- 30/05/2025
À la fin des années 1980, les sanctions économiques et les mobilisations de masse commencent à porter leurs fruits et le régime sud-africain est de plus en plus isolé. Sous la pression croissante de la communauté internationale, Nelson Mandela est enfin libéré en 1990, après vingt-sept ans d’emprisonnement.
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DiversãoTranscrição
00:00L'apartheid m'a tout pris.
00:08A 13 ans, j'ai assisté aux auditions de la TRC.
00:16Pour la première fois, j'ai vu les coupables et entendu comment ça s'était passé.
00:21Mes parents ont été assassinés par des Blancs.
00:23J'étais à la maison quand ils sont venus les tuer.
00:26Je dormais et à mon réveil, ils étaient morts.
00:30Après avoir travaillé avec Richard Mattassi,
00:33il a dû réplacer le pilote sur son tête.
00:36J'ai l'a fait 4 fois avec un AK-47.
00:41Vous imaginez un gamin de 13 ans qui entend ça ?
00:47La TRC voulait qu'on oublie et qu'on vive ensemble en paix.
00:53Mais comment voulez-vous que je pardonne à quelqu'un qui a tué mes parents ?
01:00En 1994, Nelson Mandela devient le premier président noir d'Afrique du Sud
01:12et met en place la Commission Vérité et Réconciliation, la TRC, suivant ses initiales anglaises.
01:18Le nouvel État veut prouver au monde que les horreurs de l'Apartheid appartiennent désormais au passé.
01:25Mais 30 ans plus tard, les blessures restent ouvertes, les coupables se dérobent.
01:31Les gens comme moi, les tueurs, nous devons parler.
01:35Les crimes de l'Apartheid sont trop longtemps restés sous le tapis.
01:38Les victimes, elles, sont toujours en quête de vérité et de justice.
01:45Il fallait que ça tombe sur quelqu'un. Le destin m'a choisi.
01:50Des témoins ont accepté de raconter leur histoire et dévoilent le vrai visage de l'Apartheid.
01:59Il y a tellement de questions qui restent sans réponse.
02:02Notre pays ne pourra pas avancer tant que nous n'aurons pas fait toute la vérité sur l'Apartheid.
02:08A la fin des années 80, les sanctions économiques, les mobilisations de masse
02:37et des concerts comme celui de Wembley à Londres ont fait leur effet.
02:41Le régime sud-africain est de plus en plus isolé.
02:44La communauté internationale fait pression sur le Premier ministre Frédéric de Klerk
02:48pour qu'il légalise l'ANC, le Congrès national africain,
02:52et libère son dirigeant Nelson Mandela.
02:54La pression internationale était énorme.
02:59Le mouvement anti-Apartheid a gagné le monde entier
03:04et c'est devenu la plus grande manifestation de solidarité de l'histoire.
03:11Il a joué un rôle crucial.
03:12C'est lui qui a scellé le sort de l'Apartheid.
03:20Pour la première fois,
03:22les Blancs qui défendaient le système et qui en profitaient
03:24se sont mis à douter.
03:27Ils ont compris que ce système ne serait peut-être pas éternel.
03:30J'ai participé à la réunion
03:38à laquelle s'est décidée la libération de Mandela.
03:41J'étais une des rares personnes dans le secret.
03:44Comme les Sud-Africains ne se doutaient de rien,
03:47ça a été un coup de théâtre,
03:49voire un choc pour certains.
03:52Différentes raisons ont conduit à cette décision.
03:55D'une part, il y avait la pression internationale,
03:58les boycotts et les sanctions.
04:00qui ont acculé le parti national au pouvoir.
04:04On était pris dans le piège de la dette,
04:06ce qui empêchait de fonctionner normalement.
04:09Et d'autre part,
04:11les émeutes se multipliaient dans le pays
04:13depuis quelques années.
04:14Certaines régions devenaient ingouvernables.
04:33Les blancs ont commencé à comprendre
04:36que ça ne pouvait pas continuer comme ça.
04:38Il fallait libérer Mandela.
04:42Il a déclaré lui-même
04:43de faire une contribution
04:44à le processus politique politique
04:48en Sud-Afrique.
04:49Le gouvernement va prendre une décision
04:51bientôt sur la date de son release.
04:53Aucun de nous ne l'avait jamais rencontré.
05:00Quand il a été incarcéré en 1962,
05:04j'avais trois ans.
05:05Declare qu'a annoncé la légalisation
05:11d'un certain nombre d'organisations
05:13et la probable libération de Mandela.
05:15Quel moment extraordinaire.
05:21Ça a fait l'effet d'un Big Bang.
05:24Des foules entières sont sorties dans la rue.
05:29Elles dansaient, elles chantaient.
05:32On était euphoriques.
05:39Et les gens se sont excités.
05:46On était collés à nos télés.
05:48La libération se faisait attendre.
05:51À chaque fois, on nous assurait
05:52qu'il allait apparaître
05:53et il ne se passait rien.
05:55On se méfiait des Blancs.
05:56Est-ce qu'il allait réellement sortir ?
05:59J'étais jeune et je pensais vraiment
06:01qu'on assistait à la naissance
06:02d'une nouvelle Afrique du Sud.
06:15Il y avait une joie immense, bien sûr.
06:18Mais en même temps,
06:20on avait du mal à croire
06:21qu'ils allaient vraiment libérer
06:22toutes ces personnes,
06:24y compris Mandela.
06:28On ne pensait pas que cet événement
06:30arriverait de notre vivant.
06:32C'était presque inconcevable.
06:37Quand il est arrivé devant l'hôtel de ville,
06:39il est passé juste devant moi.
06:41J'étais très impressionnée.
06:42C'était la première fois que je le voyais.
06:44Il était élégant, digne, chaleureux,
06:51souriant,
06:53presque un peu irréel.
07:01Une fois Mandela libéré,
07:03il n'était plus possible de revenir en arrière.
