Chroniqueur : Thomas Sotto
Ce matin, Thomas Sotto reçoit François Bayrou, président du MODEM et haut-commissaire au Plan, dans les 4 vérités.
Ce matin, Thomas Sotto reçoit François Bayrou, président du MODEM et haut-commissaire au Plan, dans les 4 vérités.
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00:02 Bonjour et bienvenue dans les 4V, François Bayrou, au lendemain d'une dixième journée de mobilisation
00:06 contre la réforme des retraites. On connaît déjà la date de la prochaine, ce sera dans huit jours, le jeudi 6 avril,
00:10 et on se demande toujours comment on va en sortir. Alors hier matin, Laurent Berger a demandé la nomination d'un ou plusieurs médiateurs.
00:16 Hier midi, le président et le gouvernement ont répondu non, il n'en est pas question.
00:20 Est-ce qu'Emmanuel Macron et Elisabeth Borne se trompent en rejetant cette idée de médiation ?
00:24 Ça dépend ce que médiation veut dire.
00:28 Si l'idée était ou devait être de retirer le texte pour
00:33 entrer dans une médiation, ça, ça n'est pas possible. Le texte est devant le Conseil constitutionnel.
00:37 Et c'est dans les 15 jours qui viennent, ou 20 jours qui viennent, que le Conseil constitutionnel va dire si le texte est constitutionnel ou pas.
00:46 Il me semble qu'il l'est, mais on va attendre la décision.
00:49 Est-ce qu'il vous arrive de souhaiter qu'il ne le soit pas pour sortir de cette crise ?
00:52 Non.
00:53 Je pense que tous les exemples que nous avons connus dans l'histoire récente,
00:57 dans les 20 dernières années
01:01 de
01:03 pouvoirs exécutifs qui ont retiré le texte ou ne les ont pas appliqués, ces exemples n'ont jamais été
01:08 favorables par la suite.
01:10 Donc vous dites qu'il ne faut pas reculer ?
01:12 Non, je dis, toute main tendue est bonne à prendre.
01:16 Toute main tendue doit être considérée et on doit
01:22 tous ensemble, c'est ce qu'ont fait d'ailleurs les députés de notre groupe hier matin,
01:26 on doit tous ensemble dire qu'on est prêts à discuter, à examiner
01:31 le très grand nombre de points qui restent à examiner.
01:34 Vous savez que le sujet qui fâche, c'est est-ce qu'on parle oui ou non des 64 ans ?
01:38 Elisabeth Borne a dit "je vais voir l'intersyndicale la semaine prochaine",
01:40 mais elle ne veut pas parler de ce sujet là. Est-ce que ça c'est une erreur ?
01:44 Le 64 ans est dans le texte.
01:46 Je vous rappelle en même temps que le gouvernement a dit
01:49 personne ne travaillera plus de, devra travailler plus de 43 ans pour avoir l'intégralité de ses droits à la retraite.
01:56 Et donc vous voyez que les positions ne sont pas tellement éloignées en vérité.
02:01 Alors il y a...
02:05 Mais est-ce qu'il y a un problème de méthode François Bayrou ?
02:07 Peut-être, mais il y a un point qui est absolument certain,
02:11 dont on n'a pas mesuré la gravité ou dont on n'a pas su, le gouvernement n'a pas su,
02:19 aucun des intervenants n'a su mesurer la gravité, la situation dans laquelle nous sommes est
02:25 insupportable, immorale,
02:27 scandaleuse. C'est quoi cette situation ? On paie les pensions avec de la dette.
02:33 Tous les ans, une partie très importante
02:36 des pensions de retraite,
02:38 peut-être 20 % des pensions de retraite, 25 %, on peut regarder les chiffres de près,
02:44 ces pensions sont payées
02:47 par l'État qui emprunte
02:50 sur les marchés internationaux.
02:53 Ça fait des déchimies, c'était un des axes de votre campagne en 2007.
02:55 Eh bien vous voyez que j'avais raison.
