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  • 17/05/2025
Dans Parlons Femmes, Judith Beller reçoit Léa Waterhouse, créatrice du podcast "Philomène la danse" et auteure du livre "Philosophesses et autres outsiders de la pensée" - Ed. Dalva


"Parlons Femmes" nous raconte les parcours des femmes extraordinaires qui tissent le lien de notre République. Nous explorons des thèmes universels tels que la lutte pour l’Egalité des genres, la liberté d’expression, la diversité culturelle, le droit à disposer de son corps. Et surtout, nous donnons la parole aux hommes engagés. Oui, ils existent, et il est essentiel de les entendre et de les encourager !

Une émission de Judith Beller.

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##DESTIN_DE_FEMMES-2025-05-17##

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Transcription
00:00La Caisse d'épargne Île-de-France, fière de soutenir toutes les femmes, vous présente Sud Radio, Parlons Femmes, Judith Belair.
00:09Bonjour et bienvenue dans Parlons Femmes, Parlons Vrai, Parlons Femmes Ensemble, femmes et hommes confondus pour toutes les femmes, avec vous sur Sud Radio.
00:17Léa Waterhouse a créé Philomène Ladence, c'est un podcast exclusivement dédié aux femmes philosophes et puis elle continue sur sa lancée avec un livre.
00:24Philosophesse et autres outsiders de la pensée, c'est sorti chez Delva.
00:27Et oui, comme hélas dans nombre de domaines, la philosophie a longtemps été réservée à une élite masculine occidentale.
00:33Et donc vous Léa, vous avez suivi pas à pas les voix féminines et puis aussi votre grand-père philosophe lui-même.
00:39Et vous nous réinjectez une bonne dose de féminité, ça fait du bien, bienvenue dans Parlons Femmes.
00:42Merci Judith.
00:42Avec plaisir.
00:44Sud Radio, Parlons Femmes, Judith Belair.
00:48Alors parlons vrai quand on parle vrai, on parle femme sur Sud Radio, au risque de me répéter Léa Waterhouse.
00:52Alors quel mot ou quelle image vous vient spontanément quand on vous parle de féminisme ?
00:56Eh bien, quand je pense au féminisme, je pense à une image dans laquelle il y aurait beaucoup de femmes différentes, de différentes époques, de différentes origines.
01:06Alors je sais pas, pourrait y avoir une lycéenne aujourd'hui qui refuse de se taire, une poétesse soufie du XIIe siècle, une ouvrière du textile du XIXe siècle.
01:16Et elles sont toutes ensemble et elles ont un même message, une même voix.
01:19Et pour moi c'est ça le féminisme en fait.
01:20Et c'est quoi le message alors ?
01:22Eh bien, le message c'est protégeons la femme, battons-nous pour l'égalité des sexes.
01:28C'est un truc qui vous touche tout particulièrement vous ça Léa, on le sent quand on vous dit.
01:32Oui, c'est quelque chose qui m'anime énormément.
01:35Alors, si vous pouviez supprimer un seul stéréotype qu'on entend sur les femmes, avec un petit claquement de doigts comme ça, ça serait lequel ?
01:43Il y en a beaucoup.
01:44Celui qui vous dérange le plus ?
01:46Celui qui me dérange le plus, c'est l'idée que la femme est hystérique.
01:52Parce que les hommes, ils peuvent l'être aussi, il paraît.
01:55Il paraît-il ?
01:56Bah oui, ce serait pas très étonnant d'ailleurs, parce qu'on a tous finalement la même sensibilité.
02:01En fait, ça dépend pas du genre, mais c'est un stéréotype qui a la vie dure.
02:05Parce qu'il date quand même, ça date d'Hippocrate, qui nous disait que les femmes sont instables émotionnellement à cause de leur corps.
02:11Enfin, l'hystérie c'est Freud.
02:12Alors oui, ça a été théorisé après par Freud, mais il y a cette idée de l'instabilité émotionnelle à cause de l'appareil génital féminin.
02:20Et en fait, non seulement les femmes finissent par adhérer à ce stéréotype, donc c'est dramatique,
02:25mais en plus, c'est vraiment un stéréotype qui est utilisé pour discréditer les femmes intellectuelles et en politique.
