L'avenir de l'Ukraine est-il suspendu à l'entretien téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine ? Regardez l'analyse de Sylvie Bermann, première femme à avoir occupé la fonction d'ambassadrice de France en Chine, au Royaume-Unis et en Russie. Elle publie "L'ours et le dragon" aux éditions Tallandier.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 20 mai 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:04Il est 8h17, l'interview d'Amandine Bégaud au cœur d'une actualité diplomatique plus intense et incertaine que jamais.
00:10Il y a eu le coup de fil, Trump-Poutine hier soir.
00:12Sylvie Berman a été ambassadrice de France en Russie, mais aussi en Chine.
00:16Elle publie L'ours et le dragon et elle est votre invitée ce matin.
00:18Amandine, bonjour et bienvenue à vous.
00:20Bonjour et merci d'être avec nous ce matin, Sylvie Berman.
00:23L'ours, c'est la Russie, le dragon, la Chine.
00:26Histoire d'une amitié sans limite, c'est la question que vous posez dans ce livre.
00:29On va y revenir dans un instant, mais arrêtons-nous d'abord sur ce coup de fil qu'évoquait à l'instant Thomas.
00:33Coup de fil entre Donald Trump et Vladimir Poutine.
00:35La discussion a duré 2h05.
00:38C'est long, on est d'accord, pour un coup de fil entre présidents ?
00:41C'est très long.
00:42Très long ?
00:43Oui, parce que j'ai assisté à des coups de fil entre le président Macron et le président Poutine.
00:48C'était long déjà, mais ça ne durait pas plus de 2h.
00:51Petite question subsidiaire, ils se parlent chacun dans leur langue, dans ces moments-là ?
00:56Oui, ils se parlent chacun dans leur langue.
00:58A ma connaissance, Trump ne parle pas le russe.
01:00Non, mais Poutine ne pourrait parler anglais ?
01:02Non, non, jamais.
01:03Poutine, il parlait allemand avec Angela Merkel parce qu'il a vécu en Allemagne.
01:08Mais en réalité, on est en situation de faiblesse quand on ne parle pas dans sa langue maternelle.
01:14Donc, il comprend l'anglais, ce qui est un avantage pour lui, parce qu'il a un temps d'avance dans la discussion.
01:20Mais non, il s'exprime en russe.
01:22Conversation utile, a dit hier soir le président russe.
01:25Il évoque une discussion très instructive et très franche.
01:28Ça veut dire quoi, ça, Sylvie Merman, en langage diplomatique ?
01:32Alors, en langage diplomatique, très franc, ça veut dire qu'il y a des désaccords.
01:36Alors, instructive, c'est parce qu'il prend note de la position de Trump,
01:43mais aussi probablement de celle des Ukrainiens et des Européens par la même occasion,
01:48puisque jusqu'à la rencontre d'Istanbul, il n'y avait aucun contact direct avec les Ukrainiens
01:53et il n'y a aucun contact direct avec les Européens.
01:56Bon, pas d'accord notamment sur ce cessez-le-feu.
01:59Donald Trump a annoncé des négociations en vue d'un cessez-le-feu.
02:03Elles étaient censées démarrer immédiatement.
02:05C'est en tout cas ce que le président américain a dit hier soir.
02:07Et puis de son côté, Vladimir Poutine parle de mémorandum avec l'Ukraine
02:09concernant un possible traité de paix, tout en appelant qu'Yves a des compromis.
02:14Sincèrement, on a l'impression qu'ils n'ont pas assisté à la même discussion.
02:17Oui, mais ça, c'est assez fréquent et surtout avec le Kremlin.
02:21Il y a parfois, effectivement, des communiqués qui sont différents,
02:24qui prouvent qu'il n'y a pas d'accord.
02:25Sinon, ça serait un communiqué conjoint.
02:31La différence, c'est la temporalité, c'est-à-dire que Donald Trump est pressé.
02:35Alors que Vladimir Poutine cherche à gagner du temps.
02:38Il essaye de gagner du temps, il fait traîner, c'est ça ?
02:41Oui, parce qu'en réalité, il a le sentiment d'être gagnant sur le terrain.
02:46Mais en même temps, il n'a pas occupé toutes les régions qu'il a annexées.
02:51Et donc, je pense que s'il pouvait, effectivement, gagner davantage de terrain,
02:56ça serait dans son avantage dans la négociation.
03:00Sylvie Berman, vous connaissez parfaitement la Russie,
03:03parfaitement comment fonctionne aussi Vladimir Poutine.
03:05Est-ce que vous pensez, sincèrement, que Donald Trump peut lui tordre le bras ?
03:10Non, personne ne peut lui tordre le bras.
03:13Cela dit, Vladimir Poutine, tous les observateurs russes me disaient,
03:18c'est une boîte noire.
03:19C'est-à-dire, vous savez ce qu'il fait une fois qu'il est passé à l'acte.
03:23Parce qu'il y a des déclarations, on peut savoir ce qu'il pense,
03:26mais ce qu'il va faire, on ne le sait pas toujours.
03:29Donc, c'est difficile.
03:32Et puis, effectivement, il a le sentiment qu'il peut, en durant, gagner la guerre.
