- 19/06/2025
Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jullien Arnaud revient sur les questions qui font l’actualité avec Guillaume Faury, directeur général d'Airbus.
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00:00Guillaume Fauri qui est avec nous en plein salon du Bourget, merci infiniment de venir nous voir entre deux signatures de contrat parce que ça n'arrête pas évidemment, vous avez plutôt le sourire en ce moment.
00:10C'est quoi le bilan global que vous en tirez déjà pour Airbus ? Ça a commencé en début de semaine.
00:14Oui donc on est au jour 3 et le salon dure jusqu'à la fin de la semaine donc on tire les bilans à la fin.
00:19Ah d'accord, il y a un bilan d'étape quand même.
00:21C'est un bon début voilà, au bout de 3 jours on a à peu près 240 signatures dont 140 fermes donc c'est beaucoup.
00:27C'est en ligne avec vos espérances ou bien il y a eu un peu de bonus ?
00:29Non non c'est cohérent, on ne sait jamais vraiment trop comment ça se termine parce que les dernières négociations peuvent conclure, peuvent ne pas conclure.
00:36C'est un rendez-vous d'étape dans l'année mais l'année ne se termine qu'à la fin de l'année et donc il n'y a pas d'objectif précis mais c'est un bon salon.
00:42Alors vous n'aimez pas trop parler de prix catalogue ce genre de choses mais 240 avions, allez donnez-nous un ordre de grandeur, ça représente combien de dizaines de milliards ?
00:49Il faut compter à peu près 100 millions pour un avion court-moyen courrier, 250 millions pour un avion long courrier, c'est les ordres de grandeur, ce n'est pas des prix mais c'est des ordres de grandeur.
00:59Donc vous nous laissez faire l'addition nous-mêmes, ça fait pas mal d'argent.
01:05Alors vous annoncez ces contrats, votre grand concurrent Boeing lui ne fait pas d'annonce parce que c'est vrai que c'est un contexte douloureux, difficile, dramatique même après le crash d'Air India.
01:12Alors évidemment personne ne se réjouit de cette affaire terrible mais est-ce que des clients quand même se reportent de plus en plus vers vous vu tous les déboires que connaît Boeing ?
01:21Alors Boeing est en difficulté depuis maintenant de nombreuses années, nous on a un carnet de commande qui est très rempli, donc on n'est pas en mesure de répondre à des demandes à très court terme pour remplacer des avions qui auraient été commandés chez un autre constructeur, essentiellement Boeing.
01:38En revanche sur le long terme oui on voit qu'on a un attrait fort pour nos produits mais je pense que c'est aussi sur le mérite de nos produits, de ce qu'on fait et on reste concentré.
01:46Vous savez on ne s'énerve pas trop vite, on essaie de faire notre boulot, de le faire bien, on est dans une industrie qui est exigeante, voilà donc on reste concentré sur ce qu'on a à faire nous-mêmes.
01:54Est-ce qu'il n'y a pas quand même, vous l'avez un peu évoqué, un problème de trop plein, est-ce que vous arrivez à faire face à toutes ces commandes ?
02:00Alors on a beaucoup de succès avec nos appareils, on a des compagnies aériennes qui sont en concurrence les unes avec les autres, donc la compétitivité différentielle des appareils est importante.
02:10En fait les nouveaux appareils consomment beaucoup moins de carburant, ce qui les rend aussi beaucoup plus compétitifs.
02:14Et donc toutes les compagnies aériennes vont vers nous pour essayer d'accéder à notre capacité de production, à nos appareils et on a aujourd'hui plus de 8700 commandes alors qu'on produit en gros 800 appareils par an.
02:27Donc ça veut dire un carré de commandes plein sur une douzaine d'années ?
02:30On a 11 ans de carré de commandes au niveau de production actuelle, alors on essaie d'augmenter la production le plus vite possible.
02:35Effectivement notre défi du moment c'est d'arriver à mobiliser l'ensemble d'une chaîne de fournisseurs très très large, très internationale,
02:42pour avoir tous les composants à l'heure pour pouvoir livrer les avions et monter en cadence le plus vite possible.
02:47On n'est pas encore revenu au niveau de production qu'on avait juste avant le Covid.
02:50Ah bon ? D'accord, d'accord. Votre concurrent historique, on l'a évoqué c'est Boeing, il y a un autre concurrent qui est en train d'émerger,
02:56qui vient de Chine, qui s'appelle Comac. Est-ce que c'est un concurrent qui commence à vous faire de l'ombre et qui vous en fera de plus en plus dans les années à venir ?
