Xerfi Canal a reçu Martine Story, Directrice Générale et co-fondatrice d’Althéo et Dr DBA Business Science Institute, pour parler de la préservation des compétences dans l'acquisition d'entreprise.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Bonjour Martin Story.
00:09 Bonjour Philippe Denis.
00:10 Martin Story, vous êtes directrice générale d'Alteo,
00:13 vous êtes docteur d'IBA, Business Administration du Business Science Institute.
00:18 Vous venez de publier avec Olivier Meyer, professeur à l'Université Paris-Est,
00:23 "Croissance externe des entreprises et stratégies d'intégration gagnantes".
00:27 Alors, la croissance externe c'est problématique, c'est une énigme,
00:31 souvent on détruit de la valeur plutôt que d'en créer,
00:33 même si l'objectif évidemment de départ est d'en créer.
00:35 Vous, vous prenez 10 cas d'entreprises dans l'ouvrage et vous en tirez des leçons.
00:42 Chaque étape, c'est la grande force de l'ouvrage, c'est de partir des cas
00:45 et d'appliquer des grilles théoriques à ces cas et c'est vraiment passionnant.
00:49 On va prendre un cas ensemble, le cas numéro 5, Forbes Wild.
00:53 Pourquoi vous avez choisi ce cas ? Qu'est-ce qu'on en retient ?
00:56 Alors, je trouve ce cas particulièrement intéressant.
00:58 Donc, quel est le contexte ? Il s'agit de deux entreprises,
01:01 de belles PME, de taille sensiblement comparable.
01:04 D'un côté, on a un acheteur qui est spécialisé dans l'aménagement d'espaces de travail.
01:09 C'est une entreprise qui est pilotée par un dirigeant ambitieux,
01:13 qui se développe à la fois par croissance organique et par croissance externe,
01:16 qui a une forte culture, une culture du résultat,
01:19 une culture du service, de la qualité des prestations,
01:22 du respect des délais et des budgets.
01:24 Et puis, de l'autre côté, on a une autre société qui est un gros cabinet d'architectes,
01:30 qui est pilotée par deux dirigeants qui approchent de l'âge de la retraite
01:35 et qui cherchent à pérenniser leur entreprise,
01:38 sachant qu'ils n'ont pas en interne de solutions
01:41 pour transmettre à l'un de leurs enfants ou à l'un de leurs collaborateurs
01:44 et donc qui envisagent une solution extérieure à l'entreprise.
01:50 Sachant qu'on est dans une configuration particulière parce qu'un architecte,
01:54 c'est une culture très particulière finalement.
01:57 Une culture métier, oui.
01:58 Une culture métier très particulière,
02:01 assez loin des contingences financières et matérielles,
02:05 et une culture où un architecte, il façonne l'architecture urbaine,
02:12 notre patrimoine urbain et artistique.
02:16 Et ces dirigeants se rencontrent.
02:19 L'acheteur se dit « mais effectivement, il y a un sujet extrêmement intéressant pour moi ici,
02:23 de capter une compétence, une expertise que je n'ai pas en interne
02:28 dans le cadre d'une opération de croissance externe concentrique
02:32 pour aller diversifier son offre de produits et de services. »
02:36 Et donc il fait ce constat en disant « il y a un véritable intérêt stratégique ».
02:40 Il fait un deuxième constat,
02:41 c'est qu'il y a un vrai gap culturel entre les deux entités.
02:45 Et il se dit « d'une part, j'ai besoin des sédans pour sécuriser cette opération,
02:52 et les sédans vont jouer un rôle important. »
02:54 Et il se dit aussi « si l'intégration ne se passe pas bien,
02:59 si les équipes… »
03:00 Ce sera lose-lose.
03:01 « Oui, ça sera juste la catastrophe parce que j'aurai acheté une coquille vide
03:05 dans lequel les équipes seront parties,
03:07 et ce savoir-faire que je n'ai pas en interne,
03:09 je ne peux pas me permettre qu'ils quittent l'entreprise. »
03:13 Et donc, soucieux de cela, effectivement, il y a une étape préparatoire
03:18 qui est réalisée avec les sédans très importante.
03:20 L'annonce est faite.
03:22 Bien sûr, il y a eu des réactions d'inquiétude de la part des collaborateurs.
03:26 Et donc là, les dirigeants vont jouer leur partition.
03:29 Ils vont jouer un rôle de réassurance très forte,
03:32 à la fois en interne pour sécuriser les collaborateurs,
03:35 mais aussi à l'extérieur pour sécuriser les parties prenantes,
03:38 et en particulier les clients.
03:40 Le seul changement dans un premier temps qui est réalisé par le dirigeant,
03:45 c'est de mettre à la tête de cette entreprise
03:47 l'un de ses plus proches collaborateurs, la direction générale.
03:51 Et c'est tout ce qui va toucher pendant des mois et des mois.
03:53 C'est-à-dire que l'entreprise reste dans ses locaux,
03:56 le nom reste inchangé, les process sont inchangés.
04:00 Le temps de gagner la confiance des collaborateurs,
04:04 et donc cette période-là va durer un certain temps,
04:06 un temps assez long, et ce n'est qu'après plusieurs mois
04:10 que petit à petit, les changements vont être instillés,
04:13 qu'un système d'information commun va être déployé,
04:17 que des process communs vont être mis en place,
04:19 que des ressources transversales vont être transférées au siège.
04:26 Mais tout cela dans une démarche très respectueuse de l'humain,
04:31 dans l'esprit et dans le but de ne pas brutaliser l'existant,
04:35 et de faire une transition en douceur,
04:37 pour s'assurer que les collaborateurs vont participer ensemble
04:44 à ce nouvel ensemble, à cette nouvelle aventure,
04:47 embarquer tout le monde dans ce nouveau projet.
04:49 C'est ce qui s'est passé.
04:51 Et donc petit à petit, les équipes apprennent à travailler ensemble,
04:54 répondre ensemble à nos nouveaux projets.
04:56 Et donc là, si on dézoome, on s'aperçoit qu'on est véritablement
04:59 sur une opération de nature concentrique,
05:03 pour capter une compétence nouvelle,
05:05 et qui s'inscrit dans une stratégie d'intégration, de préservation,
05:09 pour laisser à la cible le maximum d'autonomie sur un temps long.
05:13 Extrêmement intéressant.
05:15 On voit le degré d'intelligence, de recul, de maturité aussi,
05:18 que suppose une stratégie d'intégration et d'acquisition.
05:21 Complètement.
05:22 Merci Martine Story.
05:24 [Musique]
05:29 ♪ ♪ ♪