangères iranien, Frédéric Ancel, qui promet une réplique.
02:30Une réplique néanmoins, là on peut, à n'en pas douter, Téhéran va réagir, va surenchérir ?
02:37Oui, mais sauf que vous pouvez surenchérir lorsque vous avez de quoi surenchérir.
02:41Avec la République, la Méditerran, c'est toujours pareil depuis 1979.
02:44C'est une rhétorique et une sémantique apocalyptique, assez largement bouffonne d'ailleurs.
02:50Et en réalité, derrière, vous avez effectivement des actes de guerre,
02:53mais qui ne vont jamais dans le sens de ce que vous avez promis, parce que vous ne pouvez pas.
02:58Je rappelle quand même d'un mot que les États-Unis, a priori, et Israël et d'autres pays,
03:03n'ont pas le droit, bien évidemment, d'attaquer un État souverain,
03:06mais la Charte des Nations Unies comporte un article, l'article 51 du chapitre 7,
03:11qui prévoit très concrètement le droit à la légitime défense.
03:14Alors, ce n'est pas le cas exactement pour les États-Unis,
03:16c'est en revanche le cas pour Israël, et depuis plusieurs dizaines d'années,
03:20puisque Téhéran annonce et promeut la destruction d'Israël,
03:23ce qui est interdit en droit international.
03:25Et puis, dernier point, il y a la non-prolifération.
03:27Et de ce point de vue-là, ça ne concerne pas du tout Netanyahou,
03:30le Likoud, Israël, les États-Unis ou que sais-je encore,
03:33ça concerne le monde entier, et je vous rappelle une date, 1968.
03:37Le traité de non-prolifération, dont d'ailleurs l'Iran est signataire,
03:41qui n'a jamais été à ce jour transgressé.
03:44Et de ce point de vue-là, l'Iran était évidemment manifestement en train de proliférer.
03:49Alors, ce que vous insinuez, Frédéric Ancel, c'est qu'il n'y aura pas forcément de surenchère,
03:54pas d'intérêt à ce que l'Iran attaque à présent peut-être des bases ou des intérêts américains ?
03:59Alors, ils peuvent toujours tenter, mais ça va être de plus en plus difficile.
04:02Ils ont de moins en moins de missiles, alors que la balistique était l'arme suprême,
04:06finalement d'ailleurs à peu près la seule, outre le terrorisme.
04:08Ça, c'est un autre problème, auquel on pourrait s'affronter, mais ce ne serait pas nouveau.
04:12Je rappelle que l'Iran veut déjà frapper la France, et Paris en particulier, dans les années 80,
04:16et qu'ils ont déjà abattu un certain nombre de gens et compétit civils à travers la planète ces dernières décennies.
04:22Mais sinon, sur le plan strictement militaire, oui, ils peuvent réagir sur des bases américaines,
04:25mais je pense que l'Iran, aujourd'hui, craint qu'une fois les États-Unis entrer,
04:31comme vous l'avez bien dit, malgré tout quand même dans des opérations militaires,
04:33qu'ils ne s'arrêtent pas là.
04:34Parce que Trump aura à cœur, évidemment, de montrer au public américain
04:39qu'il ne peut pas perdre cette guerre, en tout cas à ses yeux,
04:44ce n'en est pas une, en tout cas cette opération militaire.
04:47Et j'ai un point, c'est que ce qui a été frappé après le bombardement américain,
04:51c'est, vous l'avez bien rappelé aussi, Tel Aviv, et notamment des centres civils.
04:55Donc c'est beaucoup plus facile pour l'Iran, aujourd'hui, de frapper des civils en Israël
04:58que des bases américaines au Moyen-Orient.
05:00Alors je vous garde encore quelques instants, Frédéric Ancel, si vous le voulez bien,
05:03parce qu'on a parlé du monde arabe, on a parlé des États-Unis et de l'Iran.
05:08Mais on va faire un petit tour d'horizon des réactions en Europe
05:10et vous me direz ce que vous en pensez après,
05:12puisque le Quai d'Orsay a mis du temps à réagir, mais a réagi ce matin.
05:15Alexis Delafontaine.
