- 15/05/2025
Après la longue audition du Premier ministre, accusé d'avoir fermé les yeux sur les violences commises à Notre-Dame de Bétharram, alors qu'il était à des positions de pouvoir dans la région, retour sur son attitude offensive pour nier toute responsabilité et attaquer ses contradicteurs. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-jeudi-15-mai-2025-4239797
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00:00France en Terre, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:05Débat ce matin sur l'audition de François Bayrou par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale
00:10sur l'affaire Betaram, monstrueuse affaire de pédocriminalité, de violence physique sur des enfants,
00:16le tout sur plusieurs décennies.
00:19François Bayrou, dont trois enfants furent scolarisés dans cet établissement,
00:23dont la femme enseignait le catéchisme en ses murs,
00:26qui était ministre de l'Éducation nationale, pouvait-il ne pas savoir ?
00:32C'est la question qui fut hier au cœur de cinq heures d'échanges souvent virulents,
00:38voire acrimonieux, entre le Premier ministre et les membres de la commission.
00:42On va en parler ce matin avec Charles Sapin. Bonjour.
00:45Vous êtes journaliste politique à l'hebdomadaire Le Point et avec Thomas Legrand.
00:49Bonjour Thomas. Bonjour Nicolas.
00:51Éditorialiste au quotidien Libération, enquête de politique sur France Inter.
00:56Soyez les bienvenus dans ce studio.
00:59Avant d'entrer dans le fond des débats, un mot sur leur tenue.
01:02Tendu, disais-je, virulent.
01:05François Bayrou n'a pas hésité à critiquer l'objectif de cette commission,
01:11certaines des questions qui lui étaient posées.
01:14François Hollande avait alerté le matin même,
01:18le matin, hier matin, alerté sur un risque de chasse à l'homme.
01:22François Bayrou a lui dit, au terme de ces cinq heures,
01:26que ce fut un moment libérateur.
01:29Qu'en avez-vous pensé Thomas Legrand ?
01:30J'ai pensé qu'on a vu un François Bayrou d'une autre époque
01:35et un François Bayrou qui m'a un peu inquiété.
01:37Parce qu'en réalité, il a attaqué la presse et la commission d'enquête.
01:41C'est-à-dire qu'il a attaqué deux institutions, deux instances démocratiques
01:47dans une formulation et avec des mots qui sont tout à fait dans la pente illibérale du moment.
01:55Ce n'était pas anormal que le Premier ministre,
01:59qui a aussi été ministre de l'Éducation,
02:01père de famille et père de parents d'élèves de Bétaram,
02:04qui a été élu local de l'endroit où Bétaram se trouve,
02:08soit interrogé sur cette façon qu'il a eue finalement d'avoir plusieurs versions
02:15à propos de la question de savoir s'il savait ou pas ce qui s'était passé.
02:20Je reviendrai sur la presse tout à l'heure et sur l'institution,
02:23mais je trouve qu'il aurait dû se mettre dans la posture de la réflexion collective.
02:29Qu'est-ce qu'on a fait, nous tous, pour pendant toutes ces années ne rien voir ?
02:33Ne rien voir, ne rien savoir, ne pas agir.
02:36Et lui en premier, puisqu'il a été ministre de l'Éducation, élu local, etc.
02:40Et au lieu de ça, il s'est placé, il a confondu cette commission
02:45avec le fonctionnement de la France Insoumise.
02:47Il a à la fois critiqué la presse, ça je voudrais y revenir tout à l'heure,
02:50critiqué la presse et en même temps il s'est appuyé sur un travail remarquable d'ailleurs
02:54de journalistes de presse avec le livre La Meute qu'il avait à ses côtés
03:00pour bien montrer que cette commission n'était pas une commission d'enquête,
03:04une commission parlementaire, mais une instance politique en sa défaveur.
03:08Et ça, je trouve ça assez grave.
03:10Charles Sapin, sur le point, qu'avons-nous fait collectivement ?
03:14Partagez-vous l'analyse de Thomas Legrand ?
03:17Alors oui et non, c'est-à-dire que le constat, je le partage.
03:19C'est vrai qu'on était très très très loin d'une commission d'enquête traditionnelle
03:22qui aurait permis de faire avancer ce sujet terrible,
03:26cette catastrophe systémique que sont l'abus sexuel sur les mineurs
03:30et à mon avis qui est un sujet qu'on commence seulement d'en parler.
03:34C'est quelque chose, et Betaram n'est que la toute petite partie émergée de l'iceberg.
03:39Il suffit de reprendre la SIAZ, bon.
