- 18/06/2025
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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Monsieur Guéret Albert Brun, 27 ans, rencontre Mademoiselle Mathilde Blonde, 24 ans.
00:19On n'a pas le droit, quand on est aussi moyen, taille moyenne, nez moyen, yeux moyens, bouche moyenne, intelligence moyenne, revenu moyen, santé moyenne, et situation au-dessous de la moyenne, d'épouser une femme aussi moyenne, avec une taille moyenne, un nez moyen, des yeux moyens, etc.
00:40Le résultat ? On est un mariage, on ne peut plus moyen, en blanc tout de même, car nous sommes en 1938, dans une guinguette des environs de Rueil, précédant un voyage de noces, très au-dessous de la moyenne, à Trouville.
00:57À la gare Saint-Lazare, tandis que les jeunes mariés agitent leur mouchoir par la fenêtre, la mère de la jeune épousée pleure.
01:05Tous les moyens sont bons pour une belle-mère qui veut jouer son rôle, selon la tradition. Tous les moyens, y compris les larmes. Elle saura en user et en abuser.
01:27Monsieur et Madame Guéret sont des gens dont on a du mal à se représenter l'intimité, du mal à concevoir qu'ils puissent frotter leur regard tendrement et s'appeler « mon chéri » ou « mon amour ».
01:48S'ils le font, ça doit vite dégénérer. « Mon lapin, au revoir, à ce soir. » « Mon minou, tu vas rentrer de bonne heure, j'espère ? » « Oui, mon poussin bleu, mais tu ne vas pas dépenser trop d'argent à ton biqué. »
02:02« Avec ce que tu me laisses, mon trésor, ça m'étonnerait, etc., etc. »
02:06Ce n'est pas qu'ils soient antipathiques, mais ils sont de ces gens à qui leur papa et leur maman, grand-père et grand-mère, le professeur et monsieur le curé ont tout appris, sauf une chose, être heureux.
02:19Ils sont, comme la plupart des gens d'ailleurs, convaincus qu'ils seront heureux lorsque leur mari ou leur femme sera gentil, lorsqu'ils n'auront plus d'ennuis d'argent, ou bien lorsqu'ils auront un enfant, ou bien lorsqu'ils auront la santé, un jardin, la campagne, un travail plus intéressant, un patron sympathique, etc., etc.
02:39Bref, le bonheur est toujours pour demain, c'est-à-dire pour jamais, puisqu'ils n'auront jamais tout ça à la fois.
02:47« Oh, ce n'est pas leur faute. On ne leur a jamais expliqué, et maintenant, il est trop tard. Ils sont définitivement deux êtres irascibles et tendus, survoltés et inquiets. »
03:02Lui, c'est un représentant d'une marque d'apéritif bien connue, mais je tiens à préciser qu'il ne boit pas.
03:08C'est très important pour la suite de l'histoire, et cela prouve qu'il a quand même certaines ressources morales, car il n'est pas facile de rester sobre dans ce métier-là.
03:19La froide Mathilde tient la maison, et mon Dieu, il pourrait avoir la vie moyenne, de la moyenne des Français moyens, mais le drame a été celui-ci.
03:28Lorsqu'après le voyage de noces, après quelques jours ou quelques semaines de vie en commun, ils se voient enfin tels qu'ils sont.
03:36Évidemment, ce n'est pas drôle. C'est toujours un moment difficile à passer, que beaucoup connaissent.
03:44Mais cette épreuve, qui se surmonte généralement, là, ne peut être franchie, parce que M. Guéret, eh bien, il voit double.
03:54Il voit double. Étrange pour un homme qui n'est pas alcoolique.
03:58Oui, en face de lui, il voit deux fois la même femme, deux fois le petit visage pointu, deux fois les frisettes rangées comme les petites cuillères dans le tiroir du buffet,
04:08deux fois le petit sourire énervé.
04:12Il entend deux fois la chasse d'eau dans les waters, deux fois les chansonnettes à la radio, les chaises qui grincent sur le sol de la cuisine, les portes qui claquent.