05:17Oui, Jean-Noël Barraud vient de réagir et d'y avoir pris connaissance
05:20avec préoccupation de ses frappes.
05:22La France n'y a pas participé, assure le ministre des Affaires étrangères,
05:26qui plaide plutôt pour un traité de non-prolifération des armes nucléaires.
05:29« Notre priorité est d'assurer la sécurité de nos agents et de nos ressortissants dans la région »,
05:34ajoute-t-il.
05:35Emmanuel Macron, lui, devrait coordonner sa réponse avec ses homolodes européens,
05:39car le président de la République espérait encore ces derniers jours pouvoir négocier avec l'Iran.
05:44La chef de la diplomatie européenne appelle justement toutes les parties
05:47à faire un pas en arrière et à revenir au calme.
05:49Une position partagée par le premier ministre anglais, Kier Stermer,
05:53qui remercie quand même les Etats-Unis d'avoir atténué la menace nucléaire iranienne.
05:57Mais aujourd'hui, ces bombardements vont forcément impacter très négativement les discussions.
06:02Donald Trump le sait et l'assume.
06:04« Nous n'avons pas besoin des Européens pour résoudre ce conflit »,
06:07avait déclaré le président américain.
06:08Alexis Delafontaine du service politique d'Europe 1, c'est vrai.
06:12Frédéric Ancel, Donald Trump n'a pas besoin de l'Europe ?
06:15Le problème, c'est que l'Europe n'est pas une puissance.
06:18Il n'est en tout cas pas une puissance stratégique et militaire unie.
06:22Et c'est notamment vrai sur les questions moyennes orientales.
06:25Ça, c'est la première chose.
06:26La deuxième chose, c'est que le suspensionné Trump,
06:28c'est quand même lui qui avait mis fin à un accord,
06:30qui avait quand même trouvé le Conseil de sécurité plus d'Allemagne,
06:35donc aussi les Européens, en 2015,
06:37et qui était un traité qui fonctionnait assez bien.
06:39Et en 2018, c'est lui qui a mis fin,
06:41avant de revenir il y a quelques mois de cela,
06:44dans des considérations plus favorables,
06:46puisqu'il pensait pouvoir résoudre par une négociation bilatérale,
06:49donc c'est effectivement en se passant des Européens,
06:51avec Téhéran,
06:52avant de nouveau de faire volte-face
06:54et de donner le feu vert à Israël.
06:55Bon, mais ça, c'est Trump.
06:56Alors, concernant les réactions européennes,
06:59vous aurez remarqué que le ministre français,
07:01de la Ressanger,
07:02se dit préoccupé.
07:03Il ne condamne pas.
07:04Et donc, les Allemands, les Britanniques,
07:06et la plupart des chanceliers des Européens,
07:09soutiennent, non pas en soi,
07:11l'opération israélienne ou américaine,
07:13mais soutiennent, ce que je vous ai dit tout à l'heure,
07:15c'est-à-dire le maintien, coûte que coûte,
07:17du traité de non-prolifération de 1968.
07:20Eh bien, merci Frédéric Ancel de nous avoir apporté
07:23votre éclairage de géopolitologue et de spécialiste du Moyen-Orient.
07:26Je rappelle le titre de votre ouvrage,
07:28La guerre mondiale n'aura pas lieu.
07:30Les raisons géopolitiques,
07:31d'espérer, publiées aux éditions Odile Jacob.
07:34Vous restez avec nous.
07:35Il est un peu plus d'une heure moins dix sur Europe.
07:37Nous continuons évidemment à évoquer cette entrée en guerre,
07:40cette nuit des Etats-Unis contre l'Iran de la riposte de Téhéran.
07:44Et puis, nous allons poser également la question de l'arme nucléaire,
07:46puisque c'est de ça qu'il s'agit des conséquences,
07:49notamment sur la population iranienne.
07:52Est-ce qu'il y a un risque de radiation, par exemple,
07:53sans qu'il y a une réunion d'urgence demain ?
07:57Emmanuelle Galiché est enseignante chercheuse en sciences et technologies nucléaires au CNAM
08:01et elle est la dernière invitée d'Europe 1 Midi Weekend.