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  • 06/06/2025
Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jeff Wittenberg revient sur les questions qui font l’actualité avec François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.

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Transcription
00:01Bonjour à tous, bonjour Monsieur le Gouverneur.
00:03Bonjour Jean-Pierre Thimbert.
00:04Merci d'être avec nous ce matin.
00:05On va parler avec vous de la nouvelle baisse des taux décidées hier par la BCE,
00:09la Banque Centrale Européenne, de la baisse de l'inflation qui a des conséquences.
00:13Mais tout cela se fait, et c'est vous-même qui le dites à la BCE, dans un contexte d'incertitude.
00:17On a entendu encore cette nuit les passes d'armes, les injures au grand jour
00:21entre Donald Trump et son ancien allié Elon Musk,
00:24les changements de pieds permanents sur les droits de douane.
00:27J'imagine que cela contribue à ce climat d'incertitude, voire d'inquiétude, Monsieur le Gouverneur.
00:32Oui. Alors je ne vais pas commenter les bagarres entre Donald Trump et Elon Musk.
00:37Entre nous, ce n'est pas très digne.
00:39Mais je crois qu'il y a quand même une leçon.
00:41C'est que Donald Trump divise beaucoup, divise le monde, mais divise les Américains.
00:46Et ça, ce n'est jamais bon pour résoudre les problèmes.
00:50Nous, nous devons au contraire nous unir, nous Français et nous Européens.
00:54Et c'est d'ailleurs ce que nous avons fait quand nous avons fait l'euro
00:56et quand nous avons mené la bataille contre l'inflation,
00:59que nous sommes effectivement en train de gagner.
01:01Mais Monsieur Villenroi de Gallo, cette politique de Donald Trump,
01:03elle fait du tort aujourd'hui aux pays européens, ne serait-ce que pour leurs exportations.
01:07Et ça change tout le temps.
01:09Les États-Unis ont encore relevé de 50 à 50 % les droits de douane
01:13sur l'acier et l'aluminium venus du vieux continent.
01:15Cette politique, elle fait d'abord du tort aux Américains.
01:18C'est important de le dire dans toutes les prévisions,
01:20que ce soit celles des organismes américains ou des organisations internationales.
01:25Les États-Unis perdent de la croissance et voient leur inflation monter.
01:30Pourquoi ? Parce que quand vous mettez ces droits de douane,
01:32ça veut dire que les consommateurs américains payent plus cher
01:35les produits importés qu'ils achètent.
01:38Alors si on traverse l'Atlantique et qu'on arrive chez nous,
01:41c'est vrai, il y a un effet négatif sur notre croissance.
01:43Il est moins fort que le ralentissement américain.
01:46Par contre, nous n'avons pas, ça c'est très important à dire,
01:49nous n'avons pas d'effet d'augmentation de l'inflation en Europe.
01:54Nous avons gagné la bataille contre l'inflation en Europe.
01:58Nous l'avions déjà gagné en France depuis un moment.
02:01L'inflation en France, elle est inférieure à 1 % aujourd'hui.
02:041,9.
02:04Et pour l'Europe, 1,9.
02:07Nous prévoyons 2 % sur l'année.
02:09Alors il faut être précis sur ce dont on parle.
02:12Quand on parle de l'inflation, c'est l'augmentation des prix depuis un an.
02:16Si je regarde sur la France, sur deux postes qui étaient très sensibles,
02:20souvenez-vous, il y a quelques années, c'était légitimement le premier problème des Français.
02:24On a un recul depuis un an des prix de l'énergie, l'essence, le fuel pour le chauffage, etc.
02:29Un recul de près de 7 %.
02:31Ou si on regarde l'alimentation, on a une petite hausse autour de 1,5 %.
02:37Les gens qui nous écoutent ce matin, M. Villeroy de Gallo, effectivement, ne le constatent pas toujours dans les rayons de leur supermarché.
02:42L'inflation baisse, mais pas forcément les prix dans les rayons.
02:44En tout cas, ça ne se voit pas au jour le jour.
02:47Quand on parle de l'inflation qui est à 1 % en France, autour de 1 %, autour de 2 % en zone euro,
02:53ça ne veut pas dire que les prix baissent.
02:54Ça veut dire qu'ils arrêtent d'augmenter, en tout cas.
