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  • 29/05/2025
On en débat avec Jean Terlier, député Renaissance de la 3e circonscription du Tarn et Yamina Saheb, ingénieure et docteure en énergétique, enseignante à Sciences Po Paris, co-autrice du 6e rapport du GIEC en 2022. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-jeudi-29-mai-2025-2630729

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00:00Le retour d'une controverse qu'on pensait peut-être oublier le chantier très controversé de l'autoroute A69.
00:07Ce tronçon qui doit relier Toulouse et Castres devrait reprendre à partir de la mi-juin à la faveur d'une décision de la Cour administrative de Toulouse.
00:17Décision rendue hier, des travaux actés en 2010, commencés en 2023, suspendus au mois de février dernier.
00:26Des collectifs écologistes se mobilisent de nouveau, des acteurs locaux saluent cette autoroute qui est censée désenclaver le sud du Tarn et qui est censée donc maintenant voir le jour.
00:38On va en débattre ce matin avec deux invités, Jean Terlier, député de la 3e circonscription du Tarn. Bonjour.
00:45Bonjour.
00:46Et Yamina Saeb, bonjour.
00:48Vous êtes ingénieure et docteur en énergétique, enseignante à Sciences Po Paris, co-autrice du 6e rapport du GIEC en 2022.
00:56Alors soyons précis, la Cour a accepté un sursis à exécution, c'est-à-dire la reprise des travaux,
01:02avant d'attendre la décision définitive sur le fond lors du procès en ATEP.
01:08Tout simplement, comment avez-vous reçu cette décision l'un et l'autre alors que l'avenir ou le passé de la 69 a connu tellement de bouleversements ?
01:18Jean Terlier.
01:19Écoutez, comme un soulagement, et j'allais dire comme beaucoup de sud Tarn et qui voyaient cette autoroute construite à près de 70%
01:28et avec un arrêt du chantier qui était vécu de manière très douloureuse par les habitants de ce territoire,
01:35outre le fait qu'on avait 10 millions d'euros par mois de coûts d'arrêt de ce chantier, ne serait-ce que pour sécuriser le dit chantier.
01:43Eh bien, aujourd'hui, nous sommes satisfaits à la fois de la motivation rendue par la Cour administrative d'appel
01:48qui a rendu cet arrêt, qui a prononcé le sursis à exécution et permettant donc le retour, j'allais dire,
01:56des pelles mécaniques et des engins sur le chantier à la mi-juin, nous l'espérons.
02:00Yamin Asaheb.
02:01C'est plutôt un coup de poignard dans l'état de droit parce que c'est une intervention du législatif
02:06dans une procédure en cours, de justice en cours, et qui ne répond pas à la question initiale
02:14qui est que le chantier avait démarré sans attendre la légalité sur le fond
02:22et là, on retombe encore dans la même procédure. En fait, il y a toujours ce bout-là qui manque.
02:27C'est-à-dire que l'instruction sur le fond n'a toujours pas été rendue et pour vous, donc, c'est un précédent qui est grave ?
02:34C'est un précédent très grave parce que ça remet en question la décision légitime du tribunal administratif de Toulouse.
02:42Qu'est-ce que vous y répondez, monsieur le député Jean Terlier, puisque, effectivement, la question du fond n'a toujours pas été tranchée ?
02:48Oui, je suis quand même un peu surpris par les propos. On est dans un état de droit, il y a des juridictions de première instance
02:53qui rendent des jugements, il y a la possibilité pour les partis qui ne sont pas d'accord avec ce jugement
02:58de faire appel d'une décision, c'est notre état de droit, et il faut respecter cette décision de la Cour administrative d'appel
03:03qui, là, a considéré qu'on pouvait reprendre les travaux, a considéré que cette raison d'intérêt public majeur
03:11qui faisait défaut selon les premiers juges, eh bien, était caractérisée dans ce chantier de l'autoroute A69.
03:18Et c'est d'ailleurs une première note, j'allais dire, plutôt favorable, qui va dans le sens de ce que, sur le fond,
03:24on risque d'avoir une Cour administrative d'appel qui va statuer de la même manière.
03:28Ça, on ne le sait pas. Il y a eu tant de revirement que c'est vrai que cette raison impérative d'intérêt public majeur,
03:36terme technique, expression technique, elle ne cesse d'être débattue depuis au moins 2010.
