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  • 09/05/2025
Vendredi 9 mai 2025, retrouvez Jonathan Williams (Head of France, Legora), Anthony Emorine (Counsel, Boivin & associés) et Marine Swaton (Collaboratrice, Taylor Wessing) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00Générique
00:30Bonjour, bienvenue dans Lexi Inside, l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique, du droit, du droit et rien que du droit.
00:39Au programme de ce numéro, on va parler de la diversité en entreprise face au trumpisme.
00:44Ce sera dans quelques instants avec Marine Swatton, avocate au sein de Taylor Vessing.
00:49On parlera ensuite des tendances en matière d'intelligence artificielle juridique avec Jonathan Williams, directeur France de Légora.
00:58Et enfin, on parlera de la dérogation au titre des espèces protégées avec Anthony et Maureen, comptes seules chez Boivin & Associés.
01:06Voilà pour les titres Lexi Inside, c'est parti !
01:14Quelle diversité en entreprise face au trumpiste ?
01:22On en parle tout de suite avec mon invité Marine Swatton, avocate chez Taylor Vessing.
01:27Marine Swatton, bonjour.
01:28Bonjour Arnaud.
01:29La diversité en entreprise est aujourd'hui fragilisée par la politique menée par l'administration Trump,
01:35qui remet en cause les politiques de diversité, d'inclusion et d'éthique dans les entreprises.
01:42Avant de s'interroger sur cette question et de voir tous les enjeux,
01:46qu'est-ce que la discrimination positive et comment cette notion est-elle appréciée dans l'ordre juridique interne français ?
01:54Alors, la discrimination positive, c'est la mise en place de politiques visant à favoriser une ou plusieurs catégories socio-professionnelles
02:05afin de réduire les inégalités préexistantes et durables qui affectent ces groupes d'intérêts.
02:12La question qui est intéressante, c'est comment est-ce que cette notion est appréhendée par chaque juridiction ?
02:19En fait, chaque État membre, chaque État tout simplement, met en œuvre sa politique selon son histoire.
02:25C'est forcé et donc chaque pays a une histoire différente.
02:30Si on prend par exemple les États-Unis, la notion de discrimination positive est arrivée dans les années 60-70.
02:37On est en pleine lutte contre la ségrégation raciale.
02:42On cherche à réduire les inégalités entre certaines personnes en se basant sur l'origine ethnique notamment.
02:50En France, on est dans un contexte qui est quand même différent.
02:52On a certes une précarité qui est assez importante et on a certaines personnes qui sont évincées du milieu du travail, notamment les femmes.
03:01Donc on a une logique qui est complètement différente.
03:04Donc comment est-ce qu'on intègre ces normes ?
03:06En France, par exemple, le principe, c'est liberté, égalité, fraternité.
03:12Donc difficile d'appréhender la discrimination positive dans une telle devise.
03:15De la même manière, la Constitution, article numéro 1, qui prévoit un principe d'égalité devant la loi
03:21et qui ne doit faire aucune distinction en fonction de l'origine, la race, la religion notamment.
03:27Donc il est interdit de pouvoir mettre en place des normes qui viseraient à favoriser certaines catégories de personnes
03:33en fonction de leur origine ou encore de leur religion.
03:38Mais en tout cas, la France, elle s'inscrit quand même dans une logique de favoriser l'égalité des chances
03:45et de lutter contre les discriminations.
03:48Comment est-ce qu'elle s'y prend ?
03:49Premièrement, elle va interdire dans le Code du travail et le Code pénal près de 30 notions de discrimination qui sont donc interdites.
04:00On ne peut pas prendre une mesure qui serait liée soit au sexe, à l'état de santé, à l'origine, à la religion, à l'orientation sexuelle de ces personnes.
04:09C'est proscrit par le Code du travail et par le Code pénal.
04:12Deuxièmement, elle favorise les égalités, notamment, on les connaît entre les hommes et les femmes,
04:17en mettant en place des politiques de rémunération équitables, en visant à ce que les femmes puissent aujourd'hui être membres des conseils d'administration,
04:25en faisant publier des index égalité hommes-femmes par les sociétés de plus de 50 salariés.