02:32Et j'ai cette image d'une scène qui m'avait beaucoup marquée à la télévision.
02:37C'était Nicolas Sarkozy, lors d'un débat contre Ségolène Royal, ça devait être en 2007,
02:43qui avait dit à la télé nationale, à Ségolène Royal,
02:46« Je ne sais pas pourquoi Madame Royal, d'ordinaire si calme, a perdu ses nerfs ».
02:50Et en fait, la phrase, elle passe complètement inaperçue,
02:53mais quand on l'analyse, qu'est-ce que ça veut dire ?
02:54Qu'une femme, il faut qu'elle soit calme, subordonnée,
02:57et que même quand elle candidate à la plus haute fonction de l'État,
03:00si elle ne reste pas dans ce cadre-là,
03:03elle est taxée de folle, d'hystérique, elle perd ses nerfs.
03:06Donc c'est grave, finalement, parce que ça la discrédite Madame Royal,
03:10qui a très bien répondu.
03:10D'ailleurs, elle a dit « Je ne perds pas mes nerfs, je suis en colère ».
03:12Elle avait raison de l'être.
03:14Donc j'aimerais bien qu'on laisse les femmes vivre intellectuellement, politiquement,
03:18et sans les ramener à leur corps.
03:19Est-ce que vous ne pensez pas que les femmes prêtent un peu le coup aussi à tous ces préjugés, parfois ?
03:26Complètement, parce qu'on finit par adhérer à nos propres stéréotypes.
03:30Et je prends l'exemple du mot « philosophèse ».
03:33Il y a des femmes, parfois, qui me disent
03:34« Non, philosophe, ça fait plus sérieux. »
03:37Il n'y a absolument aucune raison que de masculiniser un mot,
03:39de parler d'une femme au masculin, ça fasse plus sérieux.
03:42Mais en fait, c'est normal de penser ça,
03:43puisqu'on nous dit tout le temps que le masculin est le sexe fort, le sexe noble.
03:48Donc on finit par adhérer à ce qu'on entend toute notre vie.
03:50Alors d'aucun vous dirait que c'est aussi parce que c'est plus joli, philosophe, que philosophèse ?
03:54Tout simplement.
03:55Alors je pense que l'argument de l'esthétique, pour moi, il est bidon.
03:59Il est bidon.
04:00On ne peut pas dire qu'un mot féminin est moche.
04:03D'ailleurs, on ne dit jamais qu'un mot masculin est moche.
04:04Non, parce qu'on a l'habitude de l'entendre.
04:06C'est ça, exactement.
04:08En fait, un mot n'est jamais moche, c'est juste qu'il est peu usité.
04:11En fait, on l'entend mal.
04:12Et je pense que le mot « week-end » a dû mettre beaucoup de temps avant d'être accepté.
04:16Là, on aurait pu utiliser un peu l'argument esthétique,
04:19parce que c'est un mot anglais, c'est même pas français.
04:21Pourtant, aujourd'hui, on ne se pose même pas la question.
04:23Sur les anglaisistes, mais effectivement, oui.
04:25Qu'est-ce qui fait que, quelle mesure concrète dans le droit des femmes
04:27a vraiment changé la donne, si elle l'a changé, pour vous ?
04:31L'accès à la contraception.
04:34Ça, c'était une révolution silencieuse absolue dans la société,
04:37parce que le fait qu'une femme puisse décider si elle veut un enfant,
04:41quand elle veut un enfant, reprendre le pouvoir sur son corps,
04:44sa santé, son temps, ses études,
04:46ça a aussi redéfini les rôles sociaux, en fait, de genre.
04:50Donc ça, c'était une très grande révolution pour moi dans le droit de la femme.
04:54Et qu'est-ce qui vous agace, s'il y a quelque chose qui vous agace
04:56dans le féminisme d'aujourd'hui ?
04:59Alors, ce qui m'agace dans le féminisme d'aujourd'hui,
05:04c'est qu'un peu comme les meilleurs groupes de rock,
05:07les féministes ont fini par s'éclater, en fait,
05:10parce qu'on a d'un côté, aujourd'hui, les féministes universalistes
05:14et les féministes intersectionnelles.
05:16Et donc, les universalistes, elles pensent que la femme est un groupe homogène,
05:21que la femme, il n'y en a qu'une, elle est pareille, on est toutes pareilles.