03:04Alors il ne nous fait pas encore d'ombre au sens de part de marché, en revanche c'est un nouveau joueur sur notre terrain de jeu,
03:10il est chinois, sur un marché qui représente 20% du marché mondial, il est détenu par l'État chinois,
03:16donc il fait l'objet de beaucoup d'aides et c'est vraiment, ça fait partie de la stratégie chinoise.
03:21C'est une concurrence déloyale.
03:22On le prend très au sérieux, c'est une concurrence qui joue avec des règles différentes, donc effectivement elle nous inquiète.
03:27Il y a des règles internationales du commerce, par rapport aux règles de l'OMC, oui on est un peu en décalage,
03:32mais c'est la réalité dans laquelle on est aujourd'hui.
03:34Et pour faire face à cette concurrence, vous vous projetez évidemment sur l'avenir, c'est votre job.
03:37En tant que président, votre best-seller c'est évidemment l'A320, que tout le monde connaît,
03:42mais il va lui falloir un successeur, vous travaillez beaucoup dessus, c'est pourquoi ?
03:46Alors, on a l'ambition d'avoir en 2050 atteint la neutralité carbone.
03:51Ça ne va pas se faire avec les appareils d'aujourd'hui et les carburants d'aujourd'hui.
03:55Donc il y a deux grandes voies d'amélioration, c'est les avions et les carburants.
03:59Et les avions c'est vraiment notre boulot.
04:00Donc on prépare effectivement la succession de l'A320.
04:02L'A320, c'est le plus grand succès mondial de l'aviation commerciale et c'est aussi 75% des avions qu'on livre chaque année.
04:09On a l'intention de lancer le programme pour son successeur à la fin de cette décennie,
04:14donc aux environs 2030, pour une entrée en service dans la deuxième partie de la prochaine décennie.
04:19On voit que le travail de l'industriel, c'est d'être sur le très long terme,
04:22parce que ça engage évidemment des sommes et des investissements qui sont colossaux.
04:27Cet objectif de neutralité carbone en 2050 dont vous nous avez parlé, c'est vraiment stratégique, c'est majeur.
04:32On a vu encore cette nuit les conclusions d'une étude de scientifiques sur le réchauffement climatique.
04:38Est-ce que vous nous dites ce matin, oui, 2050, on va y arriver ? Est-ce que c'est tenable ?
04:41Alors on a un plan crédible pour arriver à 2050, mais qui nécessite beaucoup, beaucoup de choses en attendant.
04:48Sur les avions, on est sur la bonne trajectoire.
04:50Sur tout ce qui est technologique, je pense qu'on va y arriver.
04:52Mais il y a du travail à faire sur le trafic aérien, parce qu'il y a une grosse partie des émissions de carbone
04:56qui sont liées à l'inefficacité de la façon dont le trafic aérien est géré.
05:00Et on est encore avec des outils qui datent de la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
05:04On se parle au téléphone pour faire voler les avions, alors qu'on pourrait avoir un ciel numérique
05:08qui soit beaucoup plus efficace.
05:09Donc il y a cette transformation à faire.
05:11Les technologies sont prêtes, mais il y a des sujets sociaux, on va dire.
05:14Et puis il y a les carburants.
05:15Ça, c'est le plus gros sujet.
05:17C'est à peu près 40 à 50 % de l'équation finale pour arriver à décarboner.
05:21Il faut passer à des carburants qu'on appelle des carburants d'aviation durable,
05:25qui sont des biocarburants au début, et puis après des carburants synthétiques.
05:28Vous aviez parlé d'un avion fonctionnant à l'hydrogène en 2035.
05:32C'était une annonce forte, mais en 2035, ça ne sera pas tenu.
05:34Non, on ne va pas tenir 2035 pour deux raisons principales.
05:37Il faut trois raisons, mais je vais en citer deux.
05:39La première, c'est que les cinq ans de travail qu'on a fait pour avoir un avion qui fonctionne
05:44sont arrivés à une conclusion qui est que, oui, on peut faire un avion à hydrogène qui fonctionne,
05:48mais sa compétitivité ne serait pas suffisante par rapport à celle des autres avions.
05:52Et donc, on a des risques que les compagnies arriennes ne l'achètent pas.
05:55Donc, on refait cinq ans de développement de technologies,
05:57et on a fait un partenariat au Salon du Bourget avec MTU, par exemple, sur la pile à combustible,
06:02pour arriver à un avion qui sera compétitif, même par rapport aux avions existants.
06:06Et puis, on a le sujet de la montée en puissance de la production d'hydrogène vert.