04:30Et enfin, elle essaye d'éviter les quotas, notamment, à part pour les travailleurs handicapés ou les conseils d'administration,
04:37on évite les quotas, on favorise l'emploi des seniors pour les maintenir dans l'emploi ou, enfin, l'emploi des juniors.
04:44C'est complètement différent des États-Unis, puisque les États-Unis, eux, basent leur politique sur des principes innés, qui sont propres à la personne.
04:53En France, on est sur une catégorie socioprofessionnelle, sur des indicateurs, en tout cas, qui sont voués à évoluer dans le temps.
05:00On voit qu'il y a vraiment deux logiques différentes.
05:02Exactement, qui ne sont pas figées. Et c'est là que c'est important, puisque la remise en cause de ces principes
05:07vont avoir un impact différent, que l'on soit aux États-Unis ou en France.
05:11Alors, justement, on va prendre un fait d'actualité pour bien comprendre, justement, ces deux logiques différences.
05:17En mars dernier, une lettre de l'ambassade américaine, qui a été adressée à certaines entreprises françaises,
05:23les a enjoints de respecter les règles de l'administration Trump en matière de diversité, d'équité et d'inclusion.
05:31Concrètement, que dit précisément cette lettre et à qui s'adresse-t-elle ?
05:35Alors, elle s'adresse à certaines entreprises françaises qui agissent sur le sol américain,
05:40mais également aux entreprises américaines qui ont des filiales sur le territoire français.
05:45On a aussi certains cabinets d'avocats qui sont appelés à répondre à des appels d'offres américains,
05:50qui peuvent être également visés. On a eu une multitude de personnes qui ont été visées
05:56et qui sont informées, à travers cette lettre, de l'entrée en vigueur d'un décret des États-Unis.
06:02C'est le décret 14173, qui vise à non seulement mettre fin aux politiques de discrimination positive,
06:09mais surtout rétablir les opportunités professionnelles basées sur le mérite.
06:14Et selon le gouvernement américain, cette norme, cette nouvelle décision, doit trouver application
06:20dans les entreprises américaines et les entreprises en France, ici, sur le sol français
06:25ou, de manière plus générale, sur le territoire américain.
06:29Pour bien comprendre, on va s'intéresser aux éventuelles conséquences pour les entreprises françaises.
06:34Cette demande de mise en conformité de la loi fédérale américaine,
06:38est-ce qu'elle peut être imposée aux entreprises qui agissent sur le sol français ?
06:42Alors, sur cette question, je ne pense pas prendre trop de risques en vous répondant que non.
06:47D'un point de vue juridique, en tout cas, cela est impossible.
06:50Pourquoi ? Tout simplement parce que chaque État est souverain et garant de son propre système juridique.
06:57Donc, aucun autre système juridique étranger, quel qu'il soit, et sous quelque forme que ce soit,
07:03décret, loi, règlement qui serait issu de l'étranger, ne peut être imposé en France.
07:09Cela reviendrait à pousser le gouvernement à renoncer aux valeurs qui sont internes et, également, à ses outils juridiques.
07:17On sait notamment comment la Cour de justice de l'Union européenne, la CEDH également,
07:21ont du mal à imposer les décisions, alors même que, pourtant, elles sont applicables à tous les pays de l'Union européenne.
07:28Alors, imposer une norme qui viendrait d'un système juridique étranger, ce serait renoncer à sa propre souveraineté.
07:34Donc, non, a priori, d'un point de vue juridique, on ne peut pas imposer à la France une telle norme.
07:40En revanche, il n'est pas impossible qu'il y ait quand même certaines conséquences, notamment des restrictions commerciales,
07:45puisque, on le sait, le président américain a menacé les sociétés de rompre les contrats et les relations commerciales avec les sociétés américaines,
07:55de renoncer à certains financements.
07:56Et, également, on peut noter quelques tensions qui seraient d'ordre diplomatique, on l'a vu récemment,
08:01avec les droits de douane qui ont été largement augmentés récemment et qui ont fait polémique.
08:08Après, on n'a pas non plus de quoi s'alarmer.
