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00:007h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driancourt.
00:07Deux fois même ambassadeur en Algérie, c'est unique. Bonjour Xavier Driancourt.
00:11Bonjour Dimitri Pavlenko.
00:12Bienvenue sur Europe 1, je signale votre livre paru en 2022.
00:15Alors il n'a pas pris une ride, l'énigme algérienne, chronique d'une ambassade à Alger,
00:19c'est paru aux éditions de l'Observatoire.
00:21Les contentieux entre Paris et Alger, on le dit beaucoup ces dernières semaines, ne cessent de se multiplier.
00:26Xavier Driancourt, il y a le dossier des influenceurs algériens,
00:29Doualem Zazou Youssef, cette de là a d'ailleurs été jugée hier,
00:32les ressortissants algériens sous OQTF qu'Alger refuse de reprendre,
00:36dix refus notamment pour le terroriste islamiste de Mulhouse,
00:39et puis il y a Doualem Sansalle bien sûr, 101ème jour de détention ce matin pour l'écrivain qui a entamé une grève de la faim.
00:45Alors comment réagir ? Est-ce qu'il faut ouvrir un front diplomatique contre Alger ?
00:49Il y avait une bataille, une opposition on peut dire, entre le ministère de l'Intérieur qui souhaite d'engager ce front diplomatique,
00:56Bruno Rotaillon en tête, le quai d'Orsay était défavorable,
00:59et puis François Bayrou s'est exprimé hier au salon de l'agriculture pour dire qu'il trouvait inacceptable l'attitude de l'Algérie.
01:07C'est le début de quelque chose, vous pensez ces mots du Premier ministre, Xavier Driancourt ?
01:11On va voir si la situation évolue, mais pour l'instant effectivement il y a une contradiction je trouve majeure dans ce que fait le gouvernement.
01:20D'un côté vous avez rappelé, il y a une succession d'événements tragiques, dont Boëlleme Sansalle,
01:26dont les influenceurs, dont l'assassinat à Mulhouse,
01:31et de l'autre il y a un gouvernement qui depuis trois mois, depuis six mois même,
01:35depuis la reconnaissance du Sahara occidental n'a pris aucune mesure vis-à-vis de l'Algérie.
01:42Mais qu'est-ce qu'il retient ?
01:43Et d'un autre côté on en voit Rachida Dati au Sahara occidental,
01:47ce qui est une provocation majeure pour l'Algérie.
01:50Donc on est dans une politique parfaitement contradictoire.
01:54Est-ce que demain il y a un comité interministériel sur l'immigration ?
01:59Je ne sais pas s'il y aura des décisions qui seront prises ou qui seront annoncées,
02:04mais je pense qu'il faut sortir de cette impasse.
02:07Il y a aussi le fait que c'est normalement Emmanuel Macron qui pilote la diplomatie française.
02:13On se souvient de ses mots, ce qu'il avait été employé,
02:15notamment ses gestes faits en direction de l'Algérie.
02:18C'est ça qui retient, vous pensez, aujourd'hui, les autorités françaises ?
02:21Oui, mais lui-même avait qualifié le régime algérien de régime politico-militaire,
02:29de système politico-militaire.
02:31Donc il est bien conscient de la situation.
02:33Il avait parlé de la rente mémorielle, de l'instrumentalisation de l'histoire.
02:38Donc il est parfaitement au courant de la situation.
02:42Le comité interministériel sera présidé par le Premier ministre,
02:46et pas par le Président de la République.
02:48C'est un comité, pas un conseil.
02:50Donc il y aura le ministre de l'Intérieur, le ministre des Affaires étrangères,
02:54le ministre de la Défense.
02:55J'entendais, sur votre antenne, dimanche matin,
02:58M. Barraud qui a dit des choses sympathiques, mais enfin...
03:03Il dit en substance, taper, riposter aux agressions d'Algiers, ce serait pire que mieux.
03:08Il faut parler.
03:09Mais je pense qu'il ne connaît pas les Algériens.
03:12Il se trouve que j'y ai passé presque 8 ans de ma vie en tant qu'ambassadeur.
03:16Je sais comment ils sont.
03:17Je vais vous demander de nous parler de l'Algérie,
03:19parce que vous dites quelque chose d'intéressant.
03:21Vous dites que si le pouvoir algérien tape aussi fort aujourd'hui sur la France,
03:23c'est qu'en fait il est plutôt fragile.
03:25Mais avant ça, je voudrais juste savoir,
03:26qu'est-ce qui, d'après vous, fait si peur à Jean-Noël Barraud, par exemple,
03:30aux diplomates français, quand il s'agit de l'Algérie ?
03:33Pourquoi autant de retenue ?
03:34On a peur de l'Algérie.
03:35Je ne sais pas quelle est la raison.
03:37On fait de l'autocensure en permanence vis-à-vis de l'Algérie.
03:41On a peur à la fois du système algérien,
03:43on a peur sans doute des Algériens en France,
03:46mais on surestime, à mon avis, cette donnée.
03:48On est paralysés, tétanisés, quand il s'agit de l'Algérie.
03:53Parce qu'il y a les souvenirs de la colonisation, de la guerre.
03:57Alors ça justifie beaucoup de choses, on ne fait rien.
04:00Et alors l'Algérie, comment va-t-elle en ce moment ?
04:03Est-elle en position de force, pensez-vous, aujourd'hui ?
04:06Xavier Driancourt, pour imposer sa loi à la France ?
04:10Nous croyons qu'elle est en position de force,
04:12mais en réalité, vous l'avez dit, elle est très fragile.
