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L’abécédaire d’Alain Cotta : E comme Euro(pe) [Alain Cotta]
Xerfi Canal
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28/06/2024
Xerfi Canal a reçu Alain Cotta, professeur émérite à l’Université Paris-Dauphine, pour parler de la lettre E comme Euro(pe).
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Catégorie
🗞
News
Transcription
Afficher la transcription complète de la vidéo
00:00
Bonjour Alain Cotat.
00:10
Bonjour très cher.
00:12
L'abécédaire d'Alain Cotat, comment ne pas à la lettre E, parler euro,
00:18
et compléter par PE, Europe.
00:21
Alain Cotat, vous avez été très fermement opposé à l'euro,
00:25
vous militiez pour une monnaie commune et non pas une monnaie unique,
00:29
l'Europe, l'Europe, l'Europe, l'Europe qui a tant de mal à exister.
00:34
L'Europe est une création quand même,
00:39
on dit que c'est celle de Jean Monnet,
00:44
mais il faut connaître un peu la vie de Jean Monnet,
00:48
ses débuts chinois et autres,
00:51
pour se demander dans quelle mesure Jean Monnet était vraiment totalement indépendant,
00:57
quand il nous a proposé sa vision de l'Europe.
01:02
Une vision de l'Europe qui déjà était américaine,
01:05
puisque Jean Monnet était à l'évidence un agent américain,
01:09
pour ceux qui connaissent un peu les dessous de l'évolution mondiale.
01:16
Il ne faut pas oublier qu'à l'heure que les Américains ne voulaient plus,
01:22
lorsqu'ils ont débarqué en France, qu'il y ait des préfets français, n'est-ce pas ?
01:27
Ils voulaient une administration qui n'est plus américaine.
01:32
Je vais y revenir.
01:36
Donc ce Jean Monnet nous proposait une Europe,
01:41
alliance qui pour lui était plus politique qu'économique,
01:47
mais que les Européens du moment, l'Europe des six,
01:51
ont saisi dans le domaine économique, tout simplement parce que
01:55
il y avait quand même quelques nécessités évidentes à organiser l'avenir du plan Marshall,
02:02
à essayer de provoquer une réunification, ou plutôt, pardon,
02:10
une industrialisation nouvelle de l'Allemagne,
02:13
qui fut tolérable, etc.
02:19
Cette Europe des six, on n'en a pas entendu parler au fond.
02:24
Tout le monde s'est accordé assez bien à ce qu'elle fut limitée aux six et purement économique,
02:30
c'est-à-dire qu'elle reposait uniquement sur des organisations de production et de distribution
02:39
de biens matériels qui étaient absolument nécessaires à ce qu'on appelait la grande croissance.
02:44
Nous avons cru quand même à 6% par an pendant près de 30 ans.
02:50
Personne ne parlait vraiment plus à l'époque d'Europe politique.
02:55
L'Europe était économique.
02:58
Elle devient indiscutablement politique,
03:03
moins par la fameuse rencontre de De Gaulle et de Denauer
03:08
que par la rencontre qui est le vrai moment que j'ai suivi de peu plus près,
03:17
qui est le vrai moment important de l'évolution de l'Europe,
03:20
c'est la rencontre de Giscard d'Estaing et du chancelier allemand,
03:27
qui se sont entendus sur l'euro.
03:31
Pourquoi ?
03:32
Parce qu'ils ont estimé qu'il n'y avait pas d'Europe politique possible
03:37
sans une union économique qui ne fut pas uniquement celle de l'échange des biens matériels
03:42
et que l'Europe politique ne pouvait exister que dans l'unification monétaire.
03:50
D'où l'euro.
03:52
Autrement dit, du point de vue économique,
03:56
il n'y a plus du tout d'Europe.
03:59
D'ailleurs c'est la seule chose qui préoccupe les administrateurs de l'Europe.
04:06
Il n'y a plus que concurrence, concurrence entre États.
04:09
Concurrence entre États, pas de limite à la concurrence.
04:12
Qui dit concurrence dit à vrai dire Allemagne et France, comme par hasard.
04:17
Puisque les autres États sont secondaires, que l'Angleterre, pas folle du tout,
04:21
et soucieuse de son indépendance, a très justement pris le large.
04:26
Donc, du point de vue économique, c'est une hérésie actuelle
04:31
que d'insister sur le politique, je vais y venir,
04:34
en délaissant complètement tout l'aspect économique de la réunion des pays européens,
04:42
qui se fait à l'heure actuelle au détriment de la France.
04:45
Alors, cet total abandon de tout pouvoir dans le domaine politique,
04:54
est-ce qu'il est compensé, si j'ose dire, par l'avancée politique ?
04:58
Alors là, ça devient plus énorme.
05:05
C'est ce que j'appelle se foutre du monde.
05:08
Parce que, qu'on le veuille ou non,
05:12
considérons l'Europe.