07:06Il aurait pu appeler le peuple à la révolte
07:15et semer le chaos.
07:21Nous étions une minorité
07:22qui opprimait la majorité
07:23depuis tant d'années.
07:25Alors, il fallait s'attendre à tout.
07:34On nous avait appris
07:35que c'était un terroriste.
07:36L'ennemi public numéro un,
07:38juste en dessous du diable.
07:41Le mal incarné.
07:42Donc, je craignais le pire.
07:48Il aurait pu dire
07:49« Prenons les armes,
07:51allons massacrer l'occupant ».
07:54Et pourtant,
07:56il a commencé son discours
07:57par ces mots
07:58« Jetez vos armes à la mer ».
08:00J'ai compris à ce moment-là
08:02que cet homme
08:02allait nous apporter la paix.
08:04« France !
08:06France !
08:09Je vous prends !
08:12Les africaners
08:17les plus à droite
08:17n'ont rien voulu entendre.
08:21Pour eux,
08:22Mandela restait un terroriste,
08:23un tueur de blanc.
08:25Sa libération
08:26a immédiatement provoqué
08:27des réactions très hostiles.
08:30Ils étaient furieux
08:31qu'on les fait sortir de prison.
08:34Anxieux de perdre le pouvoir,
08:37des cadres du régime
08:38vont manœuvrer en coulisses
08:39pour diviser la population noire
08:40en attisant la rivalité
08:42entre l'ANC
08:42et son principal concurrent,
08:44le parti Inkata
08:45de la liberté.
08:47La violence entre noirs
08:48explose.
08:52On estime que les affrontements
08:57entre l'ANC
08:57et l'Inkata
08:58ont fait entre 14 000
08:59et 16 000 morts.
09:01L'implication de l'État
09:16ne fait pas vraiment de doute.
09:18Il a pris parti
09:19pour l'Inkata
09:20et il a armé
09:21et entraîné
09:22ses militants
09:22pour qu'ils combattent
09:23l'ANC.
09:24Le régime voyait
09:25dans l'Inkata
09:26une alternative
09:27moins dangereuse
09:27pour ses propres objectifs.
09:29La plupart des cadres
09:31du régime
09:31essaient aujourd'hui
09:32de nier leur implication
09:33dans les crimes
09:34de l'Apartheid.
09:36Chapi Klopper
09:36était un simple exécutant
09:38mais il est disposé
09:39à tout dire.
09:40L'ancien agent
09:41de l'escadron de la mort
09:42Vlac Plas
09:43dirigé par Eugene Decoq
09:44se souvient notamment
09:46d'une livraison d'armes
09:47aux rivaux de l'ANC.
09:48C'était la guerre
09:50entre l'Inkata
09:51et l'ANC.
09:53Notre mission
09:54était d'entretenir
09:55le conflit
09:56et de renforcer
09:57la position de l'Inkata
09:58pour qu'il domine
09:59son rival.
10:01Ils devaient
10:02les combattre
10:02par tous les moyens
10:03en tuant
10:04leurs adversaires.
10:07On leur livrait
10:08tout un éventail
10:08d'armes.
10:09Decoq a d'abord
10:15organisé un chargement
10:16d'AK-47
10:17qu'on a transporté
10:18à Vlac Plas.
10:19Plus tard,
10:20on y a ajouté
10:21des R-1,
10:21des R-4,
10:22des R-5
10:23et encore d'autres
10:24fusils automatiques
10:25AK-47.
10:26J'ai moi-même
10:27remis les armes
10:28à des représentants
10:28de l'Inkata.
10:31De qui venait l'ordre ?
10:33Des généraux.
10:34Un ordre comme ça
10:35ne peut venir
10:36que d'en haut.
10:39Après notre livraison,
10:44le nombre de morts
10:45à l'ANC
10:46est monté en flèche.
10:53Alors que les représentants
10:54des deux principaux partis,
10:56le parti national
10:56et l'ANC,
10:57négocient la transition
10:58politique,
10:59le pays est au bord
11:00de la guerre civile.
11:02Mandela se sent trahi
11:03par de Klerk.
11:04Je suis convincé
11:09que nous n'allons plus
11:11dealing avec
11:12simple human beings
11:14mais animaux.
11:16Nous ne l'allons pas
11:17oublierons
11:17ce que le parti
11:21et l'Inkata
11:25du Parti
11:26ont fait
11:28pour notre peuple.
11:29Je n'ai jamais vu
11:30ce cruelté.
11:32En juin 92,
11:36l'ANC a annoncé
11:37qu'il rompait
11:37les négociations.
11:39Ça a été
11:39une déflagration.
11:42Je venais
11:43d'être nommé
11:43négociateur en chef
11:44un mois plus tôt
11:45et tout à coup,
11:46sans crier gare,
11:47Mandela décidait
11:48de tout arrêter
11:49en expliquant
11:50qu'il ne faisait
11:50plus confiance
11:51au parti national.
11:52Nous avions des preuves
12:00que des éléments
12:01de l'appareil
12:02de sécurité
12:02fomentaient la violence.
12:05Ils sabotaient
12:05le processus
12:06de transition.
12:09Mon domicile
12:10a été la cible
12:11de deux attentats
12:12à la bombe.
12:15Mon frère
12:16a disparu
12:17à cette époque
12:17et je ne sais
12:19toujours pas
12:19ce qu'il est devenu.
12:20Il y a eu
12:23des explosions
12:24dans nos bureaux.
12:27Nous avons donc
12:30invité
12:30les responsables
12:31de la sécurité
12:31intérieure
12:32au siège
12:33de l'ANC.
12:35Nous leur avons
12:37expliqué
12:37qu'au vu
12:37des événements
12:38violents
12:38qui secouaient
12:39le pays,
12:40l'ANC
12:41allait certainement
12:42gouverner seul
12:42après les prochaines
12:43élections.