08:11D'une part, parce que, comme le disait Bercy, ces décisions ne reflètent pas les valeurs de la France.
08:16Et, en plus de ça, on le disait tout à l'heure, il n'y a pas véritablement de politique de discrimination positive en France.
08:23On a simplement un cadre légal, des normes qui sont posées et en deçà desquelles les entreprises ne peuvent pas aller,
08:30peu importe la politique qu'elles peuvent décider de mener.
08:35Il n'y a, en tout état de cause, pas d'outil juridique aux États-Unis qui permet d'extraterritorialiser sa loi.
08:42Et, en tout état de cause, ils se sont également prononcés, le gouvernement américain,
08:46en disant que, de toute façon, il n'y a pas de contrôle de la conformité de ces normes en France.
08:52Pour finir, on va s'intéresser à l'attitude des entreprises françaises,
08:56l'attitude qu'elles doivent adopter dans le contexte que vous venez de décrire.
09:00Comment ces dernières peuvent-elles s'adapter aux remises en cause des politiques diversité, équité, inclusion,
09:07qui contiennent notamment des mesures de discrimination positive ?
09:10Alors, on ne va pas se le cacher, les sociétés européennes sont très influencées par les sociétés américaines.
09:16Donc, tellement leur présence est importante sur le territoire français et européen.
09:21Donc, dès qu'on bouge une oreille aux États-Unis, on s'interroge, c'est logique, de quelles seront les conséquences en France.
09:28Depuis février, déjà, on avait une remise en cause des politiques de diversité, équité, inclusion de la part du gouvernement.
09:34Et il y a eu une réponse assez importante de la plupart des groupes américains.
09:40Je pense notamment à Meta, Amazon, Google, McDonald's, ont en effet mis un stop à leur politique d'inclusion.
09:50Celles qui auront le plus de difficultés ici, ce sera les filiales françaises qui appartiennent à un groupe américain
09:56et qui vont être un petit peu coincées, on va dire, entre d'une part les directives du groupe
10:01qui seront celles de mettre un terme à ces politiques qui peuvent être mises en place.
10:05Et à côté de ça, le respect des normes en France.
10:09Car il existe plusieurs garde-fous, on va dire, en France.
10:12La loi, comme je le disais tout à l'heure, avec le Code du travail, le Code pénal et le principe d'interdiction des discriminations.
10:18Mais encore, toutes les sociétés qui ont des IRP, un comité social et économique,
10:23on doit passer par la négociation, on ne remet pas unilatéralement en cause des accords sans avoir négocié préalablement.
10:31On doit maintenir un bon climat social et pour cela, il faut tout de même rester attractif,
10:36il faut pouvoir rester productif puisqu'on sait que cela peut permettre d'attirer des talents,
10:41d'avoir de telles normes, donc vigilance à toutes ces entreprises.
10:44Ce sera le mot de conclusion. Merci Marine Swatton, je rappelle que vous êtes avocate au sein du cabinet Taylor Wessing.
10:50Merci Arnaud.
10:50Tout de suite, l'émission continue, on va parler des tendances en matière d'intelligence artificielle juridique.
11:06Quelles sont les tendances de l'IA juridique en France ?
11:09On en parle tout de suite avec mon invité Jonathan Williams, directeur France de Légora.
11:14Jonathan Williams, bonjour.
11:15Bonjour Arnaud, merci à vous recevoir.
11:17Nous allons explorer ensemble les principales tendances qui façonnent l'essor de l'intelligence artificielle dans le monde du droit.
11:25Pour commencer, quels sont les enjeux de l'intelligence artificielle dans le monde du droit ?
11:30C'est tout simplement un enjeu de croissance.
11:32C'est un enjeu de croissance, on est au tout début de ce qui va être un air d'intelligence artificielle dans le monde du droit,
11:39sur le marché du droit, et ce marché va connaître une explosion,
11:42une croissance plus qu'exponentielle avec l'arrivée de cette nouvelle technologie.
11:48Et l'impact de cette technologie pose plusieurs questions sur la formation des confrères,
11:53l'acquisition de nouvelles compétences, l'arrivée sur le marché de nouveaux offres qui n'étaient pas envisageables auparavant.