04:20Le petit personnage petit bourgeois dans son petit manteau marron, un petit col de renard de sa petite femme, il doit le supporter deux fois.
04:30Car sa belle-mère est là, constamment fanée, ridée, grisonnante, mais extraordinairement semblable à sa fille.
04:41Oh, je ne vous raconterai pas comment la barque de ce ménage, liée par la médiocrité, prend rapidement l'eau par le fond, le fond étant, bien entendu, les rapports intimes.
04:53Il n'y a bientôt plus de rapports intimes, c'est-à-dire qu'il reste quelques rapports, mais ils ne sont plus intimes, ou si vous préférez, bien vite, chacun fait ce qu'il a à faire de son côté, comme si l'autre n'était pas là.
05:03D'ailleurs, comment parler d'intimité quand on a épousé la mère en même temps que la fille ? Tant et si bien que bientôt, il n'y a plus de rapport du tout.
05:15Par contre, il y a un fût de cidre qui va jouer un certain rôle dans cette affaire.
05:23Monsieur et madame Guéret l'ont ramené de Normandie vers le début du mois de mars 1946.
05:30Quoi ? Comment ? Vous devez penser, mais...
05:35Et la guerre entre leur mariage en 1938 et l'arrivée du fût de cidre en 1946, il y a tout de même huit années et une guerre.
05:44Mais non. Non, non. Il n'y a pas de guerre pour les guérés.
05:49Il n'y a que leurs petites personnes et leurs petits problèmes, leur petite santé, leur petit train-train, que rien ne peut briser.
05:56Ils sont entrés dans la guerre en se disputant. Ils en ressortent avec un fût de cidre ramené de Normandie.
06:03Depuis longtemps, Mathilde Guéret soupçonne son mari d'avoir une maîtresse.
06:07Depuis longtemps, monsieur Guéret a prononcé le premier mot courageux de toute sa médiocre vie.
06:13Divorce.
06:14Courageux, car il est plus difficile pour un homme comme lui de dire non que oui.
06:19Parce qu'il n'est jamais trop tard pour faire demi-tour, lorsqu'on sait qu'un chemin ne mène nulle part,
06:24parce qu'il faut savoir mettre le feu à la maison lorsqu'on croit qu'elle est maudite.
06:28Il a prononcé ce mot et il a été plus loin. Il a introduit une demande de divorce.
06:33Seulement, Mathilde Guéret refuse.
06:38Je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs, et je suis sûr qu'elle ne le sait pas non plus, sinon parce que sa mère le refuse.
06:44Et sa mère le refuse sans doute parce que le divorce est une défaite pour elle, par sa fille interposée.
06:50Alors donc, cet homme leur échapperait ?
06:52Ha ha ! Je voudrais bien voir ça.
06:55Elles sont deux, il est tout seul, et il parviendrait à se dérober, à fuir le combat.
06:59Pour Mme Guéret et sa fille, la vie, ce n'est que ça, un monotone et triste combat inutile et sans fin.
07:07Non, non, jamais le divorce, dit Mathilde, lorsque Guéret, excédé, lui tord les poignets.
07:12Non, pas de divorce !
07:14Tu divorceras ou tu crèveras, hurle M. Guéret.
07:20Mais il y a le fût de cidre.
07:23Il est là depuis dix jours.
07:25Et maintenant, Mathilde Guéret, excusez-moi, a des diarrhées.
07:30On fait venir le médecin de famille.
07:32C'est un médecin moyen, en costume gris, avec des lunettes, un parapluie.
07:36Il examine Mme Guéret et se tourne songeur vers son mari.
07:40Elle a dû manger quelque chose qui ne passe pas.
07:43Diète et bouillon de légumes.
07:45Quelques jours plus tard, comme la gastralgie de Mathilde est loin de s'apaiser,
07:49on fait revenir le docteur.
07:51Celui-ci demande à M. et à Mme Guéret de surveiller leur nourriture.
07:55Il y a quelque chose dans son alimentation qui ne lui convient pas.