03:41Oui, et puis, ce point-là, en fait, la raison impérative d'intérêt public,
03:47l'intérêt public en 2025 dans une planète en surchauffe avec une perte importante de la biodiversité
03:54n'est plus de bitumer nos territoires, mais plutôt de débitumer nos territoires et de protéger la biodiversité.
04:01Donc, ce concept-là a évolué dans le temps, mais visiblement pas pour une partie des législateurs.
04:06Jean Terlier, pour vous, c'est du bon sens de reprendre les travaux après tout ce qui a été dépensé d'ores et déjà
04:14pour engager les études, pour engager les premières excavations et la première phase de la construction ?
04:22Oui, mais c'est du bon sens aussi également et surtout parce que ce territoire, le sud du Tarn,
04:27est un territoire qui est enclavé, c'est un territoire qui est en déprise démographique,
04:30qui a un taux d'activité les plus faibles de la région Occitanie,
04:34et donc avec un taux de chômage aussi très important.
04:36On a besoin de retrouver de l'attractivité.
04:38Vous savez, ce n'est pas une autoroute qui a été réalisée par coquetterie,
04:42ce n'est pas une autoroute qui va desservir les stations de ski ou pour aller à la mer.
04:45C'est une autoroute dont on va se servir pour aller travailler, pour aller se soigner,
04:48pour que des gens puissent y vivre et continuer à y habiter.
04:51C'est ça le sens de cette infrastructure autoroutière.
04:52Mais il y a un impact environnemental, vous ne le niez pas,
04:55puisque c'est l'une des raisons pour lesquelles la controverse s'est installée.
04:58Oui, mais encore une fois, et à date, l'arrêt rendu par la Cour administrative d'appel
05:02dit que l'atteinte à l'environnement, il existe,
05:05mais que ce chantier répond à une raison impérative d'intérêt public majeur,
05:08c'est-à-dire un intérêt supérieur qui autorise l'État à procéder à la réalisation de cette autoroute.
05:15C'est toujours, dans le cadre du juge administratif,
05:17une balance entre l'atteinte à l'environnement
05:20et aussi également les bénéfices attendus pour un territoire qui est enclavé.
05:23Alors justement sur la question environnementale,
05:25parce que les débats sur l'environnement,
05:28bon, ils ont déjà été causés par le début du chantier,
05:30mais ils ont été considérés comme moins importants
05:35par rapport aux bienfaits pour la population par la Cour administrative.
05:39Ça ne prend pas en compte les études précédentes
05:41qui ont montré que la question du désenclavement,
05:43en fait, c'est un argument qui n'était pas bien défendu.
05:47Et la décision du juge administratif.
05:50Et la remise en question de la protection de l'environnement
05:54est grave dans une situation où, encore une fois,
05:57l'intérêt général aujourd'hui, c'est la protection,
06:00c'est la résilience des territoires
06:01et elle passe justement par la protection de l'environnement.
06:04Et ça, c'est très important de comprendre
06:05que la résilience, ce n'est pas avec des décisions de ce type-là
06:10qu'on va réussir à mettre en place des politiques de résilience des territoires
06:14et de défense.
06:14Alors résilience, définition, parce que la résilience,
06:17on en connaît le sens psychologique,
06:18mais qu'est-ce que ça peut avoir comme signification pour l'environnement ?
06:21C'est la capacité des territoires à se défendre, si vous voulez.
06:27Et en fait, en bitumant pour des objectifs plutôt...
06:32Ce n'est pas l'intérêt général là-dedans,
06:33c'est plutôt l'intérêt financier,
06:35on réduit la résilience des territoires
06:38et on menace des espèces protégées,
06:40ce qui est contraire à la directive Habitat
06:43qui est transposée dans le droit français.
06:46Une question d'ordre démocratique, là pour le coup,
06:48et sur le fonctionnement de notre démocratie
06:50et de notre état de droit, Jean Terlier,
06:53puisque vous êtes député,
06:54cette décision, elle est actée alors que dans cinq jours,
06:57une proposition de loi relative à cette raison impérative
07:01d'intérêt public majeur de la liaison de la 69
07:05entre Castres et Toulouse va être débattue à l'Assemblée nationale.