02:57 Alors c'est pas agréable d'avoir eu raison et de pas avoir pu faire entendre raison, mais cette
03:03 situation-là,
03:06 il ne devrait pas y avoir un responsable,
03:08 ni politique, ni syndical, qui s'en accommode, qui l'accepte. Et je sais que
03:15 dans leur fort intérieur et même dans les discussions
03:18 intimes et privées qu'ils peuvent avoir,
03:21 beaucoup de dirigeants syndicaux disent que, en effet, ça n'est pas acceptable.
03:25 Sauf que vous avez raison, quand on regarde la situation à long terme et dans son ensemble.
03:29 C'est pas mal d'avoir raison.
03:31 Dans la situation de crise du moment, comment on en sort ? Est-ce que vous êtes favorable à un référendum ?
03:35 Non, je pense que c'était une méthode, le référendum. Vous savez que je l'ai défendu, puisque vous avez
03:41 rappelé mes campagnes présidentielles.
03:44 J'ai défendu
03:46 longtemps l'idée qu'on fasse le meilleur texte possible et qu'on le soumette à référendum.
03:51 Et je pense que c'était une méthode.
03:53 Mais aujourd'hui, tout cela a été engagé, acté,
03:57 et venu dans l'Assemblée nationale dans les conditions que vous savez, devant le Sénat dans les conditions que vous savez,
04:03 avec des manifestations très nombreuses.
04:05 On ne peut pas changer de ligne à ce point.
04:09 Je crois qu'on peut discuter et qu'il y a matière à discuter.
04:13 Évidemment, ça reste un dialogue de sourds.
04:15 Et si vous écoutez attentivement, au fond, ce que Laurent Berger a dit,
04:20 ce qu'il a dit, c'est qu'il y avait matière à discuter.
04:23 Peut-être une phrase sur les manifestations.
04:27 Rarement, on a eu des manifestations aussi nombreuses et responsables en même temps.
04:34 Et aussi peu écoutées.
04:36 Oui, aussi peu écoutées.
04:38 Je ne crois pas. Je pense que tout le monde mesure que lorsqu'il y a un sentiment d'incompréhension,
04:45 il faut qu'il puisse s'exprimer dans la rue.
04:48 C'est ça une démocratie.
04:50 Pour le reste, sur le fond, toute décision ou toute orientation qui reviendrait à remettre en cause la nécessité,
04:59 je ne dis même pas politique, la nécessité morale élémentaire de rééquilibrer notre système de retraite,
05:07 cette nécessité, elle doit être respectée par tous les responsables.
05:13 Et c'est le travail de l'exécutif aussi de le faire.
05:17 À l'époque du retrait du CPE, en avril 2006, voici ce que vous, vous disiez au Figaro.
05:21 "Nous sommes dans une république désordonnée, on ne sait plus qui fait quoi,
05:24 il faut enlever l'écharpe qui est dans l'abcès."
05:27 Est-ce que ces mots ne sont pas parfaitement transposables à la réforme actuelle de 2023 ?
05:31 Je ne crois pas. Je pense qu'aujourd'hui, on sait qui fait quoi.
05:34 Je pense qu'en 1986, vous vous souvenez, il y avait des désordres qui étaient très considérables.
05:39 Des grosses manifestations aussi.
05:40 Oui, et puis violentes, qui paraissaient échapper au contrôle.
05:46 Mais le CPE, ce n'était pas tout à fait la même chose.
05:51 C'était une adaptation du droit du travail pour les jeunes qui entraient au travail.
05:55 Ce n'était pas la tentative de remettre en équilibre un système de retraite
06:02 qui plombe tous les ans les plus jeunes du pays.
06:06 Ceux qui vont devoir payer, dont personne ne parle.
06:09 Il y a même des gens qui les embauchent pour manifester comme s'ils défendaient.
06:13 Il paraît que le chef de l'État a trouvé stupide l'annonce d'Elisabeth Borne
06:16 selon laquelle elle ne se servirait plus du 49-3, précisant que ça n'engage qu'elle.
