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Thomas Pesquet, astronaute à l’ESA, était l'invité de Sonia Devillers lundi 9 juin, à l'occasion de l'ouverture du sommet des Nations unies sur les océans.

Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

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Transcription
00:00Sonia De Villers, votre invitée, est astronaute premier français à avoir commandé la Station Spatiale Internationale.
00:06Alors en plein sommet de l'ONU pour les océans, cela vous paraîtra peut-être incongru.
00:11Et pourtant, lorsqu'il était là-haut, à 400 km de nous au milieu des étoiles,
00:16lorsque la Terre n'était plus qu'une bille bleue, il avait photographié nos océans et ses images étaient à couper le souffle.
00:23Bonjour Thomas Pesquet.
00:25Bonjour Sonia.
00:25France Inter, vous êtes déjà eu en direct de l'espace, là vous êtes en direct de Nice.
00:30C'est un peu moins spectaculaire, mais on est très heureux de vous entendre.
00:34Alors pour ceux qui n'ont jamais vu les photographies dont je parle, est-ce que vous pourriez en décrire quelques-unes ?
00:40C'est important parce que c'est ce que vous avez vu à l'œil nu, pas grâce aux satellites, à l'œil nu.
00:46Non, absolument, il y a vraiment deux effets de la vue vers l'espace.
00:50Il y a l'effet scientifique, les données qu'alimentent tous les scientifiques, soit photographiques ou autres.
00:55Et puis il y a le point de vue que j'ai essayé de partager pendant ma mission, qui est plus humain, qui fait plus appel à l'émotion,
01:01mais où on voit la fragilité de la Terre, évidemment, et la fragilité de l'océan.
01:05Malheureusement, on voit des choses très très belles, on voit des camélieux de bleu un peu partout,
01:09mais on voit aussi la pollution liée à l'activité humaine.
01:13Mais c'est aussi un petit peu pour ça que je suis là aujourd'hui à Nice.
01:14C'est ça. C'est-à-dire qu'en fait, on voit à l'œil nu depuis là-haut la surpêche, on voit la fonte des glaciers,
01:21on voit le trait de la côte qui évolue ?
01:24On voit ces choses-là, oui. Alors effectivement, il faut faire attention d'être capable de conclure scientifiquement.
01:29Donc vraiment, on s'appuie sur les données des satellites, c'est important.
01:32Mais moi, je rajoute ce petit point de vue-là.
01:33Entre mes deux missions, j'ai pu voir des différences.
01:37Alors deux points de données, ce n'est pas suffisant pour conclure,
01:39mais ça confirme ce qu'on voit aussi avec nos flottes de satellites,
01:42qu'ils soient européennes, françaises ou internationales, qui étudient tout ça.
01:45L'océan aujourd'hui, c'est un peu le parent pauvre de la recherche scientifique
01:49et pourtant c'est extrêmement important.
01:51C'est un poumon de la planète, c'est une réserve de biodiversité.
01:54Donc on va parler de tout ça cette semaine et puis essayer de prendre des mesures fortes.
01:57C'est ça. Alors est-ce que c'est de ces voyages dans l'espace
02:00qu'est née justement cette conviction de l'état d'urgence dans lequel se trouvent nos océans,
02:06de votre envie de vous y impliquer ?
02:09Oui, je pense que c'est vraiment ce recul qu'on prend sur la planète
02:12qui permet de mettre un peu à une échelle qu'on peut percevoir tout bêtement,
02:16une échelle plus humaine, des problèmes qui d'habitude nous dépassent
02:19parce que globalement, il se passe à des échelles de temps ou des échelles géographiques
02:22qu'on n'arrive pas vraiment bien à appréhender.
02:25Parce qu'on est assez limité évidemment dans ce qu'on peut percevoir, dans ce qu'on peut imaginer.
02:29Et puis voilà, c'est la réalisation d'une conscience environnementale que j'avais un petit peu avant.
02:34On n'est pas à l'environnement quand on va dans l'espace, c'est pas suffisant.
02:37Il n'y a pas de coup de baguette magique, mais ça peut vraiment exacerber cette tendance-là.
02:42Et c'est ce qui s'est passé pour moi depuis le retour.