12:00Et c'est un enjeu principalement, je dirais, de croissance.
12:03Alors vous, vous êtes un acteur important sur ce domaine et vous concluez un certain nombre de partenariats avec des cabinets d'avocats.
12:12Quelles sont les spécificités des partenariats que vous concluez avec les cabinets d'avocats ?
12:17Principalement, je dirais que notre spécificité majeure, c'est la nature même du partenariat.
12:23Ce n'est pas juste un partenariat technico-fonctionnel, comme on a pu le voir par le passé,
12:29avec des prestataires qui ont des personnes détachées au sein d'un cabinet, etc.
12:33L'impact de la technologie est tellement élevé qu'au sein du cabinet,
12:38en plus de la question technique, sécuritaire, informatique, gestion de la donnée, gouvernance de la donnée,
12:43se pose également la question de l'offre du cabinet.
12:46La stratégie, le pricing, et nous accompagnons nos clients sur ces deux volets-là,
12:52chose qui est exclusivement, qui est possible uniquement parce que nous avons des avocats expérimentés,
12:58des confrères qui ont fait le changement, qui ont rejoint l'aventure
13:01et qui ont une expérience locale profonde et fondamentale dans leur passé professionnel.
13:07Alors votre solution s'utilise notamment pour des data rooms dans le cadre de transactions M&A
13:13ou encore des enquêtes internes en matière de compliance.
13:15Comment concrètement les outils que vous développez améliorent le tri et l'analyse des data rooms
13:21dans le cadre de transactions M&A ou encore dans le cadre d'enquêtes internes en matière de compliance ?
13:27Bien évidemment, nous sommes vraiment appréciés par les confrères qui ont une activité M&A,
13:31avec une dominance M&A ou avec un aspect volumineux dans les documents qu'ils ont à traiter.
13:37Notre plateforme est entièrement customisable, donc chaque cabinet le met à sa sauce, à sa manière, comme on dit.
13:43Mais un exemple concret, un cabinet dont je tarais le nom de la place parisienne nous a sollicité la semaine dernière
13:52car un client est venu les voir en expliquant qu'ils avaient une transaction qui devait absolument être closée avant le week-end.
14:00Le volume de documents nécessaires que les clients souhaitaient examiner dépassait de loin la taille de ce que l'équipe du cabinet
14:07aurait permis de gérer dans les temps impartis. Avec la plateforme, on a pu mettre sur pied une solution entièrement custom
14:14et on a eu un email très sympa de la part de la personne dans l'équipe qui a pu profiter de son week-end
14:21et non pas passer son week-end à mouliner des documents au cabinet.
14:26C'est plutôt appréciable.
14:27C'est plutôt appréciable.
14:28Alors pour bien comprendre le fonctionnement de votre solution, pouvez-vous nous expliquer comment concrètement
14:34ces outils facilitent la recherche d'éléments spécifiques dans les data rooms ou dans certaines écritures ?
14:40Bien sûr. Tout d'abord, l'intelligence artificielle est multilingue. Il est entraîné sur un grand volume de documents
14:46dans toutes les langues du monde. Donc pas importe la langue du document sous-jacent, on peut échanger avec le document
14:54en français, en anglais, dans sa langue maternelle. Donc l'accessibilité au droit, mais au document, au contenu du fonds documentaire
15:03que l'avocat doit gérer, est grandement facilité. On peut donc interroger un ensemble de 10 000, 100 000 documents
15:10avec des questions en langage naturel, avoir des réponses, extraire du contenu, classifier, trier, etc. sur la plateforme web
15:19et sur la partie Word, la fonctionnalité Word que nous avons créée permet d'échanger naturellement avec son projet de document,
15:27de demander une rédaction de clauses plutôt restreinte, une rédaction plus large,
15:31de rajouter dans le cadre d'une transaction M&A un mécanisme de lockbox, de tag-along, de drag-along,
15:38toutes ces choses-là, faciliter. On est vraiment sur des inputs d'avotas et pas des outputs d'avotas.