06:20 Guillaume Darré nous disait que le climat est délétère au gouvernement.
06:23 Un ministre lui a dit "je ne suis pas sûr que ce gouvernement passe l'été".
06:26 Est-ce qu'il y a un problème Elisabeth Borne, François Bayrou ?
06:29 Non. Le 49-3, je sais qu'on l'a laissé diaboliser,
06:35 que même parfois les déclarations multiples et variées ont paru le diaboliser.
06:40 Le 49-3 qui a été établi par des gens très responsables autour du général de Gaulle
06:46 et juste avant avec des hommes comme Pierre Madas France ou Pierre Pimlin.
06:51 Ce 49-3 c'est une précaution de la Ve République.
06:57 Ça on est d'accord, mais ma question c'est est-ce qu'il y a un problème avec Elisabeth Borne aujourd'hui ?
07:00 Est-ce qu'il faut changer de gouvernement ?
07:02 Non, l'idée qu'on focaliserait sur une personne les difficultés que nous rencontrons
07:08 serait une idée beaucoup trop facile. La politique de bouc émissaire, ce n'est pas du tout ce qu'il faut.
07:13 On a tous des responsabilités. Est-ce que le gouvernement en a ? Oui.
07:18 Est-ce que la majorité en a ? Oui. Est-ce que l'opposition en a ? Oui.
07:23 Puisqu'elle refuse de regarder la situation comme elle est.
07:27 Elle dissimule ou elle accepte que soient dissimulées les réalités que nous allons payer
07:34 et singulièrement que les plus jeunes vont payer. Donc tout le monde a des responsabilités.
07:38 Est-ce qu'on aurait pu trouver une autre méthode ? Oui.
07:41 Il l'a dit lui-même à votre micro. Il a dit lui-même que sans doute on aurait pu faire mieux et autrement.
07:48 Il y a quelques jours, Le Gorafi, qui est pourtant un site satirique, a tweeté ceci s'agissant du chef de l'État.
07:53 "Je vous ai compris, mais je fais ce que je veux."
07:56 S'agissant d'Emmanuel Macron, est-ce que l'obstination peut être raison ? Est-ce qu'il s'en ferme ? Est-ce qu'il s'en ferme ?
08:01 Je ne crois pas. J'ai souvent l'occasion de parler avec lui de la situation.
08:10 Il vous écoute ? Il m'entend au moins.
08:14 Mais écoute-t-il, c'est une autre affaire.
08:17 Quand vous êtes président de la République, il y a une part de solitude dans la responsabilité qui est la vôtre.
08:22 Mais je sais à quel point il est attentif à tous ces signes dont nous parlons et notamment attentif aux mains qui pourraient se tendre.
08:31 On dit qu'il vous agacerait parce qu'il ne serait pas suffisamment attentif justement.
08:35 Qu'il agacerait qui ? Que vos rapports seraient un peu tendus avec lui.
08:38 Ce n'est pas vrai. Les gens adorent écrire des romans.
08:43 S'ils pouvaient faire une intrigue à la West Wing, ils adoreraient ça.
08:50 Qu'est-ce qu'il doit faire pour réconcilier le pays ? C'était sa promesse en 2017 pour le coup.
08:56 "Je veux réconcilier les Français."
08:58 Sa promesse en 2017 et en 2022 était la même.
09:03 On ne va pas affronter les problèmes qui se posent dans notre pays et ne pas pousser la poussière sous le tapis
09:09 comme très souvent les événements ont conduit les dirigeants à le faire.
09:13 Et en même temps, ça ne peut se faire que si on réconcilie et si on met autour de la table.
09:18 Et il faudra bien que se mette autour de la table.
09:21 Alors une table officielle à la fin, une table discrète avant des échanges.
09:27 Il faut bien qu'on sorte de l'affrontement dans lequel on est.
09:30 On ne peut pas vivre dans un pays dans lequel le tissu est déchiré au point que...