12:46Et que s'ils
12:49ne mettaient
12:49pas le haut là,
12:50nous allions
12:51arrêter
12:51de perdre
12:52notre temps
12:52à discuter
12:53des conditions
12:54d'amnistie.
12:58L'amnistie,
12:59il fallait
13:00qu'ils la méritent
13:01en montrant
13:02que leur volonté
13:03de servir
13:04la Nouvelle Afrique
13:04du Sud
13:05était sincère.
13:07L'un des responsables
13:09nous a répondu
13:10« Je vous ai
13:12entendu,
13:14s'il vous plaît,
13:14laissez-moi
13:15parler à mes gars. »
13:18Cette même nuit,
13:20ils ont rappelé
13:21une grande partie
13:21de leurs équipes.
13:24Et ça a marché
13:25puisque les actes
13:26de violence
13:26ont nettement
13:27diminué.
13:31Parallèlement
13:31à ce coup de semence,
13:33l'ANC reprend
13:33secrètement
13:34les négociations
13:35avec le parti national.
13:36Mon téléphone
13:41a sonné.
13:42C'était Cyril.
13:44Il m'a demandé
13:45« Quand est-ce
13:46qu'on peut se voir ? »
13:50Avec l'aval
13:51de Mandela
13:52et de De Klerk,
13:53nous avons repris
13:54les discussions
13:54dès le lendemain.
13:56Elles ont duré
13:57trois mois
13:57sans interruption.
14:02Elles étaient
14:02top secrètes
14:03au départ.
14:04Absolument
14:05personne n'était
14:05au courant.
14:06Nos rencontres
14:09se tenaient
14:10à huis clos
14:10dans différentes maisons
14:11à Pretoria
14:12et à Johannesburg.
14:16Nous étions
14:16très peu nombreux
14:17d'un côté
14:18comme de l'autre.
14:19On a surnommé
14:20cette voie officieuse
14:21le canal.
14:22Comme on peut
14:23l'imaginer,
14:24l'ANC posait
14:25ses exigences,
14:26ce qui rendait
14:27les négociations
14:28délicates.
14:32Certains soirs,
14:33les deux équipes
14:33quittaient
14:34la table de négociation
14:35sont aussi mécontentes
14:37l'une que l'autre.
14:41Et pourtant,
14:42le lendemain,
14:44on s'y remettait
14:45parce qu'il fallait
14:46trouver une issue.
14:48On n'avait pas le choix.
14:49Et un soir,
14:54on a réussi
14:54à se mettre
14:55d'accord
14:55sur une constitution
14:56de transition.
14:58Elle a été signée
14:59au milieu de la nuit.
15:06Pendant qu'on trinquait
15:07et qu'on célébrait
15:08ce moment,
15:11un journaliste
15:12est venu me voir.
15:12qu'est-ce que
15:14vous êtes en train
15:14de fêter ?
15:16Vous venez
15:16de sceller
15:16la fin
15:17des privilèges
15:18et des droits
15:18des Blancs.
15:24Les négociations
15:25débouchent
15:25sur un gouvernement
15:26d'unité nationale.
15:28En 1994,
15:30Nelson Mandela
15:30devient le premier
15:31président noir
15:32d'Afrique du Sud.
15:33J'ai écrit
15:50une lettre
15:51à M. Mandela
15:52dans laquelle
15:52je lui exprimais
15:53ma joie
15:54mais aussi
15:54ma profonde tristesse
15:55parce qu'il avait
15:56subi 27 années
15:57d'emprisonnement
15:58et que mon grand-père,
16:01l'architecte
16:01de l'Apartheid,
16:02en était foncièrement
16:03responsable.
16:06Je lui ai aussi écrit
16:07que je ne pouvais
16:08pas m'excuser
16:08pour mon grand-père
16:09mais que j'étais
16:11profondément désolé
16:12de ce qui s'était passé
16:13et que je voulais
16:14consacrer ma vie
16:15à construire
16:16une autre Afrique du Sud.
16:19Je n'ai jamais
16:20eu de réponse.
16:24Deux ans plus tard,
16:25environ,
16:26on m'a invité
16:28à une rencontre
16:28avec M. Mandela.
16:30Quelqu'un m'a présenté
16:31en tant que petit-fils
16:32de Fairward.
16:35J'allais me mettre
16:36à parler
16:36quand il m'a interrompu
16:37et m'a dit
16:38« Est-ce que je peux
16:40vous poser une question ?
16:42Comment va votre grand-mère ? »
16:46J'ai répondu
16:46qu'elle allait bien,
16:47qu'elle avait 96 ans
16:48et qu'elle vivait
16:49à Orania.
16:51C'est là qu'il a ajouté
16:52« Puis-je vous demander
16:53de lui transmettre
16:54mes salutations
16:55si elle n'y voit
16:56pas d'inconvénients ? »
16:59J'étais un peu interloqué,
17:00ça avait l'air sincère.
17:02J'ai transmis le message
17:03à ma grand-mère
17:03et elle m'a dit
17:04qu'il était le bienvenu
17:05pour prendre un thé
17:06si jamais il était
17:06dans les parages.
17:08Et Mandela est monté
17:09dans un hélicoptère
17:10et il est venu prendre
17:12le thé chez ma grand-mère
17:13à Orania.
17:15Mandela se rend ainsi
17:16dans le bastion
17:17du nationalisme africaner
17:19pour rencontrer
17:20Betsy Fervord.
17:22C'était un grand geste
17:24symbolique
17:25comme il y en a eu d'autres.
17:28Il voulait montrer
17:28qu'il y avait une place
17:29pour tous en Afrique du Sud.
17:42Il a été très critiqué
17:43pour ce geste.
17:45Certains Noirs trouvaient
17:46qu'ils s'étaient un peu
17:47trop prosternés
17:48devant la veuve
17:49de l'architecte
17:49de l'Apartheid,
17:51ce que je peux comprendre.
17:53Mais pour moi,
17:55c'était très émouvant.
17:56Il donnait la priorité
17:57à la stabilisation
17:58de notre nouvel État.