02:44Alors pas à 100% de mon temps, parce que j'ai encore beaucoup de choses à faire à l'Agence Spatiale Européenne.
02:50Mais alors justement, c'est le lien entre les deux qui est intéressant de sculpter avec vous.
02:55Parce que vous rejoignez Nice dans le cadre de Space for Ocean Alliance, une initiative pour renforcer le rôle du spatial dans la préservation des océans.
03:04Alors justement, quel rôle jouent les satellites à l'heure actuelle dans l'observation et la préservation des océans ?
03:13C'est un rôle primordial en fait. Les satellites et le rôle des agences spatiales en premier lieu, avant l'exploration, c'est vraiment d'ausculter la planète.
03:20On n'a pas une flotte de bateaux tous les 200 mètres pour mesurer la température dans l'océan Pacifique, qui est évidemment beaucoup trop grand.
03:25Par contre, on a des satellites qui ont une mesure répétitive tous les jours dans les mêmes conditions,
03:29qui nous permettent d'avoir gratuitement ces données qui sont diffusées à tous les scientifiques.
03:33C'est grâce au spatial qu'aujourd'hui, on sait qu'on a le changement climatique.
03:37On ne serait même pas au courant si on n'avait pas toutes ces données, toutes ces variables climatiques essentielles.
03:39C'est ça. 80% des indicateurs actuels suivis par le GIEC sont fournis par le spatial.
03:45Oui, exactement. Et 50% uniquement par le spatial.
03:48Donc, c'est-à-dire qu'on n'a pas d'alternative et c'est pour ça qu'il faut qu'on travaille ensemble.
03:52C'est pour ça que les agences spatiales s'ouvrent de plus en plus et c'est bien.
03:54C'est pour ça que le CNES a cette initiative, s'ouvre de plus en plus à cette coopération avec tous les acteurs,
03:59pas seulement ceux du spatial, mais ceux de l'environnement en général, ceux de l'agriculture et ceux des océans.
04:04Alors, bateau néanmoins, vous êtes le parrain de la Tara Polar Station,
04:09qui est un navire scientifique qui, en 2026, partira pour l'Arctique,
04:13afin d'étudier l'impact du dérèglement climatique.
04:16Alors, c'est un bateau qui est conçu pour se faire prendre dans la glace et puis dériver en Arctique.
04:21À bord de ce navire, il va y avoir un équipage qui va vivre dans un milieu extrême
04:26pour un projet scientifique unique, totalement inédit.
04:30Quelles sont les missions de ce navire, Thomas Pesquet ?
04:33C'est d'étudier le changement climatique là où il a le plus d'impact,
04:37c'est-à-dire au pôle, que ce soit en Arctique ou en Antarctique.
04:40On a un effet qui est démultiplié.
04:42Et puis, c'est dans ces endroits-là que, vraiment, on va avoir un peu les signes précurseurs
04:45de ce qui va nous arriver à nous un petit peu plus tard.
04:47Et c'est important de le savoir quand même, parce que, mine de rien,
04:49cette trajectoire-là, elle est assez inquiétante.
04:52Ce qu'on voit bien, c'est que la science, moi, je trouve, c'est de l'exploration.
04:54Quand on fait de la recherche, souvent, ça implique d'aller se mettre
04:57dans des milieux un peu extrêmes, que ce soit dans l'espace, dans les pôles,
05:00en Antarctique, il y a des gens qui étudient le climat.
05:02Parce que pour vous, il y a des points communs entre une mission spatiale
05:06et une mission dans l'Arctique ?
05:07C'est presque la même chose, en fait.
05:09Ils vont, je dis on va, mais ils vont, peut-être que j'espère y aller un jour,
05:12on verra, mais ils vont être isolés pendant 6 à 9 mois,
05:16sans possibilité vraiment d'être secourus s'il y a quoi que ce soit.
05:19Ils vont vivre en autarcie, dans un milieu extrême.
05:21Ils vont avoir besoin de la technologie pour s'en protéger.
05:24Et pour être capable d'évoluer dans ce milieu, un petit peu comme nous.