09:35 Justement, pourquoi ne pas accepter la proposition de Laurent Berger de mettre tout ça sur pause,
09:39 de se mettre autour d'une table et de se dire "on remet tout sur la table".
09:42 Ça ne veut pas dire qu'on ne réforme plus les retraites mais on reparle de tout.
09:45 Parce qu'à partir du moment où un texte a été adopté par l'Assemblée nationale et par le Sénat,
09:51 dans le cadre des institutions que le Conseil constitutionnel va vérifier,
09:56 il serait, vous voyez bien, une remise en cause profonde.
10:00 Ça voudrait dire qu'à l'avenir, aucun texte difficile ne pourrait être adopté
10:05 sans que même adopté, on le remette en cause.
10:08 Vous voyez bien les signes que ça porterait.
10:12 Ce que vous dites ce matin, François Bayoud, c'est qu'il faut tracer, il faut continuer,
10:16 il ne faut pas reculer sur la réforme, il ne faut pas reculer sur les 64 ans
10:19 et il faudra se parler après, c'est ça ? Il ne faut pas changer le gouvernement.
10:23 Après et pendant, nous sommes dans une période un peu datante, vous dites sur pause.
10:30 La pause qui est produite par l'effet du Conseil constitutionnel peut être mise à profit.
10:37 Je suis d'ailleurs absolument sûr qu'il y a des échanges.
10:43 Heureusement, ce n'est pas des échanges publics, ce sont des échanges personnels, privés
10:49 et il est bon qu'il en soit ainsi.
10:51 Dernière question, François Bayoud. Pendant ce temps, le Conseil d'administration de TotalEnergie
10:54 a décidé d'augmenter de 23% la rémunération de son patron Patrick Pouyanné
10:58 à 7 300 000 euros pour 2022, ça lui fait 1,4 million de plus d'augmentation sur un an
11:03 et la hausse prévue pour 2023 est déjà de 10%.
11:05 Ça vous inspire quoi ? C'est normal, c'est bien, c'est trop, c'est mérité, c'est indécent ?
11:08 C'est une discussion que vous avez sur votre plateau chaque fois qu'on aborde
11:13 la question du salaire des sportifs, qui sont beaucoup plus importants encore pour certains
11:20 que ceux qu'on voit là pour le responsable de cette grande entreprise,
11:25 qu'on aborde le problème des salaires du showbiz.
11:29 Ce sont des auto-entrepreneurs, là il a des salariés en dessous qui ont du mal à faire leur course.
11:35 C'est pas le monde dont je rêverais, c'est pas le monde idéal dans mon esprit
11:43 qui serait un monde beaucoup plus équilibré, mais c'est comme ça que fonctionne
11:48 le monde de l'économie. Vos journalistes économiques qui sont là.
11:54 Et il se trouve qu'en plus cette entreprise-là, c'est une entreprise qui a une très grande partie
12:00 de ses activités à peau et que je sais ce qu'ils apportent au pays.
12:04 Et si c'était pas de Total, ça serait qui ? Ça serait Exxon, ça serait des entreprises étrangères
12:11 qui viendraient en France commercialiser et on se plaindrait que constamment
12:16 la valeur ajoutée du pays, elle part à l'extérieur. Et donc, encore une fois, c'est pas le monde idéal.
12:22 Je suis persuadé qu'on peut aller vers un monde plus équilibré.
12:27 Pour autant, j'ai pas envie de... C'est difficile. Parce que vous voyez bien à quel point
12:32 il serait simple de dire "Mesdames et Messieurs, ceci est inacceptable".
12:36 Moi, drapé dans la vertu, je dis que ces entreprises-là, ces grandes entreprises,
12:45 on en a quelques-unes heureusement en France, elles font partie du patrimoine du pays.
12:49 On aimerait que le monde qui se construit soit un peu plus équilibré que tout ça.
12:55 Merci François Bayrou d'être venu dans les 4V. Merci à vous.