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  • 18/06/2025
À travers le regard du professeur Henri Bismuth se dessine l’histoire d’une spécialité autrefois ignorée : la chirurgie du foie. Un récit de vocation, d’engagement, et de transmission

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Transcription
00:00Il y a une phrase, elle est de Stendhal, qui dit « Quel bonheur d'avoir comme métier sa passion ».
00:06Quand j'étais jeune interne, première intervention devant un ventre ouvert,
00:16je me souviens que le chirurgien qui opérait m'a dit « Cet organe globuleux est sans forme,
00:21il est plein de sang, il ne faut pas y toucher ».
00:24En vérité, à l'époque, on ne faisait pas de chirurgie du foie.
00:27Et pourtant, c'est un organe tellement important.
00:30Il est à la sortie de l'intestin, reçoit tout ce qu'on mange.
00:33Les protéines animales, il les transforme en nos protéines.
00:37Il va nourrir tous les autres organes.
00:39Dans certaines civilisations, la personne aimée, on lui dit « mon cœur », mais plus, c'est mon foie.
00:48J'étais ici, dans cet hôpital Paul-Broux, qui au départ était un hospice.
00:51Il n'y avait aucun service spécialisé.
00:53Il a fait donc que je crée ma clientèle en développant des nouvelles techniques.
00:57À l'époque, on n'avait pas de moyens de dépister les petites tumeurs du foie.
01:02Et là, on a commencé, en trouvant des petites tumeurs, à faire une chirurgie dans laquelle on enlevait des petites parties du foie bien réglées,
01:09ce qu'on appelle les segments du foie.
01:11Toute cette chirurgie atomique, qui était nouvelle, a permis de développer la chirurgie de cet organe.
01:16Ensuite est venue la transplantation hépatique.
01:18Petit à petit, j'ai associé les deux.
01:20J'ai dit et j'ai montré que c'est les chirurgiens du foie qui faisaient la transplantation hépatique.
01:25Ce qui est le cas maintenant dans presque tout le monde.
01:31Au début, j'avais un foie trop gros.
01:34Le greffon était trop gros.
01:35Pour rentrer dans le foie, je me suis dit « c'est très simple, je vais faire une hépatectomie,
01:39c'est-à-dire enlever une partie du foie pour le faire plus petit ».
01:41Et j'étais le premier à faire ça.
01:43On appelait ça le foie réduit.
01:45Et ça a été une innovation surtout importante pour les enfants.
01:48Un enfant, vous savez, de 4 ans et de 2 ans, ce n'est pas la même taille du foie.
01:51Pour un enfant de 2 ans, il fallait attendre que le greffon que l'on trouve provienne d'un enfant de 2 ans.
01:57À l'époque, la moitié des enfants mouraient en liste d'attente.
02:00Et moi, quand j'ai eu le premier enfant à transplanter, je dis « on ne va pas attendre ».
02:07Moi, je voulais quelque chose qui était dans ma philosophie.
02:10C'est-à-dire d'intégrer autour du malade tous les spécialistes.
02:15Un malade entre dans un hôpital, généralement, il va dans un service de médecine.
02:19Celle de médecine, on fait le diagnostic, donc on débrouille son cas.
02:23Et si nécessaire, on le confie au chirurgien.
02:25Et j'ai montré que c'était une perte de temps et également une perte de moyens.
02:29À partir du moment où il a une infection chirurgicale, il faut qu'il a une chirurgie.
02:33Et le chirurgien va développer les moyens diagnostiques uniquement nécessaires à l'intervention projetée.
02:39Et donc, on a créé ici une équipe.
02:42Donc, très tôt, j'ai eu un hépatologue.
02:44Ensuite, un radiologue spécialisé dans le foie.
02:46Ensuite, un oncologue, un réanimateur, un anesthésiste.
02:49Et le malade rentrait et se trouvait d'emblée, le premier jour, avec une équipe.
02:54Qui choisissait d'emblée le meilleur traitement.
02:56Qui n'était pas forcément chirurgical.
02:58Mais il y avait une discussion.
02:59Le département que j'avais ici, qui était un département de chirurgie,
03:03je l'ai transformé en un département des maladies du foie.
03:06J'appelais ça l'hôpital horizontal.
03:07Mon seul objectif, c'était d'offrir au malade ce qu'il y a de mieux.
03:15De mieux dans le domaine de mes connaissances.
03:17Ce n'est pas simple.
03:18Parce qu'il faut d'abord s'acharner à mettre à jour ses connaissances.
03:23Par les congrès, par les lectures.
03:25Et surtout par sa propre expérience.
03:26Il faut toujours écouter le malade.
03:28Des fois, je dis, le malade, il a toutes les vérités.
03:31Il y a une très belle phrase que je cite dans mon livre.
03:34« L'amour du métier, c'est le respect d'autrui. »
03:37Et celui qui a dit cette phrase, c'est Hippocrate.
03:39Un chirurgien doit avoir ça comme objectif.
03:43Un homme vient, une femme, ici, dans ce bureau.
03:47Et en fait, il vous dit quoi ?
03:48Je me confie à vous.
03:50Il vous confie ce qu'il a de plus précieux.
03:52Son corps, sa vie.
03:54C'est extraordinaire.
03:54Et cette responsabilité, quand on l'apprend, quand on l'assume, on veut faire le mieux pour lui.
04:04C'est la passion.
04:05Il y a une phrase, elle est de Stendhal, qui dit « Quel bonheur d'avoir comme métier sa passion. »
04:11Je passe à l'hôpital, plus de la moitié de ma vie.
04:13Si on s'ennuie à faire ce métier, il ne faut pas le faire.
04:16On est chirurgien de quelque chose.
04:21Et donc, il faut qu'il choisisse sa spécialité.
04:23On ne fait bien que ce qu'on aime.
04:25Donc, il faut choisir ce que tu aimes.
04:26Puis, il faut savoir également, le temps qu'on veut y consacrer, c'est aussi très important.
04:30Maintenant, ce que je comprends très bien, qu'il n'était pas mon exigence à l'époque,
04:34je demandais aux jeunes convainateurs, quand ils étaient ici, de se consacrer en totalité.
04:39Leur vie, c'était l'hôpital et c'était les malades.
04:43Maintenant, on a changé de culture, ce n'est pas ça.
04:45Donc, il faut qu'ils adaptent.
04:47Il y a des spécialités, certainement, plus exigeantes que d'autres.
04:51Ici, on vous appelle à 2 heures du matin parce qu'il y a une opération à faire
04:55ou une transplantation qui va prendre 12 heures,
04:57qui vous fait supprimer une partie de votre vie active.
05:00Les tempéraments sont différents, les caractères sont différents,
05:03les spécialités chirurgicales sont différentes.
05:05Il faut bien choisir.
05:06Mais c'est un métier passionnant par le travail d'équipe, la difficulté du malade,
05:11l'attachement et le travail nécessaire pour donner un bon traitement au malade.
05:15L'évolution des connaissances.
05:19J'utilise souvent le mot passion.
05:22La passion, c'est l'engagement.
05:23C'est l'engagement volontaire.
05:24Ce n'est pas un engagement obligatoire,
05:26c'est un objet que vous ressentez, qui est en vous.

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