02:58Or, souvenez-vous, il y a quelques années, on avait une augmentation forte des prix de l'alimentation, par exemple, dont vous parlez.
03:04Alors, heureusement, entre-temps...
03:06Il n'y aura pas de correction, on ne reviendra pas en arrière.
03:07Ah, on ne reviendra pas en arrière.
03:09D'ailleurs, heureusement, entre-temps, les salaires, les retraites ont aussi monté.
03:12Et ceux-là ne reviendront pas en arrière.
03:14Mais la hausse est devenue contrôlée, maîtrisée comme nous le souhaitions.
03:20Et alors ça, ça a un certain nombre de conséquences positives.
03:23Ça veut dire que l'euro, qui est notre monnaie commune, est une bonne monnaie.
03:28Je ne sais pas si vous le savez, mais 83 % des Européens, 79 % des Français soutiennent l'euro.
03:33Ça n'a jamais été aussi fort.
03:35C'est un espèce de pôle de stabilité dans ce monde très incertain.
03:39Et puis, nous pouvons baisser les taux d'intérêt.
03:40L'inflation, on va parler dans un instant des taux d'intérêt.
03:43L'inflation qui baisse, est-ce que cela peut aller jusqu'à la déflation, dont certains pointent le risque ?
03:48Parce que la déflation, c'est donc des prix qui baissent.
03:50Et c'est très mauvais, notamment pour les marchés, pour les entreprises, à terme.
03:54Alors non, je ne crois pas à la maladie inverse que serait la déflation.
04:00Je le lis parfois, mais je crois que ce n'est pas une menace aujourd'hui.
04:04Si jamais il y avait un risque, nous aurions, nous, Banque de France, Banque Centrale Européenne,
04:10les moyens d'agir contre cette menace de déflation.
04:14Nous l'avons fait avec succès dans le passé.
04:15Donc, je ne crois pas à ce risque-là.
04:18Il y a d'autres maladies économiques que nous devons soigner.
04:21On en parlera après.
04:22Mais pas la déflation aujourd'hui ?
04:24Non, non, on a vraiment une bonne nouvelle de la victoire contre l'inflation.
04:27La BCE, la Banque Centrale Européenne, dont vous êtes l'un des piliers en tant que gouverneur de la Banque de France,
04:32a donc décidé hier la baisse, pour la huitième fois en un an, de son principal taux directeur, à 2% désormais.
04:39Pour que nos téléspectateurs comprennent, qu'est-ce que ça a comme conséquence concrète pour les Français, pour les ménages ?
04:45Alors, on va prendre la conséquence la plus concrète, c'est le crédit immobilier.
04:50Je suis venu ce matin avec les derniers chiffres que nous avons, c'est-à-dire les chiffres du mois d'avril.
04:55Nous voyons que les taux moyens du crédit immobilier ont encore baissé.
05:02On est en moyenne à un peu plus de 3,1% pour un crédit immobilier, c'est bien sûr une moyenne.
05:07Au début de l'année 2024, au plus haut, on était à 4,2%.
05:11Donc, vous voyez, c'est une baisse très sensible.
05:13C'est le bon moment pour emprunter.
05:15D'ailleurs, les Français empruntent, parce que l'autre chiffre que nous publions,
05:19c'est qu'il y a un volume encore en hausse d'emprunts immobiliers à 12,6 milliards.
05:24Ce qui est intéressant, c'est de comparer avec ce qui se passe ailleurs.
05:28Dans les pays qui n'ont pas l'euro, les ménages payent plus cher leur crédit immobilier.
05:33L'euro protège la capacité à s'emprunter.
05:37Pour vous citer deux exemples très simples, le même ménage anglais,
05:43aujourd'hui, paierait plus de 4,5% de taux de crédit immobilier, 3,1% en moyenne en France.
05:51Et si c'était un ménage américain, plus de 6% en moyenne.
05:54Donc, vous voyez, l'euro permet de se financer dans des meilleures conditions.
05:56Alors, on dit, M. Villeroy de Gallo, que c'est le moment d'emprunter.
05:59Est-ce que ça ne serait pas aussi le moment d'attendre, puisque les taux ne cessent de baisser ?
06:02Il y a un moment où ça va s'arrêter ?