05:24Les féministes intersectionnelles prennent en compte le fait
05:27qu'une femme peut être doublement, triplement discriminée
05:31si jamais...
05:32Elle est racisée.
05:34Voilà, elle fait partie d'une minorité ethnique, de genre sexuel.
05:39Et vous adhérez à quoi, vous ?
05:41Alors, moi, complètement féministe intersectionnelle,
05:44je pense que ça s'entend, si je soulève le problème.
05:47Mais je pense vraiment que les féministes universalistes...
05:49Mais, par exemple, dans le féminisme intersectionnel,
05:51il y a des endroits où, par exemple, on dit qu'entre noirs, c'est mieux,
05:55ou entre femmes, c'est mieux.
05:56Donc, on exclut d'office les autres.
05:58Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un peu contraire ?
06:00Alors, oui, je ne le vois pas comme étant quelque chose d'excluant.
06:04Je pense, au contraire, qu'il faut soulever
06:07cette problématique supplémentaire pour elle,
06:10au risque, sinon, de créer d'autres divisions.
06:13Par exemple, les féministes universalistes,
06:16elles n'ont pas du tout aidé la condition des femmes racisées au travail.
06:20Et alors, je peux vous dire la même chose qu'ouïe des femmes israéliennes ?
06:24Les femmes féministes intersectionnelles,
06:27elles n'ont pas adhéré du tout à la cause des femmes israéliennes
06:29après le 7 octobre ?
06:30C'est bien le problème, en fait.
06:31C'est de dire qu'on a un espèce de morcellement,
06:33alors les femmes sont toutes pareilles,
06:35ou alors on est féministe, mais pas pour toutes les femmes,
06:37et à la même échelle.
06:38Et ça, ce n'est pas recevable.
06:40Donc, vous êtes plutôt universaliste, vous, en fait ?
06:41Non, intersectionnelle.
06:43Vous êtes sûres ?
06:44Allez, je sais que vous ne l'aimez pas beaucoup,
06:46mais je vais la citer quand même.
06:47Simone de Beauvoir nous disait dans le second sexe,
06:50on ne naît pas femme, on le devient.
06:51Vous allez nous dire après pourquoi vous ne l'aimez pas.
06:53C'est quand la première fois que vous l'êtes devenue, vous, femme ?
06:55Et à Waterhouse ?
06:56Si vous l'êtes devenue, déjà, peut-être ?
06:58Oui, oui, oui.
06:59Alors, je pense qu'il y a un moment où j'ai réalisé que j'étais une femme,
07:02et après, il y a un moment où j'ai apprécié être une femme.
07:04Le moment où j'ai réalisé, j'avais 21 ans,
07:09et j'étais avec mon premier copain qui était tout à fait délicieux,
07:13très charmant, et qui était un peu plus âgé que moi,
07:16et il me demandait, en fait, à l'issue de mes études,
07:18combien avoisinerait mon premier salaire.
07:21Et quand je lui ai dit, il m'avait répondu,
07:23mais c'est plus que moi.
07:25Et je n'avais pas du tout les mêmes préoccupations en 21 ans que maintenant.
07:29Et en fait, je n'avais pas compris,
07:30j'étais très confuse de ce qu'il disait,
07:31parce que pour moi, c'était un non-sujet d'être une femme.
07:34Et c'est le moment, quand il a dit ça,
07:36où j'ai réalisé que c'était un sujet,
07:38que c'était attendu de lui de gagner plus que moi,
07:40de subvenir aux besoins de ses enfants, de sa femme.
07:42Donc ça, c'était tristement le moment où j'ai réalisé
07:45que c'était un sujet d'être une femme.
07:47Après, je pense que j'ai vraiment apprécié, autour de 29 ans,
07:50quand j'ai commencé à prendre conscience de ce que c'est l'efféminité.
07:53Je ne dis pas la féminité patriarcale de la bimbo bien lisse,
07:56mais l'efféminité à différents âges, différentes expressions.
08:00Et maintenant, je me sens vraiment libre d'explorer tout ça.
08:03Est-ce qu'on peut être féministe et féminine ?
08:05Bien sûr.
08:06Parce que dans les féministes intersectionnelles dont vous nous parlez,
08:09il y en a beaucoup qui prennent les attributs des hommes, justement.