15:44On facilite le travail des confrères, en autant qu'on les remplace. C'est vraiment quelque chose qui va augmenter les performances,
15:52augmenter la productivité d'une personne qualifiée, formée et de manière générale, intelligente.
15:59On va s'intéresser maintenant à l'état des lieux de l'intelligence artificielle juridique en France.
16:04Où en sommes-nous ? Qu'est-ce qu'on peut faire aujourd'hui avec l'intelligence artificielle ?
16:08On est au début, tout simplement.
16:10On peut faire des tâches pas bas de gamme, pas basiques. C'est des tâches qui sont complexes, chronophages, intellectuellement parfois difficiles.
16:22Mais les performances et les capacités de l'outil s'améliorent à une vitesse... C'est du jamais vu.
16:28Auparavant, dans l'histoire de la profession, profession presque multimillénaire, c'est le plus grand changement de technologie qu'on n'a jamais vu.
16:38Les performances s'améliorent tous les jours, toutes les semaines, tous les mois.
16:42Et la performance de l'avotas continuera d'augmenter à cette vitesse également.
16:48Alors, vous parlez de la performance de l'avocat.
16:50Concrètement, l'intelligence artificielle dans la pratique quotidienne de l'avocat, ça représente quoi ? Comment ils l'utilisent ?
16:56Comme on dit chez nous, la première dose est toujours gratuite.
17:00Dès trois utilisations, on constate que les personnes deviennent totalement accro et s'en servent pour tout.
17:08Ils rédigent un email, ils ne sont pas germanophones.
17:10Il y a un client germanophone qui a quelque chose à demander.
17:14On peut rédiger un email parfaitement, correctement rédigé en allemand.
17:17On peut interroger un ensemble de documents dans une langue qui n'est pas la sienne.
17:24Donc, qu'il s'agisse de l'analyse de documents, de la rédaction d'emails, de l'analyse d'un fonds documentaire, un exercice de judil,
17:32l'amélioration de conclusions, l'analyse des conclusions de la partie adverse.
17:37Toutes ces choses sont déjà possibles, ça c'est aujourd'hui, et demain bien plus encore.
17:43Donc, on est vraiment au tout début de ce qui est possible, et ce qui est déjà possible est déjà énorme.
17:47Est-ce qu'il y a quand même des freins par rapport, vous avez présenté les avantages, mais il y a des inconvénients, des freins, des obstacles ?
17:55Je ne vois pas de freins, et je ne vois pas d'obstacles.
17:58À l'arrivée de cette technologie, les confrères, de manière dont leur ensemble, se sont posé la question, déontologiquement, est-ce qu'on peut faire ?
18:05Technologiquement, est-ce qu'on peut faire ?
18:08Donc, la question de la gouvernance de la donnée, la propriété intellectuelle, les obligations déontologiques,
18:15toutes ces questions ont été regardées, vues, revues à de nombreuses reprises,
18:20et il y a une grande curiosité intellectuelle, que je constate dans les barreaux français.
18:27Il y a une grande curiosité intellectuelle, et je ne vois pas de frein, à part la bande passante pour acquérir un outil,
18:34se former, acquérir des compétences, et naturellement, l'investissement financier que cela implique pour chaque cabinet.
18:40Alors, vous avez dit tout à l'heure, on n'est qu'au début du développement de l'intelligence artificielle juridique.
18:46Qu'est-ce qu'on peut espérer demain pour les avocats ?
18:48De la croissance. De la croissance, tout simplement.
18:51Lors de la révolution industrielle en Grande-Bretagne, on a constaté qu'avec chaque nouvelle génération de chaudières pour le charbon,
18:59on s'attendait à une diminution de la consommation.
19:01Et la consommation a augmenté dans son ensemble.
19:04Ça s'appelle le paradoxe de Jevins, et je pense qu'on va avoir la même chose avec les confrères.
19:07On va avoir des confrères qui sont plus productifs, et le marché du droit va s'élargir, va s'étendre et va grossir rapidement.
19:18Il va y avoir une croissance dans la taille du marché de manière significative.