03:42Mais si vous voulez, on n'était pas dans une commission d'enquête,
03:45on était dans un règlement de compte, là-dessus je suis d'accord avec vous.
03:47Ah non, parce que moi je ne dis pas ça du tout.
03:48Mais le tort est partagé.
03:49Je veux dire, toutes les questions de Paul Vannier n'avaient qu'un seul but.
03:55C'était coincer et faire tomber le Premier ministre.
03:58Face à lui, il a eu un François Bayrou qui était beaucoup plus préparé qu'au tout début de l'affaire.
04:03Il a essayé de pallier ses imprécisions et parfois ses arguments contradictoires.
04:07Il était évidemment, François Bayrou, très offensif.
04:10D'ailleurs, il est arrivé à cette commission avec deux livres.
04:12Le livre « La meute de nos confrères du monde et de libération »
04:15qui dénonce le système Mélenchon.
04:17Et le livre « Le silence de Bétarame » qui a été écrit par le porte-parole des victimes de Bétarame.
04:23Il n'a pas hésité en effet à pointer du doigt ce que lui qualifie de mauvaise foi.
04:28Que ce soit des rapporteurs, mais même de la présidence de la commission.
04:32Le seul problème, c'est qu'il y avait un peu un ton de ce populisme du centre.
04:36C'est comme ça qu'on l'appelait lors de sa campagne présidentielle de 2007.
04:38Le seul truc, c'est que dans ce climat d'inquisition, contre-inquisition, c'est vrai qu'il y a un oublié.
04:44C'est cette question de l'abus sexuel, des victimes.
04:49Et c'est assez terrible.
04:50Thomas Legrand, il n'y avait pas une pointe de commission anti-Bayrou dans cette commission ?
04:56Je ne sais pas si vous avez déjà regardé les commissions d'enquête.
04:58Moi, j'étais correspondant aux Etats-Unis pendant 5 ans.
05:00C'est terrible ! C'est une violence !
05:02La commission d'enquête, elle est rapporteur parlementaire.
05:05Les parlementaires font une enquête.
05:06Ils ont en face de lui François Bayrou.
05:08En face de François Bayrou.
05:10Et donc, il lui pose des questions sur ses incohérences.
05:12Et il lui pose des questions sans ménagement.
05:15Et c'est rien par rapport à ce qu'on voit aux Etats-Unis.
05:19Et l'attitude de François Bayrou, très 5ème République, très arrogante, très...
05:23L'exécutif est au-dessus de tout, est assez hallucinante.
05:27Normalement, dans les pays démocratiques et parlementaires,
05:29le Parlement représente le peuple.
05:31Ceux qui étaient en face de lui étaient de tous les partis politiques.
05:35De tous les partis politiques.
05:36Il a décidé de ne s'adresser qu'à Paul Vannier, qui est de la France insoumise.
05:41Et qui est en plus un Mélenchonien un peu obtus, on le connaît.
05:44Mais en tout cas, il ne s'est adressé qu'à lui.
05:46Il ne s'est pas adressé du tout aux autres qui étaient tout à fait du même avis que Paul Vannier,
05:50qui étaient dans la même démarche.
05:51Il se trouve que cette commission d'enquête s'occupe de tous les aspects de cette affaire.
05:56Mais ils avaient en face d'eux, à ce moment-là, le Premier ministre.
06:00Donc, ils l'ont questionné.
06:02Et je trouve que la façon dont il a voulu assimiler cette commission d'enquête
06:07au fonctionnement de la France insoumise, en apportant le livre La Meute à ses côtés,
06:12est assez scandaleuse.
06:13Et je trouve qu'il a mis en cause la presse.
06:15Il a dit pour des raisons d'hygiène personnelle, je ne lis pas la presse.
06:19Mediapart.
06:19Non, non.
06:20Et après, il a dit la presse, etc.
06:22Alors qu'il n'a pas arrêté de citer la presse.
06:24Sans la presse, sans par exemple la cellule d'investigation de Radio France,
06:28évidemment, François Bayrou n'aurait pas été mis en cause dans certaines affaires.
06:31Mais sans la presse et sans les journalistes...
06:34Et ça, ça vous semble grave ?
06:35Moi, ça me semble grave parce que cette attaque de la presse en règle
06:38et cette assimilation d'une commission d'enquête multipartisane...
06:42Parce qu'il faut se souvenir que le Parlement a deux rôles.
06:46C'est de légiférer et de contrôler l'exécutif.
06:48En France, on oublie souvent cette fonction.
06:51Or, le contrôle de l'exécutif, il est très important.