04:15Elle est fragile sur le plan diplomatique,
04:17parce qu'elle est complètement isolée.
04:19Elle est isolée, elle est brouillée avec le Maroc,
04:22brouillée avec la France.
04:23Elle n'est pas si bien que ça avec l'Espagne,
04:25elle n'est pas si bien que ça avec la Russie,
04:27qui a lâché Bachar el-Assad, il faut le rappeler.
04:30Elle est brouillée avec le Mali.
04:33Donc sur le plan diplomatique,
04:35les choses ne sont pas formidables pour l'Algérie.
04:37Et puis sur le plan intérieur,
04:39il y a une répression terrible,
04:41ce qui montre que ce régime a peur.
04:43C'est le sixième anniversaire du Hirak, aujourd'hui.
04:47Vos confrères journalistes sont arrêtés,
04:50les dessinateurs comme Gilles Ainouche
04:54sont condamnés à 20 ans de prison pour avoir fait un dessin.
04:58Les intellectuels comme Boalem Sansal,
05:01comme l'écrivain Mohamed Tadjaïd sont emprisonnés.
05:04Il y a un mouvement viral, comme on dit sur les réseaux sociaux,
05:08qui s'appelle Je suis mécontent.
05:11Je suis mécontent du pouvoir algérien.
05:14Et on arrête les gens qui sont à l'origine de ce mouvement.
05:17Donc le système est très fragile.
05:19Et du coup, il est conduit à faire de la surenchère
05:23et à faire une fuite en avant vis-à-vis de la France.
05:26Alors, quels leviers la France pourrait-elle activer,
05:29pensez-vous, Xavier Driancourt,
05:31pour montrer une forme de fermeté à l'Algérie ?
05:35Vous dites qu'il y a de plusieurs ordres,
05:39il y a plusieurs choses que l'on pourrait faire.
05:41Oui, je pense qu'on pourrait bloquer Air Algérie,
05:46qui refuse de prendre tous les gens à l'embarquement à Orly,
05:50qui refuse de prendre les gens pour l'Algérie
05:53avec un laissé-passé consulaire et même une pièce d'identité.
05:57Je crois que c'est David Lissnard ou Bruno Retailleau
05:59qui a mentionné cette piste.
06:01Je crois qu'il faudrait prendre ça comme exemple.
06:03On peut fermer un certain nombre de consulats algériens,
06:06commencés par le consulat de Strasbourg.
06:08Les consulats, ça doit délivrer des laissés-passés consulaires
06:12et ça doit collaborer avec le gouvernement français.
06:15Il y a un accord de 1994 entre le gouvernement français
06:19et les consuls algériens qui prévoit cela.
06:22Donc on peut fermer un certain nombre de consulats.
06:25On peut cibler un certain nombre de personnes qui résident en France.
06:29Et l'accord franco-algérien de 1968 sur l'immigration algérienne.
06:33Ce texte est assez mal connu des Français.
06:36Maintenant, il finit par être connu.
06:38Rappelez-nous en deux mots, que dit ce texte
06:41et est-ce qu'il serait possible de le suspendre,
06:43comme le dit par exemple Bruno Retailleau ou Gabriel Attal ?
06:46Oui, mais ça c'est une mesure de long terme
06:48qui peut être décidée par le président de la République.
06:52Donc il faut que le président soit d'accord.
06:54Parce que c'est un accord intergouvernemental.
06:57C'est un traité.
06:59Donc ça c'est une mesure de long terme.
07:01C'est un traité, je rappelle, qui prévoyait,
07:03qui visait à encourager l'installation des Algériens en France.
07:07Puisque ce n'est pas un accord sur les visas.
07:09Les visas n'existaient pas à l'époque.
07:11On facilite l'installation des Algériens.
07:13C'est un accord qui facilite l'installation des Algériens en France
07:16et qui donne un certain nombre d'avantages à ces derniers
07:18par rapport à d'autres nationalités.
07:20Et on pourrait le rayer d'un traitement.
07:23Je constate qu'il y a beaucoup d'hommes politiques
07:25aujourd'hui jusqu'à Gabriel Attal
07:27qui demandent cela.
07:29Un mot de Boalem Sansal
07:31pour terminer Xavier de Riancourt.
07:33Les pouvoirs algériens lui ont refusé
07:35la visite de son avocat français
07:37François Zimré parce qu'il est juif.
07:39Parce qu'il est juif.
07:40Ça a été dit explicitement à Boalem Sansal.
07:42Et François Zimré, que j'ai eu au téléphone hier, avant-hier,
07:46me l'a confirmé.
07:47Qu'il y a eu des démarches faites directement auprès de lui,
07:50François Zimré, par le pouvoir algérien
07:53pour lui dire qu'il faudrait que vous ayez
07:55d'autres avocats avec vous
07:57qui pourraient aller à Alger.
07:59Parce que vous, vous ne pouvez pas y aller.
08:02Donc c'est une attitude absolument
08:04honteuse, scandaleuse.
08:05Et je note que M. Barraud n'en a pas parlé,
08:07n'a pas dénoncé cela.
08:09Merci beaucoup Xavier de Riancourt.
08:11On vous lira dans votre livre
08:12L'énigme algérienne, chronique d'une ambassade à Alger
08:14et puis dans Le Figaro régulièrement.
08:16Dans la presse en général,
08:18vous publiez des tribunes à propos d'Algérie.
08:20Merci d'être venu nous voir ce matin sur Europe.
08:22Bonne journée.

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