08:11Oui, c'est ça.
08:13Chacun fait ce qu'il veut, c'est ça ?
08:14Voilà, c'est ça.
08:15Chacun fait ce qu'il veut.
08:17Et puis, même dans l'efféminité,
08:18on peut inclure aussi les personnes qui sont transidentitaires,
08:22des hommes queers qui sont pleins d'aplomb.
08:24Vous incluez les hommes queers pleins d'aplomb dans les femmes, vous ?
08:27Dans les expressions de la féminité, oui, je pense.
08:31Ça, c'est vraiment un langage de la nouvelle génération.
08:33Excusez-moi, ça me perturbe un peu.
08:35Alors, dans Philosophas, vous nous démontrez avec esprit,
08:40et d'ailleurs une certaine rigueur, l'image traditionnelle du philosophe,
08:42qui est donc l'homme blanc, barbu en général, en toge, en costume de tweed.
08:47Et l'idée, c'est qu'en fait, ce que vous dites,
08:51c'est qu'on a volontairement laissé dans l'ombre les femmes philosophes,
08:54et aussi celles issues des minorités,
08:55et puis les penseurs en général qui sont issus des minorités.
08:57Vous les mettez dans le même panier ?
08:59Oui.
09:00D'accord.
09:00Oui, je pense complètement.
09:02Pourquoi ? Parce que la philosophie, c'est un ensemble d'outils
09:06pour mieux apprendre à se comprendre, à vivre avec le monde.
09:09Et si ce sont des outils qui ont été façonnés que par des hommes blancs pour des hommes blancs,
09:13il y a tout un tas de personnes à qui ça ne va pas parler.
09:15Donc ça comprend les femmes.
09:16Et Socrate, il parle aux hommes blancs ?
09:19Oui, je pense.
09:20D'accord.
09:20Complètement.
09:21Ok.
09:22Oui.
09:23Et je pense que, alors, tout dépend des sujets,
09:26mais en tout cas, il y a nécessairement des sujets qui n'ont pas été traités,
09:30parce qu'ils n'étaient pas concernés, en fait, par les philosophes masculins, élitistes.
09:36La philosophie s'est privée de tout un tas de sujets
09:38qui ont été très bien pensés par des philosophesses,
09:42mais également d'autres minorités, oui.
09:44Et alors, vous retracez quand même cette histoire de l'invisibilisation des femmes dans la philo,
09:51depuis l'Antiquité, jusqu'à aujourd'hui d'ailleurs,
09:53de nombreuses femmes ont eu une pensée originale, qui ont été effacées.
09:57Alors, il y a un exemple troublant, ça je ne le savais pas,
10:00que Descartes n'aurait pas inventé, je pense, dont je suis,
10:04puisque ça devrait être normalement Teresa de Havila, je vais aller chercher du coup,
10:07qui est née en 1515, qui est morte en 1582,
10:12qui a écrit un truc en particulier qui s'appelle le château intérieur,
10:15et elle, elle disait, je vois que je pense, et donc je ne puis douter que je sois.
10:19Et bien, ça a précédé Descartes de plusieurs décennies.
10:21Alors, il n'y a rien qui prouve qu'il l'ait lu, mais bon.
10:24Alors, on est quasi sûr quand même que Thérèse d'Avila, c'était une rockstar à son époque,
10:29et qu'elle était tout à fait étudiée chez les jésuites, où Descartes a étudié,
10:33et qui a été tenue en très haute estime par les professeurs de Descartes aussi.
10:37Déjà, à l'époque, ça avait fait tilt, le fait que ce soit des méditations métaphysiques,
10:41parce que méditation, c'est un terme qui est plutôt religieux.
10:43Et ce qui est normal, parce que Thérèse d'Avila, elle était mystique, elle était religieuse.
10:47Donc, elle donne un petit peu les étapes, en fait, qu'il faut suivre
10:51pour avoir cette méditation religieuse antérieure, pour prendre conscience de sa propre conscience,
10:56et c'est exactement ce qu'a fait Descartes.
10:57Ce qui paraît complètement fou, c'est de se dire qu'on est passé à côté de cette information,
11:03mais le problème, c'est que ça fait des siècles que plein de personnes, d'intellectuels,
11:08ont essayé de chercher quels grands hommes avaient influencé Descartes pour cet ouvrage,
11:12et ils ne se sont pas doutés une seule seconde que c'est une grande femme.