05:14
L'Allemagne, c'est plus un État indépendant.
05:17
L'Allemagne n'a plus de pouvoir militaire, heureusement, peut-être disent certains.
05:23
Mais l'Allemagne, qu'on le veuille ou non,
05:28
certains de ses représentants ne sont d'ailleurs que des administrateurs américains.
05:35
L'Allemagne est devenue un État américain.
05:38
L'Allemagne ne peut plus bouger réellement,
05:41
sinon dans le domaine économique, et encore dans la mesure où il ne gêne pas l'Amérique,
05:46
puisque l'Amérique vient de prendre des mesures, comme vous le savez,
05:50
de type anti-libéral,
05:54
pour justement se prémunir contre toute attaque de la Chine, sûrement, et beaucoup,
06:00
mais aussi éventuellement de l'Allemagne.
06:02
L'Allemagne est devenue, après-guerre, un État indiscutablement américain.
06:10
Un 52ème État américain, ce serait parfait.
06:15
Dire que nous voulons nous allier à l'Allemagne,
06:17
c'est non pas simplement faire de l'antigonisme,
06:20
c'est-à-dire taper du pied en parlant de l'indépendance de la France,
06:26
c'est tout simplement, lentement mais sûrement, devenir, nous aussi, un État quasi-américain.
06:33
D'ailleurs, si vous suivez, dans le détail,
06:37
l'évolution de la politique économique et politique française à l'heure actuelle,
06:42
vous constatez ce qu'on appelle l'américanisation de la France.
06:48
Au pavois, un tout petit nombre de grandes entreprises,
06:52
toutes puissantes, qui sont à l'heure actuelle,
06:54
accaparées aussi les médias.
06:57
Une préférence accordée à toutes nouvelles entreprises,
07:02
startups, et notamment à celles qui deviennent licornes.
07:08
Équipées, comme en Amérique,
07:12
les travaux pénibles, y compris industriels, par de la main-d'œuvre importée d'Afrique,
07:17
ou d'ailleurs, parce qu'on en importe à l'heure actuelle de partout,
07:21
et une espèce de classe moyenne,
07:25
il n'y avait plus de haute ou de basse et de moyenne à l'heure actuelle,
07:29
lentement, mais sûrement, la basse est devenue pour partie pauvre,
07:35
et une pauvreté qui indiscutablement s'accroît pour 20% de la population,
07:43
comme en Amérique.
07:44
Donc l'américanisation de la France, en effet,
07:46
il ne nous reste plus qu'à faire comme les Anglais,
07:50
adopter pour la prochaine fois un président camerounais,
07:55
ou un président, je ne sais pas moi, indochinois,
07:59
qui ait fait ses études, les Indochinois font beaucoup d'études en Amérique,
08:03
mais un président indochinois qui ait fait ses études en Amérique,
08:06
comme nouveau président de la République française,
08:08
et nous serons enfin un Xème État américain.
08:13
Je veux...
08:16
On peut penser que mes propos sont forcés,
08:19
mais je ne pense pas.
08:23
Donc l'Europe, qu'est-ce que c'est ?
08:25
L'Europe, c'est rien du point de vue politique,
08:28
ça ne sera jamais rien qu'un moyen pour les Américains,
08:31
par l'intermédiaire de deux États devenus Américains,
08:34
Allemagne et France,
08:36
de gouverner le reste de ces petits pays européens,
08:39
qui sont d'ailleurs partagés,
08:42
qui ne demandent d'ailleurs qu'à devenir régionaux,
08:46
de telle façon que pour l'Amérique, l'Europe, c'est terminé.
08:50
Malheureusement, j'ai peur
08:52
que l'Europe se soit aussi terminée,
08:54
en dehors même du commerce mondial,
08:57
du point de vue politique,
08:59
pour le reste du monde.
09:00
Et c'est bien ce qui est en train aussi de se passer en Ukraine,
09:02
c'est que...
09:03
On va voir.
09:04
Mais en Ukraine,
09:07
ce n'est pas l'Europe qui est derrière les Ukrainiens,
09:09
c'est les Américains qui sont derrière l'Europe,
09:12
qui est derrière les Ukrainiens.
09:14
Donc cette Europe,
09:16
c'est l'américanisation
09:19
des deux grands pays européens,
09:23
avec une Angleterre très astucieuse.
09:26
Parce que l'Angleterre, elle s'américanisera à son profit
09:29
en restant en Angleterre.
09:31
Et le jour venu,
09:33
si elle a saisi toutes les occasions, le profit,
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de son alliance avec l'Amérique,
09:41
elle continuera à être un grand centre financier mondial,
09:46
ce qu'elle désire être,
09:49
sinon devenir, puisqu'elle l'a déjà été.
09:52
De E comme Europe à A comme Amérique.
09:54
Merci Alakota.
09:56
Voilà.
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