06:54Et il se trouve qu'en ce moment, les parlementaires de tous les partis
06:58qui s'opposent de façon assez théâtrale dans un théâtre d'ombre
07:01où il n'y a pas de majorité à l'hémicycle,
07:03quand il s'agit de commissions d'enquête ou de rapports parlementaires,
07:06ils font un travail remarquable et souvent bipartisans
07:10où les gens de gauche changent de droite, les gens de droite changent de gauche.
07:13Et je trouve que cette...
07:14Il faut qu'il parle, il faut qu'il parle.
07:16Vous aurez la parole après encore.
07:18Il ne faut pas être dupe et il faut se poser la question de l'instrumentalisation politique aussi.
07:22Pourquoi, selon vous, la plupart des victimes, la majorité des victimes
07:26et même le porte-parole lui-même des victimes,
07:28a dit ne rien vouloir à faire avec cette commission
07:31qu'il estime comme quelque chose de politique
07:32et qui ne le concerne pas et qu'il veut s'en tenir extrêmement éloigné.
07:36Pourquoi ? Parce que dans cette affaire, Bétamara, en fait, il y a deux choses.
07:39Il y a une chose qui est totalement horrible.
07:41C'est ça, c'est cette catastrophe, cette hécatombe systémique
07:44des abus sexuels sur mineurs.
07:47On reprend les travaux de la Sias qui parle que dans l'Église,
07:50depuis les années 1940, selon les projections,
07:52on parle de 340 000 victimes.
07:53C'est énorme.
07:54Il y a eu ensuite un autre rapport pour ce qui s'est passé en dehors de l'Église.
07:58Vous pensez que la commission ne s'en occupe pas ?
07:59Pas du tout.
08:02Aujourd'hui, on dit qu'il y a un enfant sur dix
08:04qui est victime d'agression sexuelle.
08:06Donc la question...
08:06Non mais laissez-moi terminer.
08:08Si vous voulez, il y a une question qui se pose,
08:10c'est pourquoi pendant toutes ces années,
08:13collectivement, on a décidé de fermer les yeux ?
08:15Pourquoi les victimes ne se sentaient pas suffisamment écoutées,
08:18ne se sentaient pas suffisamment en sécurité pour parler ?
08:20Ces questions étaient totalement absentes de cette audition.
08:23Mais c'était absente de l'audition.
08:25Et je vais vous dire, j'ai même une preuve de cette instrumentalisation politique
08:31qu'en fait, finalement, la France Insoumise.
08:34Le premier article, la première enquête fouillée sur ce qui s'est passé à Bétarame,
08:38c'est le point qu'il a publié.
08:40C'était une excellente enquête de notre enquête de Émilie Trévert
08:44qui a été publiée l'été dernier, l'été 2024.
08:46Quand l'enquête est sortie, il n'y a pas eu d'écho à Mediapart,
08:51il n'y a pas eu de questions au gouvernement de la part de la France Insoumise,
08:53il n'y a pas eu de mise en cause de François Bayrou.
08:56Pourquoi ? Parce que François Bayrou n'était pas Premier ministre.
08:58Eh bien oui.
08:59Les premiers papiers et les premières mises en cause politiques de la France Insoumise,
09:02c'est deux mois après que François Bayrou s'installe à Mediapart.
09:04Non, mais je suis désolé.
09:05Oui, mais vous faites comme si la France Insoumise, c'était la commission d'enquête.
09:10Il se trouve que la commission d'enquête, c'est aussi Mme Stilbout,
09:12qui est de la majorité et qui est en train de faire son travail sur tous les aspects.
09:20On focalise effectivement, mais nous aussi, on focalise sur François Bayrou,
09:24parce qu'hier c'était l'audition de François Bayrou.
09:26Face à François Bayrou, il pose des questions à François Bayrou.
09:28Et François Bayrou a bien ciblé Paul Vannier et a fait comme si c'était un débat entre deux.
09:38Mais c'est beaucoup plus large et on aurait pu penser que François Bayrou,
09:42qui a quand même une spécificité dans ce dossier,
09:44il était ministre de l'éducation, il était élu local, il était parent d'élève,
09:48sa femme a travaillé à Bétarame, il y a été plusieurs fois.
09:51On pouvait quand même lui poser des questions.
09:54C'était légitime que lui soit posée des questions.
09:57Et lui pouvait, en temps, avec toutes ces casquettes que je viens de citer,
10:00il pouvait très bien dire, écoutez, c'est vrai, on n'a rien vu, on n'a pas su.
10:05C'est d'ailleurs ce qu'il a dit.
10:06Il a dit, j'ai une part de responsabilité.
10:08Oui, oui, oui, bien sûr.