11:15Et à chaque grand homme, il y a une grande femme, en fait.
11:17Voilà, et inversement, en fait, à chaque grande femme, il y a un grand homme.
11:20Allez, sur Sud Radio, on parle femme, parce qu'on parle vrai.
11:22On est avec Léa Waterhouse, qui est créatrice du podcast Philomène Laddance,
11:26et auteur de philosophesse et autres outsiders de la pensée.
11:29C'est sorti chez Dalva, vous restez avec nous, à tout de suite.
11:32La Caisse d'épargne Ile-de-France, fière de soutenir toutes les femmes,
11:36vous présente Sud Radio, parlons femme, Judith Belair.
11:41Bienvenue dans Parlons Femmes, sur Sud Radio,
11:43l'émission qui dépoussière le féminisme pour en faire un terrain d'union
11:45entre femmes et hommes au nom de l'égalité.
11:47Aujourd'hui, vous écoutez Léa Waterhouse, qui est créatrice du podcast Philomène Laddance,
11:51qui est exclusivement dédiée aux femmes philosophes, philosophesses donc,
11:55et auteure de philosophesses et autres outsiders de la pensée.
11:58C'est sorti chez Dalva.
11:59Alors avant qu'on continue, Léa, je voudrais quand même que vous nous expliquiez
12:02pourquoi vous n'aimez pas Simone de Beauvoir, qui a tant fait pour nous.
12:05Alors, Simone de Beauvoir, moi, déjà, je ne pense pas qu'elle ait tant fait pour nous.
12:12Je pense qu'elle n'a rien inventé et qu'il y a beaucoup d'autres personnes avant elle
12:15qui ont écrit des ouvrages et des idées qui se rapprochaient du deuxième sexe.
12:21Par exemple ?
12:22Par exemple, L'assujettissement des femmes de John Stuart Miller.
12:28C'est un homme en plus qui l'a écrit.
12:30Ça se rapproche énormément du deuxième sexe.
12:32Ça a été écrit au XIXe siècle.
12:35Mais voilà, en tout cas, elle a eu tout un tas de comportements
12:39qui étaient extrêmement déviants après dans sa vie privée et même publique
12:43parce qu'elle a été radiée quand même de l'éducation nationale.
12:45Pour quelles raisons ?
12:46Pour des affaires de pédocriminalité avec ses élèves
12:50et qui avaient carrément avec Sartre un réseau
12:53où en fait, elle choisissait parmi les lycéennes qu'elle...
12:57Ça a été prouvé tout ça ?
12:58Oui, complètement.
12:59Bah oui, puisqu'elle a été radiée de l'éducation nationale
13:02et elle a d'ailleurs terminé sa carrière à Radio Vichy.
13:04La radio du régime de Pétain.
13:06Donc c'est vrai que pour moi, j'ai du mal à l'assimiler
13:08à une figure féministe.
13:10Déjà, si elle accepte de travailler avec le régime de Vichy
13:14à la radio de Pétain
13:15et qu'en plus de ça, bon, on n'est quand même pas pédocriminel
13:19ou voilà, quand on est féministe généralement.
13:23D'accord.
13:24Alors, ce que vous nous racontez,
13:26c'est que ces femmes en question qui ont été invisibilisées,
13:29elles sont souvent pensées avant les hommes célébrés.
13:31Donc elles se sont fait piquer leurs idées, en fait.
13:33Oui, il y en a eu, il y en a eu.
13:35En fait, quand j'ai écrit le livre,
13:37alors déjà, ça a été très difficile de trouver des sources.
13:39C'est ça qui était un petit peu le constat triste.
13:41Comment vous avez fait ?
13:43Alors, je l'ai fait de plein de façons différentes.
13:45Sur Internet, on ne trouve quasiment rien.
13:47On peut tout trouver, sauf les philosophesses,
13:50avoir des ressources dessus.
13:51Donc j'ai contacté des universités,
13:53des musées, des bibliothèques.
13:56Un vrai travail de recherche, quoi.
13:57Il y a eu un gros travail de recherche
13:58et j'aurais aimé avoir dix personnes dans l'équipe.