18:04Mandela a beau
18:04se démener
18:05pour unir le pays,
18:07l'extrême droite blanche
18:08refuse le changement
18:09et lance une campagne
18:11de terreur
18:11contre les civils noirs.
18:18Le Afrikaner
18:19Le Afrikaner
18:20Verstanz-Pevering
18:21était un mouvement
18:22de résistance afrikaner
18:24qui considérait
18:25que deux clercs
18:25les avaient trahis.
18:26Au début,
18:27ils se contentaient
18:29de manifester,
18:29mais ensuite,
18:30ils sont passés
18:31aux actions violentes
18:32et sont devenus
18:32des terroristes.
18:34Un ami de mon père
18:35occupait un poste important
18:37à la WB.
18:38Jan van der Vesteuzen
18:40était l'Afrikaner typique,
18:42barbu,
18:43musclé,
18:44habillé en fermier.
18:47À notre première rencontre,
18:48je lui ai dit
18:49que je m'appelais
18:50Stéphane.
18:52Et il m'a fait
18:53« Stéphane,
18:54ce n'est pas un nom d'homme,
18:55tu vas t'appeler
18:56Stéphane. »
18:57Et depuis,
18:58c'est Stéphane.
19:00J'avais l'impression
19:01d'être quelqu'un.
19:05J'ai grandi sans amour.
19:06Ma mère n'avait jamais
19:09été là pour moi.
19:10Elle avait quitté
19:11la famille pour un autre homme.
19:13Mon père était alcoolique.
19:14Les services sociaux
19:15lui avaient retiré la garde
19:16et nous avaient placés
19:18en orphelinat.
19:22C'était très dur.
19:24Je pleurais beaucoup.
19:25Mais à partir d'un moment,
19:27on apprend à ne plus pleurer.
19:29On apprend à haïr.
19:32Et j'ai rencontré
19:33Jan van der Vesteuzen
19:35qui m'a expliqué
19:36que j'appartenais
19:37à la grande race blanche
19:38et que Dieu avait
19:40des projets pour moi
19:40parce que j'étais blanc.
19:45Je suis allé dans sa ferme.
19:47En se référant
19:48toujours à la Bible,
19:49il nous enseignait
19:50qu'il fallait se battre
19:51pour son pays
19:51et que les blancs
19:52avaient le devoir
19:53de tuer les noirs.
19:56Il nous lisait souvent
19:57le vers de Jérémie,
19:5948, 10,
20:00qui dit
20:00« Maudit soit celui
20:03qui éloigne
20:04son épée du carnage. »
20:08Nous sommes devenus
20:09une cellule terroriste.
20:11On croyait vraiment
20:12que Dieu nous commandait
20:12de le faire.
20:14Je n'avais jamais été personne
20:16et pour la première fois,
20:17j'étais quelqu'un.
20:1710 ans plus tôt,
20:20en 1985,
20:21encore sous l'apartheid,
20:23un militant
20:23de la branche armée
20:24de l'ANC
20:25avait commis
20:26un attentat
20:26dans un centre commercial
20:27à Amman Zimtoti.
20:29Des civils blancs
20:30sont morts
20:30dans l'explosion.
20:31L'extrême droite
20:32n'a jamais oublié.
20:33La bombe de l'ANC
20:36avait tué 5 personnes,
20:38dont 3 ou 4 enfants.
20:43Ils nous tuent,
20:44on les tue.
20:49L'attentat de Worcester
20:50était notre vengeance.
20:59Je n'aime pas beaucoup
21:00parler d'elle.
21:00Elle était si gentille.
21:05Elle était tout pour nous.
21:11C'était une journée
21:12très remplie.
21:14Juste avant Noël,
21:17Suiti travaillait
21:18chez ShopRite.
21:19Le téléphone a sonné,
21:21mon père a décroché,
21:23il a écouté
21:23et tout à coup,
21:25il a crié
21:25« Yo ! »
21:27Il nous a dit
21:28qu'une bombe avait explosé
21:29au ShopRite
21:30et que Suiti
21:32avait été blessée.
21:39La bombe était cachée
21:41dans une poubelle
21:41près des caisses.
21:45Suiti avait senti
21:46une odeur bizarre.
21:48Elle était allée vérifier
21:49mais n'avait rien vu.
21:50La bombe a explosé
21:57au moment
21:57où elle a fait
21:58demi-tour
21:58pour revenir
21:59à son poste.
22:02La poubelle
22:03était en béton
22:03et elle a volé
22:05en éclats.
22:05Suiti a eu le ventre
22:18et la poitrine
22:18transpercés
22:19par des fragments
22:19de béton.
22:23Elle a hurlé
22:25de douleur.
22:25Les secours
22:35n'ont rien pu faire.
22:48Mon frère
22:49Xolani avait huit ans.
22:53C'était une belle journée
22:54et je voulais lui acheter
22:56quelques affaires.
22:59On se dirigeait
23:00vers l'arrêt de bus
23:01quand on est passé
23:02devant le ShopRite.
23:03Xolani a aperçu
23:08un copain.
23:09Il est allé le rejoindre
23:10et je les ai laissés
23:11tous les deux.
23:13Je le vois encore
23:14assis sur la poubelle
23:15en train de discuter
23:16avec son ami.
23:19Quand j'ai tourné
23:19le coin,
23:21j'ai entendu
23:21une explosion.
23:26Le lendemain,
23:26on nous a expliqué
23:28qu'il était assis
23:29directement sur la bombe.
23:33L'explosion
23:34l'a déchiqueté
23:35en mille morceaux.
23:41Des morceaux
23:43de corps
23:43étaient éparpillés
23:45partout sur le sol.
23:53Quand on est revenu
23:55à la ferme,
23:56j'ai appris
23:56que trois enfants
23:57étaient morts
23:57dans l'explosion.
23:59J'aurais dû être fier
24:00parce qu'on était
24:01les héros
24:01de la cause africaneur.