06:10Ça aussi, ça prend du retard.
06:12Alors, vous êtes aussi très présent, on a parlé de l'A320 sur l'aviation civile,
06:15mais vous êtes très présent dans l'aviation militaire, bien sûr, grâce notamment à l'A400M.
06:20Est-ce que les tensions géopolitiques qu'on voit là aussi tous les jours, dans le journal encore,
06:24ce contexte international, il renforce la demande en aviation militaire ou pas ?
06:28Alors, il y a un très gros besoin de monter les dépenses en défense et sécurité, en particulier en Europe.
06:34Et il y a un certain nombre d'événements qui ont fait que l'Europe s'est rendue compte qu'il fallait qu'elle se réarme,
06:40alors que pendant des décennies, on a désarmé ce qui se passe à l'Est, avec le conflit russo-ukrainien.
06:47Et puis, il y a une forme de désengagement des États-Unis par rapport à l'Europe, avec le regard plus tourné vers la Chine.
06:52Donc, l'Europe a un plan de réarmement.
06:55Et un réarmement au sein de l'Europe, parce que c'est ça le sujet.
06:57Si l'Europe se réarme, mais en finançant vos concurrents, ça ne va pas vous plaire ?
07:02Il y a deux sujets, il y a trois sujets, mais il y a deux sujets principaux.
07:04Un, c'est dépenser plus d'argent pour se réarmer.
07:06Le deuxième, c'est acheter plus européens.
07:09Aujourd'hui, la majorité des équipements de défense qui sont achetés par les Européens ne sont pas achetés en Europe.
07:14Donc, il y a un vrai sujet de manque de souveraineté.
07:16Donc, dépenser plus d'argent pour sa sécurité, dépenser en achetant souverain, c'est-à-dire beaucoup plus en Europe,
07:21et puis coopérer ensemble, parce qu'en Europe, on a tendance à être très fragmenté dans les dépenses de dépense.
07:27Le contexte international, il a changé aussi sur le plan économique.
07:30Il y a une particularité qui est assez méconnue, au fond, sur l'aéronautique,
07:32c'est que depuis 1979, il n'y a pas de droit de douane dans votre secteur, ce qui a permis ce développement d'Airbus.
07:37Sauf que depuis que Donald Trump est là, des droits de douane, il y en a remis.
07:41Où ça en est ? Dans quelle mesure ça vous perturbe ?
07:43Est-ce que vous pensez que ces droits de douane vont sauter ?
07:46Alors, ça nous perturbe.
07:47Ça nous perturbe surtout sur nos activités aux États-Unis.
07:50Et en fait, ce que j'essaie de dire, c'est que ça perturbe encore plus les secteurs américains.
07:54En fait, les droits de douane qui ont été mis par l'administration américaine partent du principe que la balance commerciale américaine est très fortement déficitaire.
08:02Sauf que sur l'aéronautique, ils sont extrêmement bénéficiaires.
08:06La balance commerciale américaine sur les biens d'aéronautique civile, elle est très favorable.
08:10Et donc, en fait, ça abîme d'abord l'économie et l'industrie aéronautique américaine.
08:15Donc, on a de bonnes raisons de penser que ça va revenir effectivement en 1979.
08:19Mais ça fait partie d'une négociation plus large.
08:21Ça avance doucement.
08:21Et donc, pour l'instant, ça nous ennuie.
08:23Mais on espère qu'on va arriver à revenir à quelque chose de plus favorable.
08:25Et d'un mot sur la désindustrialisation en France.
08:27Vous, c'est une industrialisation réussie.
08:29Que faire pour relancer l'industrie en France ?
08:31Eh bien, il faut travailler la compétitivité.
08:33Et c'est le gros sujet européen.
08:36C'est le gros sujet français.
08:37On a aujourd'hui, malheureusement, un modèle social qui a été mis en place au sortir de la Deuxième Guerre mondiale,
08:42qui devient aujourd'hui infinançable par l'économie et par l'activité industrielle qu'on a.
08:48Et plus le modèle social repose sur cette économie, plus cette économie a des difficultés, moins elle est compétitive.
08:55Plus elle part de France.
08:56C'est les lois de l'économie.
08:57Et donc, on a un déséquilibre qui est en train de s'accélérer.
08:59Il y a un vrai sujet de rééquilibrage des dépenses et des recettes pour l'État.
09:03Les recommandations d'un grand patron français dont le carnet de commandes est plein.
09:08240 avions vendus lors du Salon du Bourget.
09:09Merci beaucoup Guillaume Foré.
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