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  • 19/05/2025
« On a pris le risque d'un problème sanitaire au plus haut niveau de l'Etat », alerte la sénatrice Antoinette Guhl membre de la commission d'enquête sur le scandale des eaux en bouteilles.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 19 mai 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud au cœur de l'actualité et de notre quotidien.
00:09Que trouve-t-on vraiment dans nos bouteilles d'eau, plate ou gazeuses ?
00:13Nous ferait-on, Nestlé en particulier, avaler n'importe quoi au sens propre comme au figuré ?
00:17Pour en parler, vous avez choisi, Amandine, de recevoir Antoinette Gull,
00:19sénatrice de Paris et membre de la commission d'enquête sur les eaux minérales.
00:23Bonjour et bienvenue à vous.
00:24Bonjour et merci beaucoup d'être là ce matin.
00:26Une commission qui rend son rapport donc aujourd'hui et qui avait été mise en place, on le rappelle,
00:30au mois de novembre dernier après la découverte de pratiques illégales chez Nestlé,
00:35propriétaire des eaux minérales Perrier, Contrex, Vittel ou encore Épart.
00:39Concrètement, qu'est-ce qu'on leur reproche ?
00:42Alors, Nestlé Waters, vous l'avez dit, qui produit donc 4 eaux minérales,
00:48en particulier Perrier, Vittel, Épart et Contrex,
00:52a en fait utilisé des filtres, différents filtres qui sont interdits pour de l'eau minérale naturelle.
01:00Alors, pourquoi ont-ils utilisé ces filtres ?
01:02Parce que l'eau qu'ils distribuaient n'était pas une eau pure.
01:05Or, une eau minérale naturelle en France doit être une eau qui est pure à l'origine,
01:10ce qui n'est pas le cas.
01:11Mais on est d'accord, il n'y a pas de risque pour la santé,
01:14il n'y a pas eu de mort, pas d'intoxication,
01:16personne n'a été malade après avoir bu du Perrier par exemple.
01:18Alors, a priori, vous savez, quand vous allez chez le médecin et que vous avez, je ne sais pas, une gastro,
01:23aucun médecin ne vous dit que ce que vous avez bu comme eau.
01:25Non, mais il n'y a pas eu de mort, ça on est d'accord.
01:27Je vais vous dire, il n'y a pas eu de mort, sans doute qu'il n'y a pas eu de problème sanitaire,
01:31mais il y a eu un risque sanitaire qui a été pris à un moment donné,
01:34et c'est pourquoi ce scandale est d'autant plus important.
01:38C'est-à-dire qu'il y a eu risque sanitaire,
01:40c'est un scandale, à la fois un scandale d'Etat et un scandale industriel,
01:43pour lequel on a un peu couvert l'industriel, même beaucoup couvert l'industriel.
01:47Alors que c'est une eau de grande consommation.
01:50Scandale d'Etat pour lequel on a couvert l'industriel, qu'est-ce que ça veut dire ?
01:55Scandale d'Etat, ça veut dire, en réalité, que les ministres savaient,
01:59que Matignon savaient et que l'Elysée savaient que Nestlé trichait,
02:04que Nestlé Waters trichait sur ses marques d'eau,
02:07c'est-à-dire qu'elle ne respectait pas la réglementation,
02:10et ça, à toutes les échelles politiques,
02:12aujourd'hui, nous pouvons affirmer avec certitude que l'information était connue.
02:19C'est pour ça que c'est un scandale d'Etat.
02:21Mais ils étaient complices, l'Etat était complice de ça ?
02:23L'Etat le savait, alors à différents niveaux, je le disais.
02:26Il l'a caché ou pas ?
02:27Il l'a caché, bien entendu, il l'a caché volontairement,
02:30c'est-à-dire qu'il y a un rapport qui a été commandé dès 2021,
02:34qui est sorti en 2022,
02:36et qui n'a été rendu public qu'une fois que les journalistes ont sorti l'affaire en 2024,
02:41c'est-à-dire deux ans plus tard,
02:43que pendant deux ans et demi,
02:45Nestlé Waters a continué à tricher alors que tout le monde le savait.
02:48Antoine Edgul, vous portez des accusations extrêmement graves,
02:51vous et la Commission, puisque vous parlez de dissimulation de la part de l'Etat,
02:56relevant d'une stratégie délibérée,
02:58c'est ce qui est écrit dans le rapport de la Commission.
03:01Pourquoi, d'après vous, l'Etat a-t-il fait ça ?
03:03Est-ce que finalement, ce n'était pas un moyen de protéger l'emploi
03:08dans la mesure où il n'y avait pas de risque sanitaire ?
03:11Alors, dans la mesure où il n'y avait pas de risque sanitaire,
03:13c'est déjà un élément qui n'est pas confirmé par le rapport,
03:16puisque l'agence nationale, l'ANSES, l'agence nationale de la santé,
03:22dit à un moment donné, attention, il y a un risque.
