00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04Sylvain et Dorian sont avec nous, messieurs bonjour.
00:07Bonjour.
00:08Merci d'être avec nous ce matin.
00:09Pourquoi ? Vous êtes enseignant au collège Lucie Aubrac d'Argenteuil.
00:14Bien, tous les deux.
00:15L'une de vos collègues a reçu une lettre avec des menaces de mort
00:20mentionnant Samuel Paty et Dominique Bernard,
00:24les deux enseignants qui ont été assassinés.
00:27Assassinés.
00:28Menace de mort.
00:30Cette lettre a été envoyée au collège même.
00:33Vous êtes venu pour témoigner, pour évidemment la soutenir,
00:39pour interpeller la ministre de l'Éducation nationale
00:42et toute l'institution, et pas que,
00:45et même tous les parents et même tous les élèves.
00:49Oui, elle a reçu cette lettre par courrier.
00:52Comment ça s'est passé ?
00:53Oui, donc c'est l'objectif de notre venue aujourd'hui.
00:56La lettre, elle a été reçue jeudi, par courrier au collège.
01:02On a effectué un droit de retrait, du coup, après avoir été mis au courant de cette lettre,
01:06ce qui signifie que nous n'avons pas fait cours le jeudi après-midi.
01:09Ce n'était pas hier, jeudi d'avant.
01:12Jeudi dernier.
01:12Jeudi dernier, oui.
01:13Jeudi 12 juin.
01:15À la suite, le vendredi, nous n'avons pas fait cours.
01:18Il y a eu une mise en place d'une cellule psychologique au sein du collège.
01:22Le collège a rouvert ses portes le lundi pour accueillir les élèves dans un dispositif particulier.
01:30Et toujours avec, du coup, cet accompagnement psychologique pour nos collègues.
01:34Alors, pourquoi est-ce que vous avez choisi de témoigner ?
01:37Au-delà, évidemment, au-delà de la volonté de protéger votre collègue.
01:41Pourquoi ?
01:42Nous avons choisi de témoigner parce que nous refusons d'acter la mort sociale de notre collègue à l'heure actuelle.
01:52C'est-à-dire la mort sociale de votre collègue ?
01:54C'est-à-dire qu'aujourd'hui, notre collègue, suite à ses menaces, est partie.
02:01Elle est partie, oui.
02:02Elle n'enseigne plus.
02:03Elle n'enseigne plus.
02:05Elle est toute seule.
02:07Et on veut interpeller pour ça.
02:10Et on ne veut pas laisser notre collègue toute seule et acter cet isolement social en reprenant les cours normalement.
02:19Ça veut dire que l'institution l'abandonne ?
02:21Alors, nous, ce qu'on aimerait mettre en avant, c'est que l'institution l'abandonne.
02:25Mais en fait, ce sentiment d'abandon, il est aussi présent dans notre collège.
02:29C'est-à-dire que le sentiment d'abandon, là, aujourd'hui, cette lettre-là, c'est la goutte d'eau qui vient faire déborder un vase qui était bien plein par rapport à ce qui s'est passé ces dernières années.
02:39Il y a un sentiment de peur et de colère parmi nos collègues, mais de colère aussi.
02:45Parce que, du coup, là, on nous demande de faire toujours plus avec moins de moyens humains.
02:50Ce qui, aujourd'hui, arrive...
02:52Oui, tout à fait.
02:54C'est-à-dire qu'on nous demande toujours de faire plus, c'est-à-dire d'individualiser l'enseignement, d'individualiser l'éducation.
03:00Et le problème, c'est que forcément, l'individualisation, c'est très bien, mais toujours avec de moins en moins de moyens humains.
03:08Et nous ne pouvons plus individualiser et nous sommes un petit peu tout seuls et de plus en plus, les violences montent et ça devient vraiment problématique.
03:19Alors, ces menaces de mort, est-ce qu'il y a des raisons ? Est-ce que dans la lettre, je ne sais pas, l'auteur donne des raisons ?
03:29Des raisons pour lesquelles il menace de mort, votre collègue ?
03:32Pas vraiment.
03:34Pas vraiment, comme ça ?
03:36Pas vraiment, je pense que là, on a fait vraiment une menace qui est gratuite.
03:40Mais parce que, est-ce qu'elle aurait puni un élève ? Est-ce qu'elle aurait... Je ne sais pas, moi.
03:44D'autant plus qu'il n'y a pas eu de problème apparent.
03:47On a vraiment affaire à une collègue qui est vraiment dynamique, solaire, qui aime son métier, qui a un très bon relationnel avec les élèves.
03:57Et là, justement, d'une part, cette lettre fait froid dans le dos, mais au-delà de ça, ça met en colère vraiment...
04:06Bien sûr, toute la communauté éducative.
04:10Et les parents, comment se comportent les parents ?
04:12Alors, du coup, on est soutenus par les parents d'élèves.
04:16Il faut savoir que, du coup, la lettre qui est parue, du coup, dans Le Parisien, elle a été aussi soutenue et envoyée aussi aux parents d'élèves du collège.
04:25On se sent soutenus, du coup, dans ce qu'on traverse.
04:30Et si, tout à l'heure, vous demandiez pourquoi on a fait le choix de parler, on a aussi fait le choix de parler parce que nous, aujourd'hui, on est sûr que ce n'est pas propre à notre collège
04:38et que c'est des situations qui se passent dans différents collèges.
04:41Dans votre lettre, vous dites agression physique, jet de mortier, harcèlement grave entre élèves, intrusion, dégradation du matériel, rodéo urbain devant le collège.