08:00Bien entendu, les scènes entre M. et Mme Guéret sont de plus en plus violentes.
08:04Et l'on entend voler des répliques dans le genre,
08:06« Salaud ! Tu serais bien content que je meure, hein ? Tu serais libre ! »
08:10Ou bien, « Ne me touche pas, tu me dégoutes ! »
08:14Ou bien encore, « Je suis sûr que c'est toi qui m'empoisonne ! »
08:19Un matin, où M. Guéret, voyant souffrir sa femme, se propose de la soigner,
08:23la belle-mère s'exclame, « Laissez-la ! Vous êtes un monstre ! »
08:27Une autre fois, et dans les mêmes circonstances,
08:29c'est Mathilde qui lui lance à la figure une bouillotte d'eau chaude.
08:33Lorsqu'il revient pour la troisième fois, le médecin s'enferme avec Mathilde.
08:38Lorsque Guéret veut entrer dans sa chambre,
08:40le médecin et sa femme cessent leur conversation.
08:43Le lendemain, sa femme, qui le regarde à table, lui ressait sans rien dire du cidre
08:47et boire du vin, remarque, « Tiens, tu ne bois plus de cidre ? »
08:54Ce soir-là, lorsqu'il rentre, il trouve le médecin chez lui,
08:57qui palie légèrement en le voyant,
08:59et s'en va, manifestement gêné et glacé.
09:03Même attitude glacée, pleine de reproches muets de la belle-mère,
09:07même attitude de son beau-père, des beaux-frères,
09:09même la concierge, regarde M. Guéret d'un air bizarre.
09:14Quant à Mathilde, elle déclare du fond de son lit,
09:16exsangue, les yeux bleus presque blancs et infiniment lasse,
09:19donc infiniment pitoyable.
09:22« J'accepte le divorce. Tu peux partir. »
09:27Alors, comme s'il n'attendait que cela,
09:30M. Guéret fait sa valise et s'en va vivre chez ses parents.
09:34Aussitôt commence la ronde des huissiers, des inspecteurs de police,
09:37des facteurs, des avocats, car tandis que le divorce est prononcé
09:40au tort et grief réciproques des deux époux,
09:43l'ex-mme Guéret, redevenue Mathilde Roussin, porte plainte.
09:48Elle porte plainte contre M. Guéret,
09:50qu'elle accuse de tentative d'assassinat.
09:55Ce n'est que le début d'une affaire complètement farfelue
09:57qui va tenir en haleine la police et la magistrature pendant des années,
10:01pour s'achever dans une apothéose de l'absurde.
10:04Les Récits Extraordinaires de Pierre Delmar, un podcast européen
10:15Si ce bonhomme est coupable, il joue bien la comédie, pense le commissaire Godzi.
10:20En effet, M. Guéret, dans un petit costume prince de gale usagé,
10:23agite ses jambes, allume de ses mains tremblantes cigarette sur cigarette
10:27et surtout semble découvrir, avec un étonnement mêlé d'horreur,
10:30les accusations de sa femme.
10:31Bien entendu, il nie, il nie, avec obstination.
10:36Il regarde, un pied de bureau se cramponne au bras du fauteuil,
10:39semble se refermer complètement sur lui-même, comme une huître dans sa coquille.
10:43Il ne voit plus que ce pied de bureau,
10:45qui est là depuis si longtemps qu'il a fini par faire un trou dans le parquet,
10:49et répète sur tous les tons, avec une émonse au contenu,
10:52« Mais c'est faux, voyons, M. l'inspecteur, c'est faux !
10:54Mais ma femme ne sait plus ce qu'elle dit, c'est faux !
10:57D'ailleurs, est-ce que j'ai une tête à empoisonner ma femme ? »
11:01L'inspecteur Gozzi pense justement que cet homme, malgré son air moyen,
11:06si moyen, si monstrueusement moyen,
11:10pourrait bien l'avoir empoisonné sa femme, car il faut bien le reconnaître,
11:13tant que sa femme refusait le divorce.