07:09On ne comprend absolument pas comment est-ce que le calendrier judiciaire,
07:13le calendrier administratif et le calendrier législatif ne coïncident pas ?
07:19Écoutez, c'est en réalité la résultante de ce jugement
07:22qui a été rendu par le tribunal administratif au mois de février,
07:26où le gouvernement, l'État, a de son côté fait rapidement appel de la décision
07:30et a demandé cette procédure de sursis à exécution
07:32dont l'arrêt a été rendu hier par la cour administrative d'appel.
07:36Mais de leur côté, les députés et les sénateurs du Tarn,
07:39moi-même et Philippe Bonnecarrière pour les députés,
07:41et puis les deux autres sénateurs du Tarn,
07:43avons pris une initiative de notre côté
07:45pour déposer cette loi de validation
07:47qui a été votée au Sénat il y a maintenant trois semaines
07:51et qui sera débattue le 2 juin à l'Assemblée nationale.
07:55J'en serai le rapporteur de cette proposition de loi,
07:57étant ici précisé qu'elle a déjà été votée
07:59en commission de développement du règlement du territoire.
08:01Mais des rebondissements sont toujours possibles ?
08:03Bien sûr, bien sûr, et puis les rebondissements sont possibles.
08:10Et puis l'utilisation de la loi de validation
08:12est plutôt un abus de comment est-ce que le législateur peut utiliser cette loi-là.
08:16Donc il est peu probable que le Conseil constitutionnel
08:20dise le contraire de ce que les juges administratifs de Toulouse ont dit.
08:26Et donc du coup, on se retrouve dans une impasse
08:28et un coût qui va être très probablement que l'entreprise concessionnaire
08:33va demander réparation à l'État.
08:36Jean Terlier ?
08:37Oui, je suis en total désaccord avec ce qui vient d'être dit.
08:42Et on l'entend, mais c'est important.
08:43On a une loi de validation qui est une prérogative des parlementaires.
08:47Ça existe depuis les années 1980.
08:50Il y a une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel.
08:51Mais comprenez que les citoyens que nous sommes soient perdus
08:53devant cet imbroglio et cette série de va-et-vient ?
08:58C'est simplement le respect de l'État de droit
08:59où chacun est dans ses prérogatives.
09:01Le pouvoir judiciaire, celle de contrôler
09:03que la loi bien est appliquée au titre de cette notion du R2-IPM.
09:06Mais aussi également le pouvoir législatif
09:08qui a aussi également tout ça en indépendance
09:10pour déterminer qu'un chantier est d'intérêt général.
09:13Et c'est ce que nous allons voter lundi à l'Assemblée nationale.
09:16Il me semble encore une fois
09:17qu'à la fois le tribunal peut prononcer cette question d'intérêt général
09:21mais aussi que les députés qui sont les représentants
09:23de ce territoire du sud du Tarn
09:24peuvent estimer que ce chantier est d'intérêt général
09:27et voter en ce sens pour que cette loi de validation
09:29arrête définitivement le processus
09:32et valide les autorisations environnementales.
09:34Yaminas Haeb.
09:35La loi de validation, effectivement...
09:36Sans rentrer dans le détail technique de la loi.
09:39Oui, ça existe dans l'initiatif français.
09:40Dans le dispositif français.
09:41Seulement, ça doit procéder d'un motif d'intérêt général.
09:43Encore une fois, on revient à cette question.
09:45On revient systématiquement à cette question.
09:47Qu'est-ce que c'est que l'intérêt général aujourd'hui ?
09:50Et l'intérêt général...
09:50Et qu'est-ce que l'intérêt environnemental ?
09:52C'est la protection de l'environnement
09:54pour garantir, pour mettre...
09:56pour garantir, commencer à travailler
09:59sur la résilience de nos territoires.
10:01Ce n'est pas...
10:01Là, c'est l'inverse qu'on est en train de faire.
10:03Donc, une mauvaise utilisation de la loi sur la validation.
10:05Jean Thalier, pourquoi est-ce que vous n'arrivez pas
10:07à... à... à... comment dire...
10:09à l'emporter avec votre argument dominateur
10:12qui est que ce n'est pas une autoroute, la 69,
10:15comme on en faisait à l'époque de nos parents
10:19et de nos grands-parents.