19:23On va conclure là-dessus. Merci Jonathan William. Je rappelle que vous êtes directeur France de l'Egora.
19:29Merci Arnaud.
19:30Tout de suite, l'émission continue. On va parler de la dérogation au titre des espèces protégées.
19:37On poursuit ce Lex Inside. On va parler de la dérogation au titre des espèces protégées avec mon invité, Anthony et Maureen.
19:53Compte seul chez Boivin et Associés. Anthony, bonjour.
19:56Bonjour.
19:56Pour rentrer tout de suite dans le vif du sujet, on va s'intéresser à la définition de la dérogation au titre des espèces protégées.
20:04Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste exactement la dérogation au titre des espèces protégées,
20:10et pourquoi ce dispositif est devenu un enjeu majeur dans le cadre de la gestion de projet ?
20:16Il existe un principe simple et clair en droit français, c'est l'interdiction de porter atteinte aux espèces animales, végétales, sauvages les plus sensibles.
20:25Cette interdiction, elle est prévue en droit international, c'est la Convention de Berne, en droit de l'Union Européenne,
20:31c'est notamment la Directive Habitat de 1992, et prévue au titre du Code de l'environnement également.
20:35Le principe est clair.
20:36Dès lors que des espèces sont listées dans des arrêtés ministériels qui sont applicables sur le territoire national ou à l'échelle régionale,
20:43elles font l'objet d'une protection stricte, et on ne peut porter atteinte pour les besoins d'un projet par exemple à ces espèces
20:50qu'au bénéfice d'une dérogation à espèces protégées, cette dérogation étant le nom d'une autorisation spécifique,
20:57une autorisation administrative qui est délivrée par le préfet, dont les conditions sont elles-mêmes strictes,
21:02puisqu'on parle d'un mécanisme dérogatoire, et c'est parce que ces conditions sont strictes que le titre est sensible
21:07et fait l'objet de l'actualité en ce moment.
21:10Alors justement, on va s'intéresser à cette autorisation et aux conditions de soumission à dérogation au titre des espèces protégées.
21:19Quelles sont ces conditions de soumission à dérogation au titre des espèces protégées ?
21:23Alors effectivement, il y a une distinction fondamentale à faire entre les conditions de soumission à dérogation à espèces protégées,
21:29à partir de quel moment moi, porteur de projet, je dois aller obtenir une dérogation à espèces protégées
21:34pour mener à bien mon projet, et les conditions de délivrance de cette dérogation à espèces protégées.
21:40Au titre des conditions de soumission à dérogation à espèces protégées,
21:44le Conseil d'État est venu clarifier le cadre applicable dans un avis qui était très attendu,
21:48qui est un avis de décembre 2022, du 9 décembre 2022, qui s'appelle un avis sud-artois,
21:52dans lequel le Conseil d'État nous dit deux choses.
21:54La première chose, et c'est la règle qui s'applique, on doit aller obtenir une dérogation à espèces protégées
22:01lorsque notre projet engendre un risque sur les espèces qui est suffisamment caractérisé.
22:06La clé de soumission à la dérogation à espèces protégées, c'est la notion de risque suffisamment caractérisée.
22:12Qu'est-ce qu'il y a derrière cette notion ?
22:13Justement, cette notion est relativement vague.
22:17Du coup, la pratique depuis le 9 décembre 2022 conduit les juristes, les naturalistes,
22:22les maîtres d'ouvrage, les associations, les juges à essayer de construire cette notion de risque suffisamment caractérisée.
22:29La clé de distinction, elle est simple.
22:31Dès lors que vous avez un écologue, un naturaliste, un expert de la biodiversité
22:34qui vous dit que votre projet a des incidences résiduelles après évitement et réduction
22:40qui sont négligeables ou faibles, le risque est insuffisamment caractérisé
22:46et vous pouvez mettre en œuvre votre projet sans avoir à solliciter la dérogation à espèces protégées.
22:50En revanche, si votre écologue vous dit qu'après des efforts d'évitement et de réduction des impacts
22:55de votre projet sur la biodiversité, vous avez encore un risque suffisamment caractérisé sur les espèces
22:59qui nécessitent notamment de mettre en œuvre des mesures de compensation,
23:02à partir de ce moment-là, vous êtes soumis à dérogation à espèces protégées.