24:04Mais je n'ai jamais
24:05voulu tuer des enfants.
24:07Je ne m'étais pas imaginé
24:09que mon nom
24:09puisse être associé
24:10au meurtre
24:11de trois enfants.
24:13Et donc,
24:14quelques jours plus tard,
24:16je suis allé me rendre
24:16à la police.
24:26Alors que la jeune démocratie
24:28cherche sa voie,
24:29une question lancinante
24:30se pose.
24:31comment traiter
24:33les atrocités
24:34commises sous
24:34l'apartheid ?
24:38Dans un premier temps,
24:42il a été question
24:43d'accorder
24:43une amnistie générale.
24:45Une amnistie totale
24:46et sans conditions.
24:48Il paraît que l'idée
24:49avait aussi l'appui
24:50de l'ANC.
24:52Ils peuvent dire
24:53le contraire aujourd'hui,
24:54mais je sais avec certitude
24:57que certaines personnalités
24:59de l'ANC
24:59défendaient cette position.
25:00En effet,
25:07l'ANC a initialement
25:08approuvé le principe
25:09d'une amnistie générale.
25:12Il ne s'agissait pas
25:13pour nous de mettre
25:14les deux camps
25:15sur un pied
25:15d'égalité morale.
25:18Mais on se demandait
25:19si on allait vraiment
25:20pouvoir faire un jour
25:21toute la lumière
25:21sur les événements.
25:22ne valait-il pas mieux
25:28laisser le passé
25:28derrière nous
25:29pour avancer ?
25:31Et nous n'étions
25:32pas des saints non plus.
25:34La politique de l'ANC
25:38consistait,
25:39en théorie,
25:40à mener la lutte armée
25:41contre l'ennemi
25:42sans attaquer les civils.
25:46Sauf que certaines
25:47de nos opérations
25:48n'avaient pas été
25:48conformes à ce principe.
25:52L'ANC avait probablement
25:57en tête
25:58tout ce qui s'était passé
25:59dans ces camps d'entraînement
26:00à l'étranger.
26:01Les tortures
26:02et les assassinats.
26:05Et pourquoi le parti national
26:06voulait-il une amnistie générale ?
26:08On craignait
26:09un nouveau procès
26:10de Nuremberg.
26:13À cause des assassinats
26:16et des escadrons de la mort ?
26:19Oui.
26:19Beaucoup de gens
26:22dans la police
26:23et à la défense
26:24pensaient à ça.
26:27Finalement,
26:29l'ANC se prononce
26:30contre une amnistie générale.
26:31Si nous avions décidé
26:39une amnistie générale,
26:42nous aurions passé
26:42l'apartheid
26:43par pertes et profits,
26:45mais cela aurait généré
26:46deux problèmes fondamentaux.
26:48L'un,
26:48c'est que les victimes
26:50n'auraient jamais appris
26:51toute la vérité
26:52sur ce qui s'était passé.
26:55Et l'autre,
26:58c'est que cela
27:00nous aura empêché
27:01de cerner le rôle précis
27:02de l'État
27:02dans les atrocités.
27:05Parce que la frontière
27:07entre violence d'État
27:08et criminalité
27:09était très mince.
27:14C'est pour toutes ces raisons
27:16qu'il y a finalement
27:17eu un consensus
27:17autour de l'amnistie conditionnelle.
27:20C'est ce qu'il y avait
27:20à faire de mieux.
27:25Nous voulions être sûrs
27:26que l'histoire
27:27ne se répéterait pas.
27:28Et pour ça,
27:30il fallait savoir
27:30ce qui s'est exactement passé
27:32au cours de cette période.
27:33Mais la recherche de vérité
27:35ne devait pas être menée
27:36dans un désir de vengeance.
27:39La vérité
27:40devait être un pas
27:41vers la réconciliation.
27:44C'est cette volonté
27:45qui a guidé
27:46la création
27:47de la TRC.
27:48La plupart des avocats
28:14des victimes
28:15et des détenus
28:15s'attendaient
28:16à l'équivalent
28:17d'un procès
28:18de Nuremberg.
28:19Ça a été un choc
28:21d'apprendre
28:22que ce ne serait pas le cas
28:23et qu'il y aurait
28:24un processus
28:25d'amnistie
28:25à la place.
28:26J'ai appelé
28:34Dola Omar,
28:35qui était alors
28:36le ministre
28:36de la justice
28:37et un mentor
28:38pour toute notre génération
28:39d'avocats.
28:40Et je lui ai dit
28:41« Vous nous avez trahis.
28:43Les gens veulent
28:44que les coupables
28:45soient jugés
28:45et rendent des comptes.
28:47Ils ne veulent pas
28:47de votre marché
28:48de dupes.
28:50J'ai toujours dit
28:51que cet accord
28:51d'amnistie
28:52était un pacte
28:53avec le diable. »
28:55« Et qu'est-ce
28:56qui vous a fait
28:56changer d'avis ? »
29:00« Est-ce qu'on
29:00change vraiment d'avis
29:01ou est-ce qu'on a
29:02une réflexion stratégique
29:04pour essayer
29:04de détourner
29:05le processus
29:05à son avantage ? »
29:07« L'amnistie
29:07était soumise
29:08à des conditions.
29:09Si elle n'était pas
29:10accordée
29:10ou que la personne
29:11ne la demandait pas,
29:12la justice pénale
29:13prenait la relève. »
29:16La TRC
29:16commence ses travaux
29:17en 1996
29:18sous la direction
29:19de l'archevêque
29:20Desmond Tutu.
29:22À Johannesburg,
29:23les audiences
29:24se déroulent
29:24dans une église
29:25méthodiste.
29:27Je suis devenue
29:28l'adjointe
29:29de l'archevêque
29:29Tutu
29:30à la Commission
29:30sur la violation
29:31des droits humains.
29:33Je me suis beaucoup
29:34interrogée
29:34sur ma présence.