11:15C'est à peu près tout ce que la société lui proposait comme solution.
11:18N'oublions pas que nous sommes en 46,
11:19et qu'à cette époque, il était très difficile d'obtenir un jugement de divorce
11:23sans le consentement des deux parties, voire impossible,
11:26sans motif et sans argent.
11:28D'ailleurs, ce n'est pas ma femme qui a eu cette idée-là, j'en suis sûr,
11:32reprend M. Guéret, c'est ma belle-mère !
11:35Hélas, non, M. Guéret.
11:38Ce n'est pas la mère de votre ex-femme qui a eu la première ce soupçon.
11:42C'est son médecin.
11:44Vous avez vu le médecin ?
11:46Oui, M. Guéret.
11:47Il n'a pas été extrêmement précis ni formel,
11:51mais il a attribué quand même à l'arsenic les troubles dont souffrait votre femme.
11:57Il lui a d'ailleurs laissé entendre à l'époque,
11:59il lui a même conseillé d'accepter le divorce.
12:03Mais, comment aurais-je fait pour l'empoisonner ?
12:07Votre ex-femme nous a parlé d'un certain fût de cidre.
12:13Le cidre ?
12:15Il n'y a pas de quoi rire, M. Guéret.
12:19Votre ex-femme et sa mère sont formelles.
12:21Vous avez tous bu de ce cidre pendant huit jours,
12:24et puis vous seuls avez brusquement cessé d'en boire.
12:28C'est alors que les malaises de votre ex-femme ont commencé.
12:30Pourquoi avez-vous cessé de boire du cidre, M. Guéret ?
12:34Bien, justement parce que le cidre me donnait la colique, M. l'inspecteur.
12:39Alors, si ma femme prétend que c'est le cidre qui la rendait malade,
12:42c'est bien possible,
12:43mais il n'y avait pas besoin de mettre de l'arsenic dedans.
12:46D'ailleurs, où aurais-je trouvé de l'arsenic ?
12:50C'est ce que nous allons savoir, M. Guéret.
12:53Des experts sont commis, dont le professeur Griffon.
12:58Le fût de cidre ayant disparu depuis longtemps,
13:01ils analysent les cheveux de la plaignante.
13:05L'examen est positif.
13:06Ils révèlent des traces d'arsenic.
13:09On sait que l'arsenic est un poison qui chemine à travers les cellules
13:13avec une vitesse qui est toujours égale.
13:16On peut donc déterminer assez facilement, grâce au niveau auquel le poison est parvenu,
13:21la date à laquelle l'arsenic a été administré pour la première fois.
13:26Or, si l'on tient compte de la longueur dont les cheveux s'allongent,
13:31un centimètre et demi par mois en moyenne,
13:34les résultats de l'expertise correspondent aux accusations.
13:38M. Guéret est donc inculpé de tentative d'empoisonnement par le juge M. Marquiset,
13:43et l'instruction commence.
13:46Au début, tout va mal pour ce pauvre M. Guéret.
13:49Une avalanche de témoins, notamment tous les membres de son ex-belle famille,
13:52s'acharnent à dresser de lui un portrait lucinant.
13:56Comment tant d'égoïsme, de méchanceté, d'avarice, de libertinage, tant de vice,
14:02pourrait-il se loger dans un personnage aussi moyen ?
14:05Pourtant, le juge d'instruction doit bien l'admettre,
14:10M. Guéret avait une maîtresse.
14:11Il voulait divorcer, il menaçait sa femme de la tuer si elle refusait.
14:15Enfin et surtout, le juge d'instruction découvre que M. Guéret peut accéder,
14:20dans un entrepôt de la société qu'il emploie,
14:22à des bonbonnes contenant un produit dératisant, à base d'arsenic.
14:28Cette fois, M. Guéret est à un cheveu de passer devant les assises
14:31pour tentative d'homicide volontaire.
14:34Quand je dis à un cheveu, vous allez voir que c'est le mot exact.
14:37Guéret a pris un avocat, l'un des plus grands, maître Alberno.