10:09Et le problème, c'est qu'il y en a 200 des Bétarame.
10:11Mais la question qui lui a été posée, ce n'était pas comment on a pu collectivement faire cette faute,
10:15c'est, monsieur Bayrou, avez-vous couvert des actes pédo-criminels ?
10:18Parce que cette question se pose.
10:20Cette question se pose, pas qu'il ait couvert des actes pédo-criminels.
10:22Non, non, non, c'est la question qui a été posée.
10:24La question qui a été posée n'est pas du tout celle-là.
10:27C'est, saviez-vous ? Pas, avez-vous couvert ? Saviez-vous ?
10:31Dans l'hémicycle, dès le début, ce qui est les premiers échanges.
10:35Alors, justement, je fais la différence, mais j'ai fait l'effort de faire la différence
10:39entre l'hémicycle où c'est un théâtre d'ombre, où c'est une caricature,
10:43et les commissions d'enquête qui sont justement un moment parlementaire assez exceptionnel
10:48et qu'il faut regarder aussi.
10:49Parce qu'on peut tout casser et dire, le Parlement ne sert à rien à regarder ce théâtre d'ombre.
10:53Moi, je dis, regardons aussi les commissions d'enquête, les rapports parlementaires bipartisans
10:57qui font souvent avancer les choses.
11:00Et c'est ce qui s'est passé hier.
11:01Alors, ne ramenons pas ce qui s'est passé hier aux caricatures de la France insoumise qui se...
11:05Avez-vous, avons-nous appris quelque chose hier ?
11:11Pas exactement. Les lignes n'ont pas énormément bougé.
11:16Il y a eu un moment d'échange de règlements de comptes où, en fait, François Bayrou a pu déplier sa défense.
11:22Il était, comme on l'a dit, très très préparé.
11:24Je pense qu'il a fait attention à revenir sur ses premières déclarations dans l'hémicycle
11:29où, clairement, ses propos étaient flous, contradictoires.
11:34Et c'est ce qui a pu prêter le flanc à une accusation directe de la part d'une partie de l'échiquier politique.
11:41Mais il n'y a pas d'élément nouveau, si vous voulez, qui renverse l'histoire.
11:44Il a attaqué de manière forte et virulente la lanceuse d'alerte.
11:48Oui, il a voulu décribiliser la lanceuse d'alerte, le policier, le juge, la presse.
11:55Mais avez-vous appris quelque chose ?
11:56Eh bien, j'ai appris la même chose que Charles.
11:59C'est-à-dire que c'est le procès, en fait, d'une époque qu'il faut qu'on fasse.
12:06Une époque dans laquelle nous étions aussi vivants, nous étions aussi journalistes, nous étions aussi...
12:11Et on n'a pas vu... En fait, il y a un changement assez anthropologique qui se passe en ce moment.
12:15des rapports hommes-femmes, des rapports de domination, des rapports à la sexualité.
12:21Et c'est ça, peut-être, que le Premier ministre, en tant qu'en charge de la politique de la France,
12:27aurait pu embrasser en se mettant à cette hauteur-là, plutôt qu'en se mettant face à Paul Vannier en disant
12:32« Vous êtes la France insoumise ».
12:34Vous n'êtes pas la France insoumise, il était membre de la Commission avec des socialistes, avec des LR.
12:39Et je trouve qu'il ne s'est pas mis à la hauteur.
12:41Il aurait pu se mettre à la hauteur de la situation, comme le dit Thomas Lebron.
12:44Et la Commission, il est sur la pente illibérale, assez désastreuse.
12:47Je suis assez d'accord. François Bayrou n'était pas dans son rôle de Premier ministre.
12:51Il était dans le rôle... On le voyait meurtri, attaqué.
12:55Et donc, il a répondu en homme attaqué, ce qui n'était clairement pas forcément au niveau.
13:00On a vu d'ailleurs, dans sa préparation, apparemment, ce qui a été le plus difficile pour ses conseillers,
13:06c'était de faire en sorte qu'il garde son calme.
13:07Pourquoi ? Parce que c'est aussi un homme qui est touché de façon personnelle.
13:10Il y a eu quelques semaines, les révélations de sa fille qui disaient faire partie des victimes de Bétharam.
13:16François Bayrou dit l'avoir découvert à ce moment-là.
13:18C'est une histoire qui le touche profondément.
13:21Il est loin d'être...
13:23Ce n'est pas anodin pour lui.
13:24Merci à tous les deux, Charles Sapin.
13:26Le point, Thomas Legrand, Libération et enquête de politique sur Inter.
13:31Merci d'avoir été à ce micro.
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