29:36J'étais extrêmement
29:37tiraillée.
29:38D'un côté,
29:39c'était un honneur,
29:40mais de l'autre,
29:41je me demandais
29:41à quoi j'allais servir.
29:42tout ne pas
29:45faire.
29:46C'est pas
29:46de nous,
29:47c'est de
29:48les gens
29:49qui ont mort,
29:50les gens
29:50qui ont disparu,
29:51les gens
29:52que nous n'aurons
29:52jamais
29:53de savoir.
29:55À very soon,
29:56j'ai assez
29:56rapidement compris
29:57que cette mission
29:58allait être
29:59l'une des plus
29:59difficiles
30:00de ma vie.
30:01Je voulais participer à la commission en tant qu'enquêteur.
30:20Je voulais me confronter au rôle de mon grand-père, aux actes des gens de ma communauté, à la réalité de l'apartheid.
30:27Les vérités allaient être douloureuses, mais il fallait les affronter.
30:31Qu'est-ce qu'ils ont fait pour vous ?
30:33Il y avait une train de train de train de faire.
30:37Il y avait une train de train de faire.
30:39Et un peu de pied est posé dans vos pieds et vous avez dû dérouler vos pieds.
30:46Pendant ce temps, vous avez été suffocaté.
30:50Il y avait une train de faire.
30:51Il y avait une train de faire.
30:52Il y avait une train de faire.
30:54Les audiences offraient un aperçu de l'inhumanité du système.
31:13Sa violence devenait pratiquement visible.
31:19C'était très très dur.
31:25Peu importe où vous alliez dans le pays, partout les récits des victimes étaient les mêmes.
31:30Ce qui montrait à quel point la violence avait été systématique et généralisée.
31:37Comme les coupables peuvent espérer une amnistie en avouant et en décrivant leurs crimes,
31:42de nombreuses familles apprennent pour la première fois ce qui est exactement arrivé à leurs proches.
31:48Ce n'est pas moi qui ai décidé d'aller aux audiences de la TRC.
31:52On m'y a envoyé.
31:54La commission traitait plusieurs affaires dans la même journée
31:56et il fallait les écouter toutes quand on venait à l'audience.
32:00J'ai donc entendu non seulement le récit du meurtre de mes parents,
32:03mais aussi d'autres histoires similaires.
32:07Des assassins décrivaient l'odeur qui se dégageait de la chair de leurs victimes brûlées.
32:12Vous imaginez un gamin de 13 ans qui entend ça ?
32:18J'ai vu Paul van Furen et un autre, je crois que c'était Hector.
32:26Ils étaient l'un à côté de l'autre.
32:31Le premier jour avant le début des auditions,
32:35j'ai senti que ces types savaient quelque chose de mon histoire.
32:38J'avais 5 ans quand ça s'est passé.
32:50Le matin, j'ai été réveillé par les cris de nos voisins.
32:53Ils sont entrés dans ma chambre.
33:03J'avais peur.
33:06Je voulais voir ma mère.
33:08Je ne comprenais pas ce que les voisins faisaient chez nous.
33:10Je suis allé voir ma mère, je l'ai secouée.
33:18Elle portait un bonnet de douche.
33:21Je ne sais pas pourquoi, mais je n'ai pas remarqué l'impact de balle.
33:25Évidemment, elle n'a pas réagi.
33:27Puis j'ai cherché mon père.
33:32Dans le couloir, j'ai vu du sang et un peu plus loin, le corps de mon père est tendu par terre.
33:44Le sang avait une odeur de plomb.
33:47Dès que je repense à ce moment, l'odeur me revient.
33:53C'est là que la tragédie m'est tombée dessus.
33:56J'ai compris.
34:03Aide-moi.
34:04N'aie pas peur, je te tiens.
34:07Viens.
34:08Prends le mouchoir.
34:18Oui, tu es très belle.
34:20C'était tôt le matin, vers 7 heures peut-être.
34:24Le téléphone a sonné et on m'a dit de venir immédiatement chez ma fille.
34:29J'étais étonnée qu'on ne me dise rien de plus.
34:31Je suis arrivée à la maison et j'ai trouvé Irène sur le lit.
34:39Elle était morte.
34:41Elle avait le visage tourné vers le côté.
34:44Peut-être qu'elle s'était débattue.
34:46Je suis retournée dans le couloir et j'ai vu mon gendre, mort lui aussi.
34:52Il avait une grosse blessure, ici.
34:56Et là, il y avait un grand trou.
35:02La balle avait traversé et fait un trou dans le sol.
35:06Et ce trou était rempli de...
35:15Le trou était rempli de chair et de cervelle.
35:18Je ne peux pas le décrire.
35:23Ils nous disent qu'il faut savoir oublier.
35:27Moi, je n'oublierai jamais.
35:38Il fallait qu'il raconte tout en détail.
35:40Ce qui s'était vraiment passé.
35:42C'était vraiment passé.
35:43Tu sais ?
35:44Je l'ai pris dans la maison.
35:45Il était gris et gris.
35:47Il y avait beaucoup de bruit.
35:49Après, on a travaillé avec Richard Muttasin.
35:52Il fallait qu'il a posé le couloir sur son tête.
35:54Et je l'ai coupé quatre fois avec un AK-47.
36:00Mon père était policier.
36:04Et il a été tué parce qu'il avait osé défier son supérieur blanc.
36:07Ils ont prétendu que c'était un espion de l'ANC, mais il n'y a aucune preuve.
36:13Je pense qu'ils l'ont inventé pour justifier le meurtre.
36:17Pourquoi est-ce qu'ils ont tué ma mère ?
36:22Je n'en sais rien.
36:24Peut-être qu'elle avait tout vu.
36:26Elle n'était rien de plus qu'un dommage collatéral pour eux.
36:29Notre avocat leur a demandé
36:33« Qu'aimeriez-vous dire à cet enfant dont vous avez tué les parents et qui est assis en face de vous ? »
36:42Ils n'ont rien su répondre.