06:03Il y a forcément un moment où ça s'arrêtera.
06:06Et on ne retrouvera pas les taux exceptionnellement bas, autour de 1,5% qu'on avait il y a 4 ans.
06:12Si je regarde ce 3,1%, il est déjà inférieur à la moyenne historique qu'on a connue depuis l'année 2000,
06:19qui était plutôt autour de 3,5%.
06:21M. le gouverneur de la Banque de France, comme d'autres pays européens, mais à un niveau plus élevé,
06:25la France est toujours marquée par le poids de sa dette.
06:29113% du PIB, un déficit que le gouvernement s'est promis de ramener sous la barre des 3% en 2029,
06:35mais on en est quand même très loin.
06:37Est-ce qu'il n'y a pas un sujet franco-français sur la dette,
06:40qui plombe ces bonnes nouvelles, entre guillemets, économiques, que vous nous donnez ce matin,
06:44notamment sur les taux d'intérêt ?
06:46Oui, il y a un sujet. Je vais le dire autrement, nous avons soigné une maladie,
06:51qui était la maladie la plus sensible pour les Français, qui était l'inflation,
06:55mais il nous reste deux mots, M-A-U-X, à guérir.
07:00Il y a un mal français, c'est la dette, vous venez d'en parler,
07:03et puis il y a un mal européen, qui concerne aussi la France, c'est la croissance qui est trop faible.
07:07Sur la dette, nous ne pouvons pas continuer comme cela,
07:11parce que nous devons payer chaque année de plus en plus d'intérêts de la dette,
07:17c'est autant d'argent que nous ne pouvons pas consacrer à notre sécurité,
07:21au climat, à l'éducation, à nos autres priorités.
07:25Et puis...
07:25Un diagnostic, mais le remède ?
07:26Alors, le remède, je crois que quand on se compare aux autres pays européens,
07:30regardons toujours dans cet ensemble qu'est l'Europe,
07:33nous avons un bon modèle social, c'est le même que nos voisins,
07:37mais il nous coûte beaucoup plus cher que nos voisins.
07:419% de ce qu'on appelle le PIB, c'est-à-dire la taille de notre économie,
07:44ça, ça fait plus de 250 milliards d'euros d'écart d'efficacité.
07:48Je crois qu'il faut dépenser mieux et il faut globalement stabiliser
07:53le total de nos dépenses publiques, ce qu'on appelle en volume,
07:57c'est-à-dire après prise en compte de l'inflation.
07:59Quand je dis le total de nos dépenses publiques, c'est qu'il y a l'État,
08:02le fameux budget dont on parle beaucoup avec le gouvernement,
08:05mais il y a aussi les dépenses sociales et les dépenses locales.
08:09Nous avons, on ne le sait peut-être pas assez,
08:11nous avons les dépenses publiques les plus élevées,
08:14pas seulement d'Europe, du monde.
08:16Donc, maintenant, il est temps de les stabiliser en termes réels,
08:20c'est-à-dire après prise en compte de l'inflation.
08:22Ça, ça suppose un effort partagé.
08:24On se met autour de la table, on se retrouve les manches.
08:26C'est l'inverse exact de la méthode Trump qui divise.
08:30Un mot, ne pas toucher aux impôts, c'est Éric Lombard,
08:32le ministre de l'Économie, qui le disait à votre place hier.
08:34Je crois qu'il y a eu des mesures exceptionnelles sur les impôts l'an dernier
08:38parce qu'il le fallait, j'avais d'ailleurs eu l'occasion de le dire.
08:41Mais, vous savez, ce n'est pas pour des raisons politiques ou idéologiques
08:44qu'on parle d'abord des dépenses.
08:46C'est que quand on compare la France à ses voisins européens,
08:49nous avons cet écart d'efficacité sur les dépenses.
08:53Il n'y a pas de raison que nous n'arrivions pas.
08:55Mais il faut un effort qui soit juste et partagé.
08:57Les Français, ils sont légitimement très sensibles.
08:59Tout le monde doit faire sa part de l'effort,
09:01à commencer par les plus favorisés.
09:03Merci beaucoup, M. Villeroy Begalo, gouverneur de la Banque de France.
09:05C'est la suite de Télémata.
09:06Merci beaucoup à tous les deux.
09:07Merci.

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