23:05D'accord.
23:06Quand on vient de voir les conditions de soumission à la dérogation au titre des espèces protégées,
23:11maintenant on va s'intéresser aux conditions de délivrance.
23:14Quelles sont ces conditions de délivrance au titre de cette dérogation ?
23:18Il y a trois conditions de délivrance qui résultent directement du droit international
23:22et qui ont été transposées dans le Code de l'environnement.
23:25La première, celle qui fait l'objet d'une actualité brûlante,
23:29c'est la raison impérative d'intérêt public majeur.
23:33C'est la première condition de délivrance de la dérogation à espèces protégées.
23:36La deuxième condition, c'est la condition tirée de l'absence d'alternatives satisfaisantes au projet.
23:43Et la troisième condition, c'est une condition plus technique,
23:47c'est le maintien dans un état de conservation favorable des espèces qui sont concernées
23:50après octroi de la dérogation.
23:52C'est des conditions cumulatives ?
23:53C'est absolument, c'est des conditions cumulatives.
23:55S'il en manque une, la dérogation ne peut être délivrée légalement.
23:58Donc il faut absolument que les porteurs de projets dans leur dossier de demande de dérogation
24:03démontrent l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur attaché à leur projet,
24:06de l'absence d'alternatives satisfaisantes
24:08et d'un maintien en toute hypothèse en bon état de conservation de l'espèce concernée.
24:12S'il manque l'une de ces trois conditions, le projet ne peut pas se faire.
24:17On va s'intéresser maintenant aux risques.
24:20Quels sont les risques à ne pas solliciter, obtenir ou purger une dérogation au titre des espèces protégées ?
24:26Il y a deux séries de risques.
24:28Une première série de risques qui est une série de risques administratifs.
24:33Soit vous n'allez pas chercher la dérogation à espèces protégées qui est nécessaire à votre projet,
24:37soit vous en obtenez une, mais elle fait l'objet d'une annulation contentieuse.
24:39C'est le fameux dossier de la A69 que tout le monde connaît maintenant,
24:42puisque c'est un dossier qui a fait l'objet d'un positionnement du juge administratif très récent,
24:47dans le sens d'une annulation justement de la dérogation à espèces protégées
24:51au motif que le projet d'autoroute ne revêtait pas de raison impérative d'intérêt public majeur.
24:55Eh bien le risque, c'est de ne pas pouvoir mener à bien le chantier.
24:58Et d'ailleurs, en exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse,
25:01le maître d'ouvrage de l'autoroute A69 a mis en pause, mis en suspens le chantier.
25:05Donc le risque administratif, il est très clair, c'est de ne pas pouvoir mettre en œuvre son projet.
25:09Et s'il a déjà commencé, de devoir l'arrêter en milieu de chantier.
25:13Est-ce que vous avez d'autres exemples concrets, jurisprudentiels,
25:16qui pourraient illustrer les conséquences graves d'une dérogation qui serait mal encadrée,
25:21tant sur le plan administratif que pénale ?
25:23Alors effectivement, je pense qu'en marge des risques administratifs que je viens d'évoquer,
25:27il y a le risque pénal.
25:29Et là encore, l'actualité est riche en matière de dérogation espèces protégées,
25:33puisque le tribunal correctionnel de Montpellier, au début du mois d'avril,
25:36a rendu un jugement qui était très attendu,
25:38à l'encontre notamment de la société EDF Renouvela,
25:41mais d'autres sociétés également,
25:43pour ce qui concernait l'exploitation d'un parc éolien dans le sud de la France,
25:46sans le bénéfice d'une dérogation espèces protégées,
25:48avec une mortalité qui a été constatée sur plusieurs années,
25:52sur des espèces protégées d'oiseaux,
25:54il s'agissait de rapaces,
25:55et le tribunal correctionnel de Montpellier
25:56est venu sanctionner les maîtres d'ouvrage
26:00et les exploitants du parc éolien
26:02à des amendes pénales de plusieurs centaines de milliers d'euros.