36:44Ils m'ont juste regardé.
36:48L'audience m'a traumatisé.
36:50Et quand je suis rentré chez moi, tout est remonté.
36:54Je revivais la scène.
36:55Je pense que c'est pour ça qu'ils ont eu l'idée d'organiser une rencontre en tête-à-tête avec Paul van Furen.
37:11J'imagine qu'ils voulaient m'aider à faire mon deuil.
37:16Mais je n'y suis jamais arrivé.
37:19Je n'ai jamais retrouvé la paix.
37:21Je n'étais pas prêt pour une rencontre comme celle-là.
37:37J'étais encore un enfant.
37:40Et je pense qu'ils en ont profité.
37:41D'accord, il m'a dit en face qu'il était désolé.
37:45Mais il l'a fait uniquement pour lui.
37:47Pour se donner bonne conscience.
37:49Il ne l'a pas fait pour moi.
37:52Pour moi, il reste un monstre.
37:55Et je n'ai jamais dit que je lui pardonnerai.
37:57Jamais.
37:58Pour moi, c'est comme si tu faisais quelque chose très mal.
38:03Tu vois ?
38:05Et je ne peux pas vous pardonner.
38:10Je ne peux pas.
38:12Parce que c'est très difficile pour moi.
38:13On a rencontré le capitaine Eshter et son équipe pour la commission d'amnistie.
38:20Au moment où Paul Van Furen m'a serré la main, je n'arrivais à penser qu'à une chose.
38:26Le nombre de meurtres dans lesquels il était impliqué.
38:30J'étais dégoûtée.
38:44Je me suis demandé ce que je faisais là.
38:47Je suis allée aux toilettes et je me suis lavé les mains encore et encore.
38:52Mais c'était comme si j'avais du sang sur les mains qui ne voulaient pas partir.
38:55J'avais l'impression de rencontrer le mal incarné.
39:04Ces hommes n'avaient pas l'air de croire qu'ils avaient fait quoi que ce soit de répréhensible.
39:09Ils avaient exécuté les ordres.
39:12Le conseil de sécurité de l'Etat voulait qu'ils arrêtent des gens et c'est ce qu'ils avaient fait.
39:17Ils ne voyaient pas où était le problème.
39:20La TRC voulait qu'on oublie et qu'on vive ensemble en paix.
39:28Oublier c'est une chose, mais la justice, c'est quelque chose de tout à fait différent.
39:35La TRC avait préconisé que les assassins de ma mère soient poursuivis devant la justice.
39:42Et depuis, il ne s'est rien passé.
39:44Cela fait 37 ans.
39:45Cela fait 37 ans.
39:48Pourquoi ?
39:52Les preuves sont là.
39:58L'Etat nous a trahis et abandonné.
40:01L'affaire n'est toujours pas close.
40:03Personne n'a été inculpé à ce jour.
40:04Ma grand-mère a 91 ans.
40:08Moi, 42.
40:10J'avais 5 ans quand c'est arrivé.
40:12Tout ce que nous demandons, c'est que justice soit faite.
40:15Pour moi, pour mes parents.
40:17J'avais toujours pensé qu'à terme, la justice finirait par suivre son cours.
40:28C'est pour cette raison que la TRC avait établi une liste de personnes sur lesquelles le parquet devait enquêter et qu'il devait éventuellement poursuivre si des preuves existaient.
40:39Mais on sentait qu'en coulisses, les tractations allaient bon train pour enterrer toutes ces affaires.
40:48En 2003, sous la présidence de Thabo Mbeki, le procureur Anton Ackermann est nommé à la tête de l'unité chargée de poursuivre les crimes commis sous l'apartheid.
41:05Je ne veux pas parler de ça.
41:15J'ai fait un débat pour le fait que vous pouvez utiliser.
41:19Il n'y avait pas de droit politique de procéder.
41:22Anton a toujours été catégorique avec moi.
41:34On lui retirait systématiquement les affaires qui étaient issues de la TRC.
41:40À chaque fois qu'il voulait engager des poursuites, on le lui interdisait.
41:45S'il y a eu obstruction, c'est une faute.
41:56Il aurait dû tout mettre en œuvre pour que là où les personnes responsables de cette obstruction rendent des comptes.
42:05Je n'ai absolument aucun doute sur le fait que le refus d'instruire ces cas résulte d'un accord politique.
42:19C'est pour moi la seule explication.
42:26J'ai parlé avec le conseiller du président Mbeki à l'époque.
42:30Il m'a dit, si nous lançons des poursuites contre les gens du camp d'en face, ils nous attaqueront à leur tour.
42:37Franck Chicané, l'ancien conseiller de Tabo Mbeki, dément avoir parlé à Yasmine Souka.
42:45Mais il confirme que des responsables de l'ANC rechignaient à poursuivre les agents de la sécurité intérieure,
42:51de peur que leurs propres camarades de lutte se retrouvent dans le viseur de la justice.
42:55Nous espérions tous que le travail de la TRC déboucherait sur des poursuites pénales.
43:10Mais le fait est qu'il n'y en a eu que très peu.
43:16Il est regrettable que nous n'ayons pas su prendre ces affaires à bras-le-corps aussi rapidement que nous l'aurions voulu.
43:21Les gens sont déçus et ils ont raison.
43:27Beaucoup de choses restent en suspens.
43:34On avait toujours promis que la justice suivrait son cours.
43:42Quand je reviens dans ce lieu, je ne peux que m'interroger.
43:46Avons-nous offert de fausses promesses de justice ?
43:50Pour trop de personnes, ces promesses ne se sont pas réalisées.
43:59Je ressens une immense tristesse et aussi un peu d'amertume
44:06à l'idée que cet engagement que nous avions pris est resté sans l'endemain.
44:10J'en suis à me demander si tout ce processus n'a pas été vain.
44:24Sans justice, il est difficile pour les victimes d'avancer.