03:39Pas totalement, il ne peut pas gagner la guerre en Ukraine.
03:42De ce point de vue-là, c'est un échec.
03:44Mais effectivement, il a tiré un peu ses positions.
03:46Il a tiré un peu, absolument, ses positions, comme vous le dites.
03:49Et puis, Vladimir Poutine s'est coupé totalement de l'Occident.
03:54Mais en revanche, il a un soutien dans le reste du monde.
03:58Quand il y a eu la réunion des BRICS à Kazan,
04:02la presse russe a dit, voilà, la majorité mondiale est là.
04:06Et notamment le soutien de la Chine.
04:10Vladimir Poutine s'est affiché le 9 mai aux côtés du président chinois.
04:13C'était lors des commémorations de la victoire sur l'Allemagne nazie à Moscou.
04:16Et on en revient à votre livre.
04:17Cette amitié entre ces deux pays, qui a aujourd'hui le plus besoin de qui ?
04:23C'est un partenariat asymétrique, ce n'est pas une alliance.
04:28Vous parlez de mariage de raison.
04:29C'est un mariage de raison, ce n'est pas un mariage d'amour.
04:32Parce que les deux peuples ne se comprennent pas, ne s'aiment pas toujours.
04:38En revanche, les deux dirigeants, oui, parce qu'ils ont fait un choix,
04:41qui est un choix stratégique.
04:43Ils comprennent qu'ils ont un ennemi commun qui est les Etats-Unis.
04:46Donc l'ennemi de mon ennemi est mon ami.
04:49Et en réalité, Vladimir Poutine sait très bien que même s'il y a une forme d'idylle,
04:54de bromance, comme on a pu le dire, entre Donald Trump et lui,
05:00ça n'est pas du tout partagé, bien sûr, chez les démocrates,
05:06ni même chez les républicains traditionnels.
05:08Donc ce n'est pas quelque chose de durable.
05:10Alors que l'amitié avec la Chine, c'est quelque chose de durable.
05:15Lors de la rencontre du 9 mai, ils ont même trouvé une autre formule,
05:18qui est un partenariat d'acier.
05:20Malgré tout, et vous l'écrivez dans votre livre,
05:22la Chine ne soutiendra pas coûte que coûte la Russie.
05:24Qu'est-ce qui pourrait, j'allais dire, peut-être pas les fâcher,
05:28mais affaiblir les liens qui les unissent ?
05:30Alors, je pense que la Chine n'aime pas du tout cette guerre,
05:32parce que ça perturbe la guerre en Ukraine,
05:36parce que ça perturbe les circuits économiques,
05:39et que la Chine, c'est ce qui l'intéresse.
05:41En plus, elle est sous-sanction.
05:43Certaines de ces entreprises sont sous-sanction.
05:45Il y a même une menace de sanctions massives de 500%
05:48sur les pays qui achèteraient du gaz, de l'uranium ou du pétrole à la Russie.
05:55Et ça, ça peut peser, Sylvie Berman, ces menaces de sanctions sur la Chine ?
06:00Je pense, alors, moi j'en ai parlé avec des spécialistes chinois,
06:08et ils me disent qu'ils ont surévalué souvent la capacité d'influence
06:11de Xi Jinping sur Vladimir Poutine.
06:15En revanche, je pense que Xi Jinping peut lui dire,
06:19écoute, là, ça va.
06:21Ça me coûte trop cher.
06:22Ça me coûte trop cher, mais aussi ramasse la mise,
06:25parce que finalement, tu n'auras rien de mieux,
06:28et c'est ton intérêt.
06:30Parce que la rencontre avec Trump, qui est envisagée,
06:33c'est la réhabilitation de Vladimir Poutine sur la scène internationale.
06:37Bon, la clé, elle se trouve finalement peut-être plus en Chine qu'aux Etats-Unis.
06:41La clé de ce conflit en Ukraine.
06:43Pas totalement, mais à la place de Donald Trump,
06:46je demanderais cette aide à Xi Jinping,
06:48parce qu'il l'a demandé au moment où il a...
06:51D'ailleurs, c'était l'administration précédente où ils ont craint le recours à l'arme nucléaire
06:58après la perte de Kherson par la Russie.
07:01Et Xi Jinping l'a effectivement fait.
07:04Mais il y a une relation de proximité entre les deux dirigeants,
07:08et ça, je l'ai constaté lors du forum de Vladivostok,
07:12enfin, ce que je raconte effectivement dans le livre.
07:15Et donc, je pense que c'est une relation qui est une relation très forte.
07:19Pas de soutien total,
07:20parce que la Chine n'a jamais reconnu l'annexion de la Crimée, par exemple.
07:24Merci beaucoup, Sylvie Berman, d'être venue nous voir ce matin
07:27pour nous aider à y voir plus clair.
07:29Ancien ambassadeur de France en Chine, en Russie et au Royaume-Uni.
07:32Et donc, il y a ce livre,
07:33L'ours et le dragon, Russie-Chine,
07:35histoire d'une amitié sans limite.
07:36C'est publié chez Talendier.
07:37Le livre sort demain, je crois.
07:39Oui.
07:39Merci.