14:01Je pense qu'on aurait découvert encore plus de choses.
14:04Mais en tout cas, il y a eu un travail déjà de source, de ressource.
14:07Et après, il y a eu un travail pour débunker, en fait, les informations.
14:11C'est-à-dire débunker, mettre en évidence
14:14que certaines informations que nous avons ne sont pas vraies
14:17ou elles sont attribuées à des hommes
14:19alors que c'était des femmes qui les avaient dites avant.
14:21Et alors, ce que vous nous dites aussi,
14:23c'est qu'exclure les femmes, c'est appauvrir la pensée collective.
14:26Oui.
14:27D'accord.
14:27Mais alors, est-ce que vous avez justement un exemple concret de ça ?
14:31Oui, plein.
14:32Allez-y.
14:33Plein, plein, plein.
14:34Justement, dans la philosophie,
14:36il n'y a pas un sujet qui n'a pas été traité en philosophie,
14:39quasiment, quand on cherche.
14:41Par contre, c'est la manière dont on traite les sujets.
14:44Je pense à la maternité, par exemple.
14:46Ça, c'est évidemment que ça concerne aussi les hommes,
14:50la parentalité, l'expérience de la maternité.
14:52Mais en tout cas, je pense que vraiment la transformation métaphysique
14:56que les femmes vivent pendant l'expérience de la grossesse,
15:00ça, il n'y a qu'une femme qui peut en parler.
15:02Voilà, donc je ne suis pas en train de dire
15:03qu'un homme qui ne l'a pas vécu ne peut pas en parler.
15:05Anna Arendt a parlé de maternité alors qu'elle n'a pas eu d'enfant.
15:08Mais je pense qu'on est obligé de tenir compte aussi
15:11de la diversité de l'expérience.
15:13Et alors, pour en revenir sur l'intersectionnalité,
15:15il y a un autre truc, c'est qu'on dit souvent
15:17que quand on est noire, on ne peut pas parler de la douleur noire.
15:19Quand on est juif, on ne peut pas parler d'autre chose
15:22que de la douleur juive, etc.
15:23Alors, c'est ne pas parler à la place de...
15:25C'est-à-dire que moi, je me sens évidemment concernée
15:28par le racisme, même si je ne suis pas noire.
15:31Mais ça implique quoi ?
15:32Ça implique de porter une voix
15:35et de ne pas parler à la place d'une personne noire,
15:37de ce qu'elle peut ressentir.
15:38C'est ça, en fait, l'intersectionnalité, oui.
15:41D'accord, mais se mettre à sa place,
15:42c'est aussi avoir de l'empathie, non ?
15:43Qu'est-ce que vous en pensez ?
15:44Oui, bien sûr.
15:45Mais on peut tout à fait avoir de l'empathie pour quelqu'un
15:47sans parler pour la personne.
15:49Et c'est d'ailleurs tout le problème du sexisme.
15:51C'est que les hommes vont couper le mansplaining,
15:53on coupe la parole aux femmes parce qu'on sait mieux qu'elles.
15:55Je ne sais plus quelle autrice française avait dit ça,
15:58qu'elle était en soirée, je ne sais plus où,
16:01avec des amis, et puis que quelqu'un est venu la voir.
16:04Ils ont discuté.
16:05Cet homme lui a dit, tu devrais lire tel livre.
16:07En fait, c'était le livre qu'elle-même avait écrit.
16:09C'est drôle.
16:10C'est drôle.
16:11C'est drôle.
16:13Et alors, ce que vous dites aussi, c'est que,
16:14alors évidemment, quand on est femme et en plus noire,
16:16on est d'autant plus mise de côté,
16:18et puis que les minorités aussi sont mises de côté par la philosophie.
16:22Donc, vous nous donnez Angela Davis comme exemple.
16:25Bien sûr.
16:26Mais Angela Davis, elle n'est peut-être pas reconnue en tant que philosophe,
16:29mais elle est ultra respectée, reconnue dans le monde entier en tant qu'activiste.
16:32Elle était philosophesse, elle a fait des études de philosophie,
16:35elle était professeure de philosophie.
16:38En tout cas, dans ma discipline, elle est considérée comme telle, oui.