44:39Pour certaines, l'incarcération du coupable peut contribuer au travail de deuil.
44:43Stefan Scotsi a fait de la prison, mais cela n'a pas tout réglé.
44:49J'ai été condamné à 40 ans de prison pour meurtre, terrorisme et crimes contre la sécurité de l'Etat.
44:57Je n'avais pas prévu de changer dans mes certitudes.
45:03Mais parfois, il se passe de petites choses qui nous font douter.
45:07On s'interroge.
45:09Est-ce que mes idées sont vraiment justes ?
45:10En prison, j'ai vu une population que je haïssais me traiter autrement que moi je l'aurais fait.
45:17Quand je me faisais agresser par des Noirs, d'autres intervenaient.
45:21Ces gens me donnaient à manger quand j'avais raté un repas.
45:25Un co-détenu noir m'a protégé quand ma vie était en danger.
45:30Il s'est passé quelque chose en moi.
45:33J'ai réfléchi. Et si la réponse, c'était le pardon ?
45:37Il faut savoir revenir sur ce qu'on a fait et dire pardon.
45:43Affronter son crime et expliquer ce qui s'est passé.
45:47Ce n'est pas facile.
45:49Mais j'ai décidé d'emprunter cette voie-là.
45:56Après l'attentat du Chopraït, je ne savais pas comment j'allais pouvoir continuer à vivre.
46:01J'avais mal partout.
46:07Je ne pouvais plus travailler parce que je n'arrivais pas à rester debout plus de 10 heures.
46:14Un jour, on m'a dit que le coupable demandait pardon.
46:25J'ai répondu le pardon.
46:31À qui est-ce que je pourrais pardonner ?
46:34À qui ? Je ne le connais même pas.
46:37Je ne le connais même pas.
46:41J'étais très en colère.
46:45Nous sommes allés à la prison de Pretoria.
46:48On nous a conduits dans une salle où il y avait différentes personnes.
46:52Tout le monde s'est présenté et Stéphane s'a dit « Je suis Stéphane Scutzi ».
46:57J'étais très étonnée.
46:59Je ne m'attendais pas à voir un si jeune homme.
47:01Ça a été un choc.
47:02La première personne que j'ai rencontrée, c'était Olga, Mama Olga.
47:12Dès que je l'ai vue, j'ai su que c'était une de mes victimes.
47:15Ces choses-là, on les sent.
47:17La présence, la colère, la haine, l'émotion qui en émane.
47:21Ses premiers mots ont été « Je ne peux pas encore vous pardonner ».
47:25Je lui ai demandé ce qu'il me promettait si j'arrivais à lui pardonner.
47:34Il a répondu « Olga, je ne veux pas vous mentir.
47:38Je suis ici depuis que j'ai 18 ans, je n'ai rien ».
47:43Et je me suis rendue compte que je connaissais cette douleur.
47:46Parce que moi non plus, je n'avais plus rien.
47:49Et j'ai dit à Stéphane, je vous pardonne jusqu'à mon dernier souffle.
47:52Elle m'a dit « Viens ici mon garçon ».
47:58Ce moment a changé ma vie.
48:00Elle m'a montré ses blessures.
48:03Elle m'a redonné une chance.
48:08Si certaines victimes de Stéphane Scudzi ont réussi à lui pardonner,
48:12d'autres n'y parviennent pas encore.
48:14Je l'ai vu pour la première fois ici, à la prison de Worcester.
48:21Quand il est entré dans la pièce, j'ai eu la chair de poule.
48:25Je tremblais.
48:27L'objet de ma haine s'incarnait devant moi.
48:30Je voulais lui dire que je n'allais jamais pouvoir lui pardonner.
48:41Jamais.
48:43Mais ma mère m'a parlé.
48:46Elle a essayé d'apaiser mon cœur.
48:48Elle m'a dit « Ne porte pas sa croix.
48:53N'alourdis pas ton cœur.
48:56Pardonne-lui.
48:58Il a fait une erreur.
49:00Mais c'est une erreur qui a coûté la vie à de nombreuses personnes.
49:03J'aimerais lui pardonner.
49:13Mais ce n'est pas facile.
49:17Vous avez victimez ma famille.
49:20Je n'ai pas de mal à décrire ce que vous m'avez dit.
49:24Et pour ça, je vous en ai.
49:28Je vous en ai.
49:29Cette dame m'a dit « Je vous hais. Je vous hais de tout mon cœur. »
49:36Ce qu'elle ne savait pas, c'est que je connaissais ça.
49:40Ma mère me haïssait.
49:41C'est pour ça qu'elle m'a abandonné pour un autre homme.
49:44Mon père me haïssait.
49:46C'est pour ça qu'il préférait l'alcool à moi.
49:48Et je me haïssais moi-même.
49:50J'ai compris que j'aurais beau faire ce que je voulais,
49:52je ne me débarrasserais jamais de ce crime.
49:54Mais les gens comme moi, les tueurs, nous devons parler.
50:00L'Afrique du Sud a besoin de nos témoignages pour guérir.
50:05Trente ans après la fin de l'apartheid,
50:08la quête de vérité et de justice se poursuit,
50:11portée par tous ceux et toutes celles
50:13qui aspirent à un avenir meilleur pour l'Afrique du Sud.
50:15Pour aller de l'avant, une société doit se construire sur la réparation,
50:27la vérité et la responsabilité pénale.
50:33L'être humain a besoin de réponses pour clore son deuil.
50:36Je le fais pour mes enfants,
50:42dans l'espoir qu'ils n'auront plus apporté ces blessures.
50:49Pour qu'ils vivent dans une Afrique du Sud juste,
50:52c'est un espoir, un grand espoir.
50:54Un grand espoir.
50:55Un grand espoir.
50:56, un grand espoir.
51:09Ce n'est plus grand, alors qu'il n'aveit pas du Sud-Christ,
51:11mon fils a disco qui a dit filters."
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