03:25Mais le directeur général de la santé,
03:27et les deux directeurs généraux de la santé, d'ailleurs, disent pas de risque.
03:31Alors, c'est intéressant ce que vous dites,
03:33parce que le directeur général de la santé,
03:35qui n'était autre que M. Salomon,
03:37que nous connaissons bien, parce que c'est celui,
03:40par le Covid, c'est celui qu'on entendait tous les jours
03:42sur la question du Covid,
03:44lui a immédiatement dit, il faut arrêter la production.
03:48Il ne faut pas continuer la production.
03:49Et lui, ce qui l'intéresse, c'est bien les questions de santé.
03:52Donc, il y a quand même,
03:53il y a quand même un risque sanitaire.
03:56Aujourd'hui, il n'y a plus de risque sanitaire.
03:57Tout est extrêmement contrôlé par l'État,
03:59parce que l'État a quand même fait son travail,
04:01beaucoup de travail de contrôle.
04:03Ce que je veux dire, c'est que les fonctionnaires ont bien travaillé.
04:05Mais c'est au-dessus ?
04:06Mais oui, c'est la décision politique qui n'a pas été prise.
04:09Mais c'était quoi pour protéger Nestlé ?
04:11Alors, je vais répondre à votre question, pardon.
04:15Est-ce que c'était pour protéger Nestlé ?
04:16Sans aucun doute, c'était pour protéger Nestlé,
04:18puisqu'on a les conversations entre le secrétaire général de l'Élysée et Nestlé,
04:24puisqu'on est capable de prouver,
04:26et on a entendu, on a auditionné,
04:29beaucoup de personnes qui ont rencontré Nestlé,
04:31et qui savaient, beaucoup de personnes dans les cabinets ministériels,
04:34qui savaient exactement de quoi il s'agissait.
04:36Donc, bien sûr, c'était pour une forme de protection de l'industriel.
04:39Pourquoi ?
04:40Peut-être pour protéger les emplois.
04:42Deux mille emplois, ce n'est pas rien.
04:43Ce n'est pas rien, deux mille emplois.
04:45Et d'ailleurs, ce n'est tellement pas rien
04:46que c'est à l'industriel lui-même
04:48d'avoir la responsabilité de protéger ses emplois.
04:51Quand nous lui donnons l'autorisation
04:53d'aller utiliser une ressource importante,
04:56qui est cette eau minérale sous terre,
04:59qui est quand même une ressource commune à nous toutes et tous,
05:02d'en faire des milliards de chiffres d'affaires,
05:05il a quand même la responsabilité de protéger cette ressource.
05:08Ce que Nestlé Waters n'a pas fait.
05:10Je voudrais qu'on revienne sur ce système de traitement de l'eau.
05:13Donc, autorisé pour l'eau du robinet,
05:15on est d'accord,
05:16pour l'eau de source,
05:17mais pas pour les eaux minérales naturelles.
05:19Finalement, c'est plus un problème de tromperie du consommateur.
05:21C'est d'ailleurs pour ça qu'il y a une information judiciaire ouverte aujourd'hui.
05:25C'est un problème de tromperie du consommateur,
05:28qui est un problème grave,
05:29quand on achète de l'eau minérale naturelle.
05:31Il y a plein de gens qui nous écoutent,
05:32qui achètent de l'eau minérale naturelle
05:34et qui font des efforts financiers pour acheter cette eau minérale naturelle.
05:37Quelquefois, ils vont aller réduire leur budget alimentation
05:40pour pouvoir acheter de l'eau,
05:42parce que ça coûte très cher.
05:43Et bien, l'eau minérale naturelle,
05:44qui va coûter 200, 300 fois plus cher que l'eau du robinet,
05:48doit être de l'eau qui est puisée pure.
05:51C'est ça la règle.
05:52Mais il n'y a pas de risque aujourd'hui à boire cette eau,
05:54on est bien d'accord ?
05:55Il n'y a pas de risque parce qu'aujourd'hui,
05:57tous les contrôles de l'État sont effectués
06:00pour s'assurer qu'il n'y ait aucune eau qui sort
06:02avec un risque sanitaire.
06:04On sait depuis combien de temps ça durait ?
06:06Alors, ce que l'on sait de manière, là aussi,
06:08de manière certaine,
06:09parce qu'on le sait suite au travail
06:12qui a été fait aux investigations de l'État,
06:14on sait que ça durait depuis au moins 20 ans.
06:17Depuis au moins 20 ans ?
06:18Tout à fait.
06:19Et c'est extrêmement grave ?
06:20C'est extrêmement grave.
06:21Mais pourquoi personne ne s'en est mêlée avant ?
06:24L'État ne le sait que depuis 2021 ?