05:27Et puis tous les jours, leur quotidien va être rythmé par les expériences scientifiques,
05:30qu'elles soient sur la nature, sur le climat, sur la faune, sur la biodiversité.
05:34Donc ça va être un mix entre science, exploration et aventure.
05:37C'est un peu ce qui a caractérisé mes missions à moi aussi.
05:39Thomas Pesquet, depuis l'arrivée de Donald Trump au pouvoir aux Etats-Unis,
05:43la NASA vit la plus importante crise de son histoire.
05:46Les coupes budgétaires sont drastiques.
05:48Elles mettent en péril des dizaines de missions spatiales.
05:51Il n'y a toujours personne, d'ailleurs, à la tête de la NASA depuis six mois.
05:54Quel regard vous portez sur ce qui est en train de se passer ?
05:57Et quel impact pour nous, les Européens ?
06:00L'impact, il est majeur.
06:02Parce que les missions spatiales se font traditionnellement en coopération.
06:06C'est des choses où on essaie de partager les budgets, évidemment,
06:08pour le faire le plus efficacement possible.
06:10C'est aussi un milieu où il n'y a pas de frontières.
06:12Donc c'est quand même beaucoup plus simple de faire ça tous ensemble.
06:15On a vu que la géopolitique nous impacte de tous les côtés.
06:18Que ce soit la Russie, qui était un partenaire traditionnel de l'exploration spatiale.
06:22La Chine, c'est peut-être un peu compliqué de travailler avec eux.
06:24Et aujourd'hui, les Etats-Unis, on retire un peu le tapis sous les pieds.
06:27On va être impactés dans tous nos programmes européens.
06:29Moi, ce que j'essaie de dire, sans naïveté,
06:31c'est que c'est peut-être aussi une chance pour l'Europe de s'unir un petit peu.
06:34L'aventure spatiale, ça a toujours été quelque chose
06:36qui permet d'avoir un but commun,
06:38qui permet de s'allier, peut-être qu'aujourd'hui,
06:40d'avoir un programme spatial un peu plus ambitieux ensemble au niveau européen.
06:45Donc l'agence spatiale européenne doit développer sa propre infrastructure
06:47pour le transport spatial habité, par exemple ?
06:51Il y a des décisions qui doivent être rendues dans les mois qui viennent.
06:54Il y a des décisions qui vont être rendues.
06:55Je pense que l'accès à l'espace stratégique,
06:57on l'a vu avec Ariane, c'est primordial.
06:59Il faut être capable de lancer nos propres satellites.
07:01On ne peut pas se permettre d'avoir quelqu'un qui nous autorise ou ne nous autorise pas.
07:04On voit bien comme les gens changent d'avis assez rapidement, apparemment, en ce moment.
07:07Elon Musk, c'est ça ?
07:08Voilà, à d'autres endroits. Je fais référence à personne,
07:11mais je pense que c'est clair pour tout le monde.
07:13Parce que vous, vous avez voyagé dans la fameuse capsule Dragon d'Elon Musk,
07:16que Elon Musk menace de ne plus mettre à disposition de la NASA.
07:20C'est le taxi qui emmène à la Station Spatiale Internationale.
07:23Vous l'avez emprunté, Dragon ?
07:25Exactement. Moi, j'ai pris le Dragon.
07:26On a l'impression que ça change toutes les heures en ce moment.
07:28Donc je pense qu'il faut sécuriser un petit peu notre politique spatiale.
07:32On a l'accès à l'espace.
07:33Maintenant, ce qui nous manque un petit peu, cette brique-là,
07:34c'est comment envoyer des humains du cargo vers des infrastructures en orbite basse.
07:39On a d'autres partenaires pour le futur.
07:41On s'est rapproché un petit peu de l'Inde,
07:42qui a des grandes ambitions pour le spatial et pour l'exploration.
07:46Mais ne serait-ce que pour l'exploration robotique de Mars,
07:48robotique de la Lune, etc.
07:50Il faut arriver à se reconfigurer avec nos partenaires japonais, canadiens, indiens,
07:54et essayer, en tant qu'Européens, d'être un peu plus leader.
07:57Merci Thomas Pesquet.
07:59Merci.
08:00Merci à vous.

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