16:41Oui, parce qu'on la reconnaît plus comme une activiste du droit des femmes
16:44et du droit des noirs, en fait, aux Etats-Unis, des droits civiques.
16:47Oui.
16:48Alors après, elle a écrit des livres profondément philosophiques
16:50sur la théorie de justice sociale, du système carcéral, la morale.
16:55Elle a donné des outils qui sont très précieux.
16:58D'accord.
16:58J'aurais dit que ça s'apparentait plus à de la sociologie,
17:01mais j'entends cela aussi.
17:03Et alors, sur le fait que la pensée ne se limite pas à l'université
17:06ou aux figures dominantes, ça c'est une évidence.
17:10Vous pensez que c'est encore trop réservé, c'est ça ?
17:13En général, la pensée, elle est réservée aux figures dominantes
17:16ou aux universités, etc.
17:18Oui, complètement.
17:20Encore aujourd'hui.
17:20On ne sait pas qu'aujourd'hui, c'est démocratisé un petit peu tout ça ?
17:22Alors, ça se démocratise, mais pas suffisamment.
17:25Je veux dire, il faut arriver en terminale, déjà, pour entendre parler de philosophie,
17:28ce qui est dommage parce qu'on prive quand même beaucoup de jeunes
17:32qui n'arrivent pas jusqu'en terminale de cette discipline qui est précieuse.
17:35Et puis, même après, quand on regarde les cursures scolaires,
17:38il a fallu attendre quand même Jean-Michel Blanquer
17:40pour avoir une femme au programme du bac de philosophie.
17:44Une qui fait l'exception.
17:45Et puis, même nous, dans la vie quotidienne,
17:48si on veut citer des philosophesses, c'est quand même difficile.
17:51C'est aussi pour ça que vous aviez envie d'écrire pour ouvrir la voix
17:54et donner des infos.
17:54C'est pour ça.
17:56Et puis, j'écrivais aussi pour raconter l'histoire de ce mot
18:00qui est quand même...
18:03Alors, c'est un mot qui fait sourire parce que ça rime avec Fès, de toute évidence.
18:07Mais on a l'impression que c'est un néologisme,
18:09alors que ça ne l'est pas du tout.
18:10En fait, il date de l'époque médiévale.
18:13Et il a existé pendant des centaines d'années.
18:16Puis, en fait, il a disparu progressivement
18:18parce que les femmes n'avaient pas le droit de philosopher.
18:19Donc, pourquoi nommer quelque chose qui n'existe pas ?
18:21Et puis, au XVIIe siècle, il y a eu des décisions institutionnelles
18:25de ne plus féminiser les dons de métier.
18:28Donc, on a masculinisé la langue française.
18:30Il y a quelques métiers qui ont survécu.
18:32Coiffeuse, crémière, parce que c'est des métiers de femmes.
18:34Et puis, tous les autres métiers qui étaient plus institutionnels, intellectuels,
18:38ont entièrement disparu.
18:39Donc, en fait, remettre ce mot au goût du jour,
18:44c'est se positionner activement pour l'égalité des sexes,
18:48parce qu'il n'y a aucune raison de parler, comme on disait, d'une femme au masculin.
18:54Les femmes finissent même par l'intérioriser.
18:56Alors que non, en fait, on féminise les métiers.
18:58Ce n'est pas sélectif.
18:59On ne dit pas une femme maître, on dit une maîtresse.
19:01Donc, on dit une philosophesse.
19:02Et alors, ce qui est intéressant aussi,
19:05c'est que vous explorez des archives,
19:08par exemple, votre podcast Philomène la Danse.
19:10Vous explorez des archives un peu partout, philosophiques.
19:14Donc, il y a de l'Europe, il y a de l'Asie,
19:15il y a de l'Amérique du Nord, il y a de l'Afrique.
19:16Vous recherchez la documentation sur ces grandes penseuses historiques
19:19et vous en trouvez, en fait, quand même.
19:21Oui, on finit par en trouver, mais force de choses.
19:23On trouve, par exemple, des échanges de courrier.
19:26Il y en a eu entre Descartes et la princesse Palpatine.
19:28C'est des échanges de courrier assez connus.
19:30Il y avait aussi, dans les salons, en fait,
19:33d'oratoires en Angleterre au XVIIIe siècle,
19:37parfois, il y avait un petit peu des ordres du jour
19:40qu'on peut retrouver.