06:26Voilà, l'État ne le sait.
06:27Enfin, nous savons que l'État ne le sait que depuis 2021.
06:31Mais c'est une fraude qui dure depuis très très longtemps.
06:33Je disais, il y a une information judiciaire
06:35qui a été ouverte par le tribunal de Paris
06:37après deux plaintes pour pratiques commerciales trompeuses.
06:40Concrètement, que risque Nestlé ?
06:42Écoutez, ça a déjà eu lieu
06:44puisqu'il y a déjà eu une information judiciaire
06:46qui a été ouverte dans les Vosges
06:48pour Vittel, Contrex et Épard
06:50qui a donné lieu à une convention judiciaire d'intérêt général,
06:57c'est-à-dire un peu une convention à l'américaine.
06:59C'est-à-dire que le juge se met d'accord sur un montant d'amende
07:02et cette amende-là, en fait, clôt le dossier.
07:05Donc, pour les Vosges, ça a été fait l'année dernière
07:08et Nestlé a été condamné à 2 millions d'euros d'amende
07:11pour une fraude qui représente quand même
07:14et chiffrée pour les trois dernières années
07:15à 3 milliards d'euros.
07:17Donc, c'est presque du pouce au crime,
07:18le montant de l'amende par rapport au chiffre d'affaires.
07:21Du pouce au crime ?
07:22Par rapport au chiffre d'affaires, bien sûr.
07:24Quand on dit à un industriel,
07:26vous gagnez des milliards en vendant
07:28une eau minérale naturelle qui n'en est pas
07:29et si jamais vous vous faites pincer
07:31à ce que vous risquez, c'est 2 millions d'euros,
07:33excusez-moi, je ne vais pas aller plus loin.
07:35Mais effectivement, c'est quand même pas très dissuasif.
07:38Le préfet Dugard a donné à Perrier 2 mois
07:39pour se mettre en conformité
07:41et il dira le 7 août, s'il renouvelle ou non
07:43l'autorisation d'exploitation comme eau minérale naturelle.
07:46Ça veut dire concrètement que l'eau de Perrier
07:48pourrait disparaître des rayons ?
07:50En tant qu'eau minérale naturelle, c'est possible.
07:53En effet, puisqu'en réalité, c'est le rôle de l'État,
07:56j'allais dire notre rôle, mais le rôle de l'État
07:58et des institutions que de protéger ce qui est mis en vente.
08:01Ce qui est mis en vente, si c'est de l'eau minérale naturelle,
08:04c'est de l'eau qui est à la fois minérale
08:05et pure à la source.
08:07Si elle n'est pas pure, elle ne peut pas avoir
08:09cette appellation d'eau minérale.
08:11Et c'est important de protéger ça
08:12parce que toutes les autres marques d'eau minérale
08:15qui, elles, sont pures, doivent pouvoir
08:18être distinguées d'une eau qui est traitée.
08:20Donc, effectivement, Perrier peut perdre
08:22l'appellation d'eau minérale naturelle
08:24si l'entreprise ne se met pas
08:27en conformité avec la réglementation,
08:30c'est-à-dire qu'elle enlève les filtres interdits
08:32qu'elle met encore aujourd'hui.
08:33Juste un dernier mot, Antoine Edgul.
08:35Vous parliez de ces actions en justice contre Nestlé, contre Perrier.
08:39Est-ce que l'État pourrait être poursuivi ?
08:41Alors, je ne sais pas.
08:43L'État, est-ce que l'État pourrait être poursuivi ?
08:44Ça, je ne sais pas, puisque nous n'avons pas
08:46aujourd'hui, si vous voulez,
08:48nommément, et pourtant,
08:50ce n'est pas faute d'avoir fait des auditions,
08:52puisque moi-même, j'ai mené la mission d'information
08:54l'année dernière sur Nestlé.
08:57J'ai aujourd'hui, je suis vice-présidente
08:58de cette commission d'enquête qui s'est terminée
09:00il y a quelques jours.
09:01J'ai mené, j'allais dire,
09:03près de 150 auditions,
09:05plus d'une centaine d'auditions sur Nestlé,
09:07sans pouvoir dire
09:08qui,
09:11sans pouvoir dire qui,
09:13on ne peut pas attaquer.
09:15Donc, pour l'État,
09:16ça va être compliqué.
09:17Je crois que le secret a été bien gardé,
09:19et je dirais même pour Nestlé,
09:21parce que Nestlé s'est très, très mal comporté
09:23au cours des auditions,
09:24en ne répondant pas aux questions,
09:26en faisant semblant que tout allait bien.
09:28Enfin, voilà, donc c'est effectivement
09:30une double responsabilité.
09:34Merci beaucoup Antoine Edgul,
09:35sénatrice écologiste de Paris
09:37et membre de cette commission d'enquête.

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