14:43Or, maître Alberno n'est pas un grand avocat par hasard,
14:48mais parce qu'il est consciencieux lorsqu'il prend un dossier à cœur
14:50et parce qu'il est curieux de tout.
14:53Cette histoire de cheveux l'intrigue.
14:55Et il demande à sa femme si son coiffeur lui paraît être un homme suffisamment instruit
14:59de son métier et digne d'être invité à dîner.
15:02« Oui ? Alors invitons-le. »
15:06C'est ainsi devant une table élégante que l'avocat dévoile au coiffeur de sa femme
15:09les secrets du dossier Guéret.
15:12« Alors, qu'en pensez-vous ? »
15:14« Ça me paraît vraisemblable, dit le coiffeur.
15:18Les déductions des experts sont logiques, même indiscutables, sauf... »
15:23« Sauf quoi ? »
15:25« Sauf si la femme de votre client se décolore les cheveux. »
15:31Pourquoi ?
15:32Parce que les produits employés pour la décoloration ralentissent de moitié la pousse des cheveux.
15:40Maître Albernaud voit aussitôt le parti qu'il peut tirer de cette révélation
15:45car si les cheveux de l'ex-mme Guéret se sont allongés deux fois moins vite que l'on ne le pensait,
15:50cela reporterait à une période très antérieure à l'arrivée du fulcidre,
15:55le moment où l'arsenic a été absorbé.
15:57Lors d'une réunion suivante chez le juge d'instruction,
16:02maître Albernaud attend avec impatience le moment où il sera question des cheveux de madame ex-guerret.
16:09Elle est là devant lui, avec son petit visage pointu,
16:12surmonté de cheveux blonds,
16:14où les bouclettes sont rangées comme les petites cuillères dans le tiroir du buffet.
16:18Enfin, quand le moment lui paraît venu,
16:22l'avocat, comme s'il s'agissait d'un détail insignifiant,
16:25presque d'une curiosité personnelle, demande
16:27« C'est votre teinte naturelle, madame ? »
16:31Pincée, redressant dans son fauteuil sa petite silhouette,
16:34levant le plus haut possible sa quadruple rangée de petites cuillères blondes,
16:38madame Guéret riposte « Mais bien si ! »
16:41« Vous êtes donc naturellement blonde ? »
16:44« Oui, enfin, je suis blonde. »
16:46L'avocat, qui sent une hésitation, insiste.
16:50« Aussi blonde que vous n'êtes là ? »
16:52« Non, je suis blonde châtain. »
16:55« Châtain ? Avec des reflets blonds, peut-être ? »
16:57« Oui, c'est ça. »
16:59« Vous faites peut-être une légère décoloration ? »
17:01« Oui, et une teinture. »
17:03Ouf !
17:04L'avocat saisit, on peut le dire, la chance par les cheveux.
17:08Les experts sont convoqués et on procède à de nouvelles analyses
17:12avec la correction proposée par le coiffeur
17:13qui s'est avérée scientifiquement exacte.
17:16Or, les calculs indiquent que non seulement,
17:19à l'époque où madame Guéret a absorbé l'arsenic pour la première fois,
17:22le fût de cidre n'était pas là,
17:24mais que les pommes n'avaient pas encore été pressées.
17:27Enfin, l'absorption de l'arsenic se serait produite
17:29pendant une période de six mois
17:31où monsieur et madame Guéret vivaient pratiquement séparés.
17:34Le juge d'instruction hésite dans ces conditions
17:38à présenter aux assises monsieur Guéret
17:39car il lui sera très difficile désormais de prouver sa culpabilité.
17:44Bien sûr, les experts se contredisent,
17:46se battent sur les chiffres,
17:47comparent la longueur des cheveux,
17:49le taux d'arsenic, la date des décolorations, etc.
17:52Tout ce qui en ressort,
17:53c'est qu'éternellement il subsistera un doute
17:55et comme Guéret nie avec une énergie accrue,
17:58le juge d'instruction se voit contraint
18:00de signer un non-lieu en sa faveur.