04:51C'est votre quotidien, ça ?
04:53Depuis cinq ans, oui. Et ça ne fait que s'accélérer et de la violence qui est quotidienne, qu'elle soit verbale, qu'elle soit physique.
05:04Pas forcément nécessairement envers nous, mais aussi entre les élèves.
05:08Et aujourd'hui, nous, la communauté éducative, nous ne le sentons pas en sécurité, c'est-à-dire que nous sommes en danger, mais les élèves aussi sont en danger et c'est là qu'on interpelle.
05:19Car à force, au vu de ce qui s'est passé les dernières années, on va dans une violence qui est crescendo.
05:26Vous le sentez, vous le voyez, violence qui environne, qui entoure le collège, mais violence quoi ? Des élèves ? Violence même des parents d'élèves dans le comportement ?
05:37Donc, il y a différents types de violences et ce qui est expliqué, du coup, dans notre lettre.
05:44Et nous, aujourd'hui, on vient aussi là pour interpeller parce qu'il y a une normalisation, mais qui n'est pas forcément de leur fait.
05:52Au niveau des élèves de cette violence, ils ont du mal à se rendre compte.
05:55Et même nous, on a normalisé certaines choses.
05:58Et aujourd'hui, l'objectif, c'est de reposer un cadre, du coup, serein et calme pour les apprentissages.
06:03Et notre cri d'alarme, il est aussi et avant tout pour nos élèves.
06:06Oui, surtout.
06:07Oui, pour les élèves avant tout, bien sûr.
06:09Pour les élèves avant tout.
06:10Mais évidemment, évidemment.
06:11Et vous dites, sachez, dans cette lettre, que nous aimons profondément notre métier,
06:18que nous l'avons choisi, que nous avons décidé de rester à Argenteuil,
06:22non pas par dépit, mais par vocation.
06:25Oui, nous ne voulons pas partir, ça c'est sûr, nous sommes arrivés là.
06:29Nous avons créé du lien avec tout le monde.
06:33Nous sommes bien dans cet établissement.
06:35On sent qu'on est utile, on sent qu'on fait quelque chose.
06:38On est à cœur de notre mission.
06:40Mais aujourd'hui, je pense que c'est là aussi, dans notre mission,
06:44d'interpeller que cette mission, on ne peut plus la remplir correctement.
06:48Et qu'encore une fois, il y a du danger et en priorité pour les élèves.
06:54Oui, pour leur avenir.
06:55Et pour leur avenir.
06:56Pour leur avenir et leur quotidien.
07:00Car à force, il va se passer quelque chose de grave.
07:03Si on ne remet pas de l'humain là-dedans et on ne remet pas plus d'humains là-dedans,
07:07je pense qu'il va se passer quelque chose de grave.
07:10Oui, oui, oui.
07:11Votre inquiétude est grande.
07:13Absolument.
07:13Est-ce que le comportement des élèves évolue ?
07:16Vous le voyez changer ou pas ?
07:17Vis-à-vis de vous, non ?
07:21Non, parce qu'à vrai dire, on a des bonnes relations avec les élèves.
07:25Et il y a des moments qui font qu'aujourd'hui, comme vous l'avez dit,
07:27c'est un choix d'être dans cet établissement.
07:30Et c'est un choix qu'on renouvelle chaque année.
07:32Et qu'on a encore envie de renouveler.
07:36Ce qui a changé par contre, du coup, c'est un nombre d'élèves
07:40qui a augmenté plus de 100 élèves en 8 ans.
07:43Sauf que notre établissement, il n'a pas grandi pendant ces 8 ans.
07:46Aujourd'hui, on est en sur-effectif.
07:48De quasiment 100 élèves.
07:49Donc imaginez ce que ça peut poser comme problème de sécurité
07:53au sein même de l'établissement, juste dans les déplacements.
07:56C'est-à-dire que les escaliers sont impraticables au cours de temps des récréations.
08:02Il y a des mouvements de foule.
08:04Il est arrivé des mouvements de foule également.
08:07Et certains ont fini à l'hôpital.
08:10Ça devient vraiment problématique.
08:11Et là, c'est pour ça qu'on interpelle vraiment la ministre.
08:16Bien sûr.
08:17Bien, merci messieurs.
08:18Merci beaucoup.
08:19Et bon courage et bravo.
08:20Encore une fois, bravo.
08:21Qu'est-ce que vous vouliez dire ?
08:22Oui, parce qu'enfin, on a des revendications.
08:25Parce qu'aujourd'hui, on prend la parole et on ne le fait pas non plus pour rien.
08:28On aimerait être reçus du coup par Madame Bande pour deux raisons.
08:31Déjà pour notre collègue, qu'elle soit reçue et entendue pour lui trouver des solutions pour elle.
08:35Parce qu'aujourd'hui, à part la protection fonctionnelle qui prend de ses nouvelles, il n'y a pas grand monde qui vient l'interpeller, qui vient lui demander ce qu'on peut faire pour elle.
08:44Et nous, on aimerait aussi être reçus pour du coup donner nos revendications, qu'il y a des effectifs d'élèves raisonnables, plus d'AED et d'AESH, des psychologues et des médecins scolaires tout le temps dans notre établissement à temps plein.
09:00Et des temps scolaires prévus pour renouer le lien entre les élèves et le personnel, ce qui est hyper important pour les apprentissages de nos élèves.
09:08Reçus par Madame Bande pour des raisons personnelles, pour notre collègue et collectif.
09:11Eh bien, le message est passé, j'espère qu'elle va vous écouter.