10:21Vous avez choisi un concessionnaire
10:23qui va reboiser davantage
10:26qu'il va détruire d'arbres.
10:28C'est tout un argumentaire qui a accompagné
10:30ceux qui sont les promoteurs de cette autoroute.
10:34Et ça ne convainc pas.
10:35Ça ne convainc pas, notamment les écologistes.
10:37Oui, mais ça a convaincu, pour le coup,
10:40à la fois les juridictions
10:41et la dernière en date, la Cour administrative d'appel.
10:44Le Conseil d'État, en 2021,
10:46qui est venu déclarer d'utilité publique
10:47ce chantier de l'autoroute à 69.
10:49Et puis, encore une fois,
10:50les parlementaires dans une large majorité.
10:52Un vote très large au Sénat
10:53pour reconnaître l'intérêt général de ce chantier.
10:55Un vote très large en commission à l'Assemblée nationale
10:57pour reconnaître l'intérêt général de ce chantier.
11:00Le chantier, il en est où ?
11:01Il en est...
11:0170% ?
11:03Oui, il est construit au 2 tiers.
11:06Et c'est ça qui est intéressant d'ailleurs.
11:08C'est-à-dire que, et vous l'avez dit,
11:09les dommages causés à l'environnement,
11:10ils ont déjà été faits.
11:13Et donc, il faut qu'on reprenne ce chantier
11:15pour qu'en réalité, le concessionnaire
11:17réponde à ses obligations
11:18au titre des compensations environnementales
11:20et agricoles que vous exposez.
11:22Il va être dans l'obligation
11:23de reboiser 55 hectares.
11:25Il va être obligé de renaturer
11:27plus de 50 hectares de zones humides.
11:29Bref, il y a des compensations environnementales
11:31qui seront sous le contrôle de l'État
11:32à la charge du concessionnaire.
11:34Et c'est pour ça qu'il faut, demain,
11:35que le chantier puisse reprendre.
11:37Yannina Saeb, c'est vrai que les chiffres
11:38sont contestés.
11:39Oui, oui, en fait...
11:40Mais qu'est-ce que vous pensez
11:40de cet argument, malgré tout ?
11:41C'est un argument qui ne tient pas la route
11:42puisque l'autorité environnementale
11:44le démonte.
11:45Et puis aussi, il y a le Conseil national
11:47de la protection de la nature
11:49qui a émis deux avis négatifs
11:50par rapport à cet argument-là.
11:52Donc, on ne peut pas, d'un côté,
11:53avoir des autorités en place
11:57qui produisent des rapports
11:58qui disent que ça va à l'encontre
12:00de la protection de l'environnement.
12:01Et d'un autre côté, utiliser un argument
12:04qui n'est pas justifié.
12:06Il n'y a que ceux qui sont pour l'autoroute
12:09qui prétendent que la protection
12:12de l'environnement sera faite.
12:13Mais tous ceux qui ont fait des études là-dessus
12:15disent le contraire.
12:16Donc, il faudrait...
12:17Il n'y a pas de preuves.
12:18Mais ce que vous dites...
12:19Jean-Talier, ce sera le mot de la fin.
12:21...et juste, mais à la fois très contestable.
12:22Ces autorités, elles ont à se prononcer.
12:24Elles rendent un avis.
12:25Mais ces avis, il ne lit pas
12:27la juridiction administrative
12:29et notamment le Conseil d'État
12:30lorsqu'elle est venue déclarer
12:31d'utilité publique ce chantier.
12:33Et donc, ces arguments,
12:34ils sont évidemment mis en contrebalance
12:35avec d'autres arguments
12:36que l'on a évoqués
12:37autour du développement
12:38et de l'attractivité
12:39d'un territoire qui est enclavé.
12:40Et je crois, en ce qui me concerne,
12:42pour quelqu'un qui, évidemment,
12:43soutient ce chantier-là,
12:44qu'il nous faut poursuivre
12:45et avancer et surtout terminer ce chantier.
12:47Merci en tout cas à tous les deux
12:48d'avoir débattu de cette décision
12:50de justice à l'antenne d'Inter
12:51dans cet interminable feuilleton.
12:54Et en attendant les futurs rebondissements,
12:56je vous souhaite une excellente journée.

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