18:04Mais alors, chers amis,
18:06d'où vient l'arsenic ?
18:07Qui a tenté d'empoisonner l'ex-madame Guéret ?
18:10Qui va être accusé ?
18:13Je te parie un sifflé contre un petit couteau
18:15que tu ne devineras pas, m'a dit Jacques-Antoine.
18:17Eh bien, en effet, chers amis,
18:19jamais je n'aurais pu le deviner,
18:21et vous non plus.
18:22Les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
18:32un podcast européen.
18:34Je vous disais donc, chers amis,
18:35qu'après une bataille d'experts,
18:36le juge d'instruction se voit contraint
18:38de signer un non-lieu en faveur de M. Guéret.
18:40Mais alors, chers amis,
18:41d'où vient l'arsenic ?
18:42Qui a tenté d'empoisonner l'ex-madame Guéret ?
18:45Qui va être accusé ?
18:47Je vous le donne en mille.
18:48Quelques temps après son non-lieu,
18:51M. Guéret dépose contre son ex-femme
18:54une plainte en dénonciation calomnieuse.
18:58Son raisonnement est simple.
18:59Il porte contre sa femme
19:01une monstrueuse accusation.
19:03Elle s'est empoisonnée,
19:06elle-même.
19:07Elle m'avait dit un jour,
19:09assure M. Guéret,
19:10« Non, je ne divorcerai pas,
19:12et s'il le faut, je t'emmerderai jusqu'au bout. »
19:15Je n'avais pas compris ce que ça signifiait.
19:17Maintenant, j'ai compris.
19:19Elle s'est intoxiquée elle-même
19:21en calculant les doses
19:22de façon à être simplement malade.
19:24Puis elle m'a accusé,
19:25elle voulait me perdre.
19:28Ah, comme on en vit la petite souris
19:31qui lui fonde son trou quelque part
19:33dans notre vieux palais de justice,
19:35dans le bureau du juge d'instruction,
19:37à la chance d'assister à la confrontation
19:40de M. Guéret et de son ex-femme.
19:41« Si ce n'est moi, c'est donc toi ? »
19:44s'exclame le mari.
19:45« Moi ? » répond la femme.
19:46« J'aurais couru le risque de mourir.
19:48Je tiens trop à la vie. »
19:50La thèse se défend.
19:52Le dossier est solide.
19:54C'est à la fois très amusant, compliqué et délicat.
19:57Les magistrats, inutile de vous le dire,
19:59ne voient pas sans inquiétude arriver la date
20:00où l'affaire doit être jugée
20:01devant la 17e chambre correctionnelle.
20:04Aussi, les pressions ne manquent pas
20:06pour amener M. Guéret à retirer sa plainte.
20:08Finalement, lorsque l'affaire viendra devant la 17e chambre,
20:13M. Guéret, l'ancien inculpé devenu plaignant,
20:16ne sera pas là pour réclamer la réparation morale du franc
20:21de plus en plus symbolique de dommages et intérêts.
20:24Mais la colère de M. Albernaud fera trembler
20:28la quadruple rangée de petites cuillères blondes
20:31sur la petite tête pointue de l'ex-mme Guéret en larmes.
20:36Elle sera libérée sept jours plus tard,
20:40sans doute pour aller rejoindre ailleurs
20:43un autre M. Guéret, tout aussi moyen,
20:46tout aussi coléreux,
20:47qui, trois semaines après son mariage,
20:51pensera peut-être déjà au divorce.
20:54Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Bellemare,
21:18un podcast issu des archives d'Europe 1.
21:20Réalisation et composition musicale Julien Tarot
21:25Production Estelle Lafon
21:27Patrimoine sonore Sylvaine Denis
21:30Laetitia Casanova
21:32Antoine Reclus
21:33Remerciements à Roselyne Bellemare
21:35Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site
21:39et l'appli Europe 1.
21:41Écoutez aussi le prochain épisode
21:43en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.
21:46Sous-titrage Société Radio-Canada
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