19:41Donc, de femmes qui ont philosophé ensemble.
19:44Qu'est-ce qu'on trouve d'autre ?
19:45On trouve des hommes qui ont cité des femmes, quand même.
19:49Par exemple, Leibniz,
19:51qui a cité sa professeure qui était Marie Astel.
19:56Et c'est comme ça, en fait.
19:57Alors, heureusement qu'il y a beaucoup d'hommes aussi
19:58qui ont documenté ça, finalement.
20:00Donc, comme quoi, finalement, l'invisibilisation,
20:03elle peut vite changer à partir du moment
20:05où les gens s'attellent au sujet.
20:06C'est ça que vous voulez nous démontrer aussi, non ?
20:07Oui, exactement.
20:09Si on sort un petit peu,
20:11si on met cette casquette d'archéologue
20:13et qu'on déterre un petit peu,
20:15on trouve les vestiges.
20:17Ce qui est dommage, c'est que ces vestiges
20:18ne sont pas accessibles
20:19et ne sont pas utilisés aujourd'hui
20:21pour enseigner la philosophie non plus.
20:22Vous avez fait de la philo ?
20:25Alors non, moi, j'ai une formation médicale.
20:27Alors, on étudie...
20:28Mais puisque vous êtes pédiatre aussi, c'est ça ?
20:30Non, je suis orthophoniste en gastropédiatrie.
20:31D'accord, parce que j'ai vu que vous étiez
20:33dans le secteur médical entre la pédiatrie et l'écriture.
20:36Oui, c'est ça.
20:37Je m'occupe des troubles d'oralité alimentaire des enfants.
20:40D'accord.
20:41Des petits qui ont du mal à s'alimenter.
20:44Et puis, alors après, dans le cursus,
20:46quand même, on parle de déontologie,
20:47on parle de Paul Ricoeur
20:49qui nous parle de l'éthique soignante.
20:53Donc, on a un petit peu ses pensées aussi
20:55sur l'empathie, comme vous disiez, notamment,
20:57pour être un bon praticien.
20:59Et puis après, c'est mon grand-père
21:01qui est philosophe
21:02et qui a un peu fait naître aussi...
21:05Qui vous a donné envie.
21:05Oui, voilà, de la discipline.
21:07Si vous aviez un souhait ?
21:09Mon souhait, ce serait de ne plus écrire
21:12pour améliorer la condition des femmes
21:14et d'écrire des romans pour enfants.
21:15On m'a dit ça la dernière fois.
21:16Mon souhait, c'est que votre émission disparaisse.
21:18Oui, voilà, c'est à peu près ça.
21:19C'est génial.
21:21Merci beaucoup, Léa Watt.
21:22Merci, Judith, de m'avoir reçu.
21:23Merci.
21:23Si vous avez un petit mot de la fin,
21:24un petit message à passer aux auditrices,
21:25aux auditeurs, on vous écoute.
21:28Oui, je vais passer un message philosophique, du coup.
21:32Ne restez jamais figée,
21:33surtout en ce moment, dans vos opinions.
21:36Restez toujours ouvert à l'écoute.
21:39Même moi, tout ce que j'ai dit aujourd'hui,
21:40peut-être que dans dix ans, je réécouterai,
21:41je me dirai, mais je ne suis pas du tout d'accord.
21:43J'espère que je me ferai changer d'avion.
21:44C'est bien le temps de vous.
21:46Allez, merci beaucoup.
21:48Merci, Léa Waterhouse.
21:49Je vous recommande, chères auditrices, chers auditeurs,
21:52le livre de Léa, Philosophesse et Outre Outsider de la Pensée.
21:55C'est sorti chez Dalva.
21:56C'est très intéressant, puisqu'on découvre qu'en fait,
21:57il y a plein, plein de femmes philosophes d'importance
22:00qu'on ne connaît pas.
22:01Puis il y a aussi votre podcast, Léa Philomène, la danse.
22:04Merci à Daisy qui réalise pour vous aujourd'hui.
22:06Nous, on a rendez-vous dès demain à 19h pour cet excellent.
22:09Et puis dès samedi prochain pour un nouveau Parlons Femmes à 13h30.
22:12Je vous embrasse. Bye bye. Merci.

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