26:06Et ça c'est pour les personnes morales,
26:09la personne physique prise dans la personne du président,
26:12du dirigeant de la société EDF Renouvela
26:14a également fait l'objet d'une condamnation pénale,
26:16en première instance.
26:18Donc les conséquences peuvent être importantes ?
26:20Les conséquences sont majeures.
26:21Et les conséquences, un, sont majeures,
26:24et deux, on note en jurisprudence un phénomène de sévérisation
26:28et d'attention accrue portée à la fois par les requérants
26:31et les juges sur cette dérogation à espèces protégées,
26:35à la fois dans le montage des projets,
26:36mais aussi dans le contrôle de l'exécution des projets
26:38et dans les risques qui en écoulent.
26:39Ce sont des risques administratifs.
26:41Il y a des risques aussi sur le plan pénal.
26:43Donc on ne peut pas faire l'économie aujourd'hui,
26:45qu'on soit un porteur de projet, un opposant, une administration,
26:48d'avoir une expertise juridique forte
26:50sur ce sujet de la dérogation à espèces protégées.
26:51Comment vous expliquez cette sévérité accrue ?
26:54Alors cette sévérité accrue,
26:56elle ne s'explique pas par des nouveaux textes,
26:57puisque les textes sont anciens,
26:59comme je vous le disais tout à l'heure,
27:00où on a des racines dans la convention de Berne,
27:02donc 1979, la directive Habitat 1992.
27:05Je pense que le contexte d'effondrement massif
27:07de la biodiversité qu'on connaît
27:09occupe les juges et occupe les maîtres d'ouvrage,
27:13occupe les administrations également.
27:15Et le cadre juridique tel qu'il évolue en jurisprudence,
27:18notamment avec la mise en œuvre des mesures d'évitement
27:20et de réduction dont je parlais tout à l'heure
27:22au titre des conditions de soumission à dérogation à espèces protégées,
27:25elles incitent les maîtres d'ouvrage
27:26pour sécuriser leurs projets,
27:28à en améliorer la qualité environnementale.
27:29On évite au maximum les incidences des projets sur l'environnement,
27:33on en réduit autant qu'on peut,
27:35et si on ne peut pas, on compense,
27:37puisque c'est la manière dont est construit le droit de l'environnement.
27:40Et donc je pense que c'est une évolution de société
27:43qui se reflète directement dans notre droit.
27:45Alors peut-être pour finir,
27:46quelques bonnes pratiques en la matière
27:48pour assurer au mieux une gestion de projet
27:52tout en respectant les conditions que vous venez d'évoquer
27:55tout au long de cette émission.
27:56La bonne pratique, c'est de ne pas ignorer le sujet de la biodiversité en général
28:00et des espèces protégées en particulier.
28:01C'est de travailler au montage des projets avec des naturalistes,
28:05avec des experts écologues qui vont permettre de caractériser,
28:08de faire des inventaires pour avoir une idée de ce qui se passe
28:12en termes de biodiversité sur l'emprise d'un projet.
28:14Et ensuite, cette bonne pratique-là permettra de caractériser,
28:17de calibrer l'approche.
28:19Est-ce que j'ai besoin d'une dérogation espèces protégées ou pas ?
28:21Et la dernière bonne pratique, c'est la phase d'exploitation,
28:24puisque le Conseil d'État vient également de juger
28:26que c'est à tout moment qu'il faut se soucier des espèces protégées,
28:30non pas seulement avant l'obtention de l'autorisation,
28:32mais également pendant l'exploitation d'une carrière,
28:34d'un parc éolien, que sais-je.
28:36Donc il ne faut pas se désintéresser du sujet biodiversité
28:39avant l'autorisation comme après.
28:41On va conclure là-dessus.
28:42Merci Anthony et Maureen.
28:43Je rappelle que vous êtes compte seul au sein du cabinet Boivin et associé.
28:46Merci à vous.
28:47C'est le moment de conclure cette émission.
28:49Merci pour votre fidélité.
28:51Restez curieux et informés.
28:52A très bientôt sur Be Smart for Change.

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